Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 17 février 2021, n° 19/16258

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Chronologie de l’affaire

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www.uggc.com · 15 mars 2021

Parasitisme : risque de confusion retenu entre les magazines « Public » et « PoUblic » En juillet 2019, la société de presse CMI Publishing(ci-après « CMI Publishing »)qui édite le magazine « Public » a constaté que la société de presse concurrente FT Magazine (ci-après « FT Magazine ») avait fait paraître un hebdomadaire dénommé « PoUblic ». Estimant manifeste le risque de confusion entre les magazines « Public » et « PoUblic », auquel elle reproche de reprendre les caractéristiques essentielles, CMI Publishing assigne devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris FT …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 3, 17 févr. 2021, n° 19/16258
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/16258
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 17 juillet 2019, N° 2019041181
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 17 FÉVRIER 2021

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/16258 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CARL5

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Juillet 2019 -Président du Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2019041181

APPELANTE

Société X Y société de droit anglais prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

Assistée par Me Alexandre BLONDIEAU, avocat au barreau de PARIS, toque D1517

INTIMEES

SAS E F, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliès en cette qualité audit siège

[…]

92300 Levallois-Perret

Représentée et assistée par Me Patrick SERGEANT, avocat au barreau de PARIS, toque: B1178

SAS MLP, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliès en cette qualité audit siège

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me G-H I de la SCP C D, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée par Me Jean DELAPALME, avocat au barreau des HAUTS-de-SEINE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 Novembre 2020, en audience publique, rapport ayant été fait par Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre

Carole CHEGARAY, Conseillère

Edmée BONGRAND, Conseillère

Greffier, lors des débats : Lauranne VOLPI

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre et par Lauranne VOLPI, Greffier présent lors de la mise à disposition,

********

La société de presse E F édite notamment les Y 'Elle', 'Télé 7 jours', 'Art & Décoration', 'Public'.

La société X Y, devenue ultérieurement B Y, est pour sa part éditrice de Y à contenu humoristique, tels que 'Voiri’ et 'Z A'.

Le 11 juillet 2019, la société X Y a fait paraître un magazine dénommé 'PoUBLIC', distribué par la société MLP sur le territoire français.

Estimant manifeste le risque de confusion entre le magazine 'Public’ qu’elle édite, et l’hebdomadaire 'PoUBLIC', publié par la société B Y, auquel elle reprochait de reprendre les caractéristiques essentielles du premier, la société E F a assigné devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris la société X Y aux fins de voir cesser le trouble manifestement illicite que lui est causaient les agissement déloyaux et parasitaires commis à son encontre à raison de l’édition et de la commercialisation de magazine 'PoUBLIC'. La société MLP est intervenue volontairement à l’instance.

Par ordonnance contradictoire rendue le 18 juillet 2019, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

— pris acte de l’intervention volontaire de la société MLP ;

— mis Messageries Lyonnaises de Presse hors de cause ;

— interdit à X Y et MLP de distribuer, commercialiser et faire la promotion du magazine PoUBLIC sur le territoire français, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit,

directement ou indirectement dans un délai de 24 heures à compter de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 20.000 euros par jour de retard à l’encontre de X Y ;

— ordonné à X Y et MLP de retirer du marché, à leurs frais, sur le territoire français, tous les exemplaires du magazine PoUBLIC, ainsi que tout document promotionnel commercial portant une reproduction de ce magazine, et ce dans un délai de 24 heures à compter de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 20.000 euros par jour de retard à l’encontre de X Y ;

— débouté E F de ses demandes de communication de pièces et de versement in solidum par X Y et MLP d’une provision sur dommages et intérêts ;

renvoyé l’affaire à l’audience collégiale du 6 septembre 2019, 15e chambre, à 14h00 pour qu’il soit statué au fond ;

— condamné X Y au versement à E F et à MLP d’une somme de 5.000 euros à chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 97,71 euros TTC dont 16,07 euros de TVA.

Par déclaration en date du 2 août 2019, la société X Y a interjeté appel de cette ordonnance.

Par conclusions remises le 16 novembre 2020, la société B Y, venant aux droits de X Y, demande à la cour, au visa des articles 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et 15 du code de procédure civile, de :

in limine litis,

— prononcer la nullité de l’assignation délivrée par la société E F ;

— infirmer l’ordonnance entreprise ;

— condamner la société E F à verser à l’appelante la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

à titre subsidiaire, vu les articles 1240 du code civil et L.122-5 alinéa 4 du code de la propriété intellectuelle ;

— juger que l’appelante n’a pas commis d’acte constitutif de concurrence déloyale et parasitisme envers la société E F à raison de la diffusion du magazine PoUBLIC ;

— retirer l’ensemble des demandes formulées par la société E F ;

— condamner la société E F à verser à l’appelante la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

à titre infiniment subsidiaire,

— ramener l’évaluation du préjudice subi par E F à de plus justes proportions;

— rejeter la demande de la société MLP au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

à titre encore plus subsidiaire,

— dire que condamnation prononcée au titre de l’article 700 en faveur de la société MLP entre dans la garantie due au titre du contrat du 4 juillet 2019 liant B Y et MLP.

Elle fait valoir, sur la nullité de l’assignation en référé et, par suite, de l’ordonnance, que la société E F n’a pas respecté le délai de délivrance de l’assignation fixé par l’ordonnance de président du tribunal de commerce de Paris du 12 juillet 2019 pour l’audience du 16 juillet 2019 ; cette ordonnance autorisant E F à assigner la société B Y en référé d’heure à heure précisait que l’assignation devait être délivrée à cette dernière au plus tard le 15 juillet 2019 avant 12 heures pour l’audience du lendemain le 16 juillet 2019 ; cependant, dans les faits, la société B Y s’est vue délivrer l’assignation à son siège social à Londres le 16 juillet 2019 en fin de matinée, soit 3 heures avant l’audience, ainsi cette dernière n’a pas pu disposer d’un délai raisonnable pour organiser sa défense ; en tout état de cause, ce n’est pas parce que le représentant de la société B Y et son conseil ont pu se rendre à l’audience in extremis, par respect pour l’institution judiciaire et pour la partie adverse, que la défense de la société a pu être assurée correctement en application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme et de l’article 15 du code de procédure civile.

La nullité de l’acte introductif de la société E F et par conséquent de l’ordonnance du 18 juillet 2019 est dès lors encourue.

Sur la caractère parodique du magazine PoUBLIC, elle indique qu’il est indéniable que la société B Y a bien eu l’intention de faire rire le public en éditant le magazine PoUBLIC, parodie du magazine PUBLIC, et ce, à travers l’utilisation d’un titre parodique, par le ton très particulier du magazine qui se distingue clairement des Y « people » classiques ; par le contenu même des articles qui montre à l’évidence le caractère parodique de PoUBLIC. Elle précise que le titre figurant en couverture du magazine PoUBLIC est imprimé avec « o » en jaune vif, qui ressort particulièrement sur le fond rose et le reste du titre blanc, cette différence dans le titre permet donc au public de comprendre immédiatement qu’il s’agit d’un magazine différent, tout en comprenant aisément la référence au magazine de notoriété publique PUBLIC. Elle ajoute que la société B Y n’a jamais eu la volonté de nuire au magazine PUBLIC ni même à ses 'membres’ ; elle a, par ailleurs, fait de même avec le magazine VOIRI, qui parodie le célèbre magazine VOICI, avec Z A, parodie de FRANCE A, et le magazine CLOOSER parodie de CLOSER ; en systématisant sa démarche autour de l’ensemble des quatre plus grands titres people français, la société B Y s’est clairement engagée dans le genre parodique.

Elle soutient que l’allocation d’un montant de 90.000 euros de dommages et intérêts sollicitée par la société E F est sans commune mesure avec le montant des dommages et intérêts habituellement alloués par la cour. Elle indique que la société E F ne peut sérieusement tenir la société B Y responsable du contexte économique dont le souffre le secteur de la presse et dont la chute des ventes du titre PUBLIC depuis trois ans est symptomatique ; le magazine PoUBLIC, en réalité, perdu de l’argent : en effet, 18.997 exemplaires de ce magazine ont été vendus pour un chiffre d’affaire de 36.971 euros, et, après déduction des commissions distributeurs et diffuseurs, la société B Y n’a conservé que 10.800 euros, et, après avoir déboursé les frais d’impression, de rédaction et de photographies, elle a subi une perte de 10.297,88 euros.

Sur les demandes de la société MLP, elle fait valoir que, dans la mesure où MLP a récemment mis en place des pénalités particulières en cas de condamnation à un retrait anticipé et a, à ce titre, sanctionné la société B Y pour avoir effectué un retrait anticipé du magazine PoUBLICla à suite du prononcé de l’ordonnance de référé du 18 juillet 2019, il serait inéquitable de la condamner au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, une telle condamnation pécuniaire faisant double emploi avec les pénalités financières susvisées. Subsidiairement il est demandé à la cour de dire que la garantie de la société MLP par la société

B Y de toute condamnation pécuniaire éventuellement prononcée à son encontre est couverte par la clause de garantie du contrat du 4 juillet 2019 liant B Y et la société MLP.

La SAS E F, appelante à titre incident, par conclusions remises le 10 novembre 2020, demande à la cour, sur le fondement des articles 46, 74, 112, 145 et 873 du code de procédure civile et 1240 et 1241 du code civil, de :

— dire irrecevable et rejeter la demande de nullité de l’assignation et de l’ordonnance formée par la société B Y ;

— débouter la société B Y et la société MLP de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

— confirmer l’ordonnance de référé rendue le 18 juillet 2019 par le président du tribunal de commerce de Paris en ce qu’elle a :

— dit que la société B Y a commis à l’évidence, avec la société MLP, des actes constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire à raison de la diffusion du magazine PoUBLIC au préjudice de la société E F, éditrice du magazine PUBLIC ;

— interdit à B Y et MLP de distribuer, commercialiser et faire la promotion du magazine PoUBLIC sur le territoire français, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement dans un délai de 24 heures à compter de la signification de l’ordonnance, sous astreinte de 20.000 euros par jour de retard à l’encontre de B Y ;

— ordonné à B Y et MLP de retirer du marché, à leurs frais, sur le territoire français, tous les exemplaires du magazine PoUBLIC, ainsi que tout document promotionnel, commercial portant une reproduction de ce magazine, et ce dans un délai de 24 heures à compter de la signification de l’ordonnance, sous astreinte de 20.000 euros par jour de retard à l’encontre de B Y ;

— condamné la société B Y à verser à la société E F la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

recevant la société E F en son appel incident et y faisant droit,

— réformer l’ordonnance de référé du 18 juillet 2019 en ce qu’elle a débouté la société E F de ses demandes de versement in solidum par B Y et MLP d’une provision sur dommages-intérêts ;

statuant à nouveau,

— condamner solidairement la société B Y et la société MLP à payer à la société E F une somme provisionnelle de 90.000 euros en réparation des préjudices subis ;

à défaut de condamnation solidaire de la société MLP au paiement de la provision,

— ordonner le blocage entre les mains de la société MLP de toute somme, créance ou avoir au bénéfice de B Y et de son dirigeant afin de garantir le recouvrement des dommages-intérêts provisionnels, et ordonner à la société MLP d’en justifier auprès de la société E F ;

y ajoutant,

— ordonner la publication d’un extrait de l’arrêt à intervenir dans 3 )trois( B ou Y au choix de la société E F aux frais avancés par les sociétés B Y et MLP sans que le coût total n’excède la somme de 15.000 euros ;

en tout état de cause, et y ajoutant,

— condamner la société B Y et la société MLP à payer à la société E F la somme de 10.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle fait valoir, in limine litis, sur l’irrecevabilité et le rejet de la demande de nullité de l’assignation, qu’en s’abstenant de soulever la nullité devant le tribunal de commerce tout en concluant préalablement aux fond, la nullité invoquée est donc couverte en application de l’article 112 du code de procédure civile, de sorte qu’il convient de prononcer l’irrecevabilité de l’exception de nullité formée par la société B Y.

Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par les sociétés B Y et MLP, elle indique que le titre 'PUBLIC’ est un titre notoirement connu en France. La présentation de cette revue (format identique, même présentation en couverture et dans les titres, D aux mêmes éléments graphiques) est une grossière imitation du magazine Public qui entraine à l’évidence un risque de confusion avec le magazine Public. Elle invoque l’absence de caractère parodique du titre PoUBLIC, en ce que la couverture de ce magazine PoUBLIC ne révèle aucune intention humoristique évidente et que les articles annoncés en « une » du magazine PoUBLIC ne sont pas manifestement parodiques ou satiriques.

Elle ajoute que le distributeur MLP participe assurément de la faute commise par la société éditrice B Y en permettant la diffusion de ses publication sur tout le territoire national. Elle demande, en conséquence, de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a retenu que la société B Y et son distributeur, la société MLP, ont commis une faute constitutive de concurrence parasitaire et déloyale dont elles doivent répondre par application de l’article 1240 du code civil.

Sur le préjudice subi, la société E F indique que le comportement fautif que la société B Y a commis avec MLP a causé un trouble commercial et moral à la société E F qu’il convient de faire cesser ; la réparation qui sera accordée à titre provisionnel devra tenir compte de la perte subie par la société E F à raison de la diffusion du magazine PoUBLIC, concomitamment à celle du « vrai » magazine PUBLIC, dont les lecteurs se sont momentanément ou durablement détournés après avoir confondu la copie avec l’original. Elle invoque d’une part, un gain perdu de 24.841,80 euros, d’autre part, un gain enregistré indument par la société B Y à raison de la diffusion du magazine PoUBLIC, à hauteur de 36.971 euros ; il conviendra donc de condamner solidairement la société B Y et la société MLP à payer à la société E Publising la somme de 60.000 euros au titre du préjudice commercial subi par elle. Elle soutient également qu’elle est fondée à obtenir la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice moral, de notoriété et d’image du fait de la qualité moindre du magazine PoUBLIC, le lecteur pouvant aisément croire que ce dernier est lié commercialement à la société B Y.

La société SAS MLP, par conclusions remises le 18 novembre 2020, demande à la cour, au visa de la loi n°47-585 du 2 avril 1947 dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, et de l’article 873 du code de procédure civile, de :

— donner acte à la société MLP de ce qu’elle s’en rapporte à la sagesse de la Cour quant aux mérites de l’appel formé par la société B Y Ltd ;

— déclarer la société E F mal fondée en son appel incident, en ce qu’elle sollicite la condamnation solidaire de la société MLP au versement d’une provision de 90.000 euros, et à une somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté toutes demandes d’astreinte et de condamnation par provision et au titre de l’article 700 du code de procédure civile formées contre la société MLP ;

— donner à la société MLP de ce qu’elle s’en rapporte à la sagesse de la Cour quant aux mérites des demandes formées par la société E F à l’encontre de la société B Y Ltd ;

si par extraordinaire la société MLP était condamnée à verser une somme d’argent à la société E F,

— dire que la clause de garantie du contrat liant la société MLP et la société B Y est applicable ;

— condamner la société B Y à garantir et relever indemne la société MLP de toute condamnation pécuniaire éventuellement prononcée à son encontre dans le cadre de la présente instance ;

en tout état de cause,

— condamner la partie succombante à verser à la société MLP la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la partie succombante aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés par C D en la personne de Me G H I en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que la société MLP, tenue à une obligation légale de diffusion, n’entend pas prendre parti dans le litige qui oppose les deux éditeurs, et s’en rapportera à la sagesse de la cour pour ce qui concerne l’appréciation du caractère fautif ou non des faits reprochés à B Y par E F ; en sa qualité de distributeur du magazine «PoUBLIC», la société MLP est, en effet, tenue de respecter les dispositions de la loi Bichet dans sa version en vigueur au moment des faits litigieux. Il conviendra que la cour déboute E F de toutes ses demandes de condamnation visant MLP, en particulier la demande de condamnation solidaire avec B Y Ltd au versement de la somme de 90.000 euros par provision. Dans le cadre de son activité, MLP n’a jamais pris la moindre décision tendant à l’utilisation de signes renvoyant aux produits de E F pour augmenter son chiffre d’affaires ; MLP s’est contenté de réceptionner les Y litigieux et de les acheminer vers les points de ventes, en application de son obligation de diffusion qui est à la fois contractuelle et légale en vertu des dispositions de la loi Bichet, sous peine d’engager sa responsabilité vis-à-vis de l’éditeur.

MOTIFS

Sur la nullité de l’assignation en référé et de l’ordonnance entreprise

Par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 12 juillet 2019, la société E F a été autorisée à assigner la société B Y en référé d’heure à heure, l’assignation devant être délivrée à cette dernière au plus tard le 15 juillet 2019 avant 12 heures pour l’audience du lendemain le 16 juillet 2019. L’assignation a été délivrée le 12 juillet 2020 à la société X Y pour l’audience du 16 juillet 2019.

Aux termes de l’article 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure 'doivent être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir'. Selon l’article 112 du même code, la nullité invoquée est 'couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond'.

Si, aux termes de l’ordonnance entreprise, la société X Y a fait valoir qu’elle n’avait pas été valablement saisie, il est constant qu’elle s’est bornée à solliciter le renvoi des plaidoiries, sans invoquer une quelconque nullité de l’acte introductif d’instance. La société B Y est, dans ces conditions, irrecevable en application de l’article 112 du code de procédure civile, en ses demandes de nullité de l’assignation en référé et, par suite, de l’ordonnance entreprise.

Sur les actes de concurrence parasitaire

L’article 873 du code de procédure civile prévoit : 'Le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.'

La société E F sollicite qu’il soit mis un terme au trouble manifestement illicite causé par les agissements déloyaux et parasitaires commis à son encontre par la société B Y à raison de l’édition et de la commercialisation du magazine 'PoUBLIC'.

La société B Y oppose le caractère parodique du magazine 'PoUBLIC', caractère justifiant en l’espèce, selon elle, le respect de la liberté d’expression et de diffusion.

Une pratique commerciale trompeuse à l’égard d’un consommateur constitue un acte de concurrence déloyale entre concurrents. Le parasitisme désigne l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’autrui afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir faire ; la faute, qui consiste à détourner la notoriété ou l’investissement d’autrui nécessite que soit établie la volonté de s’inscrire dans le sillage d’autrui, et que soit préalablement établie l’existence notamment d’un nom commercial jouissant d’une réputation ou d’une notoriété particulière.

Il n’est pas contesté que les sociétés E F et B Y, toutes deux éditrices de Y consacrés aux célébrités, s’inscrivent dans le même secteur concurrentiel.

Sur l’existence de risques de confusion entre les deux Y, il ressort des éléments produits aux débats qu’ainsi que l’a justement retenu le premier juge, le magazine 'PoUBLIC’ présente, en sa couverture, un ensemble de similitudes propres à générer un risque manifeste de confusion avec la publication 'PUBLIC’ : ainsi, son format identique à celui de 'PUBLIC', un titre de même police de caractères (à l’exception d’un 0 de petite taille juxtaposé aux cotés du P pour PoUBLIC) et de dimensions quasi-identiques à celle de PUBLIC, l’emplacement du titre de la revue dans un rectangle de couleur rose de même dimension situé en haut à gauche de la page de couverture, la reproduction, au centre de cette couverture, d’une photographie de grand format illustrant le sujet principal, assorti d’un gros titre en lettres de couleur rouge/rose ou jaune, la présentation, sur la partie gauche de la couverture, d’une colonne de même largeur annonçant plusieurs sujets consacrés à des célébrités. Cette couverture ne comprend aucun signe majeur permettant d’établir une différence manifeste entre les deux revues, la seule présence d’un O en petit caractère dans le titre PoUBLIC ne suffisant pas à empêcher toute confusion.

Sur l’excuse de parodie, la parodie relève, en application de l’article L. 122-5, 4° du code de la propriété intellectuelle, de la liberté d’expression. Pour être qualifiée de parodie, l’oeuvre seconde doit revêtir un caractère humoristique et éviter tout risque de confusion avec l’oeuvre parodiée.

Les unes de couverture de PoUBLIC versées aux débats ne révèlent ni caractère humoristique évident, ni invraisemblance manifeste des sujets annoncés, lesquels ont généralement trait à la vie intime des célébrités, sont proches de ceux traités par le magazine Public et ne présentent aucun caractère caricatural flagrant, de sorte que le caractère parodique de la production litigieuse n’est pas en l’espèce établi. C’est, en conséquence, à raison que le premier juge a rejeté l’excuse de parodie.

Il en résulte que la société B Y a bénéficié des investissements de la société E F et profité de la notoriété de cette dernière, représentant une valeur économique en soi, sans justifier de ses propres investissements. Ces éléments caractérisent des actes de concurrence déloyale parasitaire constitutifs d’un trouble manifestement illicite.

L’ordonnance entreprise sera, en conséquence, confirmée sur les mesures destinées à faire cesser le trouble manifestement illicite, prises à l’égard tant de la société B Y que de la société MLP.

Sur la réparation du préjudice

Le premier juge a débouté la société E F de sa demande tendant à la condamnation des sociétés B Y et MLP à titre provisionnel à dommages et intérêts au motif que cette demande doit être soumise au juge du fond.

Il s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice. La réparation de ce préjudice peut être évaluée en prenant en considération l’avantage indu que s’est octroyé l’auteur des actes de concurrence déloyale au détriment de ses concurrents.

Il n’est pas contesté pas que 18.997 exemplaires de PoUBLIC ont été vendus sur le territoire national pendant la période de commercialisation du titre, vente générant un chiffre d’affaires de 36.971 euros et un résultat net de 15.454 euros (pièce E n° 24 – note Fidal). Il convient d’allouer à E F à titre de provision de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial, la somme de 15.000 euros correspondant à l’avantage indu que s’est octroyé la société B Y, auteur des actes de concurrence déloyale.

La société E F est également fondée à obtenir réparation de l’atteinte à sa notoriété par suite de la confusion générée entre les deux titres et de l’affaiblissement de la valeur du titre PUBLIC à raison de la diffusion du magazine PoUBLIC. Il lui sera, à cet égard, accordé la somme de 15.000 euros à titre de provision en réparation de son préjudice moral.

La cour condamnera la société B Y, seul auteur des faits de concurrence déloyale et parasitaire, à payer à la société E F la somme de 30.000 euros à titre provisionnel et infirmera l’ordonnance entreprise en ce sens. L’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle en a débouté la société E F de sa demande dirigée à l’encontre de la société MLP.

La demande de publication d’un communiqué ne constitue pas, compte tenu du délai écoulé depuis la diffusion litigieuse, une réparation appropriée. L’ordonnance sera, en conséquence, confirmée en ce qu’elle en a débouté la société E F.

L’équité commande de condamner, au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, la société B Y au bénéfice de la société E F ; la cour dira n’y avoir lieu à condamnation au bénéfice de la société MLP de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise, sauf en ce qu’elle a débouté la société E F de sa demande tendant à la condamnation, à titre provisionnel, de la société B Y à dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau du chef infirmé ;

Condamne la société B Y à payer, à titre provisionnel, à la société E F la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la société B Y aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société B Y à payer à la société E F la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel;

Dit n’y avoir lieu à condamnation au bénéfice de la société MLP au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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