Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 8, 10 novembre 2017, n° 16/14744

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 8, 10 nov. 2017, n° 16/14744
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/14744
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 23 juin 2016, N° 2016/22279
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRET DU 10 NOVEMBRE 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/14744

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Juin 2016 – Président du TC de PARIS – RG n° 2016/22279

APPELANTE

EURL A B

51 bis BOULEVARD DU 1er NOVEMBRE 1954

[…]

N° SIRET : 23/ 00- 036 4654

Représentée de Me Olfa OULED, avocat au barreau de PARIS, toque : E1525

Assistée de Me Ali BENNACER, avocat au barreau de Pontoise, toque 61

INTIMÉES

SCP X

Prise en la personne de maître C Y es qualités de liquidateur de la société CERIC TECHNOLOGIES.

[…]

[…]

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Assistée de Me Magali BERTRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : C1097

SA CREDIT LYONNAIS

[…]

[…]

N° SIRET : 954 509 741

Représentée et assistée de Me Gachucha COURREGE de la SCP MOLAS CUSIN COURREGE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0159

Société BANQUE DE DÉVELOPPEMENT LOCAL

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me C F de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Assistée de Me Rami CHAHINE, avocat au barreau de PARIS, toque : A305

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 septembre 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Sylvie KERNER-MENAY, Présidente, et M. Thomas VASSEUR, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sylvie KERNER-MENAY, Présidente de chambre

M. Thomas VASSEUR, Conseiller

Mme Mireille De GROMARD, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme D E

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Sylvie KERNER-MENAY, présidente et par Mme D E, greffière présente lors du prononcé.

EXPOSE DU LITIGE

Au mois de janvier 2013, la société française Ceric Technologies (la société Ceric) a conclu avec la société algérienne A B (la société B) un contrat de fourniture d’équipements nécessaires à la réalisation d’une A.

Pour garantir la bonne exécution du marché, la société B a demandé à la société Ceric de mettre en place une garantie de bonne fin du marché, qui lui a été fournie par la Banque de

Développement Local (la société BDL), société de droit algérien, à hauteur de 525.000 euros pour la première partie du contrat et du même montant pour la seconde partie du contrat.

Dans le même temps, la banque Le Crédit Lyonnais (la banque LCL) a fourni à la banque BDL, sur ces mêmes garanties, une contre-garantie à première demande.

Le 29 septembre 2015, les deux garanties ont fait l’objet d’une mainlevée partielle de la moitié de sorte qu’elles sont toujours en cours pour 262.500 euros chacune.

Le 11 février 2016, la société Céric a été placée en liquidation judiciaire, la SCP X en la personne de M. Y étant nommée liquidateur judiciaire.

Faisant état de défaillances techniques, la société B a demandé en mai 2016 la mise en jeu des garanties à la banque BDL, qui s’est retournée vers la banque LCL.

La société X a fait assigner en référé la société B ainsi que les banques BDL et LCL, aux fins de dire que l’appel en garantie effectué par la société B à l’encontre de la banque BDL et l’appel en contre garantie effectué par cette dernière à l’encontre de la banque LCL sont manifestement abusifs, d’interdire à la banque LCL le paiement de quelque somme que ce soit au bénéfice de la société B et de la banque BDL au titre des contre-garanties n° 3COF0923 et 3COF1894, d’ordonner la suspension de tout paiement par la banque LCL au bénéfice de la société B et de la banque BDL au titre de ces contre-garanties, de désigner un médiateur pour permettre une résolution amiable du litige qui devra faire intervenir la société Cleia, repreneur de la quasi-totalité des actifs de la société Ceric dans le cadre de la liquidation judiciaire et de condamner la société B à verser à la société X es qualités de liquidateur de la société Ceric la somme de 10.000 euros au titre du préjudice subi du fait de la demande abusive de mise en oeuvre de la garantie.

Par ordonnance du 24 juin 2016, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

• a rejeté l’exception d’incompétence formulée par la société B au profit des juridictions algériennes ;

• interdit à la banque LCL de payer toute somme à la banque BDL au titre des contre-garanties N° BCOFO923 et N°3COF1894 ;

• condamné solidairement la banque BDL et la société B à payer à la SCP Z en la personne de M. C Y, ès qualités de liquidateur de la société Ceric Technologies et à la LCL la somme de 4.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

• rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;

• condamné en outre solidairement la banque BDL et la société B aux dépens.

Par acte du 5 juillet 2016, la société B a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises le 20 septembre 2017, la société B demande à la cour de :

• A titre principal :

• la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

• débouter la société Ceric Technologies, prise en la personne de la SCP X, ès qualités de liquidateur, de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

• infirmer l’ordonnance entreprise ;

dire et juger que les demandes formulées par la société Ceric Technologies afférentes à la mise en 'uvre des garanties GBE/337/13 et GBE/697/13 ainsi que des contre-garanties n° 3COFO923 et 3COF1894 relèvent de la compétence exclusive des juridictions algériennes ;

• dire et juger, que les juridictions françaises sont incompétentes pour prendre toute mesure à l’encontre de la société B ;

• dire et juger que les juridictions françaises sont incompétentes pour suspendre ou interdire l’exécution de la garantie émise par la banque LCL au profit de la banque BDL ;

• lever l’interdiction faite au Crédit Lyonnais, aux termes de l’ordonnance rendue le 24 juin 2016, d’effectuer les paiements au profit de la banque BDL au titre des contre garanties n° 3COFO923 et 3COF1894 ;

• A titre subsidiaire, si la cour devait juger que le juge des référés du tribunal de commerce de Paris pouvait se déclarer compétent :

• dire et juger que les mesures sollicitées par la société Ceric Technologies se heurtent à des contestations sérieuses ;

• dire et juger que le versement des contre-garanties n° 3COFO923 et 3COF1894 ne constitue pas un dommage imminent pour la société Ceric Technologies ;

• déclarer irrecevables les demandes de suspension ou d’interdiction de l’exécution de la garantie émise par la banque LCL au profit de la BDL ;

• lever l’interdiction faite au Crédit Lyonnais, aux termes de l’ordonnance rendue le 24 juin 2016, d’effectuer les paiements au profit de la BDL au titre des contre garanties n° 3COFO923 et 3COF1894 ;

• rejeter la demande de dommages et intérêts sollicitée par la société Ceric Technologies à l’encontre de la société B ;

• condamner la société Ceric Technologies, prise en la personne de son liquidateur la SCP X, à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommage et intérêts pour procédure abusive ;

• condamner la société Ceric Technologies, prise en la personne de son liquidateur la SCP X, à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile';

• condamner la société Ceric Technologies, prise en la personne de son liquidateur la SCP X, aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La société B fait valoir principalement :

sur l’incompétence des juridictions françaises, et plus particulièrement sur l’incompétence du juge des référés français que le contrat liant les sociétés B et Ceric stipule une clause de choix de loi désignant la loi algérienne, que la société B est une société de droit algérien n’ayant aucune activité sur le territoire français, que conformément aux articles 42 à 48 du code de procédure civile, le tribunal compétent est celui du lieu du domicile du défendeur et que les contrats de contre-garanties conclus entre les banques LCL et BDL stipulent que les litiges survenant à l’occasion de l’exécution de ces garanties sont soumis à la compétence des tribunaux algériens ;

• sur l’irrecevabilité des demandes de suspension et d’interdiction de paiement des contre-garanties sollicitées par la société Ceric, que :

• d’une part, les mesures conservatoires sollicitées par la société Ceric se heurtent à des contestations sérieuses au sens de l’article 872 du code de procédure civile, dès lors que, dans le cadre d’une garantie à première demande, seule la fraude ou l’abus manifeste de celui qui appelle la garantie peuvent justifier le refus de paiement, que l’appel en garantie de la société B est justifié par les défaillances techniques auxquelles celle-ci a été confrontée, que la contre-garantie est autonome par rapport à la garantie de premier rang et qu’il apparaît à la lecture des contre-garanties que la banque LCL renonce à se prévaloir des exceptions tirées du contrat liant les sociétés B et Ceric ;

d’autre part, les mesures conservatoires sollicitées par la société Ceric se heurtent à l’absence de dommage imminent au sens de l’article 873 du code de procédure civile, dès lors que le seul fait pour la banque BDL et la société B d’être des sociétés de droit algérien n’implique pas de risque de non-recouvrement des fonds qui seraient transférés, que le contrat

• liant les sociétés Ceric et B stipule une clause compromissoire, que l’Algérie est partie à la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères de New York du 10 juin 1958 et que, partant, il ne saurait être argué de quelconques difficultés de recouvrement de sommes éventuellement transférées vers l’Algérie.

Dans ses dernières conclusions en date du 20 septembre 2017, la société BDL demande à la cour de :

• dire et juger que le versement des contre-garanties n° 3COFO923 et 3COF1894 ne constitue pas un trouble manifestement illicite au préjudice de la société Ceric ;

• dire et juger que le versement des contre-garanties n° 3COFO923 et 3COF1894 ne constitue pas un dommage imminent pour Ceric Technologies ;

• réformer l’ordonnance entreprise ;

• déclarer irrecevables les demandes de suspension ou d’interdiction de l’exécution des garanties émises par la banque LCL au profit de la BDL ;

• lever l’interdiction faite à la banque LCL d’effectuer les paiements au profit de la banque BDL au titre des contre garanties n° 3COFO923 et 3COF1894 ;

• condamner la SCP X, en sa qualité de liquidateur de la société Ceric Technologies, à verser à la BDL la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

• condamner la SCP X, en sa qualité de liquidateur de la société Ceric Technologies à payer les entiers dépens de l’instance dont le recouvrement sera effectué par l’AARPI JRF AVOCATS représentée par M. C F conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société BDL fait valoir :

sur l’existence d’un dommage imminent, qu’il n’existe pas de risque réel d’impossibilité à faire exécuter le jugement français en Algérie dans la mesure où existent des conventions signées et ratifiées par la France et l’Algérie permettant la reconnaissance et l’exécution de jugements ou sentences ;

• sur l’existence d’un trouble manifestement illicite,

• que le juge des référés a commis une erreur de droit dès lors qu’il a outrepassé ses pouvoirs en appréciant si les griefs de la société B étaient ou non fondés, ce qui relève des pouvoirs du juge du contrat,

• que le caractère abusif de l’appel en garantie est discutable dès lors que la BDL s’était engagée à verser les sommes garanties à la société B à première demande,

• que le rôle du juge des référés amené à se prononcer sur une affaire impliquant une garantie à première demande doit être limité à l’appréciation de l’existence d’une fraude ou d’un appel en garantie manifestement abusif,

• que le juge des référés a commis une autre erreur de droit en affirmant qu’il existait une collusion frauduleuse entre les sociétés BDL et B, alors même que cela n’était pas avancé par la société Ceric,

• que la mise en jeu des garanties et contre-garanties relève de la loi algérienne et que le juge des référés ne justifie en rien au regard de la loi algérienne le fait que la banque aurait dû vérifier si la mise en jeu de la garantie à première demande était ou non abusive,

• qu’une contre-garantie est autonome par rapport à la garantie de premier rang, ce dont il résulte que le caractère manifestement abusif ou frauduleux de l’appel à la garantie de premier rang n’implique pas automatiquement que l’appel à la contre-garantie soit également manifestement abusif ou frauduleux,

• que l’autonomie est illustrée par l’engagement de la banque LCL de ne pas opposer à la demande de paiement de la BDL les exceptions inhérentes au contrat conclu entre les sociétés Ceric et B,

que pour que l’appel des contre-garanties soit frauduleux, il faut que la banque de premier rang ait été complice de la fraude manifeste du bénéficiaire, ce qui n’est nullement démontré

• en l’espèce, étant précisé que le juge des référés vise sur ce point un prétendu manque de contrôle de la banque.

Dans ses dernières conclusions en date du 30 août 2017, la SCP X, ès qualités de liquidateur de la société Ceric Technologies, demande à la cour de :

• confirmer l’ordonnance entreprise en l’intégralité de ses dispositions ;

• condamner la société B à lui verser la somme de 10.000 euros au titre du préjudice subi du fait de la demande abusive de mise en 'uvre de la garantie ;

• condamner solidairement la société B et la banque BDL à lui verser la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

• condamner solidairement la B et la banque BDL à payer les entiers dépens de première instance et d’appel ;

• débouter la société B et la banque BDL de l’ensemble de leurs demandes.

La SCP X fait valoir :

• sur l’incompétence du juge des référés du tribunal de commerce pour juger l’affaire, qu’une clause de compétence n’est pas opposable en référé, que le demandeur pouvait saisir le juge du lieu où les mesures conservatoires doivent être prises, que l’action du liquidateur visait à voir ordonner des mesures conservatoires pour prévenir un dommage imminent qui aurait lieu à Paris si la contre-garantie était exécutée, la direction de la banque LCL et la société Ceric étant basées à Paris, que par ailleurs la clause de compétence est prévue par deux actes de contre-garanties pris par la banque LCL, auxquels ni la société Ceric ni le liquidateur ne sont parties, ce dont il résulte que ce dernier n’a pas eu connaissance de la clause au moment de la signature de l’acte et n’a pu consentir à la clause attributive de compétence, et que le liquidateur se place dans le cadre de la procédure de référé sur le terrain délictuel et non contractuel, ce qui ajoute à l’inopposabilité de la clause ;

• sur la recevabilité et le bien-fondé de la saisine du président du tribunal de commerce en référé d’heure à heure, qu’il n’existe pas de contestations sérieuses, qu’un dommage imminent résulte du fait que le paiement par la banque LCL de la contre-garantie engendrerait pour celle-ci une créance à l’encontre de la liquidation, qui viendrait diminuer le gage commun des créanciers et leur causerait un préjudice conséquent, que par ailleurs les fonds versés seraient manifestement impossibles à recouvrer compte tenu de l’extranéité des défenderesses, qu’il serait également difficile d’exécuter en Algérie la sentence arbitrale qui serait rendue dans l’hypothèse où un arbitrage serait initié ;

• sur le caractère abusif des appels en garantie, que l’article 2321 du code civil dispose notamment que le garant n’est pas tenu en cas d’abus ou de fraude manifeste du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d’ordre, que la fraude ou l’abus manifeste peut justifier la suspension par voie de référé d’heure à heure de tout paiement au titre de la garantie, que la jurisprudence considère comme manifestement abusif l’appel d’une garantie par le bénéficiaire n’ayant pas rempli ses engagements, n’ayant pas payé les sommes qu’il devait, et ayant laissé impayées, sans les avoir contestées, des factures pour travaux complémentaires, que les prétendus manquements ne sont pas avérés, que l’appel en garantie est abusif de ce fait, que les procès-verbaux de réception provisoire des produits ne font état que d’une seule réserve concernant un compresseur d’air, que la société B invoque aujourd’hui de nouveaux manquements jamais invoqués par le passé, qu’il n’est pas démontré qu’un lien de causalité existerait entre les dysfonctionnements invoqués par la société B et un prétendu manquement de la société Ceric, et que les procès-verbaux de constat ont tous été établis postérieurement à la saisine du juge des référés, et que 180.000 euros de matériaux restent impayés par la société B, ce qui justifie la confirmation de l’ordonnance déférée.

SUR CE, LA COUR

Sur l’exception d’incompétence :

Contrairement à ce que soutient la société B, les demandes de la société Ceric tendant à ce que la société LCL se voie interdire de régler le montant de la contre-garantie ne relèvent pas de la compétence des juridictions algériennes.

En effet, une clause attributive de compétence territoriale est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés. Au demeurant, la clause de choix de loi figurant dans le contrat souscrit entre la société Ceric et la société B n’est pas une clause attributive de compétence. Quant à la clause attributive invoquée dans le contrat liant les banques BDL et LCL, elle figure dans une convention à laquelle la société Ceric, partie demanderesse à la présente instance, n’est pas partie.

Aussi convient-il de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par la société B.

Sur la mise en oeuvre de la contre-garantie :

Invoquant tant les articles 872 que 873 du code de procédure civile, le liquidateur de la société Ceric fonde ensuite plus spécifiquement son action sur le dommage imminent et sur le trouble manifestement illicite qui résulteraient pour elle du règlement par la banque LCL des causes de ses contre-garanties à la banque BDL. C’est également sur le terrain du dommage imminent que le premier juge s’est placé pour accueillir la demande de la société Ceric. Pour le liquidateur de la société Ceric, le dommage imminent encouru résulterait de la dette à l’égard de la banque LCL si celle-ci venait à régler le montant des contre-garanties qui diminuerait le gage commun de ses créanciers et lui causerait un préjudice alors que l’appel en garantie est abusif. Il indique en outre que les fonds seraient manifestement impossibles à recouvrer en Algérie. Il soutient également que l’appel en garantie de la société B est manifestement abusif.

L’article 873 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence de ce tribunal, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Les deux actes de contre-garantie, souscrits respectivement par la banque LCL le 15 mai et 1er octobre 2013, indiquent chacun que cette dernière demande à la banque BDL de souscrire sous sa pleine et entière responsabilité un engagement en faveur de la société B, pour les montants déterminés de chacune des garanties, cet engagement étant destiné à couvrir la garantie de bonne exécution par la société Ceric de ses obligations contractuelles. Chacun de ces actes indique également que la banque LCL renonce expressément à se prévaloir d’une quelconque exception tirée du contrat liant la société Ceric et la société B.

Chacune des deux contre-garanties souscrites est destinée, en raison de son autonomie, tant à l’égard du contrat passé entre les sociétés Ceric et B qu’à l’égard de la garantie à première demande donnée par la banque BDL, à être exécutée dès l’avis donné par cette dernière du paiement par elle effectué. L’engagement de contre-garantie est autonome tant par rapport au contrat de base qu’à l’égard de la garantie de premier rang. En raison de l’indépendance de ces obligations, le trouble manifestement illicite devrait procéder de ce que le garant de premier rang a appelé la contre-garantie de manière frauduleuse ou abusive, en connaissance d’un abus ou d’une fraude commis par le bénéficiaire, la société B.

Or, en l’espèce, les circonstances dans lesquelles la banque BDL a été amenée à payer les garanties ne permettent pas de caractériser une collusion manifeste de sa part avec la société B. La société B rapporte avoir fait part de divers incidents techniques à la société Ceric : le 15 février 2015, elle a signalé le dysfonctionnement de l’hélice d’une meuleuse dont elle a exposé par la suite, suivant trois courriers des 10, 15 et 17 mars 2016, qu’il n’a pas été résolu de manière satisfaisante, ce qui a occasionné l’arrêt d’une diminution de l’activité de la briquetterie. Plusieurs procès-verbaux de constat, établis par un huissier de justice algérien, notamment ceux du 16 mars et du 3 mai 2016 relatent que des outils, notamment une meuleuse, ne sont pas en état de marche. Si la société Ceric conteste l’importance et la cause de ces dysfonctionnements en produisant divers éléments au soutien de ses allégations, il n’apparaît cependant pas que les difficultés invoquées par la société B procèdent de manière manifeste d’un abus ou d’une fraude ni que le paiement effectué par la banque BDL procède d’une collusion délibérée avec le bénéficiaire de la garantie de premier rang.

Aussi le trouble manifestement illicite invoqué par la société Ceric n’est-il pas rapporté.

S’agissant du dommage imminent, il n’est pas davantage établi. Il ne peut être considéré que ce que la société Ceric indique être une impossibilité de recouvrer en Algérie des fonds qui s’avéreraient avoir été versés à tort constituerait un tel dommage alors que le versement de ces fonds à la société B, société de droit algérien, correspond précisément à l’objet de la garantie, comme tel connu par la société Ceric dès la signature du contrat. Au demeurant, il ne peut être retenu que l’Algérie constituerait un pays au sein duquel les mesures d’exécution échoueraient systématiquement à prospérer.

La demande de la société Ceric ne peut non plus être accueillie sur le fondement de l’article 872 du code de procédure civile dès lors qu’il résulte des éléments précités qu’elle se heurte à des contestations sérieuses.

En l’absence de dommage imminent et de trouble manifestement illicite et la demande faisant l’objet de contestations sérieuses, le blocage des deux contre-garanties ne peut être ordonné en référé. Aussi convient-il, en infirmant l’ordonnance entreprise, de rejeter la demande formulée par le liquidateur de la société Ceric.

Cette demande principale étant rejetée, il convient également de rejeter par voie de conséquence la demande en paiement à hauteur de 10.000 euros formulée par la même partie, en raison de ce qu’elle expose être son préjudice subi du fait d’une mise en oeuvre abusive de la garantie.

Reconventionnellement, la société B, qui formule une demande de même montant à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, ne rapporte pas la preuve que l’action engagée par son adversaire procède d’un tel abus alors que le premier juge a retenu qu’elle était bien-fondée et qu’il n’est pas établi que la société Ceric ait engagé cette action dans une intention de nuire ou en sachant que celle-ci ne pouvait prospérer. Aussi convient-il de rejeter cette demande reconventionnelle de la société B.

PAR CES MOTIFS

Infirme l’ordonnance entreprise, sauf en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société B ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Rejette la demande formulée par la société Ceric tendant à ce qu’il soit interdit à la banque Le Crédit Lyonnais de payer à la Banque de Développement Local et à la société B le montant des contre-garanties ;

Rejette la demande de provision du liquidateur de la société Ceric Technologies ;

Rejette la demande indemnitaire de la société B ;

Condamne la société X, prise en sa qualité de liquidateur de la société Ceric Technologies, à verser, à verser, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à la Banque de Développement Local la somme de 2.500 euros et à la société B la somme de 2.500 euros ;

Condamne la société X, prise en sa qualité de liquidateur de la société Ceric Technologies, aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, Le président,

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