Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 7, 31 mai 2017, n° 15/01308

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 7, 31 mai 2017, n° 15/01308
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/01308
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 7 octobre 2014, N° 13/00884
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 7

ARRET DU 31 MAI 2017

(n° 18 , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/01308

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Octobre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 13/00884

APPELANTS

Monsieur Y X

XXX

XXX

né le XXX à BOULOGNE-SUR-MER (62200)

Représenté par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d’Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050, avocat postulant

Assisté de Me Barbara PIERANTI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0789, avocat plaidant

Madame Z A épouse X

XXX

XXX

née le XXX à BOULOGNE-SUR-MER (62200)

Représentée par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d’Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050, avocat postulant

Assisté de Me Barbara PIERANTI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0789, avocat plaidant

INTIMES

Monsieur B C

XXX

XXX

XXX né le XXX à XXX

Représenté par Me Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, avocat postulant

Assisté de Me Laurence DAUXIN-NEDELEC de la SELAS PARDO SICHEL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0294, avocat plaidant

Monsieur D E

XXX

XXX

XXX

né le XXX à Saint-Germain-en-laye (78) (78100)

Représenté par Me Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assisté de Me Laurence DAUXIN-NEDELEC de la SELAS PARDO SICHEL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0294, avocat plaidant

Maître L-M N Es qualité de mandataire liquidateur de la SAS « LES EDITIONS DU NOUVEAU FRANCE SOIR », désigné par un jugement du Tribunal de commerce de PARIS, en date du 23 juillet 2012

XXX

XXX

Monsieur F G

XXX

XXX

né le XXX à MOULINS

Représenté par Me Kaltoum GACHI, avocat au barreau de PARIS, toque : G0003, avocat postulant

Assisté de Me Slimane GACHI, avocat au barreau de PARIS, toque : G0444, avocat plaidant

SARL EDITIONS DU MOMENT agissant en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

XXX

XXX

N° SIRET : 490 84 3 4 30

Représentée par Me Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assisté de Me Laurence DAUXIN-NEDELEC de la SELAS PARDO SICHEL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0294, avocat plaidant

PARTIE INTERVENANTE

La SCP I Etude de mandataires judiciaires, Es-qualités de liquidateur de la société Editions du Moment, suivant jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris en date du 4 aout 2016, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Maître H I, domicilié ès-qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistée de Me Laurence DAUXIN-NEDELEC de la SELAS PARDO SICHEL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0294, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Février 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme O PORTIER, Présidente de chambre

M. J K, Conseiller

Mme O- P Q, Conseillère

qui en ont délibéré sur le rapport de J K

Greffier, lors des débats : Mme Maria IBNOU TOUZI TAZI

ARRET :

— DEFAUT

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme O PORTIER, président et par Mme Maria IBNOU TOUZI TAZI, greffier présent lors du prononcé.

*

**

Le 30 septembre 2011, D E et Mathieu C ont publié aux EDITIONS DU MOMENT, un livre intitulé « La face cachée de Y X ». Le 29 septembre 2011, des extraits du même ouvrage ont été publiés dans le quotidien FRANCE SOIR, dans un article signé par F G.

Le livre, illustré d’une photographie du footballeur est explicitement consacré à sa vie privée : paraissant dans le contexte de poursuites pénales engagées contre lui pour recours à la prostitution d’une mineure, la lettre A du mot «FACE » est remplacée, sur la couverture, par une silhouette de jeune fille qui est encore reproduite sur la quatrième de couverture. Le contenu de l’ouvrage indique clairement son orientation en premier lieu par sa division en trois parties : « l’affaire Zahia », « Avant » et « Après ». Ainsi la biographie du joueur, émaillée de références à l’affaire judiciaire, évoque-t-elle encore son enfance, sa carrière, son rôle au sein de l’équipe de France en 2010 en Afrique du Sud, ses conflits avec ses agents, ses relations professionnelles et familiales.

L’affaire judiciaire ci-avant évoquée est présentée pour une large part sous forme de reproduction de procès-verbaux et de transcription d’écoutes téléphoniques. Il en est de même de l’article du 29 septembre 2011.

Le tribunal a rappelé que Frank X a été définitivement renvoyé des fins de la poursuite pénale évoquée. Par ailleurs, le même livre a été, de son fait, l’objet de deux procédures de référé : l’une pour atteinte à son droit à l’image, l’autre en raison de la publication de pièces couvertes par le secret de l’instruction. Il a été débouté de ces deux actions. Il aurait déposé une plainte avec constitution de partie civile pour violation du secret de l’instruction, toujours pendante.

En conséquence des publications précédemment décrites, il a assigné, ainsi que son épouse, née Z A, sur le fondement d’atteintes à leur vie privée, LES EDITIONS DU MOMENT, Mathieu C, D E, LES EDITIONS DU NOUVEAU FRANCE SOIR, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Me L-M N et F G, afin d’obtenir le retrait du livre sous astreinte, l’interdiction de sa republication, différentes mesures de publication judiciaire et la condamnation solidaire des défendeurs à leurs payer à chacun les sommes de 30.000 € à titre de dommages et intérêts et de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 8 octobre 2014, la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris a déclarée recevable l’action des demandeurs contre LES EDITIONS DU NOUVEAU FRANCE-SOIR prises en la personne de leur liquidateur judiciaire, a débouté les époux X de l’ensemble de leurs demandes et les a condamnés in solidum à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 1000 € à la société LES EDITIONS DU MOMENT, Mathieu C et D E, pris ensemble, ainsi que la même somme chacun aux EDITIONS DU NOUVEAU FRANCE-SOIR, prises en la personne de leur liquidateur judiciaire, et à F G.

Le tribunal a, en premier lieu, écarté le moyen d’irrecevabilité tiré, par LES EDITIONS DU NOUVEAU FRANCE-SOIR, des dispositions des articles L622-21 et L622-17 du code de commerce relatifs aux créances « nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins de la procédure ou de la période d’observation ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période », en ce que les demandes de condamnations pécuniaires des demandeurs intéressent l’activité de la société durant la période d’observation ayant permis la continuation de son activité.

Au fond, le tribunal a rappelé que le droit au respect de la vie privée pouvait céder devant les nécessités de la liberté d’expression et de l’information du public.

En l’espèce, il a considéré, conformément à l’argumentation des défendeurs, que l’ouvrage, comme l’article litigieux, ne proposent pas de révélations mais reprennent des éléments évoqués dans la presse plus d’un an auparavant, relativement à ce qui est devenu une affaire d’actualité dont les composantes sont notoires. En effet, ce livre ne fait que rappeler les éléments d’une affaire judiciaire extrêmement médiatisée en raison de la notoriété de Frank X, affaire sur laquelle il s’est lui-même publiquement exprimé. En ce qui concerne le journaliste, le tribunal a estimé que son article était doublement d’actualité puisque son objet principal était de couvrir la sortie du livre de D E. Le premier juge a encore appuyé sa décision sur le fait que, si la notoriété d’une personne ne justifie pas ipso facto que l’on puisse porter atteinte à l’intimité de sa vie privée, en revanche la publication d’informations sur celle-ci serait légitime dès lors qu’elle est l’objet d’une information judiciaire. Il est encore justifié par les défendeurs que de nombreux détails sur cette affaire, y compris les plus graveleux, ont effectivement été publiquement évoqués antérieurement à la publication de l’ouvrage. Le tribunal a rappelé que cette antériorité rendait légitime les publications litigieuses dans la mesure où la personne intéressée était à l’origine pour une part de la publicité donnée aux faits litigieux.

Le tribunal a considéré comme indifférent qu’une part des informations publiées aient eu pour origine des pièces de l’information judiciaire, cette origine n’étant pas un critère d’atteinte ou non à la vie privée.

Enfin, l’ouvrage litigieux aussi critique soit-il à l’égard du demandeur, ne porterait pas atteinte à sa dignité et ne caractériserait aucune malveillance de ses auteurs. Aussi Frank X a-t-il été débouté de ses demandes tant à l’égard du livre que de l’article visé par ses demandes. S’agissant donc de publications licites, la photographie figurant sur la première page du livre est une illustration pertinente de celui-ci ne justifiant pas une condamnation des auteurs et éditeur.

Quant à l’intervention de Z X, les éléments qui la concernent ont été considérés par le tribunal comme trop anodins pour être constitutifs d’une atteinte à la présomption d’innocence : en effet elle n’a déploré que la relation d’un échange supposé entre son époux et un policier qui lui aurait demandé quelle avait été la réaction de sa femme quant à la médiatisation de l’affaire. Elle a donc été également déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Les époux X ont relevé appel de cette décision le 19 janvier 2015.

Dans le dernier état de leurs écritures, ils sollicitent l’infirmation du jugement, demandant à nouveau l’interdiction et le retrait sous astreinte du livre publié par LES EDITIONS DU MOMENT. Ils demandent de même qu’il soit ordonné aux EDITIONS DU NOUVEAU FRANCE-SOIR de retirer sous astreinte l’article litigieux des archives du journal et d’interdire toute nouvelle publication. Ils sollicitent encore des mesures de publication judiciaire. Frank X demande également la condamnation solidaire des intimés à lui payer la somme de 300 000 € à titre de dommages et intérêts ; Z X a demandé au même titre une somme de 30.000 €.

Ils demandent qu’il leur soit donné acte de ce que les sommes ainsi perçues seront données à des oeuvres caritatives. Ils demandent enfin la condamnation solidaire des intimés à leur payer à chacun une somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LES EDITIONS DU MOMENT, Mathieu C et D E ont conclu à la confirmation du même jugement, au débouté des appelants de l’ensemble de leurs demandes ainsi que leur condamnation à leur payer à chacun une somme de 15000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Intervenants volontaires, Me Patrick I et la SCP I, ès qualités de mandataires judiciaires liquidateurs de la société LES EDITIONS DU MOMENT, se sont associés à ces demandes.

F G a pris des conclusions similaires, demandant la condamnation des appelants à lui payer une somme de une somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le liquidateur des éditions du NOUVEAU FRANCE-SOIR, ès qualités, ne s’est pas constitué en cause d’appel, quoique régulièrement avisé de ce recours. En conséquence, il sera constaté qu’elles ne soutiennent pas le moyen d’irrecevabilité de la poursuite dirigée à leur encontre au visa des dispositions précitées du code de commerce. SUR CE,

Sur l’atteinte à la vie privée,

L’appelant a, en premier lieu, exprimé son indignation en ce que le livre poursuivi cite de nombreuses pièces d’une procédure judiciaire et que ces mêmes pièces ont été également reproduites dans l’article de F G ainsi que sur les réseaux sociaux.

Les journalistes n’ont pas cité leurs sources, ce qui l’a amené à introduire une procédure pour recel du secret de l’instruction, dont l’issue n’est pas connue à ce jour.

Il rappelle encore, comme il a déjà été dit, sa relaxe définitive suite à une poursuite du chef de sollicitation d’une prostituée mineure. Il se présente comme d’autant plus blessé d’être poursuivi par cette affaire.

Il estime, en deuxième lieu, que le premier juge a fait une interprétation erronée des normes européennes et internationales relatives à la liberté d’expression qui doit connaître pour limite le respect de la vie privée. Il rappelle que doivent, selon la jurisprudence, être pris en compte le caractère d’intérêt général du sujet traité ou le souci légitime de l’information du public, pondérés de ce que les faits relatés sont ou non déjà connus du public et du souci de l’intéressé de les tenir ou non secrets. Les éléments de malveillance ou d’atteinte à la dignité, contrairement à ce qui serait l’appréciation du tribunal ne doivent pas nécessairement se superposer aux critères qui précèdent.

En troisième lieu, il déduit de la motivation du tribunal que l’existence d’une information judiciaire et la publicité donnée à celle-ci rendraient légitimes des révélations relatives à la vie privée des personnes qui y sont mêlées, sans aucune limites. En l’espèce, il serait donc retenu que les faits objets des publications litigieuses étaient déjà connus, ce qui pour l’appelant ne justifierait ni une atteinte à sa vie privée, ni à sa présomption d’innocence, ni enfin au secret de l’instruction.

Contrairement encore à l’affirmation du premier juge, le livre contiendrait des détails particulièrement graveleux de sa vie intime auparavant inconnus du public. Y X estime qu’il s’agit bien de « révélations ». Les intentions des auteurs seraient clairement exprimées dans les termes suivants en quatrième de couverture : « ' ses mauvaises fréquentations, ses coups fourrés, la vérité sur ses relations avec Gourcuff, les coulisses de son retour chez les bleus, le témoignage exclusif de Shazya, la prostituée qui accompagnait Zahia à Munich, les déclarations du joueur devant les policiers et le juge d’instruction, autant de révélations contenues dans ce livre. » C’est encore pour cette raison qu’il n’a pas poursuivi pour de tels faits d’autres organes de presse. Il affirme, au contraire des auteurs, que c’est leur ouvrage qui a inspiré ou a été repris par les autres médias.

Sur l’atteinte à son droit à l’image, l’appelant a fait valoir que la photographie le représentant, figurant en couverture du livre poursuivi, a été publiée sans son autorisation et à des fins commerciales. Il conteste à nouveau la motivation du jugement déféré en ce qu’il n’y aurait pas d’atteinte de principe à son image, en ce qu’il s’agit de l’illustration d’un livre licite et sans qu’il ne s’agisse strictement d’un acte d’exploitation commerciale. Il rejette l’argumentation des intimés en ce qu’ils auraient acquis la photographie litigieuse de manière régulière auprès le l’agence CORBIS, soulignant que lors d’une des procédures de référé précitée, les EDITIONS DU MOMENT auraient appelé cette agence en garantie. Il en tire argument pour considérer que l’éditeur n’aurait pas été sûr de la légalité de la détention de ses droits.

Par ailleurs, s’il reconnaît que l’image en cause n’est aucunement dévalorisante, initialement captée avec son consentement, son usage serait néanmoins commercial puisqu’elle illustre un ouvrage destiné à la vente et qu’un tel usage aurait été selon lui nécessairement soumis à son autorisation préalable. Les EDITIONS DU MOMENT, par la voix de leur représentant légal et les journalistes auteurs du livre ont préalablement rappelé que la protection de la vie privée d’une personnalité que son activité expose à la curiosité du public n’est pas celle offerte à un anonyme, solidairement du fait que de telles informations puissent participer d’un débat d’intérêt général et contribuer à l’information du public. Aussi, selon eux, la légitimité d’une publication relative à la vie privée d’une personne publique doit-elle s’apprécier en fonction de la finalité de la publication en cause.

En l’espèce, ils rappellent que l’intérêt qui s’est porté sur Y X tient tant à son talent de joueur de football qu’à des comportements privés ou publics qui ont fait de lui un personnage controversé. Ainsi ne peuvent être ignorés ni l’affaire dite « Zahia », ni son rôle dans la grève des joueurs de l’équipe de France durant la coupe du monde de 2010.

Aussi, au seul titre de ces deux faits, qui ont marqué l’année 2010, la publication du livre litigieux en septembre 2011 se serait-elle inscrite dans le cadre d’une actualité qui n’était pas seulement judiciaire.

Dans ce cadre les éléments relatifs à la vie privée de l’appelant seraient donc indissociables de l’ensemble des informations le concernant.

Dans le même ordre d’idée, ils rappellent que les éléments du livre qualifiés « d’information graveleuses » ne sont que des témoignages recueillis lors de l’instruction de l’affaire « Zahia ». Il ne s’agit selon eux que d’une anecdote (citation de la page 72 du livre) que l’appelant monte en épingle pour les besoins de son argumentation, pour faire ainsi passer au second plan le caractère d’intérêt général de l’ouvrage.

Les intimés rappellent qu’il est de jurisprudence constante qu’il ne saurait y avoir d’atteinte à la vie privée lorsque de prétendues révélations sont la relation de faits déjà connus du public, et ce d’autant plus lorsqu’elles ont déjà été relatées par l’intéressé à des fins de publication.

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’affaire « Zahia » a défrayé la chronique pour la première fois dans le journal de la chaîne de télévision M6 en avril 2010, soit quinze mois avant la parution du livre litigieux. Les auteurs produisent une importante revue de presse à ce sujet, bien antérieure à leur ouvrage, ainsi que de nombreuses réactions de personnalités politiques, l’affaire étant alors en relation directe avec l’image dégradée de l’équipe de France.

Les intimés admettent qu’il est légitime que Frank X ait pu être choqué qu’une part des informations contenues dans le livre proviennent de la procédure d’instruction. Néanmoins, cet élément propre à la nature de l’affaire n’induit nullement que leur relation nouvelle de ces informations a porté atteinte à la dignité de l’intéressé ou caractérise une malveillance des auteurs à son égard.

La cour ne pourra que constater le nombre et la précision des articles presse produits par les intimés (pièces 6-1 à 6-18) relatifs à cette affaire, publiés entre avril et juillet 2010, dont la plupart ont pour base des interviews de Zahia et de Y X.

La cour rappellera également que la liberté d’expression n’a pas pour limite de principe le respect de la vie privée, ces deux notions étant d’égale valeur au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la jurisprudence tendant en ce sens à rechercher la proportionnalité de ces deux notions dans chaque cas d’espèce. Ainsi sont prises en compte dans une telle appréciation la nature des atteintes portées, le support de celles-ci, de même que les sources de l’information, lorsqu’elles sont connues. En l’espèce, il apparaît que l’ouvrage litigieux est essentiellement une synthèse du comportement personnel et sportif de Y X, fondée sur des révélations qui reposent, pour une part, sur des atteintes au secret de l’information, mais surtout, sur ses propres propos et ceux d’autres protagonistes de l’affaire recueillis par la presse, sans que ses éléments aient été actualisés.

Aussi, le jugement déféré sera-t-il confirmé en ce qu’il a considéré que ce livre ne caractérise pas une atteinte au respect de la vie privée de Y X, dans la mesure où les références à celle-ci ne reposent que sur l’existence d’une information judiciaire et des larges commentaires de presse qu’elle a suscités.

Sur l’atteinte au droit à l’image,

L’appelant fait à nouveau valoir que sa photographie illustrant le livre des intimés relève fatalement d’un usage commercial, puisqu’il figure sur un ouvrage proposé à la vente. L’usage de ce document aurait donc, selon lui, dû être soumis à son autorisation. Il conteste encore que puisse lui être opposée la cession de cette photographie aux intimés par l’agence CORBIS.

La cour, confirmant encore sur ce point le tribunal, constatera que l’illustration d’un ouvrage licite, par une photographie dont l’origine n’est pas l’objet de contestation et qui ne dévalorise en aucune manière l’intéressé est pertinente et ne saurait être assimilé à un usage commercial de celle-ci. Y X est en conséquence mal fondé à prétendre à une atteinte à son droit à l’image.

L’appelant sera donc débouté de l’ensemble de ses demandes à l’égard des EDITIONS DU MOMENT et des deux auteurs du livre poursuivi.

Son épouse sera également déboutée de ses demandes à l’encontre des mêmes intimés, par adoption des motifs du premier juge, l’atteinte supposée à sa vie privée se limitant à la relation par son époux de ce qu’elle n’aurait pas apprécié le comportement prêté à celui-ci.

Sur l’article de F G,

Les écritures des appelants ne spécifient pas précisément leurs griefs à l’égard de celui-ci, au-delà du fait d’avoir relayé les passages les plus « racoleurs » du livre en cause.

L’intimé rappelle des généralités relatives au respect de la vie privée qui rejoignent celles des autres intimés, ainsi que le rejet des précédentes actions de Y X au même titre. Mais il fait encore valoir que l’objet de son article est de rendre compte de la sortie imminente d’un livre traitant d’un sujet d’actualité.

La cour ne pourra effectivement qu’appliquer à cet intimé sa décision relative au livre objet de l’action principale des appelants. Il y sera ajouté qu’en ce qui le concerne l’action est d’autant plus mal fondée qu’il s’est contenté de rendre compte de la publication d’un livre sans reprendre à son compte les propos de ses auteurs. Il ne saurait lui être reproché d’avoir mis en avant les éléments de cet ouvrage les plus susceptibles d’intéresser le public. Aussi le jugement déféré sera-t-il également confirmé en ce qui concerne le débouté des appelants quant à leurs demandes contre lui dirigées.

L’équité ne commande pas que les appelants soient à nouveau condamnés à verser à Mathieu C, D E et les EDITIONS DU MOMENT une somme nouvelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Il apparaît en revanche légitime qu’ils soient, à ce même titre, condamnés à payer chacun à F G une somme de 1000 €.

Les appelants seront encore condamnés aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS La cour, statuant publiquement, par défaut, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 8 octobre 2014,

Déboute en conséquence les époux X de l’ensemble de leurs demandes,

Y ajoutant,

Condamne Y X et Z A épouse X à payer chacun à F G une somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne les époux X aux entiers dépens.

LE PRÉSIDENT LE GREFFIER

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