Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 19 décembre 2014, n° 2014/01530

  • Brevetabilité de l'invention ou validité du brevet·
  • Appréciation à la date de priorité·
  • Revendication principale annulée·
  • Exécution par l'homme du métier·
  • Date certaine de l'antériorité·
  • Simples opérations d'exécution·
  • Adaptation d'un moyen connu·
  • Revendications dépendantes·
  • Problème à résoudre connu·
  • État de la technique

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5, 19 déc. 2014, n° 14/01530
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 2014/01530
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 27 novembre 2013, N° 11/06342
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 28 novembre 2013, 2011/06342
  • (en réquisition)
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : FR9804027 ; EP1067849
Titre du brevet : Ceinture de pantalon pour cuisinier
Classification internationale des brevets : A41F
Brevets cités autres que les brevets mis en cause : FR1374231 ; US4856116 ; US2059103 ; US5016291
Référence INPI : B20140199
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 19 DECEMBRE 2014

Pôle 5 – Chambre 2

(n°256, 10 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 14/01530 Décision déférée à la Cour : jugement du 28 novembre 2013 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 1re section – RG n°l 1/06342

APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES S.A.S. INOVA, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé […] Le Montcalm 06000 NICE Immatriculée au rcs de Nice sous le numéro B 488 932 229 S.A.R.L. CLEMENT, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé 61 B, avenue Maréchal Lyautey 06000 NICE Immatriculée au rcs de Nice sous le numéro B 421 616 087 Représentées par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque L 0050 Assistées de Me Estelle R, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE S.A. BRAGARD, prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé […] 88000 EPINAL Représentée par Me Philippe BESSIS, avocat au barreau de PARIS, toque E 804

COMPOSITION DE TA COUR : Après rapport oral, l’affaire a été débattue le 13 novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente Mme Sylvie NEROT, Conseillère Mme Véronique RENARD, Conseillère qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme Carole T

ARRET : Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole T, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,

Vu le jugement contradictoire du 28 novembre 2013 rendu par le tribunal de grande instance de Paris (3e chambre 1re section),

Vu l’appel interjeté le 23 janvier 2014 par ma SAS Inova et la S.A.R.L. Clément,

Vu l’ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 25 septembre 2014,

Vu les dernières conclusions de la SAS Inova et de la S.A.R.L. Clément, appelantes, en date du 21 octobre 2014,

Vu les dernières conclusions de la SA Bragard, intimée et incidemment appelante, en date du 17 octobre 2014,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 30 octobre 2014,

SUR CE, LA COUR, Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

Monsieur Thierry B est l’inventeur du brevet français n° 98 04 027 déposé le 1er avril 1998 et qui a pour titre 'Ceinture de pantalon pour cuisinier'.

Il a fait l’objet d’une extension internationale sous priorité qui a, en particulier donné lieu au brevet européen n° EP 1 067 849.

Le brevet EP 1 067 849 a été délivré le 3 juillet 2002 et il désigne notamment la France et est venu se substituer au brevet français n° 98 04 027.

Le brevet français, fondant la priorité a été concédé en licence par monsieur B le 26 mars 1999 à la société Robur spécialisée dans la création et la distribution de vêtements professionnels pour la grande restauration et l’hôtellerie.

Les 21 juin 2001 et 2 janvier 2004 le brevet français a également été concédé en licence à la société Clément spécialisée dans la distribution et la vente de vêtements professionnels pour la restauration et l’hôtellerie. Ce contrat de licence a été régulièrement inscrit au Registre européen des Brevets.

Le 31 mars 2006 monsieur Thierry B a cédé à la société Inova dont il était le gérant et aujourd’hui le président, la pleine et entière propriété du brevet français n° 98 0427 et celle du brevet européen n° EP 1 067 849 avec effet rétroactif au 1er janvier 2006. Cette cession a été régulièrement inscrite pour le brevet français le 6 avril 2006 et pour le brevet Européen le 1er juin 2010.

Trois avenants au contrat de licence conclu avec la société Robur ont été régularisés par la société Inova et il en a été de même avec la société Clément.

Estimant que l’une de ses concurrentes, la société Bragard immatriculée depuis l’année 1933 offrait à la vente différents modèles de pantalons notamment dénommés Denver, Denvers et Denvery dont la ceinture reproduirait les caractéristiques de son brevet EP 1 067 849, la société Inova, autorisée par ordonnance présidentielle du 22 septembre 2010, a fait procéder le 9 mars 2011 à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Bragard.

Il a été remis spontanément à l’huissier instrumentaire deux exemplaires du pantalon Denvery et deux exemplaires du pantalon Denver.

Un listing des quantités en stock et du nombre de ventes effectuées en 2010 pour ces produits a été communiqué à l’huissier.

C’est dans ces circonstances que par acte d’huissier du 6 avril 2011 la société Inova a fait assigner la société Bragard devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon du brevet EP 1 067 849.

La société Clément, licenciée non exclusive du brevet EP 1 067 849 est intervenue volontairement à l’instance afin d’obtenir réparation de son préjudice.

Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :

- dit que les revendications 1 et 2 du brevet EP 1 067 849 en sa partie française sont nulles pour défaut d’activité inventive,
- en conséquence,
- déclaré la société Inova irrecevable à agir en contrefaçon des revendications annulées,
- déclaré la société Clément irrecevable à agir en concurrence déloyale à l’égard de la société Bragard,
- ordonné la transmission de la décision une fois devenue définitive par la partie la plus diligente à l’INPI pour inscription au registre national des brevets,
- débouté la société Bragard de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— débouté les sociétés Inova et Clément de leur demande de publication judiciaire,

— condamné les sociétés Inova et Clément à verser in solidum à la société Bragard la somme de 8.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l’exécution provisoire de la décision.

En cause d’appel, les sociétés Inova et Clément, appelantes demandent essentiellement dans leurs dernières écritures en date du 21 octobre 2013 de :

- confirmer le jugement en ce qu’il a considéré que les revendications 1 et 2 du brevet EP 1 067 849 étaient nouvelles par rapport à l’état de la technique et a rejeté la demande reconventionnelle pour procédure abusive,
- infirmer le jugement pour le surplus,
- statuer à nouveau,
- dire et juger valables les revendications 1 et 2 du brevet EP 1 067 849 en ce qu’elles font preuve d’activité inventive,
- dire et juger que la société Bragard en fabriquant, offrant à la vente et vendant les produits Denver, Denvers, Denvery Pratic et Apui, qui reproduisent les revendications n° 1 et 2 du brevet EP 1 067 849 a commis des actes de contrefaçon,
- condamner la société Bragard, sous astreinte, à communiquer les documents permettant d’établir la masse contrefaisante,
- ordonner, sous astreinte, des mesures d’interdiction de rappel et de destruction des produits contrefaisants,
- condamner la société Bragard à verser, sauf à parfaire après expertise, * à la société Inova la somme de 789.524 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manque à gagner et celle de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral, * à la société Clément la somme de 2.153.248 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manque à gagner et celle de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral,
- ordonner une mesure de publication judiciaire,
- condamner la société Bragard à payer aux sociétés Inova et Clément la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à charge pour elles de s’en répartir le montant.

La société Bragard, intimée s’oppose aux prétentions des appelantes, et pour l’essentiel, demande dans ses dernières écritures en date du 17 octobre 2014 portant appel incident de :

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de nullité du brevet pour défaut de nullité et de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive,
- le confirmer pour le surplus,

— en conséquence,
- prononcer la nullité du brevet EP 1 06 784 Bl pour sa partie française pour défaut de nouveauté de ses revendications 1 et 2,
- à titre subsidiaire,
- débouter les sociétés Inova et Clément de l’ensemble de leurs demandes,
- très subsidiairement, dire et juger que le préjudice subi par les sociétés Inova et Clément ne saurait être supérieur à la somme maximum de 30.323 euros,
- condamner in solidum les sociétés Inova et Clément à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur la portée du brevet

Le brevet européen n° EP 1 067 849 Bl sous priorité du brevet français en date du 1er avril 1998 a pour titre 'Ceinture de pantalon pour cuisinier'.

Le but de l’invention est de fournir une ceinture de pantalon pour cuisinier qui permette d’assurer un grand confort à son utilisateur malgré la transpiration et les fluctuations de poids qu’il est amené à subir.

Un cuisinier étant soumis à des températures élevées devant les fourneaux.

Ce brevet comporte une revendication principale n°l et trois revendications dépendantes.

La revendication 1 est libellée comme suit : 'Ceinture (10 ou 20) de pantalon pour cuisinier travaillant à proximité de sources de chaleur, comprenant un ou plusieurs matériaux la rendant élastique et capable d’absorber la transpiration de son utilisateur, comprenant en outre un auto-fixant, destiné à ajuster à la taille de la ceinture, constitué d’une partie douce se trouvant sous la face externe d’une extrémité de la ceinture et d’une partie piquante se trouvant sur la face interne de l’autre extrémité de la ceinture, ladite ceinture (20) étant constituée d’une première partie élastique (22) se trouvant incorporée dans une deuxième partie (24) en forme de fourreau et constituée d’un matériau absorbant la transpiration, et dans laquelle la première extrémité de ladite partie élastique (22) est fixée à une portion (26) de ladite deuxième partie (24) en forme de fourreau sur laquelle est fixée la partie douce (28) du dit auto-fixant, la partie piquante (34) du dit auto-fixant étant

fixée sur la face interne d’une sangle (30) solidaire de l’autre extrémité de ladite partie élastique située à l’extérieur de ladite deuxième partie en forme de fourreau.'

La revendication 2 dépendante de la première prévoit : 'Ceinture (20) selon la revendication 1 dans laquelle ladite première partie (22) est en matériau élastomère tel que du caoutchouc'

Sur la validité du brevet

Aux termes de l’article L 613-25 a) du code de la propriété intellectuelle, le brevet est déclaré nul par décision de justice si son objet n’est pas brevetable aux termes des articles L611-10, L 611-11, L 611-13 à L 611- 19.

L’article L 611-10 1° du même code dispose que sont brevetables dans tous les domaines technologiques les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptible d’application industrielle.

Sur la nouveauté

L’article L 611-11 du code de la propriété intellectuelle précise qu’une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique.

Pour porter atteinte à la nouveauté du brevet, l’antériorité doit divulguer les éléments constitutifs de l’invention dans la même forme, le même agencement, la même fonction en vue du même résultat technique.

La société Bragard soutient que les enseignements du brevet EP 1 067 849 ont été divulgués dans le catalogue de la société Clément de 1998 qui mentionne 'sa ceinture élastiquée recouverte d’éponge procure un confort incomparable et sa fermeture par bande auto-fixante permet de régler à souhait sa taille autorisant ainsi sans désagrément d’éventuelles fluctuations de poids’ et par la commercialisation du pantalon Sirocco décrit dans ce catalogue où il y est représenté en page 13 et que de ce fait, les revendications 1 et 2, opposées sont nulles car leurs caractéristiques ont été divulguées.

La divulgation, pour être destructrice de nouveauté doit être antérieure à la date du dépôt de la demande du brevet soit, le 1er avril 1998.

Les sociétés Inova et Clément soutiennent ne pas pouvoir produire la facture de l’imprimeur car plus de dix ans se sont écoulés et elles ne détiennent plus les pièces comptables de leur activité, celles-ci ne devant être en application de l’article L 123-22 du code du commerce détenues que durant un délai maximum de dix ans.

La présente procédure ayant été engagée le 6 avril 2011 passé le délai de conservation des pièces comptables, de dix ans, les sociétés appelantes, comme en atteste l’expert-comptable de la société Clément, ne peuvent pas matériellement produire ce document.

Par ailleurs il appartient à la société Bragard, demanderesse, à la nullité, de prouver la date de la divulgation qu’elle invoque, dès lors que contrairement à ce qu’elle soutient, elle n’établit pas que la société Inova aurait reconnu une divulgation antérieure au dépôt du brevet dont elle est titulaire.

Or, le brevet constituant un titre présumé valable il appartient à la société Bragard de justifier d’une date certaine de divulgation et non d’une simple présomption, résultant selon elle des usages professionnels respectés dans l’industrie du vêtement d’Image et de Fonction concernant l’édition des catalogues et en particulier du sien qui interviendrait à la fin de l’année précédente ou au tout début de l’année concernée.

L’absence de dépôt légal du catalogue à la BNF ne permet pas d’établir une quelconque divulgation du brevet mais au contraire son absence de divulgation.

La facture postérieure d’imprimerie du catalogue 2008 confirme que celui-ci a été édité en juillet 2008 et non à N-l comme la société Bragard prétend qu’il en est l’usage.

Aucune pièce ne permet de dater l’impression et la communication au public du catalogue 1998. Aussi à défaut par la société Bragard d’établir que celui-ci a été imprimé avant le 1er avril 1998, celle-ci n’est pas fondée en sa demande de nullité et c’est à bon droit que le tribunal a rejeté cette demande.

Sur l’activité inventive

Une invention est regardée comme impliquant une activité inventive, pour l’homme du métier, si elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique.

L’homme du métier en l’espèce, se définit comme le couturier fabricant d’habits professionnels et non comme le soutiennent les sociétés appelantes un fabricant de vêtements professionnels de cuisine, le problème posé étant celui de la protection et du confort de professionnels confrontés à des expositions de chaleur, ce qui n’est pas limité au secteur de la cuisine, définition retenue par le tribunal que la société Bragard ne conteste pas.

La société Bragard invoque la combinaison de quatre brevets antérieurs pour dénier aux revendications 1 et 2 du brevet EP 1 067 849 son caractère inventif :

- le brevet n° 1 374 231 déposé le 15 novembre 1963 par la société Mary, relatif à un vêtement de sudation,
- le brevet américain n° US 4 856 116 déposé le 7 juillet 1988 par Lloyd S. S relatif à un bandeau de sudation,
- le brevet américain n°US 2 059 103 déposé le 11 janvier 1935 par messieurs H et F H,
- le brevet n° US 5 016 291 déposé le 26 mars 1990 par monsieur C.

Les sociétés Inova et Clément font valoir pour contester ce défaut d’activité inventive, que ces brevets ont été cités dans le rapport de recherche et soumis à l’examinateur américain et européen qui ont tous deux délivré les brevets nonobstant l’existence de cet état technique.

Elles exposent que ces brevets sont totalement étrangers au domaine de l’invention alors que l’homme du métier cherchait à améliorer les propriétés anti-transpirantes des pantalons pour cuisiniers et plus précisément de la ceinture des pantalons pour cuisiniers afin d’assurer notamment une bonne absorption de la transpiration pendant plusieurs heures et un confort réel pour son utilisateur. Or, aucun progrès n’avait été fait concernant le pantalon du cuisinier.

Elles indiquent que ces documents ne relèvent pas de l’état de la technique pertinent à l’égard du brevet EP 1 067 849 car :

- le brevet Mary qui porte sur un vêtement de sudation qui n’entretient aucun rapport avec les vêtements professionnels de cuisinier, est donc destiné à faire transpirer son utilisateur ce qui est un objectif contraire à celui recherché par l’invention qui est d’absorber une transpiration importante pendant plusieurs heures.

- le brevet S qui porte sur un bandeau de sudation pour sportif est sans rapport avec le domaine des vêtements professionnels pour cuisinier.

Elles en concluent que les enseignements de ces deux brevets ne permettaient pas à l’homme du métier de parvenir à l’invention de façon évidente car le brevet Mary n’enseigne pas les moyens techniques d’absorber une transpiration excessive et l’homme du métier aurait du prévoir que le matériau de l’ourlet qui est dans l’invention Mary imperméable, soit différent du matériau utilisé pour le pantalon. De plus, le brevet Mary ne divulgue pas une seconde partie en forme de fourreau, une fixation de la partie élastique à la deuxième partie en forme de fourreau qui permet à l’utilisateur de rabattre sans difficulté et sans gêne une partie de ceinture excédentaire, puisque dans le brevet Mary, la fixation s’opère entre les deux extrémités de la partie élastique et non pas entre une extrémité de la partie élastique et une partie du fourreau qui est inexistante, et ne divulgue pas une coopération de la partie ceinture avec la partie ourlet qui constitue un agencement particulier.

Elles ajoutent que dans le brevet S les deux parties, élastique et celle comportant un noyau absorbant sont cousues ou jointes l’une à l’autre à leur extrémité de sorte qu’elles sont distinctes et non superposées et que le brevet S n’enseigne pas une première partie élastique incorporée dans une deuxième partie en forme de fourreau et constituée d’un matériau absorbant alors que dans le brevet S, la partie absorbante est au contraire 'inextensible’ et ne peut coulisser dans la gaine absorbante.

Concernant le brevet Hardie écarté par le tribunal elles exposent que ce brevet décrit une 'ceinture pour vêtement’ comprenant une bande de caoutchouc en feuille extrêmement élastique, une gaine comportant une face intérieure en tissu textile tricoté et une face extérieure en tissu non extensible recouvrant l’autre face du caoutchouc en feuille.

La revendication 1 de ce brevet prévoit 'une rangée de points de piqûre extensible’ 'fixant la bande de caoutchouc à l’intérieur de la gaine’ 'la bande de caoutchouc doit être fixée à l’intérieure de la gaine’ 'l’une des rangées de ces points de piqûre fixant la bande de caoutchouc à l’intérieur de la gaine’ 'des points de piqûre continus extensibles dans le sens de la longueur unissant la bande de caoutchouc et la bande de tissus extensible', de sorte que les sociétés Inova et Clément font valoir que la bande de caoutchouc ne peut pas coopérer avec la gaine qui ne constitue pas un fourreau puisque ces deux parties sont cousues entre elles. Elles ajoutent qu’il n’enseigne pas que la partie élastique vient, grâce à un moyen de fermeture, se fixer sur le fourreau.

Le brevet C consiste à créer une hausse de ceinture permettant de maintenir les vêtements en place, de façon à éviter un déplacement par inadvertance de l’habillement pendant qu’il est porté. L’un des buts de l’invention est de fournir un nouveau moyen de retenue pour résister au déplacement de vêtements adjacents pour ne pas déplacer les vêtements les uns par rapport aux autres.

Les revendications de ce brevet portent sur une hausse de ceinture interposée entre les vêtements, dans laquelle les surfaces opposées sont caractérisées en ce qu’elles possèdent une texture de surface irrégulière continue, tuftée ou grattée, recouvrant les deux surfaces en fournissant un moyen de frottement séparable et pouvant s’engager avec les surfaces extérieures opposées de vêtements portés par l’utilisateur.

Les sociétés appelantes font valoir que le moyen de fixation de la ceinture peut être de type crochets ou boucles selon le mode de réalisation préférée mentionnée à la Description.

La société Bragard réplique que la ceinture objet de l’invention n’est ni plus ni moins une ceinture constituée par une gaine absorbante à l’intérieur de laquelle il y a un élastique, cette ceinture se fermant par un scratch et est donc non brevetable.

Elle indique que le brevet d’invention Mary déposé le 15 novembre 1963 relatif à un vêtement pour sudation est caractérisé par un ou plusieurs dispositifs de fermeture, pourvu à ses extrémités d’éléments souples adhérents l’un à l’autre par simple contact, ce qui permet d’ajuster avec précision, les diverses ouvertures de l’article de sudation aux mensurations de l’usager.

Dans l’exemple de la figure 1 de ce brevet le dispositif est constitué d’une ceinture élastique enfilée dans un ourlet (4), l’ourlet dans lequel est fixé la ceinture est ouvert à ses extrémités pour laisser le libre passage à la ceinture hors dudit ourlet. A chacune des extrémités de la bande élastique sont appliqués par couture, collage ou tout autre moyen, les éléments 6 et 7 de fermeture par contact.

Ce brevet enseigne comme relevé par le tribunal un dispositif de fermeture d’un vêtement de sudation comprenant au moins un élément de fermeture permettant d’ajuster le vêtement aux mensurations de l’usager.

Le brevet S déposé le 7 juillet 1988 concerne un bandeau comportant un premier élément pour absorber des quantités de transpiration de la peau d’un utilisateur et d’un

second pour maintenir le premier élément contre le corps de l’utilisateur duquel la transpiration est absorbée.

Ce bandeau comporte une partie élastique extensible dont les extrémités sont fixées aux extrémités opposées du premier élément du bandeau soit la partie absorbante. Dans une même gaine selon la description (33-35) une partie élastique et une partie absorbante sont présentes.

Il s’agit donc bien d’un article vestimentaire comportant un moyen élastique (37) pouvant être adapté à la taille de l’utilisateur se déplaçant dans une gaine.

Le brevet US Hardie qui est déjà selon elle une ceinture élastique, l’homme de l’art dispose de l’enseignement permettant de positionner un moyen d’ouverture comme dans le brevet opposé car il est précisé que la feuille de caoutchouc se situe dans une gaine et qu’elle est légèrement étirée au moment où elle est cousue en position par des fils de tissus extensibles qui passent par les deux faces de la gaine tout comme dans le brevet opposé.

Le brevet C déposé le 26 mars 1990 qui cherche à résoudre un problème d’amélioration de la tenue d’une chemise dans un pantalon divulgue un moyen d’ouverture fermeture qui peut être un auto-fixant comme dans la figure 1 du brevet US 5 016 291.

Ceci étant rappelé il ressort de ces documents que le brevet Mary qui n’a pas pour objectif d’absorber la sueur mais la provoquer divulgue toutefois (Figure 1) la présence d’une ceinture de pantalon comprenant une partie élastique introduite dans un ourlet qui se ferme par deux extrémités pourvues de partie auto-fixante, de sorte la conception de la ceinture est identique à celle de l’invention et l’homme du métier connaît par ce brevet un dispositif de fermeture de la ceinture de pantalon pourvu à ses extrémités d’éléments souples adhérents l’un à l’autre par simple contact, ce qui permet d’adapter le dispositif aux mensurations de l’usager et une partie élastique enfermée dans un ourlet dans lequel est glissée la ceinture.

Le brevet S divulgue un bandeau de transpiration conçu pour absorber la sueur du front ou du poignet de l’utilisateur et donc d’absorber la sueur de l’utilisateur confronté à une forte sudation tout comme dans le brevet de la Société Inova. Ce bandeau de transpiration comprend un premier composant destiné à absorber la sueur 'essentiellement inextensible’ (revendication 1) et un deuxième composant élastique apte à coulisser dans une gaine, séparé, destiné à maintenir le premier composant contre la partie de la peau de l’utilisateur. Ces deux parties sont 'fixées’ à leur extrémité (page 5 1. 42-46 et revendication 1) et ne sont pas superposées. Cependant ce bandeau conçu pour absorber la transpiration divulgue un vêtement comportant une partie élastique insérée dans un fourreau permettant de s’adapter à la taille de l’utilisateur et donc de présenter un caractère 'élastiquement extensible’ mais sans coulisser à l’intérieur de la partie absorbante.

Il enseigne en conséquence un bandeau constitué d’un corps élastique (37) se déplaçant extensiblement dans une gaine (38), comportant une partie absorbante et pouvant s’adapter à la taille de l’utilisateur.

Le résumé de l’invention (25-30) précise que cet article capable est d’absorber efficacement la sueur 'provenant du front, des poignets ou d’autres parties anatomiques'.

Le brevet Hardie s’il enseigne une première partie élastique (bande de caoutchouc hautement élastique) incorporée dans une deuxième partie en forme de fourreau, il ne divulgue pas un fourreau constitué d’un matériau absorbant la transpiration car le tissu jersey de la gaine n’a pas en soi de propriété absorbante puisqu’il peut être comme le soulignent les sociétés appelantes de plusieurs matières soie, laine, matières synthétiques, le jersey n’étant qu’un mode de tissage et qu’il ne suggère pas qu’une première partie élastique soit incorporée dans une deuxième partie en forme de fourreau avec des capacités d’absorption. Cependant il enseigne un moyen de fermeture auto-fixant.

Aussi en regard de ces documents qui relèvent du secteur technique de la fabrication des vêtements, il ressort que le fait de prolonger la partie absorbante tout le long du fourreau ne relève pas d’une activité inventive, pas plus que de combiner à une ceinture comportant des moyens de fermeture auto-fixant, et un moyen d’ajustement à l’utilisateur cette fonction d’absorption.

En effet, la solution d’adapter un pantalon à la taille des différents utilisateurs par une ceinture élastique fermée par auto-fixant, moyen d’attache connu, et de résoudre le problème de la sudation par un matériau absorbant tel que l’éponge, divulgués par ces antériorités permettaient à l’homme du métier d’obtenir le résultat revendiqué en combinant en un dispositif nouveau ces éléments connus par des opérations d’exécution ordinaires sans avoir à vaincre des difficultés relevant d’une activité inventive.

C’est donc à bon droit que le tribunal a annulé la revendication 1 pour défaut d’activité inventive.

La revendication 2 du brevet EP 1 067 849 est libellée comme suit : 'Ceinture (20) selon la revendication 1 dans laquelle la première partie (22) est en matériau élastomère tel que du caoutchouc'

Cette revendication dépend de la revendication 1 dépourvue d’activité inventive est également dépourvue d’activité inventive dès lors que le brevet Hardie divulgue le caoutchouc comme matériau élastique pour la partie élastique d’une ceinture. Il s’ensuit que cette revendication est également nulle.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a annulé les revendications 1 et 2 du brevet EP.

Sur l’action en contrefaçon

Aux termes de l’article L 615-1 du code de propriété intellectuelle, toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu’ils sont définis aux articles L 613-3 à 1 613- 6, constitue une contrefaçon.

Les revendications du brevet sur lesquelles se fondent les appelantes ayant été annulées, celle-ci ne sont pas fondées en leur demande en contrefaçon de ce brevet concernant la société Inova et en concurrence déloyale concernant la société Clément licenciée de ce brevet.

C’est en conséquence à bon droit que le tribunal a rejeté leurs demandes formées de ces chefs.

Sur les autres demandes

L’équité commande d’allouer à la société Bragard la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par les sociétés appelantes.

Les dépens resteront à la charge in solidum des sociétés appelantes qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTTFS

Rejette l’ensemble des demandes des sociétés appelantes,

Rejette l’appel incident de la société intimée,

En conséquence,

Confirme le jugement en toutes ces dispositions,

Y ajoutant, Condamne les sociétés in solidum les sociétés appelantes à payer à la société intimée la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés appelantes aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 19 décembre 2014, n° 2014/01530