Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 20 novembre 2020, n° 19/10188

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Chronologie de l’affaire

Commentaires3

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FTPA · 7 décembre 2020

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FTPA · 7 décembre 2020

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 20 nov. 2020, n° 19/10188
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/10188
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 22 avril 2019, N° 2017031182
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2020

(n°123, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 19/10188 – n° Portalis 35L7-V-B7D-B76KR

Décision déférée à la Cour : jugement du 23 avril 2019 – Tribunal de Commerce de PARIS – 15e chambre – RG n°2017031182

APPELANTE

S.A.S.U. Y, agissant en la personne de son représentant légal, M. Z A, domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque L 0056

Assistée de Michaël PIQUET-FRAYSSE plaidant pour la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque B 485

INTIMEE

S.A. WEBEDIA, prise en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

92300 LEVALLOIS-PERRET

Immatriculée au rcs de Nanterre sous le numéro 501 106 520

Représentée par Me Alexandre MAILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque R 071

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Brigitte CHOKRON, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 23 avril 2019 par le tribunal de commerce de Paris ;

Vu l’appel interjeté le 13 mai 2019 par la société Y ;

Vu les dernières conclusions (conclusions n°2) remises au greffe et notifiées par voie électronique le 27 mai 2020 par la société Y, appelante ;

Vu les dernières conclusions (conclusions n°2) remises au greffe et notifiées par voie électronique le 23 juillet 2020 par la société Webedia, intimée ;

Vu l’ordonnance de clôture du 3 septembre 2020 ;

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un examen complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La société Y est spécialisée dans la confection et la vente de vêtements haut de gamme pour enfants et commercialise ses produits dans ses boutiques ainsi que, notamment pour ses fins de série, par le biais de revendeurs spécialisés dans la distribution en ligne de vêtements multimarques, dont la société Yoox exploitant notamment le site www.yoox.com.

La société Webedia a notamment pour activité la gestion de sites internet. Parmi ceux-ci, elle est l’éditeur du site www.shopoon.fr, dénommé aussi PureShopping, qui se présente comme un guide d’achat de mode et de décoration en ligne permettant la mise en relation des internautes avec des sites marchands de commerce en ligne. Ainsi, le site www.shopoon.fr propose notamment des produits figurant sur les catalogues transmis par la société Yoox.

La société Webedia est rémunérée sur la base des clics redirigés vers les sites marchands partenaires.

La société Y dit avoir constaté, ainsi que le confirme un constat d’huissier de justice du 13 juillet 2016 qui a analysé les 70 produits Y affichés sur le site shopoon.fr, que ces produits étaient en réalité à 93 % indisponibles, l’internaute étant alors renvoyé sur des produits similaires et concurrents mais non indiqués comme tels.

Les pratiques d’affichage de ses produits lui paraissant contestables et être constitutives de concurrence déloyale, la société Y a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 11

août 2016, renouvelée le 14 octobre 2016, mis en demeure la société Webedia de cesser ces actes litigieux, de communiquer les éléments factuels et/ou techniques permettant de justifier éventuellement de telles pratiques, et de proposer une juste indemnisation.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 septembre 2016, la société Webedia a précisé qu’elle ne distribuait ni ne commercialisait de produits et s’est expliquée sur le processus de mise en ligne des catalogues remis et de prise en compte des indisponibilités. Elle a également allégué de sa bonne foi et, prenant en considération la protestation de la société Y, arrêté l’affichage de tous les produits Y sur le site www.shopoon.fr.

C’est dans ces circonstances que la société Y a fait assigner par acte en date du 12 avril 2017 la société Webedia devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement contradictoire en date du 23 avril 2019, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Y de toutes ses demandes ainsi que la société Webedia de sa demande au titre de la procédure abusive, dit n’y avoir lieu à amende prévue par l’article 32-1 du code de procédure civile, et condamné la société Y à payer à la société Webedia la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et ordonné l’exécution provisoire.

La société Y a interjeté appel de ce jugement et par ses dernières conclusions demande à la cour, au fondement de l’article L. 121-2, I, 2°, a) du code de la consommation, des articles 1240 et 1241 du code civil, de l’article 20 de la loi du 21 juin 2004, de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a :

— déclaré recevable ses demandes fondées sur les pratiques commerciales trompeuses et la concurrence déloyale ;

— débouté la société Webedia de sa demande reconventionnelle en procédure abusive ;

— l’infirmer pour le surplus, et statuant a nouveau :
- déclarer recevable en cause d’appel toutes ses demandes ;

— dire et juger que la société Webedia a commis des pratiques commerciales trompeuses au sens de l’article l. 121-1 I, 2°, a) du code de la consommation à son préjudice ;

— dire et juger que la société Webedia s’est également rendue coupable d’actes de concurrence déloyale par la pratique de la marque d’appel à son préjudice ;

En conséquence :
- ordonner à la société Webedia d’identifier clairement et immédiatement le caractère publicitaire du référencement de ses sites partenaires, dans sa page d’accueil, et en-tête de toutes les pages présentant des produits, en précisant que la société Webedia n’affiche que les offres de ses sites partenaires moyennant rémunération, le tout sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter du 3e mois suivant la signification de la décision à intervenir ;

— condamner la société webedia à publier, à ses frais, en caractères gras, noirs sur fond blanc, de 0,5 cm de hauteur, dans un encadré, sous le titre « communiqué judiciaire », lui-même en caractères de 0,7 de hauteur, le communiqué suivant « par arrêt en date du ------, la cour d’appel de paris a condamné la société webedia, éditrice du site www.shopoon.fr, pour pratiques commerciales trompeuses et concurrence déloyale envers la société Y », aux conditions suivantes :

— durant 30 jours, en haut de la page d’accueil du site accessible à l’adresse et édité par la société webedia, et, et ce sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de la

signification de la décision à intervenir ;

— dans trois journaux nationaux de son choix et aux frais de la société webedia sans que le coût de chacune de ces publications n’excède la somme de 25.000 euros HT conformément aux tarifs pratiqués habituellement pour ce type de mesure ;

— condamner la société Webedia à lui payer :

— une indemnité de 63.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale ;

— une indemnité de 30.000 euros en réparation du préjudice moral et préjudice d’image ;

— une indemnité de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens ;

Par ses dernières conclusions, la société Webedia demande à la cour, au fondement de l’article L. 121-2 du code de la consommation, des articles 1240 et 1241 du code civil, de l’article 15 de la directive 2004/48/ce du parlement européen et du conseil du 29 avril 2004, des articles 9, 11, 32-1, 564 et suivants du code de procédure civile, de :

— juger irrecevable la demande nouvelle de la société Y formulée pour la première fois devant la cour d''ordonner à la société Webedia d’identifier clairement et immédiatement le caractère publicitaire du référencement de ses sites partenaires, dans sa page d’accueil, et en-tête de toutes les pages présentant des produits, en précisant que la société Webedia n’affiche que les offres de ses sites partenaires moyennant rémunération, le tout sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter du 3e mois suivant la signification de la décision à intervenir';

— confirmer le jugement du tribunal de commerce du 23 avril 2019 ;

En conséquence,

— débouter la société Y de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

Y ajoutant,

— condamner la société Y à payer une amende civile de 3.000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ;
- condamner la société Y à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 et les entiers dépens comprenant les frais de constats d’huissier.

Sur les pratiques commerciales trompeuses

L’article L. 121-1 du code de la consommation dans sa version issue de l’ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016, pose le principe de l’illicéité de toute pratique commerciale déloyale à l’égard du consommateur. Le deuxième alinéa de cet article définit ainsi une telle pratique : 'Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service'.

L’article L. 121-2, 2°, a) du code de la consommation prévoit qu''une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :

2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :

a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;

— Sur la recevabilité de la demande de la société Y tendant à voir ordonner une identification transparente

Selon les dispositions des articles 564 et 565 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance de la révélation d’un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès l’ors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

L’intimée allègue que la demande de la société Y tendant à voir ordonner une identification transparente de la prestation de référencement payant commercialisée par elle, serait irrecevable comme nouvelle en cause d’appel.

La société Y sollicite devant la cour que soit ordonné à la société Webedia d’identifier clairement et immédiatement le caractère publicitaire du référencement de ses sites partenaires, dans sa page d’accueil, et en-tête de toutes les pages présentant des produits, en précisant que la société Webedia n’affiche que les offres de ses sites partenaires moyennant rémunération, le tout sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter du 3e mois suivant la signification de la décision à intervenir.

Devant le tribunal elle demandait que soit ordonné à la société Webedia d’identifier clairement et immédiatement sur le site www.shopoon.fr les produits indisponibles sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter du 3e mois suivant la signification de la décision à intervenir.

Si la mesure sollicitée en cause d’appel est plus large que celle présentée aux premiers juges, elle est destinée comme la première à obliger le site édité par la société Webedia à plus de transparence vis-à-vis du consommateur et tend donc aux mêmes fins.

Cette demande est en conséquence recevable.

— Sur l’imputabilité de la pratique incriminée

L’appelante précise que la société Webedia est seule responsable de la présentation du site shopoon.fr qui trompe le consommateur par une présentation de nature à l’induire en erreur sur la disponibilité réelle des produits, comme elle est seule responsable du choix arbitraire de maintenir la diffusion d’annonces commerciales au bénéfice de produits dont elle sait pertinemment qu’ils sont en rupture de stock, et ce jusqu’à 30 jours au-delà de leur indisponibilité. Elle ajoute que ce sont les conséquences des modalités choisies par la société Webedia dans son rôle d’intermédiation sur le consommateur qui sont en débat.

L’intimée rappelle que si la société Y entend contester le contenu des catalogues de la société Yoox, il lui appartient de s’adresser directement et exclusivement à cette société. Elle explique que l’indisponibilité de tel ou tel produit de marque Y ne peut pas lui être imputable puisqu’elle n’est pas distributeur ni revendeur de ces produits et n’intervient jamais sur le contenu des catalogues.

Selon les éléments fournis au débat, particulièrement le procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 13 juillet 2016 à la demande de la société Y, lorsque l’huissier instrumentaire saisit dans la barre du moteur de recherche le nom du site 'www.shopoon.fr’ apparaît une première page à l’enseigne PureShopping qui offre à l’internaute diverses rubriques telles 'Marques', 'Vêtements', 'Chaussures', 'Accessoires’ … et lorsque l’huissier de justice saisit dans la ligne de recherche du site shopoon.fr la requête 'Y', apparaît une page de résultats toujours à l’enseigne PureShopping sur laquelle figure la marque Y semi figurative ou en caractères bâtons suivies de la mention '70 résultats chez un marchand pour Y’ et de plusieurs articles vestimentaires pour enfant. Lorsque l’huissier de justice clique sur l’icône 'voir l’offre’ figurant en dessous des cinq articles ainsi proposés, une page s’ouvre et indique notamment : 'Nous vous redirigeons sur Yoox.com pour votre achat', puis le message disparaît et l’internaute est redirigé vers une page à l’enseigne Yoox.com présentant l’article Y sélectionné, ainsi que d’autres articles de marque Y ou, sous la rubrique 'vous pourrez aimer également', des articles vestimentaires de marques différentes pour enfant ou femme notamment. De même, lorsque l’huissier de justice clique en dessous des 65 autres articles où la mention 'voir l’offre’ n’apparaît pas, il constate qu’une nouvelle fenêtre s’ouvre où apparaît le produit sélectionné en dessous duquel figurent deux cartouches de couleur différente, un premier cartouche de couleur rouge où est mentionné 'Désolé !' et en plus petits caractères 'Cette offre n’est plus disponible’ et un cartouche de couleur noire où figure la mention en gros caractères 'produits similaires’ sous laquelle est précisé 'vous pouvez être intéressé par ceux ci-dessous ', des produits du même genre apparaissant en dessous de ces cartouches. L’huissier de justice insère ensuite dans la ligne d’accès à internet des liens fournis par la société Y dont il indique que celle-ci lui a ' précisé que ces liens renvoient à des produits 'Y’ disponibles sur le site 'Yoox.com' pour constater la présence de certains produits sur le site de la société Yoox.

De même, la lettre adressée le 13 septembre 2016 par la société Webedia à la société Y en réponse à sa lettre de mise en demeure du 11 août 2016 précise que le site shopoon.fr est un guide d’achat en ligne qui met en relation les internautes qui cherchent des produits par les sites marchands sur Internet, que de nombreux catalogues produits sont reçus de ces sites marchands parmi lesquels le distributeur yoox.com qui distribue les produits de la marque Y, le site shopoon.fr diffusant les informations reçues de leur part sur chaque produit tels que la marque, l’image, le lien, le prix et les éventuelles promotions, ce site ne choisissant, ni ne vendant les produits proposés qui, s’ils deviennent indisponibles sont conservés dans la base pendant 30 jours pour permettre le réassort et, à l’issue de la période de trente jours, les produits toujours indisponibles sont supprimés du site shopoon.fr.

Selon le contrat du 2 janvier 2009 (pièce 11 de l’intimée) liant la société Pure Style aux droits de laquelle vient la société Webedia éditrice du site internet shopoon.fr et la société Yoox, éditrice du site internet yoox.com, convention qui 'a pour objet de définir les termes et conditions par lesquels Shopoon s’engage à promouvoir le site de Yoox Spa en générant un trafic d’utilisateurs qualifiés à travers la mise en place des liens hypertextes, cliquables à partir du site Shopoon vers www.yoox.com', la société Yoox devra fournir sa sélection issue de la base de données de produits, aux formats convenus entre les deux parties, à une périodicité quotidienne et qu’en contrepartie du trafic apporté par le site Shopoon, la société Yoox s’engage à lui verser une rémunération calculée sur la base des 'clics en provenance de shopoon’ à partir des liens hypertextes cliquables mis en place sur le site, ces clics étant mesurés par un outil de la société Shopoon qui est un outil tiers.

Il ressort de ce qui précède que le site shopoon.fr est une plate-forme e-commerce dite 'place de marché’ spécialisée dans le secteur de la mode, de la beauté et de la décoration référençant divers sites marchands pour leur donner une plus grande visibilité sur Internet moyennant rémunération aux clics. Sur ce site, les produits disponibles sont mentionnés par l’icône 'voir l’offre’ qui figure sous l’article, les produits ne comprenant pas cette mention se révélant indisponibles.

Il apparaît également que les premières pages sur lesquelles l’internaute est dirigé lorsqu’il navigue sur le site shopoon.fr sont à l’enseigne PureShopping et ne sont pas celles du site marchand, tel le site yoox.com, où peuvent être acquis les articles de la marque Y lorsqu’ils sont disponibles. La présentation de ces pages notamment l’indication sous le produit de la mention 'voir l’offre’ pour le

distinguer des produits indisponibles où cette mention n’apparaît pas, ou la décision de conserver affichés les produits indisponibles pendant 30 jours appartiennent donc à la société Webedia éditrice du site internet shopoon.fr qui ne peut utilement invoquer le fait qu’elle ne vend pas directement les articles proposés et renvoyer aux pratiques de la société éditrice du site yoox.com ou au contrat qui lierait cette dernière à la société Y pour s’exonérer de toute responsabilité.

— Sur la pratique incriminée

L’appelante fait valoir que la société Webedia a induit en erreur le consommateur sur la disponibilité réelle des produits par l’usage combiné d’une présentation trompeuse quant à la disponibilité des articles et du délai anormalement long de 30 jours de diffusion d’une annonce commerciale au-delà de l’indisponibilité d’un produit.

La société Y reproche à la société Webedia non pas d’afficher des produits devenus indisponibles sur son site mais de ne pas les identifier clairement comme tels.

Néanmoins, il ressort de ce qui précède que s’agissant des produits affichés sur les pages à l’enseigne PureShopping, les articles disponibles sont distingués par l’onglet 'voir l’offre’ et placés en tête des produits affichés sur la page. Cette mention écrite en lettres blanches dans un cartouche de couleur noire, inscrite juste en-dessous de l’article, est suffisamment visible pour inviter l’internaute à cliquer sur cet onglet pour consulter l’article en cause en priorité, les produits qui ne sont pas disponibles ne comportant aucune mention incitant l’internaute à cliquer sur l’article en cause qui est présenté après les articles disponibles. L’allégation de la société Y selon laquelle la société Webedia mettrait spécialement en avant les produits indisponibles par l’usage de promotion n’étant pas corroborée par le procès-verbal de constat ci-avant évoqué, seul un article sur les 65 indisponibles étant présenté en promotion et la mention 'livraison gratuite’ figurant sous l’ensemble des 70 produits présentés.

Aussi, cette présentation est suffisamment claire et explicite pour informer le consommateur normalement averti et attentif sur la disponibilité réelle des articles via le site shopoon.fr, le consommateur n’étant pas induit en erreur à cet égard, aucun élément ne pouvant lui laisser croire que le produit vierge de toute mention est offert à la vente, sans qu’il soit nécessaire que les articles non disponibles soient identifiés comme tel ce quand bien même d’autres sites internet pratiqueraient ainsi. Cette pratique n’est donc pas contraire aux exigences de la diligence professionnelle.

Il en va de même de la circonstance que l’article indisponible soit susceptible de figurer trente jours maximum sur le site shopoon.fr ainsi que le reconnaît l’intimée dans sa lettre du 13 septembre 2016, cette pratique n’étant pas de nature à tromper la croyance légitime du consommateur, à supposer avérée, dans la mise à jour en temps réel de la disponibilité des produits à l’ère d’Internet, un produit pouvant tout aussi rapidement devenir indisponible qu’être réassorti. Le fait que le site yoox.com commercialise des fins de série est aussi inopérant, le site shopoon.fr consulté par l’internaute n’étant pas destiné aux fins de série. Enfin, la disponibilité d’un article sur le site yoox.com alors qu’il ne le serait pas sur le site shopoon.fr à supposer établie, l’huissier instrumentaire ayant procédé à la recherche non pas en naviguant sur le site yoox.com mais en saisissant les liens fournis par la requérante, n’est pas plus pertinente à caractériser la pratique commerciale déloyale, le site shopoon.fr ne faisant que reprendre les informations de la société Yoox sur la disponibilité des articles.

De même, cette présentation n’est pas susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif qui en cas d’indisponibilité du produit de marque souhaité se tournerait vers des articles d’une autre marque, ce comportement étant le même si le produit est distinctement mentionné comme indisponible.

En outre, l’appelante ne fait pas valoir utilement l’absence d’information sur le caractère payant du référencement des annonces diffusées sur le site shopoon.fr ou l’utilisation de la notion de 'guide’ par

le site en cause, aux motifs qu’elle induirait nécessairement le consommateur en erreur. En effet, s’il peut être considéré que le système de référencement tel que pratiqué par la société Webedia constitue une publicité, il résulte des constatations qui précèdent qu’à la différence des décisions citées par l’appelante et des dispositions de l’article L. 111-7 du code de la consommation dans leur version issue de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 non applicable aux faits de l’espèce, il n’est pas démontré ni même allégué que le site shopoon.fr effectue un référencement prioritaire en fonction de la rémunération, ou constitue un comparateur de prix. La société Y échoue donc à démontrer en quoi il aurait été omis une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.

Les demandes de la société Y sur les pratiques commerciales trompeuses ne sont pas fondées et le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il les a rejetées. La demande tendant à voir ordonner une identification transparente du site en cause est en conséquence également rejetée.

Sur la concurrence déloyale

L’action en concurrence déloyale étant fondée sur l’article 1382, devenu 1240, du code civil, son bien-fondé suppose l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre ces deux éléments.

Ainsi qu’il a été précédemment relevé, si la société Webedia ne vend pas directement les articles qu’elle présente sur son site, renvoyant l’internaute aux sites marchands qu’elle référence, il n’en demeure pas moins que celle-ci est rémunérée par lesdits sites au nombre de clics en provenance du site shopoon.fr qu’elle a donc intérêt à générer en mettant en avant les produits de sites et de marques différents en cas d’indisponibilité du produit recherché.

En conséquence, si la société Webedia n’est pas le fournisseur direct du produit concurrent, elle tire un avantage à ce que l’internaute soit dirigé vers celui-ci.

Il résulte des constatations précédentes et particulièrement de celles du constat dressé par huissier de justice le 13 juillet 2016 que s’agissant des produits de la marque Y seuls 5 sur les 70 apparaissant sur les pages à l’enseigne PureShopping du site shopoon.fr sont disponibles à la vente et que lorsque l’internaute est amené à cliquer sur les produits indisponibles, il est renvoyé sur une page lui indiquant cet état et l’invitant à consulter des produits similaires sans que son attention soit attirée sur le fait qu’il ne s’agit pas d’articles de la marque Y, ce qui n’est pas discuté par l’intimée.

Les développements qui précèdent démontrent également que la présentation des premières pages sur lesquelles l’internaute est dirigé lorsqu’il navigue sur le site shopoon.fr sont à l’enseigne PureShopping et ne sont pas celles du site marchand, tel le site yoox.com où peuvent être acquis les articles de la marque Y lorsqu’ils sont disponibles, et que la présentation de ces pages appartient donc à la société Webedia éditrice du site internet et qu’ainsi le contrat qui lie la société Yoox à la société Y n’est pas utile au débat.

La renommée de la marque Y n’est pas discutée par la société Webedia ainsi qu’elle le reconnaît dans ses écritures, cette renommée étant par ailleurs établie par les éléments fournis par l’appelante. Les produits de cette marque sont susceptibles d’être particulièrement recherchés par l’internaute notamment en quête de bonnes affaires.

Or, en présentant sur les premières pages à l’enseigne PureShopping du site shopoon.fr en suite de la saisie de la requête Y par l’internaute, de nombreux produits de cette marque (70) dont elle sait qu’une grande majorité sont indisponibles (93% des articles affichés), articles susceptibles de rester affichés 30 jours sur le site en cause, et en renvoyant l’internaute à la possibilité de voir des

produits similaires concurrents, la société Webedia, rémunérée au 'clic', a commis un acte déloyal en utilisant la marque Y afin d’attirer la clientèle et de lui proposer des articles d’autres marques pour tenter de générer du trafic sur le site qu’elle édite.

La faute de la société Webedia est ainsi caractérisée.

En matière de responsabilité pour concurrence déloyale, il s’infère nécessairement pour celui qui subit un acte fautif de concurrence déloyale un préjudice, fût-il seulement moral.

Selon les éléments fournis au débat par la société Y, notamment l’attestation de son commissaire aux comptes, celle-ci a engagé dans le cadre de la création, la communication et la défense de la marque Y les sommes de 6.388.299 euros pour 2015 et 7.633.627 euros pour 2016. La pratique déloyale de la société Webedia a nécessairement porté atteinte à l’image de la société Y, qu’elle a vulgarisée et banalisée, et il convient d’évaluer le préjudice subi à ce titre au vu des éléments soumis à la cour à la somme de 20.000 euros.

L’appelante invoque également un préjudice résultant du détournement de clientèle et réclame à ce titre la somme de 63.000 euros.

Elle se base sur un courriel de la société Webedia du 7 décembre 2016 (pièce 8) portant sur des 'estimations sur les audiences PureShopping concernant la marque Y sur l’ensemble de l’année 2016" qui mentionne un nombre de 858 pages vues, chiffre qui sera retenu par la cour. Ce courriel précise également que le taux de clic qui correspond aux moyennes du site et appliqués aux volumes de pages vues est de 30 % (257) dont 10% pour les produits indisponibles (25).

Si la société Y soutient à juste titre que les pratiques incriminées ont pu avoir pour conséquence un détournement de clientèle, celle-ci établissant qu’un acheteur sur deux substitue l’article manquant en cas d’indisponibilité, elle ne peut être suivie lorsqu’elle affirme que 93% des internautes cherchant des produits Y sur le site shopoon.fr se sont vus proposer un produit d’une marque concurrente. En effet, outre que l’internaute qui visualise une page ne consulte pas forcément le produit, il n’est nullement établi que l’internaute ait cliqué sur l’ensemble des produits indisponibles présentés, surtout qu’aucune mention particulière ne l’incitait à le faire. Aussi, le chiffre de 797 internautes (858 x 93%) qui se seraient vus proposer des produits concurrents ne sera pas retenu.

Au vu des éléments d’appréciation dont dispose la cour, il convient de considérer qu’au cours de l’année 2016, la moitié des 257 internautes ayant cliqué sur un article Y (30% de 857 pages vues), l’ont fait sur un produit indisponible et ont été redirigés vers des produits concurrents (257*50% ). En retenant le prix médian de 66 euros pour les produits proposés à la vente sur le site shopoon.fr déterminé par l’appelante, le chiffre d’affaires manqué s’élève à 129 x 66 euros = 8.514 euros auquel l’appelante applique un coefficient de marge de 80% classiquement retenu dans le secteur du prêt-à-porter pour enfants, soit 6.811 euros auquel il est appliqué la pondération à un taux de conversion classique en vente de 30% proposé par l’appelante. En conséquence, le préjudice de la société Y doit être évalué à la somme de 2.043 euros, la poursuite, alléguée, des pratiques déloyales sur une durée de 5 années des pratiques déloyales de l’intimée , également invoquée par la société Y pour évaluer son préjudice, n’étant nullement démontrée.

Dès lors, le préjudice total subi par la société Y au titre du détournement de clientèle s’élève à la somme de 2.043 euros.

La demande de la société Y de publication d’un communiqué judiciaire n’apparaît pas justifiée en l’espèce et le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de ce chef.

Sur la demande de la société Webedia pour procédure abusive

L’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d’erreur grossière équipollente au dol ou de légèreté blâmable.

La société Webedia n’apporte pas la preuve d’une telle faute de la part de la société Y dont les demandes sont partiellement accueillies en cause d’appel, étant relevé que l’article 32-1 ne saurait être mis en oeuvre que de la propre initiative de la juridicution saisie, les parties ne pouvant avoir aucun intérêt au prononcé d’une amende civile à l’encontre de l’adversaire. Le jugement mérite confirmation en ce qu’il a rejeté la demande de ce chef.

Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles sont infirmées.

Partie perdante, la société Webedia est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société Y, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme totale de 10.000 euros pour l’ensemble de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions ayant dit que la société Y ne démontre pas que la société Webedia a commis à son encontre des actes de concurrence déloyale et l’a déboutée de ses demandes indemnitaires de ce chef et condamné la société Y à payer à la société Webedia la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

Et statuant à nouveau sur ces chefs,

Dit que la société Webedia a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Y,

Condamne la société Webedia à payer à la société Y la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’image,

Condamne la société Webedia à payer à la société Y la somme de 2.043 euros de dommages et intérêts au titre du détournement de clientèle,

Y ajoutant,

Dit recevable la demande de la société Y tendant à voir ordonner une identification transparente de la prestation de référencement payant commercialisée par la société Webedia,

Rejette cette demande,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Webedia à payer à la société Y la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Webedia aux dépens de première instance et d’appel.

La Greffière La Présidente

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 20 novembre 2020, n° 19/10188