Cour d'appel de Paris, 20 juin 2016, n° 14/26186

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 20 juin 2016, n° 14/26186
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/26186
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Melun, 24 novembre 2014, N° 13/03023

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 3

ARRÊT DU 20 JUIN 2016

(n°16/ , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/26186

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de MELUN – RG n° 13/03023

APPELANTE

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES DE DOMMAGES OBLIGATOIRES, pris en la personne de ses représentants légaux

XXX

XXX

Représenté par Me Christian LAMBARD de la SELARL LAMBARD & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0169

Assisté de Me Agathe SOYEZ, avocat plaidant pour SELARL LAMBARD & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0169

INTIMES

Monsieur E X

XXX

XXX

né le XXX à XXX

Représenté par Me Laurence IMBERT de la SCP IMBERT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MELUN

Assisté de Me Mathias FERRE, avocat plaidant pour la SCP IMBERT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MELUN

SA Y, prise en la personne de ses représentants légaux

XXX

XXX

N° SIRET : 350 838 686 00052

Représentée par Me C KLINGLER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1078

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 23 Mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre, entendu en son rapport

Madame C D, Conseillère

Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme A B

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Thierry RALINCOURT, président et par Mme A B, greffier présent lors du prononcé.

****

Le 18 juillet 2011, E X a souscrit auprès de la société Y un contrat d’assurance pour son véhicule terrestre à moteur Seat Ibiza.

Le 18 septembre 2011, il a été verbalisé pour conduite sous l’emprise d’un état alcoolique et a réglé une amende de 90 €.

Le 21 septembre 2011, il a fait augmenter la puissance du moteur de son véhicule par la société BR PERFORMANCE qui a procédé notamment à une reprogrammation du calculateur de gestion du moteur.

Dans la nuit du 12 au 13 décembre 2011, ledit véhicule, conduit par E X, a percuté un arbre, provoquant le décès de son passager Quentin DURAND et de graves blessures à son passager Maxime MATHIEU.

Par jugement du 2 décembre 2013, le tribunal correctionnel de Melun a déclaré E X coupable d’homicide involontaire et de blessures involontaires par conducteur de véhicule terrestre à moteur et, sur l’action civile, ordonné un sursis à statuer sur les exceptions de non garantie opposées par la SA Y, ordonné une expertise médicale, et alloué plusieurs provisions aux victimes.

Saisi par la société Y aux fins de voir établir la non assurance et subsidiairement la nullité du contrat d’assurance automobile souscrit par E X, le tribunal de grande instance de Melun a, par jugement du 25/11/2014 (instance n° 13/03023) :

— reçu le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages en son intervention volontaire,

— déclaré la société Y recevable en son exception de garantie,

— prononcé la nullité du contrat d’assurance souscrit par E X le 18 juillet 2011, pour fausses déclarations intentionnelles par réticence, à effet du 2 octobre 2011,

— condamné E X à payer à la société Y une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté toute demande plus ample ou contraire,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Sur appel interjeté par déclaration du 23/12/2014 et selon dernières conclusions notifiées le 26/08/2015, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (Z) demande à la Cour de :

— retenant que :

> la modification des caractéristiques de l’engin de E X n’a nullement changé l’objet du contrat d’assurance Y,

> Y n’a communiqué aucun questionnaire pré-contractuel,

> E X n’a pas été en mesure d’apprécier la nature des circonstances nouvelles en cours de contrat à déclarer,

> Y ne démontre pas avoir remis à E X les conditions générales d’assurances, dont on déplore, au demeurant, le caractère large et imprécis des obligations déclaratives du souscripteur,

> la jurisprudence considère que la signature des conditions particulières contenant la déclaration du souscripteur ne suffit pas à apporter la preuve de sa mauvaise foi,

— réformer partiellement le jugement entrepris,

— rejeter toutes les demandes de la société Y,

— mettre le Fonds de garantie hors de cause,

— condamner la société Y au paiement d’une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Selon dernières conclusions notifiées le 7/10/2015, E X demande à la Cour de :

— dire et juger que le contrat d’assurance automobile souscrit par lui auprès de Y pour son véhicule SEAT était en cours de validité lors de l’accident de la circulation du 13 décembre 2011.

— en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de non assurance présentée par la société Y ,

— infirmer ledit jugement en ce qu’il a accueilli la demande de Y tendant à voir prononcer la nullité du contrat d’assurance en ce que :

> à titre liminaire, la société Y est irrecevable en ses demandes,

> à titre principal la société Y est mal fondée en toutes ses demandes,

— dès lors, rejeter toutes les demandes de la société Y,

— condamner la société Y au paiement d’une indemnité de 3.000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Selon dernières conclusions notifiées le 25/06/2015, la société Y demande à la Cour de :

— à titre principal :

> confirmer le jugement entrepris et dire mal fondés les appels principal du Z et incident de E X,

> dire que le contrat d’assurances de E X souscrit auprès de Y, concernant son véhicule SEAT, est nul à effet du 2 octobre 2011 (date du contrôle en état d’imprégnation alcoolique +15 jours) ou du 6 octobre 2011 (date de transformation du moteur + 15 jours) pour fausse déclaration intentionnelle par réticence portant sur la transformation du véhicule et/ou le contrôle du conducteur en état d’imprégnation alcoolique,

> condamner E X à rembourser à Y les sommes que celle-ci a payées, et celles qu’elle sera amenée à payer à quelque titre que ce soit, pour le compte de qui il appartiendra,

— subsidiairement, à défaut de confirmation du jugement entrepris, sur appel incident,

> dire que depuis le 21 septembre 2011 et notamment au moment de l’accident du 13 décembre 2011 le véhicule SEAT de E X n’était pas assuré auprès de la Compagnie Y, s’agissant d’un véhicule différent de celui désigné aux conditions particulières du contrat,

> dire par conséquent que depuis cette date il y a non-assurance pour le véhicule SEAT propriété de Monsieur X, ou qu’en tout cas aucune garantie n’est due par Y,

— dans tous les cas :

> rejeter toutes les prétentions contraires et notamment celles du Z et de E X,

> condamner E X à payer à Y une indemnité de 5.000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

OOO

1 – sur l’exception de nullité du contrat d’assurance soulevée par la société Y

1.1 – sur la recevabilité de l’exception

Le Z et E X font valoir :

— que l’exception de non assurance soulevée par Y serait irrecevable pour non-respect de l’article R.421-5 du Code des Assurances aux motifs :

> que les pièces justificatives de l’exception de non assurance ou de nullité du contrat n’auraient pas été jointes à la notification adressée aux victimes,

> que la référence du contrat n’aurait pas été mentionnée sur cette notification,

> que, dans le cadre de la procédure d’offre d’indemnisation, Y aurait nécessairement avisé les victimes de ce qu’elle invoquait une non-garantie ou une exception de nullité du contrat, de sorte qu’elle aurait avisé les victimes avant le Z et aurait ainsi violé l’exigence de concomitance imposée par ledit article R.421-5,

— que Y aurait renoncé à exciper d’une non-assurance ou de la nullité du contrat, au sens de l’article L.113-4 du Code des Assurances, dès lors qu’elle aurait été informée de l’enquête pénale dès ses débuts par les services de police et qu’elle aurait néanmoins continué à percevoir la cotisation afférente au contrat en janvier 2012, et à indemniser les victimes jusqu’en janvier 2013 sans réserve,

1.1.1 – L’article R.421-5 alinéa 1er du Code des Assurances invoqué par le Z et E X dispose :

Lorsque l’assureur entend invoquer la nullité du contrat d’assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit, il doit, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le déclarer au Fonds de Garantie et joindre à sa déclaration les pièces justificatives de son exception ; il doit en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droit en précisant le numéro du contrat.

Il n’est pas contesté que, par lettres recommandées avec avis de réception simultanées du 8/08/2013 (pièces n° 18-X… de l’intimée), la société Y a avisé le Z et les victimes de l’exception de nullité du contrat d’assurance qu’elle invoquait.

Il n’est pas contesté par le Z qu’à la lettre dont il était destinataire étaient annexées les pièces justificatives de l’exception de nullité (ces pièces étant au demeurant énumérées à la fin de la correspondance).

Le Z et E X invoquent de mauvaise foi l’absence de jonction des pièces justificatives aux lettres adressées aux victimes, alors que le texte précité n’impose une telle jonction que pour la seule correspondance adressée au Z.

Le Z et E X invoquent avec la même mauvaise foi un prétendu défaut de mention du numéro du contrat d’assurance, alors que ce numéro est expressément mentionné, à deux reprises, à la fin des deuxième et troisième paragraphes des lettres adressées aux victimes : « (…) notre compagnie invoque la non-assurance et la nullité (…) du contrat AS 5087720 souscrit par M. X E » « (…) En l’absence de ces démarches, son véhicule ne pouvait pas circuler en l’état sur la voie publique et ne correspondait pas à l’objet du contrat AS 5087720 ».

La société Y a intégralement accompli les formalités prescrites par l’article R.421-5 alinéa 1er du Code des Assurances, de sorte que la fin de non-recevoir soulevée par le Z et E X doit être écartée comme dénuée de fondement.

1.1.2 – Le Z et E X soutiennent vainement que, dans le cadre de la procédure d’offre d’indemnisation, Y aurait nécessairement avisé les victimes de ce qu’elle invoquait une non-garantie ou une exception de nullité du contrat, de sorte qu’elle aurait avisé les victimes avant le Z et aurait ainsi violé l’exigence de concomitance imposée par l’article R.421-5 précité.

Les lettres d’offre et procès-verbal de transaction adressées le 19/06/2012 par la société Y aux victimes (pièces n° 20-X… de l’intimée) énoncent : « (…) sous réserve du paiement effectif qui interviendra après la signature des présentes et en tout état de cause pour le compte de qui il appartiendra (…) ».

Dans ces lettres, la société Y n’a invoqué aucune exception de nullité du contrat d’assurance (ce qu’elle a fait postérieurement par les lettres précitées du 8/08/2013) et s’est bornée à reproduire la formule de l’article L.211-20 du Code des Assurances (lorsque l’assureur invoque une exception de garantie légale ou contractuelle, il est tenu de satisfaire aux prescriptions des articles L.211-9 à L.211-17 pour le compte de qui il appartiendra) pour parer à tout risque d’invocation ultérieure, par une victime, d’une prétendue renonciation à toute exception de nullité du contrat d’assurance que la société Y pouvait être amenée à notifier par la suite.

1.1.3 – L’article L.113-4 alinéa 3 du Code des Assurances, invoqué par le Z et par E X, dispose : l’assureur ne peut plus se prévaloir de l’aggravation des risques quand après en avoir été informé de quelque manière que ce soit, il a manifesté son consentement au maintien de l’assurance, spécialement en continuant à recevoir les primes ou en payant, après un sinistre, une indemnité.

A titre préliminaire le Z et E X se contredisent en soutenant concurremment que, d’une part, la société Y aurait renoncé à se prévaloir de la nullité du contrat d’assurance pour non-déclaration d’aggravation de risque en ayant encaissé une cotisation d’assurance en janvier 2012, et que, d’autre part, la société Y aurait invoqué la nullité du contrat envers les victimes (avant d’opposer cette exception au Z) en ayant adressé le 19/06/2012 à ces dernières une offre d’indemnisation « pour le compte de qui il appartiendra ».

Essentiellement, le texte précité constitue une application particulière de la règle générale selon laquelle un cocontractant ne peut valablement renoncer qu’en connaissance de cause à un droit acquis.

Il appartient donc au Z et à E X de prouver que, lors de l’encaissement de la cotisation d’assurance de janvier 2012, la société Y avait connaissance des aggravations de risque dont elle invoque présentement la non-déclaration intentionnelle par E X.

Ce dernier – ou l’un de ses parents – a adressé le 2/01/2012 à son courtier d’assurance la correspondance suivante (pièce n° 18 de l’intimé) : « suite à un sinistre du 13 décembre 2011 référence sous le numéro (…), nous vous demandons la résiliation du contrat car le véhicule est complètement détruit ».

Ledit courtier a adressé le 30/01/2012 la réponse suivante (pièce n° 19 de E X) : « nous accusons réception de votre demande de résiliation. Votre demande étant recevable, nous la transmettons à la compagnie. Aucun remboursement ne sera effectué pour le prélèvement de janvier suite au sinistre du 13/12/2011 ».

Ledit courtier a adressé le 31/01/2012 à E X et/ou à sa mère (pièce n° 20) le courriel suivant : « nous vous confirmons que, du fait de la responsabilité lors du sinistre du 13/12/2011 avec alcool, cannabis et ayant entraîné un décès, nous ne pouvons rembourser la prime de janvier 2012 ».

Si la teneur de ce courriel fait présumer que la société Y avait connaissance, en janvier 2012, de certaines des circonstances dans lesquelles était survenu l’accident du 13/12/2011, en revanche, elle n’établit ni ne fait présumer qu’à cette époque la société Y aurait eu connaissance des deux aggravations de risque survenues en Septembre 2011, dont elle se prévaut présentement (augmentation de la puissance du moteur du véhicule assuré ; verbalisation du conducteur déclaré du véhicule assuré pour conduite en état alcoolique).

La pièce n° 72 du procès-verbal d’enquête préliminaire ouverte à la suite de cet accident mortel et corporel fait mention de la réception, par les enquêteurs, le 22/12/2011, de la demande suivante de renseignements de la société Y se présentant en qualité d’assureur du véhicule de E X impliqué dans l’accident : « nous vous remercions de bien vouloir nous faire savoir si un procès-verbal a été établi. Dans l’affirmative, vous voudrez bien nous communiquer les références sous lesquelles celui-ci a été enregistré et les coordonnées complètes du (ou des) tiers impliqué(s) dans cet accident. S’il s’agit d’une main courante ou, à défaut, d’un compte-rendu d’intervention, nous vous invitons à nous en adresser copie ».

Les enquêteurs ont répondu le 29/12/2011 à cette demande selon les modalités suivantes (pièce n° 73 du procès-verbal) : « disons, ce jour, prendre attache téléphonique auprès de Y Assurance (…) l’informons qu’une procédure est en cours pour homicide involontaire, blessures involontaires avec circonstances aggravantes, établie à l’encontre de leur assuré, faisant pour victime le passager avant (décédé) des suites de l’accident et pour blessé grave le passager arrière du véhicule conduit par X E lui-même blessé grave. Lui communiquons le numéro de procédure et lui indiquons d’établir par courrier une demande d’extrait de main courante ».

Ledit procès-verbal ne fait mention d’aucune demande d’extrait de main courante reçue de la société Y au cours du mois de janvier 2012.

Il résulte des éléments qui précèdent que si, à la date du courriel précité du 31/01/2012, la société Y avait connaissance des circonstances de l’accident que lui avaient transmises les enquêteurs de police le 29/12/2011, en revanche, aucun élément ne fait présumer qu’à cette même date elle aurait eu connaissance des aggravations de risque survenues en septembre 2011 ou que les enquêteurs l’en auraient informée.

Il s’en déduit que le Z et E X ne prouvent pas que les conditions d’application de l’article L.113-4 alinéa 3 du Code des Assurances seraient réunies en l’occurrence, de sorte que le moyen tiré, sur le fondement de ce texte, de la prétendue renonciation de la société Y à l’exception de nullité du contrat d’assurance doit être écarté.

1.2 – sur le bien fondé de l’exception

Le Z fait valoir qu’il n’existerait aucune fausse déclaration intentionnelle de l’assuré E X, susceptible de causer la nullité du contrat, aux motifs :

— qu’en droit positif, l’assureur ne pourrait se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré que si elle procède des réponses qu’il a apportées aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l’interroge, lors de la souscription du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu’il prend en charge,

— qu’en fait la société Y ne communiquerait aucun formulaire de déclaration de risque qu’aurait rempli E X lors de la souscription du contrat, et ne prouverait pas que des questions lui auraient été posées sur les caractéristiques du véhicule assuré,

— que, dès lors, l’assuré E X n’aurait pas été en mesure d’apprécier la nature des circonstances nouvelles en cours de contrat, susceptibles de rendre inexactes les réponses initialement données par lui lors de la souscription du contrat,

— que les conditions générales seraient rédigées de manière large et imprécise en ce qui concerne l’obligation de déclaration de circonstances nouvelles en cours de contrat,

— que E X n’aurait pas été informé par quiconque de ce que l’augmentation de la puissance du moteur de son véhicule aurait imposé une déclaration à l’assureur,

— qu’enfin, la connaissance par l’assuré E X de l’augmentation de la puissance du moteur de son véhicule et de la contravention dont il avait fait l’objet pour conduite sous l’emprise d’un état alcoolique, ne démontrerait pas que l’intéressé aurait eu conscience de ce que ces circonstances pouvaient avoir une incidence sur l’assurance souscrite,

qu’il s’en déduirait que la société Y ne prouverait pas le caractère intentionnel de la réticence alléguée.

E X articule des moyens analogues à ceux du Z et ajoute que la société Y ne pourrait invoquer le caractère prétendument intentionnel de la non déclaration de l’augmentation de la puissance du moteur du véhicule assuré à laquelle E X avait fait procéder en septembre 2011, dès lors que l’entreprise BR PERFORMANCE ayant réalisé cette modification ne l’aurait pas informé de l’obligation de cette déclaration envers son assureur.

En droit, l’article L.113-8 alinéa 1er du Code des Assurances, invoqué par la société Y à l’appui de son exception de nullité, dispose : indépendamment des causes ordinaires de nullité, (…) le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre.

L’article L.113-2 du même code, également invoqué par la société Y, dispose : l’assuré est obligé : (…)

2° – de répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge ;

3° – de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur, notamment dans le formulaire mentionné au 2° ci-dessus.

Il résulte de la combinaison des deux textes précités que l’assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré que si celles-ci procèdent des réponses apportées par ce dernier aux questions précises de l’assureur.

Il résulte en outre dudit article L.113-2 :

— que l’obligation, incombant à l’assuré en vertu du § 3°, de déclaration, en cours de contrat, des causes d’aggravation de risques est circonscrite aux risques déclarés initialement en vertu du § 2° ;

— que, lors de la souscription du contrat, il incombe à l’assureur de soumettre le souscripteur à un questionnement précis sur le risque à assurer, mais que ce texte ne régit pas la forme de ce questionnement en ce qu’il n’impose pas l’établissement d’un questionnaire préalable écrit, ni l’utilisation d’un formulaire de déclaration de risque qui ne constitue qu’une modalité possible, mais non impérative, du questionnement, ainsi qu’il résulte de l’emploi de l’adverbe « notamment » dans le texte précité.

En fait, la matérialité des deux événements survenus en septembre 2011 (augmentation de la puissance du moteur du véhicule assuré, et verbalisation de E X pour conduite sous l’emprise d’un état alcoolique) n’est contestée ni par le Z ni par E X.

En tant que de besoin, elle résulte des propres déclarations de ce dernier recueillies au cours de l’enquête préliminaire les 27/03 et 6/11/2012.

Par ailleurs, l’absence de déclaration de ces deux événements par E X à son assureur Y n’est contestée ni par l’intéressé ni par le Z.

Concernant en premier lieu l’augmentation de la puissance du moteur du véhicule assuré, E X ne pouvait ignorer que cette modification technique induisait une aggravation du risque assuré (obligation d’indemnisation du fait de l’implication du véhicule assuré dans un accident de la circulation), dès lors :

— que l’augmentation de la puissance du moteur d’un véhicule induit une augmentation de la vitesse maximale de ce dernier et donc de son énergie cinétique, et induit corrélativement un amoindrissement des capacités de ralentissement du véhicule en l’absence de renforcement corrélatif du système de freinage,

que la fiche de travaux (pièce n° 10 de Y) révèle qu’ont seulement été effectuées une reprogrammation électronique, une suppression de l’organe majeur du pot catalytique d’échappement, et une modification de l’admission d’air, mais qu’aucune intervention n’a été réalisée sur le système de freinage,

que l’augmentation intrinsèque de la dangerosité du véhicule ainsi modifié est perceptible par tout conducteur, fût-il profane sur le plan mécanique, conscient par expérience de ce que l’augmentation de la vitesse du véhicule induit l’allongement de la distance de ralentissement ;

— qu’en outre, l’article 44 des conditions générales du contrat (page 40) stipulent expressément, en caractères gras, une exclusion des garanties dommages au véhicule et à son conducteur ou ses ayants droit « alors que votre véhicule a subi une ou plusieurs modifications en vue d’augmenter sa puissance, sa vitesse ou sa cylindrée ».

La non-déclaration par E X de cette cause d’aggravation de risque a revêtu un caractère intentionnel, dès lors que l’obligation de cette déclaration était expressément stipulée au § 48 (page 43) des conditions générales du contrat (réf. 17 04 91 – millésime 04/2010) dans les termes suivants : « vos déclarations en cours de contrat – vous êtes tenu de nous déclarer les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux, et qui rendent inexactes ou caduques les réponses que vous nous avez faites à la conclusion du contrat et qui sont consignées aux conditions particulières. (…) Cette déclaration doit nous être faite par lettre recommandée dans un délai de 15 jours après que vous ayez eu connaissance de ces nouvelles circonstances. (…) (en caractères gras :) En cas de fausse déclaration, les mêmes sanctions que celles prévues en cas de fausse déclaration à la souscription (article 47.4) vous sont applicables ».

E X ne saurait soutenir que ces conditions générales ne lui auraient pas été remises et ne lui seraient pas donc opposables, dès lors qu’il a apposé sa signature au pied des conditions particulières du contrat, sous la mention « il (l’assuré) reconnaît avoir reçu un exemplaire des Conditions Générales Réf 17 04 91 millésime 04/2010 ».

Au regard des éléments qui précèdent, il est indifférent que l’entreprise ayant procédé à l’augmentation de la puissance du moteur du véhicule ait ou n’ait pas informé E X de l’obligation de déclarer cette modification à son assureur.

L’augmentation de la puissance du moteur du véhicule assuré constitue une aggravation du risque effectivement déclaré initialement lors de la souscription du contrat, dès lors :

— que la société Y produit une photocopie du certificat d’immatriculation du véhicule assuré, qu’elle n’a pu établir que suite à la remise, par son titulaire E X, du document original,

— que la demande de communication du certification d’immatriculation participe nécessairement du questionnement précis sur les caractéristiques techniques du véhicule à assurer et donc du risque à prendre en charge, auquel l’assureur doit soumettre l’assuré lors de la souscription du contrat en application de l’article L.113-2 § 2° précité du Code des Assurances,

— que la rubrique P2 du certificat d’immatriculation mentionne la puissance (physique et non fiscale) du véhicule concerné (et énonce en l’occurrence : « 74 »).

Il résulte de l’ensemble des motifs qui précèdent que E X a intentionnellement omis de déclarer à la société Y l’augmentation de la puissance du moteur du véhicule assuré opérée le 21/09/2011, alors qu’il savait que cette modification technique induisait une aggravation du risque assuré, qu’il était informé du caractère obligatoire de cette déclaration, et que la puissance originelle du véhicule avait été expressément déclarée lors de la souscription du contrat d’assurance en juillet 2011.

L’exception de nullité du contrat d’assurance invoquée par la société Y doit être accueillie en application des articles L.113-2 et L.113-8 du Code des Assurances.

Concernant en second lieu la verbalisation de E X, le 18/09/2011, pour conduite sous l’emprise d’un état alcoolique, ce dernier ne pouvait ignorer que cet événement induisait une aggravation du risque assuré, dès lors :

— que tout conducteur est informé, notamment par sa formation préalable à l’obtention du permis de conduire, de l’augmentation de la dangerosité du conducteur en état alcoolique en raison notamment de l’altération de sa perception des situations de danger ou de risque, de l’amoindrissement voire de l’abolition de ses réflexes, et du rétrécissement de son champ de vision,

— qu’en outre, l’article 44 des conditions générales du contrat (pages 40-41) stipulent expressément (en caractères gras) une exclusion des garanties dommages au véhicule et à son conducteur ou ses ayants droit « alors que le conducteur de votre véhicule au moment du sinistre se trouve sous l’empire d’un état alcoolique susceptible d’être sanctionné pénalement ».

La non-déclaration par E X de cette cause d’aggravation de risque a revêtu un caractère intentionnel, dès lors que l’obligation de cette déclaration était expressément stipulée au § 48 (page 43) des conditions générales du contrat qui lui avaient été remises (cf. supra).

La verbalisation pour conduite sous l’emprise d’un état alcoolique dont E X a fait l’objet le 18/09/2011 a constitué une aggravation par rapport à l’absence de risque déclarée initialement lors de la souscription du contrat, dès lors que le courtier d’assurance consulté par E X lui avait remis le 18/07/2011, préalablement à la souscription du contrat litigieux, un devis (pièce n° 4 de la société Y) comportant un questionnaire relatif aux antécédents du conducteur principal, et notamment la question précise « contrôle alcool positif » à laquelle E X avait répondu « non ».

Il résulte des motifs qui précèdent que l’exception de nullité du contrat d’assurance invoquée par la société Y doit être accueillie en application des articles L.113-2 et L.113-8 du Code des Assurances, pour non déclaration intentionnelle par E X, en cours de contrat, d’une verbalisation pour conduite sous l’emprise d’un état alcoolique alors qu’il avait déclaré, lors de la souscription du contrat, l’absence de circonstance antérieure de même nature.

Il résulte de la nullité du contrat d’assurance que doit être accueillie la demande de la SA Y tendant à voir condamner E X à lui rembourser les sommes qu’elle a payées, et qu’elle sera amenée à payer à quelque titre que ce soit, pour le compte de qui il appartiendra, au titre de l’accident du 13/12/2011, dès lors qu’en vertu de l’article R.421-8 pénultième alinéa du Code des Assurances, l’obligation d’indemnisation ne pèse sur le Z que subsidiairement à celle du responsable.

2 – sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Les dépens de première instance et d’appel doivent incomber à E X, partie principalement perdante.

La demande indemnitaire de la société Y fondée sur l’article 700 du Code de Procédure Civile sera accueillie à hauteur de 3.000 € en cause d’appel.

La demande indemnitaire du Z formée sur le même fondement à l’encontre de la société Y doit être rejetée puisque cette dernière n’est ni perdante ni condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Grande Instance de Melun en date du 25/11/2014.

Y ajoutant,

Condamne E X à rembourser à la société Y les sommes qu’elle a payées, et qu’elle sera amenée à payer à quelque titre que ce soit, pour le compte de qui il appartiendra, au titre de l’accident du 13/12/2011 dont E X a été jugé responsable.

Déclare le présent arrêt opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.

Condamne E X à payer à la société Y une indemnité de 3.000 € (trois mille euros) par application, en cause d’appel, de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne E X aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du même code.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code des assurances
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Cour d'appel de Paris, 20 juin 2016, n° 14/26186