Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 9 janvier 2019, n° 18/09522

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Chronologie de l’affaire

Commentaires8

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 4, 9 janv. 2019, n° 18/09522
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/09522
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 2 mai 2018, N° J2015000185
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 09 JANVIER 2019

APPEL SUR LA COMPÉTENCE

(n° , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 18/09522 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5VVX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2018 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° J2015000185

APPELANTE

SAS INTERNATIONAL MEDIAS DATA SERVICES – IMDS

Ayant son siège social : […]

[…]

N° SIRET : 818 704 850 (PARIS)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant : Me Emmanuelle BORDENAVE MARZOCCHI et Me Guillaume MALLEN, de la SELARL GRALL & ASSOCIES, avocat sau barreau de PARIS, toque : P0040

INTIMÉES

- SARL ADDIS TECHNOLOGIES

Ayant son siège social : 22 mail Picasso

[…]

N° SIRET : 751 032 533 (NANTES)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Marie-Laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936

- ZEUTSCHEL GMBH, société de droit allemand

Ayant son siège social : Heerweg 2

72070 TÜBINGEN-HIRSHAU (ALLEMAGNE)

N° HRB : 380917 (STUTTGART)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant : Me Solène MARAIS de la SELAL E-B-A, avocat au barreau de PARIS, toque : B387

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame X Y, Présidente de chambre, rédacteur,

Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère,

Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame X Y dans les conditions prévues par l’article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Z A

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame X Y, président et par Madame Z A, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société International Médias Data Services (la société IMDS), ayant son siège à Paris, a pour activité principale le conseil, les études et recherches, les développements de produits et de prestations informatiques, la négociation, le suivi et la réalisation de marchés de matériels. Au titre de ces marchés de matériels, elle commercialise des produits de différents fabricants, dont ceux de la société Zeutschel GmbH.

La société Addis Technologies est une société française spécialisée dans la dématérialisation et la gestion documentaire. Elle commercialise notamment des scanners et logiciels, assure leur maintenance et propose des services complémentaires. En qualité de distributeur, elle dispose d’un réseau de revendeurs et de prestataires assurant la maintenance, n’intervenant directement que très rarement.

La société Zeutschel GmbH, société de droit allemand, est spécialisée dans la conception de

systèmes de scanners et micro films permettant la numérisation et l’archivage de documents.

Par contrat signé les 16 et 18 juillet 2012, la société Zeutschel GmbH a confié la société IMDS la distribution exclusive de certains de ses produits sur le territoire de la France et ses territoires d’outre-mer, ainsi que sur ceux du Maroc, de l’Algérie, du Sénégal, du Togo et du Gabon.

Le 11 juin 2014, la société Zeutschel GmbH a notifié à la société IMDS qu’elle mettait un terme à leurs relations à effet du 31 décembre 2014, le préavis étant spécifié sans exclusivité ; entre temps, elle a désigné le 6 août 2014 la société Addis Technologies comme nouveau distributeur.

S’estimant victime d’actes de concurrence déloyale, de détournement de clientèle et de désorganisation de son entreprise de la part de la société Addis Technologies, la société IMDS l’a fait assigner en référé d’heure à heure au 9 décembre 2014 (n° 2014071697). Par ordonnance du 16 décembre 2014, le juge des référés s’est déclaré territorialement compétent et a dit n’y avoir lieu à référé et a renvoyé l’affaire via la procédure dite de « la passerelle » devant la 15e chambre du tribunal, afin qu’elle puisse faire intervenir la société Zeutschel poursuivie également pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Par exploit à bref délai du 22 janvier 2015, la société IMDS a assigné à bref délai en intervention forcée la société Zeutschel GmbH (n°2015005595). Par jugement du 13 avril 2015, le tribunal de commerce de Paris a ordonné la jonction des affaires 2014071697 et 2015005595 sous le numéro RG J2015000185.

Par jugement du 3 mai 2018 (RG J2015000185), le tribunal de commerce de Paris :

— s’est déclaré compétent territorialement,

— a dit la loi allemande applicable au présent litige,

— a renvoyé l’affaire à l’audience collégiale de la 3e chambre du 30 mai 2018 à 14 heures pour conclusion des parties au fond, en conséquence du dispositif du présent jugement et en application de la loi allemande,

— réservé les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— réservé les dépens.

Par déclaration du 18 mai 2018, la société IMDS a relevé appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions de la société IMDS, appelante, déposées et notifiées le 13 novembre 2018, par lesquelles il est demandé à la cour de :

vu l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce,

vu l’article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations,

vu l’article 1240 nouveau du code civil,

vu les articles 84 et suivants du code de procédure civile,

vu le Règlement dit « Bruxelles I bis » n°1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, vu le Règlement dit « Rome I » n°593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles,

vu le Règlement dit « Rome II » n°864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles,

— recevoir la société IMDS en son appel et l’y déclarer bien fondée,

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a « dit la loi allemande applicable au présent litige »,

et statuant à nouveau,

— confirmer le jugement entrepris en ce que le tribunal de commerce de Paris s’est déclaré territorialement compétent pour connaître des demandées formées par la société IMDS à l’encontre des sociétés Zeutschel et Addis,

— dire que la loi française est applicable à l’entier litige, en l’occurrence les articles 1382 ancien du code civil et L.442-6, I, 5° du code de commerce,

en conséquence,

— renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Paris,

— condamner in solidum les sociétés Zeutschel et Addis à payer à la société IMDS la somme de 5.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner in solidum les sociétés Zeutschel et Addis au paiement des entiers dépens lesquels seront directement recouvrés par la Scp Grappotte Benetreau dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions de la société Zeutschel GmbH, intimée, déposées et notifiées le 8 novembre 2018, par lesquelles il est demandé à la cour de :

vu l’article 25 du Règlement CE n°1215/2012 sur la compétence,

vu l’article L 442-6, I., 5° du code de commerce,

— recevoir la société Zeutschel en ses écritures et l’y déclarer bien fondée,

à titre principal et in limine litis :

— constater l’existence et la validité de la clause attributive de juridiction contenue dans le contrat conclu entre les sociétés Zeutschel et IMDS France au profit des juridictions de Tübingen (Allemagne) ,

— constater la primauté de cette clause sur les options de compétence prévues par les articles 7 et 8 du Règlement CE/1215/2012,

— constater la compétence du tribunal de grande instance de Tübingen quel que soit le chef de compétence,

en conséquence,

— infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il s’est déclaré territorialement

compétent pour connaître des demandes formées par la société IMDS France à l’encontre de la société Zeutschel,

— renvoyer la société IMDS France à mieux se pourvoir par devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Tübingen (Allemagne),

à titre subsidiaire, si la cour devait confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il s’est déclaré compétent :

— constater que la société IMDS et la société Zeutschel ont expressément choisi de soumettre l’intégralité de leur litige au droit allemand,

— constater que la loi allemande est applicable à l’intégralité du litige opposant la société IMDS et la société Zeutschel,

en conséquence,

— confirmer le jugement du tribunal de commerce Paris en ce qu’il a déclaré la loi allemande applicable au litige entre la société IMDS et la société Zeutschel,

à titre très subsidiaire :

— constater que la loi allemande reste la seule loi applicable au litige même à considérer que les demandes sont de nature délictuelle,

en conséquence,

— confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a déclaré la loi allemande applicable au litige entre la société IMDS et la société Zeutschel,

en tout état de cause :

— condamner la société IMDS à verser la somme de 5.000 euros à la société Zeutschel en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société IMDS aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions de la société Addis Technologies, intimée, déposées et notifiées le 18 septembre 2018, par lesquelles il est demandé à la cour de :

vu l’article 1382 (ancien) du code civil,

vu les articles L.121-1 et L.121-1-1 du code de la consommation,

— dire la société Addis recevable et bien fondée en ses demandes,

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a « dit la loi allemande applicable au présent litige »,

et statuant à nouveau,

— dire que la loi française est applicable au litige opposant les sociétés Addis et IMDS,

en tout état de cause,

— condamner la société IMDS au paiement d’une somme de 3.000 euros à la société Addis en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société IMDS aux entiers dépens';

SUR CE, LA COUR,

Sur la compétence territoriale du tribunal de commerce de Paris

Sollicitant la confirmation du jugement entrepris sur ce point, la société IMDS fait valoir que les clauses attributives de juridiction dont la société Zeutschel revendique l’application ne peuvent lui être opposées :

— la clause attributive de compétence figurant à l’article 9 de l’annexe I du contrat de distribution ne régit que les contrats de vente entre les parties et non leur relation de distribution,

— la clause figurant à l’article X des nouvelles CGV de Zeutschel n’a pas été portée à sa connaissance et figure au surplus dans un document applicable aux contrats de vente.

En conséquence, elle conclut à la confirmation de l’analyse des premiers juges qui, dans ces conditions, ont considéré que le tribunal de commerce de Paris était territorialement compétent pour statuer sur le litige opposant la société IMDS à la société Zeutschel au regard de l’article 7.1, b) du Règlement « Bruxelles I ».

En réplique, sollicitant l’infirmation du jugement entrepris sur ce point, la société Zeutschel soutient que, par application de la clause attributive de juridiction, les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître de l’action de la société IMDS à son encontre.

En tout état de cause, la société Zeutschel soutient par ailleurs que l’application des autres chefs de compétence prévus par le Règlement CE n°1215/2012 conduit de la même manière à la compétence des juridictions de Tübingen pour trancher le litige qui l’oppose la société IMDS, arguant du fait que l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce ne saurait être considéré comme une loi de police.

***

Les parties s’accordent sur l’application au présent litige du règlement n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Selon l’article 25 de ce règlement :

« Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. La convention attributive de juridiction est conclue :

a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite;

b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles; ou

c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée. (…) ».

L’article 9 de l’annexe I, intitulée « General Conditions of Sale, Delivery and Payment », du contrat de distribution conclu entre les sociétés IMDS et Zeutschel dispose que : « le contrat de vente est régi par la loi allemande devant le tribunal de Tübingen, sauf si les parties en conviennent différemment ».

Cette clause concerne clairement les différends nés ou à naître à l’occasion des contrats de vente et non du contrat-cadre de distribution, tels les litiges relatifs à la non-conformité des produits vendus, aux problèmes de livraison et de paiement.

Elle est au surplus insérée dans une annexe relative aux conditions générales de vente et non dans le contrat de distribution lui-même ; or, celui-ci ne peut s’identifier aux contrats de vente successifs portant sur les produits Zeutschel conclus pour son exécution, les prestations réciproques entre les parties excédant les seules ventes, et s’étendant à la fourniture de services de distribution à la charge de la société IMDS dûment rémunérés par la société Zeutschel.

Le rapport de droit à l’occasion duquel la prorogation de compétence a été conclue concerne donc les seuls contrats de vente et ne saurait couvrir les litiges relatifs d’une part aux conditions dans lesquelles la société Zeutschel a mis un terme aux relations commerciales établies avec IMDS et d’autre part, les pratiques de concurrence déloyale dont se seraient rendues responsables les sociétés Zeutschel et la société Addis à l’encontre de la société IMDS.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a jugé cette clause inapplicable à la présente espèce.

La société Zeutschel se réfère également à une autre clause attributive de compétence figurant à l’article X des conditions générales de vente auxquelles renvoient les documents commerciaux liés à la relation d’achat / vente (factures ou bons de livraison) adressés à IMDS.

Mais ces conditions générales de vente ne sont pas celles qui avaient été annexées au contrat de distribution, mais d’autres conditions générales de vente, dont il n’est pas démontré qu’elles aient été acceptées par IMDS, contrairement aux stipulations de l’article 11 de l’annexe I prévoyant que « les modifications des contrats de livraison et de vente doivent être faites par écrit et acceptées par écrit ».

Selon les pièces versées aux débats, les conditions générales de vente ne sont pas reproduites au verso des factures, mais font l’objet d’une simple mention au recto selon laquelle la délivrance des produits a été faite et facturée « en accord avec nos conditions générales de livraison et de vente ». Il ne saurait s’inférer du paiement réitéré de factures portant cette simple mention l’acceptation de ces conditions générales de vente par la société IMDS. Enfin, le rapport de droit concerné vise, tout comme l’autre clause de prorogation de compétence, les contrats de vente et non les litiges relatifs au contrat de distribution lui-même, la clause étant insérée dans des conditions générales de vente, nonobstant son libellé plus large couvrant les litiges de la « relation contractuelle ».

Le jugement, sera également confirmé en ce qu’il a estimé cette clause inapplicable.

Il y a donc lieu, pour déterminer la juridiction compétente, de se reporter à l’article 7 du règlement Bruxelles I bis.

Les règles applicables à l’action en rupture brutale seront examinées distinctement de celles relatives à l’action en concurrence déloyale.

L’action en rupture brutale

L’action en rupture brutale des relations commerciales établies, basée sur un contrat, se rattache à la sphère contractuelle. En effet, les parties sont liées par un contrat de distribution et leurs relations ont été régulières de 2012 à 2014'; il sera donc fait application de l’article 7.1 du règlement.

Selon cet article :

« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ;

b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :

-pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

-pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;

c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas. (…) ».

Le présent contrat de distribution signé entre les sociétés IMDS et Zeustchel est un contrat de « fourniture de services » au sens du règlement : d’une part, en effet, il met à la charge du distributeur plusieurs prestations caractéristiques, telles la distribution des produits, des prestations de réparation, un service après-vente, la participation à des opérations promotionnelles, toutes prestations qu’un simple vendeur n’offre pas ; d’autre part, cette activité est rémunérée par le fournisseur, sous la forme d’avantages, tels des actions de formation, ou des facilités de paiement.

En l’espèce, ces services ont été ou auraient dû être fournis en France.

La société Zeutschel ne peut soutenir que la prestation caractéristique est située en Allemagne, lieu de fabrication et de livraison des produits, ne démontrant pas que le contrat de distribution conclu entre les parties serait en réalité un simple contrat de vente.

Les premiers juges ont justement déduit de ce qui précède la compétence des juridictions françaises.

L’action en concurrence déloyale

Les pratiques de concurrence déloyale relèvent de la matière délictuelle.

Selon l’article 7.2 du règlement :

« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

(') 2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».

Le lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire est le siège social de la société IMDS, soit la France.

Les juridictions françaises sont donc là encore compétentes.

L’affaire sera donc renvoyée devant le tribunal de commerce de Paris.

Sur la loi applicable

Dans le litige opposant la société IMDS à la société Zeutschel pour rupture brutale

Sollicitant l’infirmation du jugement entrepris sur ce point, la société IMDS soutient que la loi allemande ne peut trouver à s’appliquer concernant la demande de la société IMDS relative à la rupture brutale des relations commerciales établies à l’initiative de la société Zeutschel et ce, compte tenu de la nature même des dispositions de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce en droit international privé (loi de police) qui fait échec en l’espèce, à l’application de la clause de loi applicable au profit du droit allemand prévue à l’article 29 du contrat de distribution.

A titre subsidiaire, à supposer que les dispositions de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce ne constituent pas une « loi de police » au sens du droit international privé, la société IMDS soutient que la loi française est, en tout état de cause, applicable à sa demande fondée sur la rupture brutale du contrat de distribution par la société Zeutschel.

En réplique, la société Zeutschel sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a déclaré la loi allemande applicable à l’intégralité du présent litige.

***

La rupture brutale relève du domaine contractuel en matière de litige international.

Les parties ne discutent pas l’application du Règlement (CE) n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).

L’article 3.1 de ce règlement prévoit que « Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat ».

En l’espèce, les parties ont convenu de l’application de la loi allemande. En effet, l’article 29 du contrat de distribution stipule :

« loi applicable texte original

Le contrat est gouverné par la loi applicable du lieu d’établissement du fabricant. Le texte anglais du contrat est le texte original ».

Les parties ne contestent pas cette clause, mais les sociétés IMDS et Addis prétendent que l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce doit prévaloir, s’agissant d’une loi de police, ce que conteste la société Zeutschel.

Selon l’article 9 du règlement (CE) n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) : « 1. Une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d’après le présent règlement. 2. Les dispositions du présent règlement ne pourront porter atteinte à l’application des lois de police du juge saisi ».

Selon le point 2 de l’article 9 ci-dessus, la loi de police française prévaut sur le choix de la loi applicable par les parties.

Il convient donc d’examiner, ce qui fait l’objet de contestations nourries, si l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce constitue une loi de police.

La cour estime que l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce constitue une loi de police.

En premier lieu, le respect de l’article L. 442-6, I, 5 ° du code de commerce a été jugé crucial par le législateur pour la sauvegarde de l’organisation économique de la France. L’objectif de protection des entreprises dans les relations commerciales déséquilibrées vise non seulement à protéger la partie faible, mais à assurer, par un effet dissuasif, un fonctionnement équilibré du marché dans son ensemble. Ce ne sont donc pas les intérêts d’une seule partie qui sont visés, mais de façon générale, la défense catégorielle des contractants faibles. L’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce garantit à toute entreprise française établie en France un préavis suffisant lorsque son partenaire, qu’il soit français ou étranger, décide de rompre les relations établies.

En deuxième lieu, le régime spécifique de cette pratique restrictive de concurrence, commun à toutes les pratiques énumérées au I de l’article L. 442-6, prévu au III, illustre l’importance, pour le législateur, de la défense de l’ordre public économique poursuivie par les « pratiques restrictives de concurrence », de façon générale. Ce régime est en effet caractérisé par la faculté d’intervention du ministre de l’économie pour la défense de l’ordre public économique, et les instruments juridiques dont celui-ci dispose, notamment demander au juge la cessation des pratiques ou le prononcé de sanctions civiles dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d’euros ou portée au triple du montant des sommes indûment versées, ou encore la nullité du contrat ou des restitutions, démontrent l’importance que les pouvoirs publics accordent à ces dispositions. La Cour de cassation a d’ailleurs, dans un arrêt du 8 juillet 2008 (ministre de l’économie contre Galec, 07-16.761), considéré que l’action du ministre était « une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence (') », consacrant ainsi l’objectif poursuivi par le législateur au travers de l’article L. 442-6, de protection du marché et de la concurrence, non exclusivement réservé aux pratiques anticoncurrentielles. Le Conseil constitutionnel a également validé l’action du ministre dans une QPC du 13 mai 2011 (2011-126 QPC) en parlant pour la première fois d' « ordre public économique ».

En troisième lieu, la sanction civile encourue par les auteurs des pratiques démontre également le caractère crucial de ces règles. Aux termes de sa décision QPC n° 2010-85 du 13 janvier 2011, le Conseil constitutionnel a confirmé « que, conformément à l’article 34 de la Constitution, le législateur détermine les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales ; que, compte tenu des objectifs qu’il s’assigne en matière d’ordre public dans l’équilibre des rapports entre partenaires commerciaux, il lui est loisible d’assortir la violation de certaines obligations d’une amende civile à la condition de respecter les exigences des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 au rang desquelles figure le principe de légalité des délits et des peines qui lui impose d’énoncer en des termes suffisamment clairs et précis la prescription dont il sanctionne le manquement ».

En quatrième lieu, la Cour de cassation a admis dans un arrêt du 3 mars 2009 (07-16.527) que l’article L. 441-6 du code de commerce, relatif aux règles de transparence, répondait à des « considérations d’ordre public particulièrement impérieuses », ce terme permettant d’en déduire la qualification de loi de police de cette disposition. Le sort de l’article L. 442-6, qui énumère des comportements civilement sanctionnés, ne peut être différent. En outre, la Haute Juridiction avait précédemment validé une clause attributive de juridiction permettant de faire échapper un litige fondé sur l’article L. 442-6 du code de commerce à la compétence française dans un litige international en affirmant que « la clause attributive de juridiction contenue dans ce contrat visait tout litige né du contrat et devait en conséquence, être mise en oeuvre, des dispositions impérieuses constitutives de lois de police fussent-elles applicables au fond du litige » (arrêt du 22 octobre 2008,

[…], Monster Câble) (c’est la cour qui souligne).

En cinquième lieu, au regard de la territorialité du droit « quasi-répressif », dont relève manifestement l’article L. 442-6 du code de commerce, sont réprimées à ce titre les pratiques ayant des effets en France ; il est donc logique que toutes les victimes soient traitées sur un plan d’égalité que l’auteur soit français ou étranger.

Les dispositions de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce sont applicables à partir d’un rattachement territorial, dès lors que les produits ou services contractuels sont destinés au marché français ou ont vocation à être distribués en France. Or, en l’espèce, le rattachement territorial à la France est établi : la société IMD est établie en France et y distribue les produits de la société Zeutschel.

Il s’agit donc d’une loi de police qui s’impose au juge du for, même si la loi applicable est la loi allemande en vertu de la clause de l’article 29 du contrat.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a déclaré la loi allemande applicable à la pratique dénoncée.

Dans le litige opposant la société IMDS aux sociétés Zeutschel et Addis pour concurrence déloyale

Sollicitant l’infirmation du jugement entrepris sur ce point, la société IMDS soutient que les demandes qu’elle a formées à l’encontre des sociétés Zeutschel et Addis en matière de concurrence déloyale ont nécessairement une nature délictuelle et ne peuvent en conséquence être soumises à la loi allemande prévue par l’article 29 du contrat de distribution exclusive conclu entre les sociétés IMDS et Zeutschel.

Partant elle conclut que la loi française est dès lors bien applicable aux demandes formées par la société IMDS à l’encontre des sociétés Addis et Zeutschel au titre des actes de concurrence déloyale commis sur le territoire français auprès des clients de la société IMDS, eux-mêmes situés en France.

En réplique, la société Zeutschel sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a déclaré la loi allemande applicable à l’intégralité du présent litige.

En réplique, la société Addis Technologue sollicite l’infirmation du jugement entrepris sur ce point et fait valoir que le tribunal n’a pas distingué ce qui relevait :

— de l’affaire opposant IMDS et Zeutschel, pour laquelle une demande d’application de la loi allemande était formée par la société Zeutschel,

— de l’affaire opposant Addis et IMDS, deux sociétés de droit français se reprochant chacune des agissements de concurrence déloyale dans un contexte purement interne.

En conséquence, elle conclut que la loi française est bien applicable au litige l’opposant à la société IMDS.

***

L’action en concurrence déloyale relève du domaine délictuel.

Les parties ne contestent pas l’application du règlement (CE) n°864/2007 du Parlement et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II »).

L’article 14.1 de ce règlement prévoit que :

« Liberté de choix

1. Les parties peuvent choisir la loi applicable à l’obligation non contractuelle :

a) par un accord postérieur à la survenance du fait générateur du dommage ;

ou

b) lorsqu’elles exercent toutes une activité commerciale, par un accord librement négocié avant la survenance du fait générateur du dommage.

Ce choix est exprès ou résulte de façon certaine des circonstances et ne porte pas préjudice aux droits des tiers ».

En l’espèce, l’article 29 du contrat de distribution, qui stipule :

« loi applicable texte original

Le contrat est gouverné par la loi applicable lieu d’établissement du fabricant. Le texte anglais du contrat est le texte original »,

ne peut s’appliquer aux litiges extra contractuels, car il a été convenu entre les parties avant la commission des pratiques de concurrence déloyale alléguées.

En outre, en présence d’un acte de concurrence déloyale qui affecte un seul concurrent, seules les règles de conflit de loi de l’article 4 du règlement s’appliquent, à l’exclusion d’une clause contractuelle choisissant la loi applicable : en effet, selon l’article 6 du règlement Rome II :

« 1. La loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être.

2. Lorsqu’un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé, l’article 4 est applicable. (…) » (c’est la cour qui souligne).

Selon l’article 4 :

« Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent.

2. Toutefois, lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s’applique.

3. S’il résulte de l’ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s’applique. Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment, sur une relation

préexistante entre les parties, telle qu’un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question ».

En l’espèce, le lieu du dommage est celui du siège de la victime, la société IMDS, et donc la France.

En définitive, l’action en concurrence déloyale relève également du droit français.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Zeutschel, succombant au principal, sera condamnée à supporter les dépens d’appel et à payer à la société IMDS la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a déclaré la loi allemande applicable au présent litige ;

l’INFIRME sur ce point ;

et statuant à nouveau,

DÉCLARE la loi française applicable au présent litige ;

RENVOIE l’affaire devant le tribunal de commerce de Paris ;

CONDAMNE la société Zeutschel aux dépens d’appel ;

CONDAMNE la société Zeutschel à payer à la société IMDS la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 9 janvier 2019, n° 18/09522