Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 2 juin 2021, n° 16/22966

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 4, 2 juin 2021, n° 16/22966
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/22966
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 24 octobre 2016, N° 14/17914
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 02 JUIN 2021

(n° , 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/22966 – N° Portalis 35L7-V-B7A-B2ATY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 14/17914

APPELANTES

SARL BRISTOL-MYERS SQUIBB,

prise en la personne de ses représentants légaux

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE ,

sous le numéro 562 011 742

[…]

92500 RUEIL-MALMAISON

SAS UPSA

prise en la personne de ses représentants légaux

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE ,

sous le numéro 833 247 956

[…]

92500 RUEIL-MALMAISON

Représentées par Me Rémi PRADES de la SELARL PH AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque P 0025

INTIMEES

SAS F SERVICES ANCIENNEMENT F G,

prise en la personne de ses représentants légaux

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Tours,

sous le numéro484 235 676

[…]

Zac de la Liodière

37300 JOUE-LES-TOURS

SAS SAGITTA G

prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Tours,

sous le numéro 534 188 941

[…]

Zac de la Liodière

37300 JOUE-LES-TOURS

SELARL X D

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris,

sous le numéro 484 235 676 1 Rue D

[…]

Représentées par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocate au barreau de PARIS, toque L 0018

Assistées de Me François-Xavier TESTU plaidant pour l’AARPI SALES – TESTU – HILL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque G 355

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Dominique GILLES, Conseiller, chargé du rapport et de Mme Sophie DEPELLEY, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente

M. Dominique GILLES, Conseiller

Mme Sophie DEPELLEY, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

-Contradictoire,

— Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente, et par Mme Sihème MASKAR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La SARL Britol-Myers Squibb (ci-après « BMS ») est la filiale française du groupe pharmaceutique du même nom. Elle possède le statut d’établissement pharmaceutique régi par l’article L 5142 du code de la santé publique.

La SAS UPSA est une filiale de BMS chargée depuis le 1 avril 2015 de la fabrication et de la commercialisation de 9 médicaments non remboursables. Il s’agit des produits dénommés Fervex, Donormyl, Vitamine C, […], […], Efferalgadonis et Mucomyst.

La SAS F G est une structure de regroupement à l’achat (SRA) regroupant des officines de moyenne ou petite taille. Son représentant légal est M. Y X, également représentant légal de la SELARL C X D qui exploite une officine.

La SAS Sagitta G est une centrale d’achat pharmaceutique (CAP). Son représentant légal est M. B X, lui-même titulaire d’une officine de C.

La SAS Mon courtier en C est la nouvelle dénominaion de la société F Services, à l’époque des faits F G.

L’association F G est une association loi 1901, intervenant volontairement en appel, en ce qu’elle indique venir aux droits de la société F Services, en qualité de structure de regroupement à l’achat (SRA).

La société UPSA a appris que la société Sagitta G exploitait un site internet dénommé «lacentralepharma.com », qui proposait la vente à des officines des médicaments non remboursés de la gamme UPSA.

En vertu d’une ordonnance sur requête du 3 avril 2014 du président du tribunal de commerce de Tours, faisant droit à la demande de la société UPSA sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, il a été procédé dans les locaux des sociétés F G et Sagitta G à un constat faisant ressortir que :

— le site « la centrale G » était hébergé par une société dénommée « OVH télécom » dont les factures étaient adressées à la société Sagitta G,

— l’ensemble des produits UPSA annoncés sur ce site avait été commandés à BSM par la société C X-D et par M. Y X pour la société F G,

— des produits UPSA étaient stockés à différents emplacements au sein des entrepôts de la société Sagitta G.

Sur le fondement de ce constat d’huissier, les sociétés BMS et UPSA ont reproché essentiellement à la C X-D de lui avoir commandé des quantités importantes de produits qui lui ont permis d’accéder aux taux maximaux de remise, allant de 27 à 32 %, alors que ces commandes ne correspondaient pas aux besoins propres de son officine et étaient en réalité destinées à être revendues, via le site « lacentralepharma.com » et sous couvert des sociétés F G et Sagitta

G, à d’autres officines adhérentes ou non de la société F G, ce qui a eu pour effet d’éluder le taux de remise applicable, suivant les conditions générales de vente en vigueur, aux achats des SRA et CAP et aux achats d’officines en petit volume.

Par acte introductif d’instance délivré les 27 novembre et 1 décembre 2014, la société BMS a saisi le tribunal de grande instance pour :

— voir condamner la société X-D pour infraction à la prohibition de la rétrocession de médicaments entre officine, sur le fondement des articles L.5125-1 et L.5124-1 du code de la santé publique ;

— voir dire que la société F G a poursuivi un objectif illicite en s’approvisionnant de la sorte auprès d’une officine et en revendant à des adhérents non associés ;

— voir dire que la SAS Sagitta G a sciemment prêté le concours de son site et de ses capacités de stockage en vue de la revente à des officines de produits rétrocédés de manière illicite et d’en avoir elle-même revendu de manière illégale à des adhérents de la société F G, contrevenant à l’interdiction légale faite aux SRA de revendre à des CPA, tous faits caractérisant un réseau de rétrocession illicite organisé sur tout le territoire national, constituant des actes de concurrence déloyale lui ayant causé une perte de chiffre d’affaires ou de marge d’une part et, d’autre part, une désorganisation du réseau de distribution ;

— voir interdire la vente en ligne des produits UPSA par le site déjà indiqué ;

— obtenir la condamnation in solidum des défendeurs à des dommages-intérêts pour réparer son préjudice commercial :

— obtenir la condamnation in solidum des défendeurs à des dommages-intérêts pour réparer son préjudice lié à la désorganisation.

C’est dans ces conditions que, par jugement du 25 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris a :

— condamné in solidum les sociétés X-D, F G et Sagitta G à payer à la société à la société UPSA la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts,

— déclaré recevables les demandes reconventionnelles de la société F G mais l’en a déboutée,

— débouté toutes les parties de leurs plus amples demandes,

— condamné in solidum les sociétés X-D, F G et Sagitta G à payer à la société UPSA la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné in solidum les sociétés X-D, F G et Sagitta G aux entiers dépens de l’instance,

— ordonné l’exécution provisoire sur le tout.

Le 18 novembre 2016, les sociétés Britol-Myers Squibb et UPSA ont interjeté appel de ce jugement devant la Cour, intimant les sociétés F Services anciennement dénommée F G et Sagitta G.

Le 10 avril 2017, les mêmes appelantes ont interjeté appel de ce même jugement devant la même Cour, intimant la SELARL X D, outre les sociétés F Services et Sagitta G.

Par ordonnance du 20 mars 2018, le second appel a été joint au premier.

Vu les dernières conclusions des sociétés Britol-Myers Squibb et UPSA signifiées et notifiées le 2 mars 2020, demandant à la Cour de :

Vu l’article L.5124-1 et L.5125-1 du Code de la santé publique,

Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil (anciennement applicables),

Vu les articles 544 et 329 du Code de procédure civile,

Vu le procès-verbal de constat en date du 17 avril 2014,

Vu les articles 31 et 122 du Code de procédure civile

Recevoir les sociétés BMS et UPSA en leurs présentes écritures et les déclarer bien fondées ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté que les sociétés X D, F Services et Sagitta G ont mis en place un système de rétrocession illicite au préjudice des sociétés BMS et UPSA ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu l’existence d’un préjudice causé à l’organisation du réseau de distribution de la société UPSA et à l’image commerciale de la société BMS ;

L’infirmer en ses autres dispositions et notamment en ce qu’il a jugé que :

BMS/UPSA a participé à son propre préjudice en tolérant puis acceptant le système de rétrocession illicite mis en place par les sociétés X D, F Services et Sagitta G ;

BMS/UPSA ne justifie pas d’un préjudice commercial certain ;

Le préjudice résultant de la désorganisation du réseau de distribution de la société UPSA et de l’atteinte à l’image de BMS devait être évalué à 30.000 euros ;

la commercialisation des produits de la gamme UPSA sur le site internet www.lacentralepharma.com avait cessé au 31 décembre 2015.

Et, statuant à nouveau :

In limine litis,

Déclarer la société Mon courtier en C irrecevable en son appel incident, pour cause de défaut d’intérêt et de qualité à agir ;

Déclarer irrecevable l’intervention volontaire de l’association F G SRA ;

Opposer une fin de non-Recevoir aux demandes incidentes de la société Mon courtier en C et de l’association F G SRA ;

A titre principal,

Condamner in solidum la société Mon courtier en C et la société Sagitta G et la société X D à verser à la société UPSA la somme de 300 131,59 euros en réparation de son préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale dont elle a été victime entre

2010 et le 17 avril 2014 ;

Condamner in solidum la société Mon courtier en C et la société Sagitta G à verser à la société UPSA la somme de 102 507,99 euros en réparation de son préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale dont elle a été victime entre le 17 avril 2014 et le 29 juillet 2015 ;

Condamner in solidum la société Mon courtier en C et la société Sagitta G à verser à la société UPSA une somme mensuelle de 9 133,68 euros au titre de son préjudice commercial subi entre le 30 juillet 2015 et la décision à intervenir.

A titre subsidiaire,

Condamner in solidum la société Mon courtier en C et la société Sagitta G et la société X D à verser à la société UPSA la somme de 67 348,60 euros en réparation de son préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale dont elle a été victime entre 2010 et le 17 avril 2014 ;

Condamner in solidum la société Mon courtier en C et la société Sagitta G à verser à la société UPSA la somme de 48 973,46 euros en réparation de son préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale dont elle a été victime entre le 17 avril 2014 et le 29 juillet 2015 ;

Condamner in solidum la société Mon courtier en C et la société Sagitta G à verser à la société UPSA une somme mensuelle de 2 082,12 euros au titre de son préjudice commercial subi entre le 30 juillet 2015 et la décision à intervenir.

A titre infiniment subsidiaire,

Condamner in solidum la société Mon courtier en C, la société Sagitta G et la société X D à verser à la société UPSA la somme de 39 524,58 euros en réparation de son préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale dont elle a été victime entre 2010 et le 17 avril 2014 ;

Condamner in solidum la société Mon courtier en C et la société Sagitta G à verser à la société UPSA la somme de 27 914,87 euros en réparation de son préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale dont elle a été victime entre le 17 avril 2014 et le 29 juillet 2015 ;

Condamner in solidum la société Mon courtier en C et la société Sagitta G à verser à la société UPSA une somme mensuelle de 1 186,80 euros au titre de son préjudice commercial subi entre le 30 juillet 2015 et la décision à intervenir.

En tout état de cause,

Condamner in solidum la société F Services, la société Sagitta G et la société X D à verser à la société UPSA une somme, de 150 000 euros au titre du préjudice lié à la désorganisation de son réseau de distribution ;

Condamner in solidum la société Mon courtier en C, la société Sagitta G et la société X D à verser à la société BMS une somme symbolique d’un (1) euro en réparation du préjudice d’image subi ;

Ordonner aux sociétés Mon courtier en C et Sagitta G de cesser la vente de tout produit de la gamme UPSA sur le site internet www.lacentralepharma.com, dans le délai de 24 heures à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour

de retard et par produit mis en vente ;

Ordonner la publication de la décision à intervenir, intégralement ou par extrait, dans trois journaux ou magazines au choix de la société UPSA, ainsi que sur le site internet www.lacentralepharma.com, le coût total de ces insertions ne pouvant excéder 15 000 euros HT à la charge in solidum des sociétés Mon courtier en C et Sagitta G ;

Rejeter les demandes de la société Mon courtier en C et de l’association F G SRA visant à enjoindre la société UPSA de leur communiquer des conditions générales de vente identiques à celles des officines pharmaceutiques, ainsi que leurs demandes de dommages et intérêts ;

Condamner in solidum les sociétés Mon courtier en C, Sagitta G et la société X D à verser à la société BMS et à la société UPSA une somme de 20 000 euros, chacune, en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner in solidum les sociétés Mon courtier en C, Sagitta G et société X D aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions au nom des sociétés Mon courtier en C anciennement dénommée F G, Sagitta G, X-D , intimées et de l’association F Pharama, intervenant volontaire, signifiées et notifiées le 9 mars 2020, demandant à la Cour de :

Vu les articles 122, 329 et 554 du code de procédure civile, les anciens articles L.4426 (devenu L.442-1 c.com) et L.441-6 (devenu L.441-1 c.com) du code de commerce, les articles R. 5124-2-15° et D. 5125-24-16 du code de la santé publique, l’article 1240 du code civil,

Déclarer recevable l’Association F G en son intervention ;

Déclarer recevable en son appel incident la société F Services, devenue Mon courtier en C ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a reconnu l’existence d’un dommage causé à l’organisation et à l’image commerciale d’UPSA ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné les sociétés intimées à payer in solidum 15 000 euros à la société UPSA ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société F G de ses demandes reconventionnelles ;

Et statuant à nouveau :

Dire que, au vu des circonstances, les intimées n’ont pas commis de faute équipollente à un comportement commercial déloyal à l’égard de la société UPSA ;

Dire en tout état de cause que la société UPSA n’a pas qualité pour demander réparation d’un préjudice qui aurait été causé par le comportement d’entreprises avec lesquelles elle n’est pas en situation de concurrence;

Dire que la société UPSA n’a pu subir aucun dommage dans son organisation, ni aucune atteinte à son image commerciale;

En conséquence :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu que BMS-UPSA n’avaient subi aucun préjudice commercial certain;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société UPSA de ses demandes réparatrices complémentaires et notamment sa demande de cessation sous astreinte de vendre les produits UPSA;

Débouter la société UPSA de toutes ses demandes en réparation de la désorganisation de son réseau de distribution et de l’atteinte à son image;

Subsidiairement,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a reconnu que BMS et UPSA ont pris part à l’activité illicite qu’elles reprochent aux intimées;

Sur appel incident :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la Société F G de ses demandes reconventionnelles;

Enjoindre à la société UPSA de communiquer à la société Mon courtier en C (anciennement F Services venant aux droits de F G) et à l’ association F G SRA, en leur qualité de structure de regroupement à l’achat, les conditions générales de ventes adéquates, c’est-à-dire celles sur la base desquelles elle négocie avec les officines lorsque celles-ci procèdent à des achats en direct, en précisant que ces conditions constitueront le socle de la négociation annuelle entre le fournisseur UPSA et la structure de regroupement à l’achat ;

Enjoindre en conséquence à la société UPSA d’engager, conformément à la loi, une négociation commerciale de bonne foi avec la société Mon courtier en C et avec la SRA Association F G, sur la base desdites conditions générales de vente adéquates;

Condamner la société UPSA à payer à la société Mon courtier en C (anciennement F Services venant aux droits de F G) une somme de 100 000 euros HT en indemnisation du préjudice subi par la société F G, aux droits de laquelle elle vient, comme conséquence directe des pratiques restrictives de la première ;

Ordonner la publication, aux frais de la société UPSA, du dispositif de l’arrêt à intervenir en ce qu’il prononcera l’injonction de communiquer les conditions générales de ventes adéquates, dans les cinq publications suivantes : le journal Les Echos ; Le Quotidien du Pharmacien ; Le Moniteur des Pharmacies ; la revue Impact Pharmacien ; la revue Profession Pharmacien ;

En tout état de cause :

Condamner la société UPSA à verser à chacun des défendeurs la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société UPSA aux entiers dépens.

SUR CE

LA COUR

- Sur les irrecevabilités

S’agissant de l’irrecevabilité de l’intervention volontaire en appel de l’association F G SRA, il sera rappelé que celle-ci se borne à reprendre les demandes reconventionnelles en nature formées en première instance par la société F G, aux fins de voir donner injonction à la société UPSA, d’une part, de lui communiquer les conditions générales de ventes adéquates, c’est-à-dire celles sur la base desquelles elle négocie avec les officines lorsque celles-ci procèdent à des achats en direct, en précisant que ces conditions constitueront le socle de la négociation annuelle entre le fournisseur UPSA et la structure de regroupement à l’achat, d’autre part d’engager avec elle, conformément à la loi, une négociation commerciale de bonne foi, sur la base desdites conditions générales de vente adéquates.

Les fournisseurs appelants soutiennent l’irrecevabilité de ces demandes en exposant essentiellement que :

— contrairement à ce que soutiennent les intimées, nul lien de droit ne rattache cette association à la société F G désormais dénommée Mon courtier en C, puisqu’il s’agit de deux personnes morales différentes et autonomes ;

— nulle reprise de l’activité de cette société n’est intervenue dans les faits en faveur de l’association, si tant est qu’une association puisse reprendre une activité commerciale par nature et par la forme, ce qui est contesté ;

— pour l’application des articles 554 et 329 du code de procédure civile, dès lors que l’association, dépourvue d’existence juridique à la date des faits litigueux, est dépourvue du droit d’agir relativement à la prétention en cause, elle ne saurait davantage avoir intérêt à intervenir en appel.

Toutefois, la Cour relève que :

— l’article D5125-24-16 du code de santé publique prévoit expressément que la structure de regroupement d’achat puisse revêtir la forme associative ;

— les statuts de l’association F G déclarée en préfecture après le prononcé du jugement entrepris mentionnent qu’elle a pour objet la mise en place et l’exploitation d’une structure de regroupement à l’achat au sens de l’article D5125-24-16 du code de la santé publique et qu’à ce titre ses missions sont notamment :

. l’achat, notamment, de médicaments OTC, d’ordre et pour le compte des pharmaciens d’officine adhérents qui l’auront commissionnés à cet effet ;

. et la négociation sur les conditions d’achat pour le compte des adhérents qui l’auront commissionnée à cet effet ;

— le procès-verbal de réunion d’assemblée extraordinaire de l’association tenue le 26 août 2019 précise, à l’occasion de la deuxième résolution adoptée, que l’ objet de l’association est désormais de reprendre les activités résiduelles de commissionnaire de la société Mon courtier en C ex-F G.

Il se déduit de ces éléments, alors que la loi a expressément prévu que la mission des SRA puisse être accomplie par une association – d’où il suit que le moyen tiré de l’incompatibilité prétendue de la commercialité de l’activité avec la forme associative est mal fondé – qu’en l’espèce les membres du nouveau commissionnaire à forme associative réunis en assemblée générale extraordinaire sont expressément convenus de modifier les statuts de l’association pour reprendre l’activité de l’ancien commisionnaire à forme sociale.

En outre, les circonstances de l’espèce établissent que cette reprise d’activité a été réalisée sans

opposition de la société F G.

Il se déduit également de ce qui précède que l’association, en raison de sa mission statutaire de commissionnaire pour la négociation, agit dans le cadre de sa présente intervention de manière compatible avec son objet social et que ses prétentions se rattachent aux prétentions des parties par un lien suffisant.

Par conséquent, l’association a non seulement le droit d’agir relativement à ce qu’elle sollicite mais elle a encore intérêt à le faire.

L’intervention de l’association en cause d’appel sera donc déclarée recevable, en particulier au regard des articles 329 et 554 du code de procédure civile.

S’agissant de la recevabilité des demandes de la société Mon courtier en C,

les fournisseurs appelants soutiennent que dès lors que la société F G, qui a changé de dénomination pour devenir F Services, a également changé son objet social afin de n’effectuer que des prestations de service au profit des officines pharmaceutiques, ce qui exclut l’activité de SRA, ni elle ni désormais la société Mon courtier en C qui prétend lui succéder n’ont d’intérêt ni de qualité pour agir.

Les sociétés intimées répondent essentiellement que l’activité de SRA n’a pas été supprimée lorsque la société F G est devenue F Services mais qu’elle a seulement été adjointe à d’autres activités.

Sur ce, alors qu’il est constant que la société F G est devenue, à identité d’être moral et par simple changement de dénomination sociale, la société F Services, puis encore et tout en conservant le même numéro de RCS, la société Mon courtier en C, la Cour est en mesure de vérifier que cette personne morale a continué d’avoir expressément pour objet social l’activité de toutes structures de regroupement à l’achat, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, ce nonobstant les modifications successives de l’objet social, intervenues les 4 décembre 2017 et 25 septembre 2018, ces modifications ne consistant qu’en un élargissement progressif de l’objet social incluant en dernier lieu l’activité également réglementée de courtier en médicament.

Par conséquent, les demandes de la société Mon courtier en C sont recevables.

- Sur la demande en réformation du jugement entrepris s’agissant de la demande reconventionnelle de la société F G et sur l’appel incident

S’agissant de la fin de non-recevoir soulevée et contrairement à ce que soutiennent les fournisseurs en l’espèce, il n’est pas démontré que la rétrocession illicite litigieuse mise en place par la société F G soit de nature à rendre irrecevables pour fraude les demandes de la SRA relatives au respect à son bénéfice des dispositions applicables aux conditions générales de vente figurant aux articles L.441-6 et L.442-6, I, 9° du code de commerce, textes pris dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 24 avril 2019, dès lors que ces normes combinées sont d’ordre public et relèvent de l’intérêt général, de sorte que leur mise en oeuvre, même par l’auteur d’une rétrocession illicite, n’est pas susceptible de paralyser leur application à l’égard de la victime de cette rétrocession illicite.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la demande reconventionnelle de la société F G était recevable.

Pour soutenir le mal fondé de la demande désormais portée par la société Mon courtier en C et par l’association F G, les fournisseurs font valoir essentiellement que :

— en vertu du principe de liberté du commerce et de l’industrie et de sa liberté d’organiser son activité comme elle l’entend, la société UPSA n’avait pas à fournir les conditions générales de vente applicables aux officines et que les conditions générales de vente applicables aux SRA ont bien été fournies en l’espèce ;

— depuis la loi du 4 août 2008, les entreprises sont libres d’établir des tarifs différents en fonction de leurs catégories de clients ;

— les conditions de vente appliquées aux SRA ne sont ni discriminatoires ni injustifiées et les différences tarifaires opérées entre ces structures et les officines sont objectivement justifiées, dès lors qu’une SRA est un intermédiaire économique et juridique à la vente des produits, d’autant que des conditions particulières plus avantageuses pour les intermédiaires peuvent leur être octroyées ;

— à la différence de la vente à une officine, lors de la vente à une SRA, le fournisseur ne connaît pas ab initio le revendeur final, excluant toute possibilité de délivrance de conseil et/ou de prestations commerciales favorisant et accompagnant la vente des produits de la gamme UPSA ;

— lorsque la SRA achète des médicaments d’ordre et pour le compte du phrmacien d’officine c’est elle qui est l’acheteur et non le pharmacien.

Au contraire, la société Mon courtier en C soutient essentiellement que l’attitude du fournisseur consistant à lui refuser de lui communiquer les conditions générales de vente relatives aux officines caractérise une discrimination injustifiée et préjudiciable.

Sur ce, il convient de rappeler, pour l’application de l’article L.442-6, I, 9°, qu’un fournisseur de produits est tenu de communiquer ses conditions générales de vente dans les conditions prévues à l’article L.441-6 et qu’il ne peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle que s’il établit, selon des critères objectifs, que cet acheteur n’appartient pas à la catégorie concernée.

La Cour rappelle à cet égard que, pour l’application de l’article L.442-6, I, 9° du code de commerce déjà mentionné, texte qui oblige le fournisseur de produits à communiquer ses conditions générales de vente dans les conditions de l’article L.441-6 du même code , il est constant que la société UPSA a fourni en l’espèce à la société Mon courtier en C des conditions générales de vente différenciées relatives aux SRA, lesquelles sont indistinctement utilisées par ce fournisseur à l’égard des CAP, et que la pratique suivie par celui-ci distingue ces conditions générales :

— de celles destinées aux officines,

— de celles destinées aux grossistes répartiteurs,

— et de celles destinées aux hôpitaux et établissements publics de santé.

Or, dans le cas présent, il est établi que la société Mon courtier en C a négocié en qualité de commissionnaire à l’achat, ce qui l’a engagée, certes, pour le compte des pharmaciens d’officine qu’elle regroupe mais, cependant, en son propre nom, ce qui constitue à l’égard du fournisseur une différence objective avec la catégorie des officines avec lesquelles elle traite directement et auxquelles elle réserve une autre catégorie de conditions générales de vente.

Cette différence objective avec la situation des officines regroupées par la SRA est d’autant plus marquée que la négociation des conditions tarifaires avec le fournisseur s’effectue globalement avec la SRA dans le cadre d’une relation contractuelle dans laquelle le fournisseur ne s’engage qu’à l’égard de la SRA.

Il s’ensuit que le refus de la société UPSA de communiquer à la SRA les conditions générales qu’elle réserve aux officines se fonde en l’espèce, selon des critères objectifs, sur le fait que la SRA n’appartient pas à la même catégorie d’acheteurs que les officines.

Le société Mon courtier en C et l’association F G seront donc déboutée de leur demande en injonction de communication de conditions générales de vente et par suite de l’ensemble des demandes au titre de l’appel incident.

- Sur le grief de concurrence déloyale

Ainsi qu’il a été justement été retenu par les premiers juges, il est établi en l’espèce que :

— entre le 20 août 2010 et le 29 juillet 2015, le fournisseur appliquait aux termes de ses conditions générales de vente un système de remises différenciée tenant compte de la qualité de l’acheteur et du volume commandé, plaçant les SRA, quant au point de départ de la négociation commerciale, dans une position moins favorables que celle des officines commandant individuellement en grosse quantité ;

— pendant la même période, les petites officines adhérentes de la SRA F G ont pu indirectement profiter de taux de remise supérieurs à ceux auxquels elles auraient pu prétendre vis-à-vis de BMS-UPSA si elles avaient commandé en direct, ce grâce au dispositif mis en oeuvre par les défenderesses qui consistait à grouper leurs commandes passées à partir de la SELARL X-D, laquelle assurait la réception des marchandises et en faisait payer le prix par la SRA F G, pour être ensuite revendues par celle-ci à ses adhérents, faisant ainsi de la société F G un acheteur revendeur de produits phamaceutiques non remboursés.

Il est constant que ces faits sont constitutifs d’infractions à la prohibition de rétrocession en gros de médicaments résultant des dispositions des articles L.5124-1 et L.5125-1 du code de la santé publique ; le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Pour s’opposer à la qualification de faute retenu par les premiers juges, les sociétés intimées soutiennent que :

— le Conseil d’Etat, tout en refusant d’invalider la proscription des rétrocessions entre officines dans un arrêt rendu sur QPC (CE 15 sept. 2010, n°340570) en a néanmoins identifié les justifications qui ne sont pas remise en cause en l’espèce par la pratique litigieuse ;

— cette pratique a été mise temporairement en oeuvre par la SRA F et les fondateurs de celle-ci, 'par nécessité et à cause’ de l’obstruction de la société BMS sans que ne soit porté atteinte :

. ni à l’indépendance des pharmacies d’officine à l’égard des laboratoires pharmaceutiques, puisqu’au contraire il s’agissait d’approvisionner une SRA victime d’une discrimination injustifiée à l’occasion de la mise en oeuvre de la réforme de 2009 ayant permis la mutualisation des achats de médicaments non remboursables par l’intermédiaire de centrales d’achat ou de structures de regroupement d’achats ;

. ni à la qualité de la dispensation des médicaments au public, puisqu’au contraire la pratique en cause a permis un approvisionnement à meilleur coût des moyennes officines, en faveur du maintien du tissu des petites officines et au bénéfice de l’acheteur final, alors que les laboratoires pharmaceutiques ne traitaient pas les moyennes officines et les plus modestes aussi bien que les grosses structures ;

. ni à la traçabilité des médicaments, en raison du rôle assumé par la SRA qui demande la facture BMS de la C rétrocédante à chaque transaction et utilise un logiciel de traçabilité fiable, ce

même lorsque la C D redirigeait les médicaments vers les locaux du partenaire logistique de la SRA, la société Sagitta G, laquelle est elle-même un établissement phamaceutique dûment habilité par l’ANSM, soumis en tant que tel à des procédures strictes de maintenance de la qualité des médicaments, de transport, de stockage et de traçabilité ;

.ni à la prohibition de la vente en gros par rétrocession, puisque celles-ci étaient faites sans aucune marge commerciale, les médicaments rétrocédés n’ayant été cédés qu’à des pharmacies d’officine adhérentes de de la SRA et jamais à la société Sagitta G , le site www.lacentralepharma.com n’ayant servi qu’à la passation de commande, nonobstant les citations de propos de salariés de la société Sagitta G contenues dans constat d’huissier demandé par la société UPSA et invoqué par les appelantes, dont le sens exact doit être rétabli sur ce point ;

— la pratique litigieuse a bien été provoquée par celle qui s’en prétend victime, sa véritable raison d’être ayant été le refus de négocier sur la base de conditions commerciales non-discriminatoires à l’égard de la SRA ;

— la pratique litigieuse a en outre été sollicitée et acceptée par la même prétendue victime.

Toutefois, les discriminations ou refus de vente dont se prévalent les sociétés intimées sur l’appel principal, qui résident dans le fait que le laboratoire vendeur refuse de considérer que chaque officine a la qualité d’acheteur, en vertu du mécanisme de commissionnement institué par l’article D 5125-24-16 du code de la santé publique, ce qui implique selon elles de ne pas traiter la SRA comme un grossiste et qui exige de négocier sur les mêmes bases que celles appliquées pour tout achat en direct par une officine, même à supposer qu’elles aient été fautives, ne sont pas susceptibles de justifier une pratique illégale telle que la rétrocession litigieuse. Or, ainsi qu’il a été déjà indiqué, il n’est nullement prouvé que l’attitude de la société UPSA ait été fautive en l’espèce.

Il s’en déduit que l’attitude du fournisseur à l’occasion de la négociation commerciale sur la base des conditions générales de vente n’est pas de nature en l’espèce à exonérer les sociétés qui se sont livrées aux rétrocessions illicites.

Les sociétés intimées sur l’appel principal exposent encore que la société BMS, par l’action de son commercial pour la C D et pour aménager le refus injustifiable de considérer la SRA à égalité avec une officine, a elle-même proposé de changer le compte de cette officine par celui de la SRA F G tout en continuant de livrer les produits à l’officine X-D, de sorte que la SRA a dû organiser la prise en charge vers les différentes officines qui sont ses membres.

Sur ce point et en fait, l’historique des achats de la C D de produits UPSA non remboursés produit par les appelantes à titre principal démontre (pièce n°35)que ce montant de commandes, qui était de moins de 20 000 euros jusqu’en 2010, est brutalement passé à plus de 50 000 euros en 2011 et à plus de 93 000 euros en 2012, une telle augmentation ayant nécessairement été connue du délégué commercial en charge de cette C, d’autant que de manière concomitante, il est constant que les factures, pendant toute la période litigieuses ont été libellées à l’adresse de 'Monsieur X Y. E D F G’ , qu’elle mentionnaient une remise de 30% et que les paiements étaient effectués au moyen de lettres de change présentées à l’encaissement auprès de la banque de la société F G, à la suite d’un changement de références bancaires.

En outre, les sociétés intimées produisent (pièce n°5)un échange de mails du 10 mars 2011 entre M. Y X et M. Z A, ce délégué commercial, qui prouve que le pharmacien avait demandé un changement d’adresse de livraison susceptible de s’appliquer à la commande d’avril 2011 de la C D, de telle sorte qu’une commande massive de médicaments non remboursés hors de proportion avec le volume habituel commandé d’habitude par cette officine, dont

— par exemple – 940 unités de Fervex, soit livrée à une adresse différente de celle de l’officine. M. X, dans ce courriel précisant : 'Si le changement d’adresse de livraison a été fait : il faut juste signaler à votre transporteur de ne pas livrer après 12 h le vendredi

Si la livraison s’effectue dans ma C merci de me téléphoner la veille de la livraison, que je m’organise pour transférer la marchandise dans mon entrepôt.'

Ces éléments ont conduit les premiers juges à douter du degré de connaissance par le fournisseur du principe de la rétrocession illicite et leur ont fait également retenir, contre ce fournisseur, le délai écoulé avant qu’il n’y mette fin, dans le courant de l’année 2014.

Toutefois, la Cour relève qu’il est exact que le niveau des commandes des médicaments non remboursés de la C X avait déjà commencé d’augmenter significativement à partir de 2009 (1 726 euros seulement en 2008 contre 15 729 euros en 2009 et 19 931 euros en 2010) ; en outre, les appelantes font valoir que la société UPSA ne disposait pas en interne d’un outil de gestion qui lui aurait permis de détecter l’existence d’un système de rétrocession illicite.

C’est pourquoi, en définitive, alors que la faute du fournisseur doit être prouvée, il résulte des éléments de fait déjà indiqués que ceux-ci ne démontrent pas la faute du fournisseur.

En effet :

— non seulement rien ne prouve en l’espèce, contrairement à ce que soutiennent les intimées sur l’appel principal, que la société UPSA a elle-même sollicité son client afin de procéder à la rétrocession illicite,

— mais encore il ne peut être valablement retenu que le fournisseur a accepté le dispositif illicite ou qu’il l’a toléré en connaissance de cause..

Il s’en déduit que toute cause d’exonération de responsabilité prise de la faute de la victime doit être écartée en l’espèce et que le jugement entrepris doit être réformé en ce qu’il a retenu la responsabilité partielle du fournisseur dans la production des dommages allégués.

- Sur le préjudice commercial

Dès lors que l’organisation du réseau de rétrocession illicite a eu pour but et pour effet de faire bénéficier des officines commandant en réalité des petites quantités de médicaments de remises correspondant au plein volume des commandes passées par l’intermédiaire de la C D, et dès lors qu’il est établi que ces officines n’auraient pu y prétendre compte tenu de la politique commerciale mise en place par le fournisseur, le préjudice indemnisable qui en découle s’évalue à la perte de marge causé par la différence entre les marges obtenues et celles qui auraient été obtenues par les officines adhérentes de la SRA si elles avaient traité directement avec le fournisseur.

La demande principale des appelantes à titre principal est certainement excessive en ce qu’elles réclament la marge totale réalisée sous la seule déduction de la marge minimale de 20% accordée d’emblée à toute officine. En effet, les produits ont néanmoins été vendus, certes avec un taux de remise plus important que ce à quoi les officines destinataires auraient pu prétendre, soit 30%, mais les ventes intervenues ont permis au fournisseur de réaliser une marge.

Ce raisonnement sera donc écarté.

La demande subsidiaire est assise sur le manque à gagner c’est à dire sur la perte de chiffre d’affaires résultant de l’application du taux de marge de 30% au lieu du taux de 14,75% correspondant à la

remise pour la catégorie des intermédiaires selon les conditions générales de vente en vigueur.

Or, pour l’appréciation du préjudice économique indemnisable, il convient de déduire les charges correspondant à la production du chiffre d’affaires.

Ce raisonnement sera donc également écarté.

Reste que le préjudice est certain et que la Cour doit le réparer.

La Cour retiendra le chiffre d’affaires annuel réalisé via le site www.lacentralepharma.com tel qu’analysé par l’expert informatique des appelantes à partir des données recueillies par huissier, qui ne fait l’objet d’aucune critique utile. ce chiffre d’affaires sera rétabli avant application du taux de remise consenti qui est de 30%, sur lequel sera appliqué la remise de 20% à laquelle les officines destinataires pouvaient seules prétendre.

En négligeant l’incidence de ce rétablissement sur le taux de marge attesté par l’expert-comptable de BMS-UPSA – puisque toutes choses égales par ailleurs, le rétablissement du chiffre d’affaires selon le niveau de remise de 20% n’a pas pu faire baisser le taux de marge effectivement calculé par l’expert comptable – la difference entre le chiffre d’affaires théorique et le chiffre d’affaires réalisé permet, par application du taux de marge, de déterminer la marge perdue par le fournisseur.

2010 2011

2012 2013

2014

Total

CA effectif

[…]

CA théorique avant remise de 30% 29487 121137 326421 360354 94057 CA théorique après remise de 20% 23589 96909 261136 288283 75245 CA perdu

[…]

taux de marge

55% 57%

62%

57%

57%

marge perdue

[…]

[…]

Par conséquent, les sociétés C X D, Mon courtier en C et Sagitta G, qui ont ensemble concouru à la production du dommage par leur faute, seront condamnées in solidum à payer à la société UPSA une somme de 163 996 euros au titre du préjudice économique sur la période 2010- 17 avril 2014.

S’agissant de la période postérieure allant jusqu’au 29 juillet 2015, il est constant que la distribution illicite a continué, notamment par l’intermédiaire de la C Gouron X dont M. B X est le titulaire, qui a été substituée en partie à la C D.

Compte tenu des chiffres d’affaires réalisés avec les produits de la gamme UPSA pour cette période par le moyen du même site internet et selon la même méthodologie que précédemment, le préjudice s’évalue à :

CA effectif : 224 796 euros

CA rétabli hors remise : 321 137 euros

CA perdu : 96 341

marge perdue (taux 57%) : 54 914 euros

Par conséquent, les sociétés Mon courtier en C et Sagitta G, qui ont ensemble concouru à la production du dommage par leur faute, seront condamnées in solidum à payer à la société UPSA une somme de 54 914 euros au titre du préjudice économique sur la période

postérieure au 17 avril 2014 et allant jusqu’au 29 juillet 2015.

S’agissant de la période postérieure, alors qu’il est affirmé par les sociétés F G, Sagitta G et C X D, sans que soit rapportée de preuve contraire, que nulle vente par internet n’a eu lieu après le 30 décembre 2015, la Cour ne dispose pas des chiffres d’affaires réalisés par le moyen du site internet. Cela étant, les appelantes allèguent que la C Gouron-X qui en 2012 et 2013 a commandé au plus 70 quantités de produits non remboursés UPSA, en a commandé 2403 quantités en 2014, 2310 en 2015 et 2831 en 2016. Ces éléments ne sont nullement attestés par expert comptable et sont insuffisamment précis.

Compte tenu des déclarations des parties, le préjudice économique est néanmoins certain jusqu’au 29 juillet 2015, en dépit de l’arrêt des approvisionnements illicites via la société C X D à compter du 17 avril 2014 jour du constat d’huissier.

La Cour considère qu’elle dispose des moyens permettant de dire que ce préjudice n’a pas pu être inférieur à 1 000 euros par mois, soit une somme complémentaire de 5 000 euros au titre de la perte de marge.

Aucun préjudice n’est établi pour la période postérieure.

Par conséquent, par infirmation du jugement entrepris, les sommes qui viennent d’être indiquées seront allouées au fournisseur à titre de dommages-intérêts pour préjudice commercial.

- Sur le préjudice de désorganisation du réseau de distribution et d’atteinte à l’image

C’est par de justes motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont retenu que les réseau de rétrocession illicite par le moyen de l’internet déjà mentionné auquel ont sciemment participé les sociétés X D, F G et Sagitta G a causé un dommage certain à l’organisation et à l’image commerciale du fournisseur en ce que cela a perturbé le fonctionnement des équipes commerciales distribuant les produits UPSA et a emporté la confusion dans l’esprit des pharmaciens d’officine, qu’ils aient été ou non adhérents de la SRA.

A ces justes motifs, il sera ajouté qu’est bien réelle l’atteinte particulière à l’image commerciale des produits UPSA résultant du fait que le milieu professionnel des pharmacies d’officine était incité à croire conforme à une pratique admise du fournisseur celle consistant, pour des raisons purement tarifaires , à allonger le circuit de distribution de produits pharmaceutiques poutant soumis à de strictes normes de conservation. Tel est en effet le cas en l’espèce, puisque le système illicite a laissé croire aux pharmaciens d’officine qu’il était admis par le fournisseur que la société C D ou toute autre C mise à contribution puisse, sans nécéssité, réexpédier des quantités de médicaments hors de proportion avec ses propres capacités de distribution, ce dans des conditions aggravant objectivement le risque sanitaire en dépit du sens des responsabilités techniques des pharmaciens acteurs du réseau de rétrocession illicite et des précautions qu’ils affirment avoir prises.

La Cour relève également la durée élevée du dommage subi, qui est de l’ordre de 5 années et l’ampleur du chiffre d’affaires qui dépasse 500 000 euros.

L’ensemble de ces éléments conduit à retenir que le préjudice de désorganisation commerciale doit être évalué à la somme de 50 000 euros, somme qui sera allouée à titre de dommages-intérêts, le jugement entrepris étant réformé sur ce point.

En outre, il sera fait droit à la demande de publication du jugement, laquelle est nécessaire et justifiée pour réparer le dommage causé par l’infraction dans l’esprit des pharmaciens d’officine qui sont concernés à titre professionnel par les réseaux de distribution des médicaments non remboursés ; le

jugement entrepris sera donc réformé sur ce point.

Pour le surplus, le jugement sera confirmé.

Le jugement sera en particulier confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de 1 euro au titre du préjudice d’image commerciale de la société BMS, dès lors qu’ il n’est pas établi que les agissements illicites des sociétés Sagitta G, F G et des frères X, médiatisés par voie de presse
- aux termes d’un article évoquant une guerre des pharmaciens d’officine contre 'les laboratoires', sans citer leurs noms, dans le contexte d’une plainte dirigée de manière générale contre ceux-ci au motif qu’ils refusent d’appliquer les mêmes remises aux SRA et CPA qu’aux officines – aient porté un préjudice d’image à la société BMS du fait des pratiques illicites en cause.

En équité, les sociétés F G, Sagitta G et C X D seront tenues in solidum de verser à chacune des sociétés BMS et UPSA une indeminité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, selon les montants précisés au dispositif du présent arrêt.

Les sociétés F G, Sagitta G et C X D seront également condamnées in solidum aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS:

Réforme le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société BMS,

Statuant de nouveau sur ce point

Dit que les sociétés F G, Sagitta G et C X D sont entièrement responsables des conséquences dommageables subies par les sociétés UPSA et BMS du fait des rétrocessions illicites effectuées au moyen du site internet www.lacentralepharma.com,

Réforme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les sociétés BMS et UPSA de leur demande au titre du préjudice commercial,

Statuant de nouveau sur ce point :

Condamne in solidum les sociétés C X D, Mon courtier en C et Sagitta G, à payer à la société UPSA une somme de 163 996 euros au titre du préjudice économique sur la période 2010- 17 avril 2014,

Condamne in solidum les sociétés Mon courtier en C et Sagitta G à payer à la société UPSA une somme de 54 914 euros au titre du préjudice économique sur la période postérieure au 17 avril 2014 et allant jusqu’au 29 juillet 2015,

Condamne in solidum les sociétés Mon courtier en C et Sagitta G à payer à la société UPSA une somme complémentaire de 5 000 euros au titre de la perte de marge, pour la période postérieure au 29 juillet 2015,

Réforme le jugement en ce qu’il a limité les dommages-intérêts alloués à la société UPSA à la somme de 30 000 euros au titre du préjudice de désorganisation commerciale et d’atteinte à l’image,

Statuant de nouveau sur ce point :

Condamne in solidum les sociétés C X D, Mon courtier en C et Sagitta G, à payer à la société UPSA une somme de 50 000 euros au titre du préjudice de désorganisation commerciale,

Réforme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de publication de la décision,

Statuant à nouveau sur ce point :

Ordonne la publication du présent arrêt, intégralement ou par extrait, dans trois journaux ou magazines au choix de la société UPSA, ainsi que sur le site internet www.lacentralepharma.com, le coût total de ces insertions ne pouvant excéder 15 000 euros HT à la charge in solidum des sociétés Mon courtier en C et Sagitta G,

Pour le suplus et y ajoutant :

Confirme le jugement entrepris,

Condamne in solidum les sociétés Mon courtier en C, Sagitta G et C X D à verser à chacune des sociétés BMS et UPSA une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés Mon courtier en C, Sagitta G et C X D aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

La Greffière La Présidente

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 2 juin 2021, n° 16/22966