Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 14 novembre 2019, n° 19/10687

  • Ville·
  • Habitation·
  • Construction·
  • Directive·
  • Location·
  • Service·
  • Amende civile·
  • Autorisation·
  • Pénurie·
  • Clientèle

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 2, 14 nov. 2019, n° 19/10687
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/10687
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 1er mai 2018, N° 17/60839
Dispositif : Réouverture des débats

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2019

(n° 531 , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10687 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAACY

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Mai 2018 -Président du tribunal de grande instance de PARIS – RG n° 17/60839

APPELANTE

Commune VILLE DE PARIS prise en la personne de Madame A B, maire de la ville de Paris

[…]

[…]

Représentée et assistée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079

INTIMES

Mme C Y

[…]

NORVEGE

Représentée et assistée par Me Nicolas LEDERMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1346

M. E X

[…]

NORVEGE

Représenté et assisté par Me Nicolas LEDERMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1346

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 Octobre 2019, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Véronique DELLELIS, Présidente conformément aux articles 785, 786 et 905 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Véronique DELLELIS, Présidente

Bernard CHEVALIER, Président

Isabelle CHESNOT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Lauranne VOLPI

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Véronique DELLELIS, Présidente et par Lauranne VOLPI, Greffière,

Exposé du litige

M. X et Mme Y sont propriétaires d’un appartement situé 12 rue des Lions Saint-Paul à Paris 4e.

Par acte du 30 août 2015, Mme Y et M. X ont passé avec la SAS Home Services Paris représentée par M. Z un « contrat de location meublée saisonnier » portant sur le lot n° 22, pour une durée d’un an à compter du 1er septembre 2015, avec faculté de sous-location, moyennant un loyer mensuel fixé à « 25% des revenus au gestionnaire et 75% au propriétaire ».

Reprochant aux parties défenderesses d’avoir donné cet appartement en location pour de courtes durées à une clientèle de passage, la Ville de Paris a assigné en la forme des référés devant le tribunal de grande instance de Paris, par actes des 11 octobre 2017 et du 17 octobre 2017, la société Homes Services Paris, d’une part, et Mme Y et M. X, résidant à Oslo, d’autre part, aux fins d’entendre :

— dire et juger que Mme Y, M. X et la SAS Home Services Paris ont commis une infraction aux dispositions de l’article L 651-2 du code de la construction et de l’habitation en louant pour de courtes durées l’appartement au 3e étage, porte droite, bâtiment C, escalier 2 dépendant de l’immeuble situé […] ;

— condamner in solidum Mme Y, M. X et la SAS Home Services Paris à une amende civile de 50 000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la ville de Paris conformément à l’article L.6512 du code de la construction et de l’habitation ;

— condamner Mme Y, M. X et la SAS Home Services Paris au paiement chacun de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par ordonnance en la forme des référés contradictoire rendue le 2 mai 2018, le président du tribunal de grande instance de Paris a :

— constaté que Mme Y, M. X et la SAS Home Services Paris ont enfreint les dispositions de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation au titre de l’appartement constituant le lot n° 22 situé dans l’immeuble du […] ;

— condamné in solidum Mme Y, M. X et la société Home Services Paris, à payer à la ville de Paris une amende civile de 3 000 euros pour cette infraction ;

— déclaré irrecevable l’appel en garantie formé par Mme Y et M. X G à l’encontre de la SAS Home Services Paris ;

— condamné in solidum Mme Y, M. X et la SAS Home Services Paris à payer à la ville de Paris la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

— condamné in solidum Mme Y, M. X et la SAS Home Service Paris aux dépens.

Le premier juge a fondé cette décision notamment sur les motifs suivants :

— la violation de la législation applicable a été constatée par un agent assermenté de la Ville de Paris ;

— l’immeuble se trouve en location de courte durée sur divers sites internet ;

— l’appartement a normalement un usage exclusif d’habitation ;

— l’appartement n’est pas la résidence principale des défendeurs ;

— la SAS Home Services Paris a conclu des contrats de sous-location portant sur l’immeuble.

Par déclaration en date du 19 mai 2018, la Ville de Paris a relevé appel de cette ordonnance.

L’ordonnance attaquée est critiquée en ce qu’elle a prononcé une amende civile de 3 000 euros.

A la suite de l’avis de caducité qui lui a été envoyé au motif qu’elle n’avait pas signifié la déclaration d’appel à l’intimée dans les 10 jours de la réception de l’avis de fixation, la Ville de Paris s’est désistée de son appel contre la SAS Home Services de sorte que la cour n’est plus saisie d’un recours contre cette dernière

Une ordonnance d’irrecevabilité de l’appel s’agissant de l’appel contre Mme Y et M. X a été prononcée dans cette affaire en date du 13 février 2019.

Cette ordonnance a été infirmée par arrêt du 22 mai 2019.

Au terme de ses conclusions communiquées par voie électronique le 19 juillet 2019, la Ville de Paris demande à la cour, sur le fondement des articles L.631-7, L.632-1, L.651-2 du code de la construction et de l’habitation, 400 et 700 du code de procédure civile et la loi du 6 juillet 1989, de :

— infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle condamne M. X et Mme Y au paiement d’une amende civile de 3 000 euros et la confirmer pour le surplus ;

— débouter M. X et Mme Y de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Et statuant à nouveau sur ce chef de demande :

— condamner M. X et Mme Y à une amende civile d’un montant de 50 000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la Ville de Paris conformément à l’article L.6512 du code de la construction et de l’habitation ;

En tout état de cause :

— condamner M. X et Mme Y à payer à la Ville de Paris la somme de 1 000 euros chacun au

titre des frais irrépétibles en appel ainsi qu’aux entiers dépens ainsi qu’il est dit à l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Bruno Mathieu, avocat.

La Ville de Paris fait valoir en substance les éléments suivants :

— l’infraction à la législation susvisée est caractérisée ;

— le montant de l’amende doit être fonction des profits retirés ;

— les intimés ne sont pas de bonne foi et ne peuvent pas alléguer l’ignorance de la législation.

Mme Y et M. X, par conclusions transmises par voie électronique le 26 juillet 2018, demandent à la cour, de

— donner acte à Mme Y et M. X qu’ils ne concluent au fond que sous réserve de la décision à venir du conseiller de la mise en état sur la caducité de la présente procédure d’appel ;

Sous cette réserve :

— déclarer la Ville de Paris irrecevable et mal fondée en son appel ;

— réformer l’ordonnance rendue le 2 mai 2018 compte tenu de la bonne foi de M. X et Mme Y et des circonstances de fait rappelées ci-dessus, rapporter l’amende sollicitée par la Ville de Paris à 1 euro ;

— débouter la ville de Paris de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la Ville de Paris à leur payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de

l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.

Mme Y et M. X exposent en résumé ce qui suit :

— l’appartement a longtemps été utilisé par les nombreux membres de la famille effectuant de fréquents passages à Paris ;

— les concluants pensaient laisser le logement à un professionnel de confiance ;

— les locations ont eu lieu en l’absence de toute information des époux au moins dans un premier temps ;

— les époux sont de bonne foi et ignoraient la législation en vigueur ;

— ils ont été trompés par cette prétendue agence ;

— l’amende est injustifiée en ce que les époux n’ont reçu que des loyers très faibles.

SUR CE LA COUR :

La ville de Paris fonde ses demandes sur les dispositions de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation qui prévoit que la location pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile d’un local meublé qui était affecté à l’habitation au 1er janvier 1970 dans les communes de plus de 200 000 habitants est soumise à autorisation préalable.

Les conditions dans lesquelles cette autorisation préalable est délivrée sont prévues à l’article L 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, qui énonce qu’elle l’est par le maire de la commune dans laquelle est situé l’immeuble, après avis, à Paris, Marseille et Lyon, du maire d’arrondissement concerné et qu’elle peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.

Cet article prévoit également que, pour l’application de l’article L. 631-7, une délibération du conseil municipal ou, si la commune est membre d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, de l’organe délibérant de cet établissement fixe les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations par quartier et, le cas échéant, par arrondissement, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements.

Il est également prévu aux articles L 631-7-1 A et L 631-7-1 B du même code les conditions dans lesquelles un changement d’usage temporaire peut être autorisé.

La Cour de cassation, par arrêt rendu le 15 novembre 2018, a posé à la CJUE les questions préjudicielles suivantes :

'1 / La directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, eu égard à la définition de son objet et de son champ d’application par ses articles 1 et 2, s’applique t elle à la location à titre onéreux, même à titre non professionnel, de manière répétée et pour de courtes durées, d’un local meublé à usage d’habitation ne constituant pas la résidence principale du loueur, à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, notamment au regard des notions de prestataires et de services '

2 / en cas de réponse positive à la question précédente, une réglementation nationale, telle que celle prévue par l’article L. 631 7 du code de la construction et de l’habitation, constitue t elle un régime d’autorisation de l’activité susvisée au sens des articles 9 à 13 de la directive 2006/123 du

12 décembre 2006 ou seulement une exigence soumise aux dispositions des articles 14 et 15 '

Dans l’hypothèse où les articles 9 à 13 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 sont applicables :

3 / L’article 9 sous b) de cette directive doit-il être interprété en ce sens que l’objectif tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location constitue une raison impérieuse d’intérêt général permettant de justifier une mesure nationale soumettant à autorisation, dans certaines zones géographiques, la location d’un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile '

4 / Dans l’affirmative, une telle mesure est-elle proportionnée à l’objectif poursuivi '

5 / L’article 10, paragraphe 2, sous d) et e) de la directive s’oppose t il à une mesure nationale qui subordonne à autorisation le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation « de manière répétée », pour de « courtes durées », à une « clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » '

6 / L’article 10, paragraphe 2, sous d) à g) de la directive s’oppose-t-il à un régime d’autorisation prévoyant que les conditions de délivrance de l’autorisation sont fixées, par une délibération du conseil municipal, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements ''

Ces questions ont pour objet de permettre au juge national d’apprécier la conformité à la directive

2006/123/CE des dispositions du code de la construction et de l’habitation et de leur mise en oeuvre par la ville de Paris si la CJUE devait dire pour droit, en réponse à la première question, que l’activité couverte par ces dispositions relève du champ d’application de celle-ci.

La réponse donnée par la CJUE aux questions posées par la Cour de cassation s’imposera à toutes les juridictions nationales saisies d’un litige dans lequel il leur sera demandé de faire application des articles précités du code de la construction et de l’habitation et des règles prises par la ville de Paris pour leur mise en oeuvre.

Et si le juge national devait aboutir à la conclusion que les articles du code de la construction et de l’habitation précitées ou leur mise en oeuvre par la ville de Paris s’avéraient non conformes à des dispositions claires et précises de la directive 2006/123/CE au regard des critères précisés par la CJUE, il devrait écarter l’application de ses règles nationales conformément à l’arrêt rendu par celle-ci le 9 mars 1978, Simmenthal (106/77), la ville de Paris devant être considérée comme une autorité étatique à l’encontre de laquelle ladite directive peut avoir un effet direct.

Il s’ensuit que l’arrêt devant être rendu par la CJUE en réponse aux questions posées par la Cour de cassation dans l’arrêt du 15 novembre 2018 est pertinent pour la solution de l’affaire en examen, cela alors qu’il ne saurait être exclu à ce stade que les infractions à l’article L 631-1 du code de la construction et de l’habitation reprochées par la ville de Paris aux intimés soient fondées.

Il convient dès lors de rouvrir les débats , de révoquer l’ordonnance de clôture et d’inviter les parties à s’expliquer sur les conséquences de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 15 novembre 2018.

PAR CES MOTIFS

Ordonne la réouverture des débats, révoque l’ordonnance de clôture et invite les parties à s’expliquer sur les conséquences de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 15 novembre 2018 et en particulier sur la nécessité d’un sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt devant être rendu par la CJUE ;

Renvoie l’affaire et les parties à l’audience du 5 février 2019 avec clôture à cette date ;

Réserve les dépens.

La Greffière, La Présidente,

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 14 novembre 2019, n° 19/10687