Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 6, 17 décembre 2019, n° 16/00802

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 6, 17 déc. 2019, n° 16/00802
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/00802
Décision précédente : Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, BAT, 8 décembre 2016
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 6

ORDONNANCE DU 17 DÉCEMBRE 2019

Contestations d’Honoraires d’Avocat

(N° /2019 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/00802 – N° Portalis 35L7-V-B7A-B2IZ4

NOUS, Anne de LACAUSSADE, Conseillère, à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière lors des débats et au prononcé de l’ordonnance.

Vu le recours formé par :

SELAS DE GAULLE FLEURANCE ET ASSOCIES

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-François PAQUE, avocat au barreau de PARIS, toque : K35

Demanderesse au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :

Monsieur Y X

[…]

[…]

Représenté par Me Rémy WACHTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0379

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire, statuant publiquement, et après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 19 novembre 2019 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L’affaire a été mise en délibéré au 17 décembre 2019 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

Vu le recours formé par la Selas de Gaulle Fleurance et associés le 23 décembre 2016 à l’encontre de la décision rendue le 09 décembre 2016 par le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris qui a :

— dit que la demande de fixation des honoraires présentée par la Selas de Gaulle Fleurance et associés est prescrite ;

— débouté en conséquence la Selas de Gaulle Fleurance et associés de toutes ses demandes.

Entendues à l’audience du 19 novembre 2019 les parties en leurs observations :

— la Selas de Gaulle Fleurance et associés qui conclut en tous points conformément à ses écritures à :

* la réformation de la décision déférée,

* l’absence de prescription de son action,

* la condamnation de M. X à lui régler une somme totale de 254 000, 24 euros TTC correspondant à ses honoraires et au remboursement des frais engagés, outre une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— M. Y X qui conclut, ajoutant à ses écritures, à :

* la confirmation de la décision déférée à titre principal,

* une facturation ramenée à de plus justes proportions avec un taux horaire minoré à titre subsidiaire,

* la condamnation de la Selas de Gaulle Fleurance et associés à lui verser une indemnité de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, en tout état de cause.

SUR QUOI,

A l’occasion d’une affaire l’opposant à la société Aviva Vie dans le cadre d’une action en responsabilité, M. Y X a, courant 2001, confié la défense de ses intérêts, à son ami, Me Arnaud de Barthès A, alors avocat au barreau de Marseille.

En janvier 2006, Me A est devenu associé de la Selas de Gaulle Fleurance et associés. A la demande de son client, il a continué à traiter son dossier, pris en charge par la nouvelle structure.

En décembre 2013, Me A a quitté la Selas de Gaulle Fleurance et associés pour créer, avec d’autres, sa propre structure, le Cabinet Méridian, sous forme d’une Aarpi. A la demande de M. X, il a continué de traiter son dossier, dans le cadre de cette nouvelle structure.

Le 23 février 2016, un arrêt de la cour d’appel de Paris a mis un terme définitif au contentieux confié à Me A par M. Y X.

Le 02 mars 2016, la Selas de Gaulle Fleurance et associés a adressé à M. X une facture d’honoraires au temps passé (722 h 40), de 212 374, 78 euros HT dont 8 510,63 euros de frais que ce dernier, qui soulève la prescription de cette action en paiement, n’a pas honoré.

Il est constant que la Selas, durant l’exécution de sa mission, n’a émis aucune facturation à l’encontre de M. X et qu’il en a été de même au moment de son dessaisissement.

La demande d’un avocat en fixation de ses honoraires, dirigée contre une personne physique ayant eu recours à ses services à des fins n’entrant pas dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, est soumise à la prescription biennale de l’article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation.

Il n’est pas contesté qu’en l’espèce, M. X, personne physique, a eu recours aux services d’un avocat à titre personnel, de sorte que la prescription biennale est applicable à l’espèce.

La prescription court à compter de la date à laquelle le mandat de l’avocat a pris fin et elle ne peut être interrompue par l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

En l’espèce, il résulte des pièces produites que, par e-mail du 15 décembre 2013, M. X a sollicité de la Selas de Gaulle Fleurance et associés le transfert de son dossier à Me A, ayant appris qu’il avait quitté la structure.

Le 07 janvier 2014, la Selas de Gaulle Fleurance et associés lui a restitué son dossier.

La Selas a saisi le bâtonnier en vue de la taxation de ses honoraires, le 08 avril 2016, soit plus de deux ans après son dessaisissement.

Alors que M. X, tout comme Me A entendu par le bâtonnier, le contestent, la Selas soutient qu’il était convenu entre les parties la facturation des diligences à l’issue du procès en cas de décision judiciaire favorable et la répartition tripartite de l’honoraire, de sorte qu’elle ne pouvait facturer M. X avant l’arrêt d’appel du 23 février 2016.

,

La Selas ne produit aucune convention signée en ce sens, que ce soit au titre des honoraires dus par le client, qu’au titre du sort des honoraires en cas de succession d’avocats.

Elle verse aux débats un écrit entièrement dactylographié, au nom de M. X, daté du 14 février 2008, adressé à : 'Mon Cher Maître', mentionnant son souhait, au vu des diligences déjà accomplies consacrées par l’arrêt favorable de la Cour de cassation et de celles encore à réaliser que 'désormais, et pour l’avenir, vous soyez intéressé au résultat'. Il est exposé que : 'Sous déduction des frais et honoraires que vous continuerez de me facturer, je propose que vous perceviez un % de toute somme encaissée pour paiement TTC de vos frais et honoraires qui serait appliqué sur le montant global qui sera obtenu, sous déduction de la fiscalité éventuellement attachée… Ce % serait le suivant : jusqu’à 1 000 000 € … rien…, de 1 000 001 € à 8 000 000 € … 25 %, au-dessus de 8 000 001 € … 33 % et serait directement imputé sur les sommes versées par Aviva ou toute structure qu’elle se substituerait en exécution soit de condamnations judiciaires, soit d’une transaction…'

Ce courrier fait ainsi mention d’un honoraire de résultat mais aussi de facturations au temps passé régulièrement appelées, de sorte qu’il serait, en tout état de cause, inexact de prétendre, à supposer ce courrier engageant M. X ce qui ne saurait être le cas alors qu’il n’est pas signé et est dénié par ce dernier, que les honoraires au temps passé, seuls facturés dans le cadre de la présente instance, n’étaient pas exigibles avant une décision de justice définitive dans le contentieux confié à l’avocat.

La Selas verse également aux débats un échange de courriels entre Me A et M. X, intervenu courant octobre 2011, à l’occasion de la stratégie à suivre à l’égard de la société Aviva dans le cadre du litige les opposant.

C’est ainsi que le premier écrit au second : 'Si vous réduisez ces montants, vous contribuez à minimiser le risque que constitue pour Aviva le litige en cours. Ce faisant, vous confirmeriez à Aviva que sa stratégie de durée commence à lui être payante. Enfin et accessoirement, en réduisant l’assiette, vous modifiez les perspectives de notre rémunération.'

M. X lui répond alors en ce sens :' Bien entendu, comme vous vous en doutez, il ne s’agissait pas un seul instant de réduire vos perspectives de rémunération.'

Les intéressés ont déclaré devant le bâtonnier que, si une rémunération a pu être envisagée à un moment de la procédure engagée à l’encontre de la société Aviva qui a perduré quinze années, il n’y a finalement pas été donné suite alors que, dans leur esprit à tous deux, le dossier avait été confié à Me A en qualité d’ami, de sorte qu’il n’y avait pas matière à règlement d’honoraires.

Le versement d’honoraires n’est établi à l’égard d’aucune des structures dans lesquelles Me A a travaillé depuis qu’il a été chargé par M. X de ce contentieux.

En tout état de cause, s’il est fait état de 'perspectives de rémunération’ dans cet échange, il n’est fournit aux débats aucune pièce venant compléter ce propos, particulièrement imprécis, quant aux modalités envisagées notamment de montant et de terme et justifier d’un accord intervenu sur ces points.

La Selas produit en outre :

— un courriel qu’elle a adressé à M. X, le 20 décembre 2013, en mettant en copie Me A, en réponse à sa demande de transfert de dossier, ainsi rédigé :

'Les dossiers sont à la disposition de Me Arnaud de Barthès A, qui nous lie en copie, conformément aux règles qui régissent notre profession. Ceci étant, nous vous rappelons que notre cabinet a accepté d’assurer la défense de vos intérêts moyennant un règlement d’honoraires de succès de 30 % de l’ensemble des montants restitués au terme de la procédure qui jusqu’à présent a été conduite avec succès avec une répartition entre notre cabinet et Me Arnaud de Barthès A convenue comme suit :

— paiement prioritaire sur l’ensemble des montants obtenus des honoraires du cabinet au temps passé et des frais engagés dans l’intérêt du dossier ;

— répartition du solde à 50/50 entre Me Arnaud de Barthes A et notre société.

A date, le montant des temps passés à date, s’élève à 212 374,78 euros HT dont frais engagés pour votre compte de 8 510, 63 euros HT, TVA en sus. Par conséquent, nous vous remercions de veiller le moment venu au bon règlement de nos honoraires,'

— un courrier daté du 03 janvier 2014 à l’adresse de Me A ayant pour objet le transfert du dossier X mentionnant que ce client reste lui devoir des honoraires comme il lui a été précisé dans le courrier sus évoqué du 20 décembre 2013, faisant état d’un encours au 20 décembre 2013 'à revoir au terme de la procédure conformément à nos accords’ de 213 374,78 euros HT et le remerciant de 'veiller, d’une part, à ce que ces honoraires [lui] soient réglés et, d’autre part, à ne pas encaisser d’honoraires sans [s']être assuré du règlement des [siens].'

L’e-mail fait référence cette fois à un seul honoraire de résultat. Les dispositions financières prévues ne sont pas compatibles avec celles exposées dans l’écrit du 14 février 2008 et la facturation en litige est établie selon d’autres modalités puisqu’exclusivement au temps passé.

Sont en outre mentionnées des conditions à l’intervention de la Selas, posées par elle-même, qui sont contestées et ne sont étayées par aucune pièce extérieure.

L’honoraire de résultat n’est licite que s’il est complémentaire à une rémunération des prestations effectuées et, pour être exigible, doit être expressément stipulé dans une convention préalablement conclue entre le client et l’avocat.

Un accord éventuel entre avocats, concernant des honoraires à facturer à un client, n’est pas opposable à celui-ci.

En outre, il sera rappelé au visa de l’article 1120 du code civil, que le silence opposé à l’affirmation d’un fait ne vaut pas, à lui seul, reconnaissance de celui-ci.

Il résulte de ce qui précède que la Selas ne justifie ni d’un accord intervenu sur des modalités de règlement différé d’honoraires exigible à l’issue du contentieux judiciaire engagé, ni d’un accord sur les honoraires eux-mêmes, étant rappelé les liens d’amitié non contestés entre M. X et Me A, ni enfin d’un accord sur le sort des honoraires en cas de succession d’avocat.

Dès lors, la décision du bâtonnier, en ce qu’elle a jugé la demande prescrite, sera confirmée.

La solution du litige commande d’accorder à M. X, et à lui seul, une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirmons la décision déférée ;

Condamnons la Selas de Gaulle Fleurance et associés à payer à M. Y X une indemnité d’un montant de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laissons les dépens à la charge de la Selas de Gaulle Fleurance et associés ;

Disons qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.

ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la cour le DIX-SEPT DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF par Anne de LACAUSSADE, conseillère, qui en a signé la minute avec Sarah-Lisa GILBERT, greffière, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues dans l’article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE

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