Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 20 mai 2021, n° 19/11018

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 7, 20 mai 2021, n° 19/11018
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/11018
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 18 septembre 2019, N° 19/05281
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 20 MAI 2021

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11018 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA4T7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Septembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/05281

APPELANT

Monsieur C X

[…]

[…]

Représenté par Me Mélanie DUBUQUOY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

FEDERATION CGT DES VRP ET COMMERCIAUX ITINERANTS

[…]

[…]

Représentée par Me Thibaut BONNEMYE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0726

FÉDÉRATION NATIONALE DES PROFESSIONNELS DE LA VENTE

[…]

[…]

N’ayant constitué ni avocat ni défenseur syndical

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Avril 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Hélène FILLIOL, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Hélène FILLIOL, Présidente de Chambre,

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

- R''PUT'' CONTRADICTOIRE,

— mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement

avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code

de procédure civile,

— signé par Madame Hélène FILLIOL, Présidente de Chambre, et par Madame

Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat

signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. C X a été embauché par un contrat unique d’insertion du 3 mars 2014 pour une durée d’un an, en qualité d’assistant administratif, par la Fédération CGT des professionnels de la vente. Ledit contrat énumérait les missions de M. X ainsi qu’il suit:

— secrétariat administratif,

— accueil,

— information des adhérents sur leurs demandes syndicales,

— mise en oeuvre des actions.

Le dit contrat précisait en outre que dans les tâches qui lui étaient attribuées, l’employé était tenu de respecter les instructions qui lui étaient données par l’employeur, d’établir tout document nécessaire à la bonne marche de la Fédération (fiche d’accueil, justificatifs, documents, convocations ect…), de tenir le planning à jour et d’établir un rapport d’activité hebdomadaire.

Les relations contractuelles se sont poursuivies à compter du 3 mars 2015 à durée indéterminée.

En décembre 2017, M. X s’est vu confier le mandat de défenseur syndical.

Il a été absent de l’entreprise pour cause de maladie à compter du 5 février 2019.

M. X a été convoqué par courrier du 25 février 2019 à un entretien préalable fixé le 8 mars 2019. Celui-ci a été reporté à sa demande par courrier du 7 mars 2019 au 18 mars 2019, avec mise à pied conservatoire, en vue d’un éventuel licenciement.

Par courrier du 25 mars 2019, la Fédération CGT des VRP et Commerciaux Itinérants a sollicité

auprès de l’inspection du travail l’autorisation de licencier M. X.

Par décision en date du 20 mai 2019, l’inspection du travail a refusé cette autorisation considérant notamment que M. X n’avait pas de dossier disciplinaire et que les faits fautifs (manquement aux obligations de sécurité) qui lui étaient imputables n’étaient pas d’une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement.

Par lettre du 29 mai 2019, le syndicat a informé M. X du retrait de son mandat de défenseur syndical et qu’il n’avait donc plus à compter de ce jour à recevoir et à prendre la défense des intérêts des salariés.

Par courrier électronique du 30 mai 2019, M. X s’est plaint auprès de son employeur de harcèlement moral en ces termes : « cette surveillance constante, ces ordres impérieux et sur un ton méprisant et cette façon d’essayer de vider de toute substance mon activité professionnelle, ne peut être vécu par moi que comme un harcèlement supplémentaire, après le déni de mes droits les plus élémentaires ».

M. X a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 8 juin 2019 au motif suivant : « j’ai subi depuis mon arrêt maladie du 5 février 2019 un harcèlement moral vous avez oeuvré pour rendre ma réintégration effective impossible et exécuter le contrat de travail qui nous lie avec la plus parfaite mauvaise foi ».

Sollicitant la requalification de sa prise d’acte en licenciement nul, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 17 juin 2019 pour obtenir le paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par un jugement du 19 septembre 2019, le conseil de prud’hommes a :

— débouté M. X de l’ensemble de ses demandes et laissé les dépens à sa

charge ;

— débouté la Fédération de ses demandes reconventionnelles et de sa demande au

titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— laissé les dépens à la charge du salarié.

Pour requalifier la prise d’acte du salarié en démission, le conseil a retenu que M. X n’apportait aucun élément susceptible de démontrer l’existence d’un harcèlement moral, que sa mise à pied conservatoire était justifiée et relevait du pouvoir de l’employeur, et que son salaire correspondant à la période de mise à pied lui avait été réglée en intégralité.

Par ailleurs, le conseil a relevé qu’en raison de la confusion entretenue entre son mandat et les fonctions décrites dans son contrat de travail, son démandatement ne constituait pas un manquement de la part de l’employeur.

Enfin, le conseil de prud’hommes a considéré que la Fédération n’avait pas rempli son obligation de sécurité en raison de l’absence de visite médicale, mais que le salarié ne démontrait pas un préjudice résultant de ce grief, et ne pouvait donc arguer d’un manquement grave de ce dernier qui justifierait la rupture immédiate de la relation de travail.

M. X a interjeté appel du jugement le 3 novembre 2019.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par des écritures transmises par voie électronique le 4 mars 2021, M. X conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de l’intégralité de ses demandes et à sa confirmation en ce qu’il a débouté la Fédération de ses demandes reconventionnelles.

Il demande à la cour statuant à nouveau de :

A titre principal,

— juger que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul ;

— condamner la Fédération à lui verser les sommes suivantes :

* 25.554,48 euros à titre d’indemnité pour nullité du licenciement,

* 2.883,74 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 12.777,24 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

* 4.259,08 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 425,90 euros au titre des congés payés afférents,

* 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation

de sécurité,

* 38.331,72 à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur.

A titre subsidiaire,

— juger que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et

sérieuse ;

— condamner la Fédération à lui verser les sommes suivantes :

* 3.1194,31 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse,

* 2.883,74 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 12.777,24 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

* 4.259,08 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 425,90 euros au titre des congés payés afférents,

* 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation

de sécurité,

* 38.331,72 à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur.

En tout état de cause,

— ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50

euros par jour de retard et par document à l’expiration d’un délai de 8 jours à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, astreinte que la cour se réserve le droit de liquider;

— ordonner le versement des intérêts au taux légal à compter de la saisine du

conseil et ordonner la capitalisation ;

— condamner la société aux dépens ;

— condamner la Fédération à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement

de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la Fédération aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, le salarié fait valoir que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul en raison des agissements de harcèlement moral de son employeur, à savoir le fait de lui reprocher des absences injustifiées alors qu’elles avaient été autorisées, le retard de paiement des indemnités journalières de sécurité sociale, l’introduction d’une procédure de licenciement, le non- paiement du salaire sur la période de mise à pied, sa non-réintégration à son poste de travail, et l’absence de visite médicale de reprise.

Par des écritures transmises par voie électronique le 18 mars 2020, la Fédération

CGT des VRP et Commerciaux Itinérants conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes, et à son infirmation pour le surplus.

Elle demande à la cour statuant à nouveau de :

— condamner le salarié à lui verser les sommes suivantes :

* 4.186,10 euros à titre d’indemnité pour préavis non exécuté,

* 1 euro à titre de dommages-intérêts pour déloyauté dans l’exécution du

contrat de travail et préjudice d’image,

* 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner le salarié aux dépens ;

— dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal.

La Fédération fait valoir que les griefs invoqués à l’appui du harcèlement moral ne sont pas fondés, et précise notamment que le retard dans le paiement des indemnités journalières de sécurité sociale et du salaire sur le mise à pied conservatoire découle d’une erreur matérielle qui a été rectifiée immédiatement.

A titre subsidiaire, la Fédération soutient que sa responsabilité ne peut être engagée si le harcèlement moral est retenu, en ce qu’elle démontre avoir mis en place toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage subi par le salarié, et que ce dernier n’a jamais interpelé le médecin du travail ou sollicité la commission exécutive fédérale sur l’existence d’une telle situation.

La Fédération nationale des professionnels de la vente, régulièrement citée à personne morale, n’a pas constitué avocat. Le jugement sera réputé contradictoire.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par voie électronique.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 10 mars 2021.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la prise d’acte :

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient, soit dans le cas contraire d’une démission.

Il incombe au salarié qui les invoque, de caractériser des manquements suffisamment graves de l’employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail et donc pour justifier la rupture du contrat de travail.

Enfin, l’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est donc tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié même s’ils n’ont pas été mentionnés dans cet écrit.

M. X a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 8 juin 2019 pour des faits de harcèlement moral.

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d’altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 de ce même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et qu’au vu de ces éléments, il incombe alors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, M. X invoque les faits suivants :

— une politique d’éviction consistant à lui reprocher des prétendues absences injustifiées du 28, 29 et 30 janvier 2019,

— le non paiement des indemnités journalières de sécurité sociale pour les mois de février et mars 2019,

— une mise à pied conservatoire illégale, faute d’en avoir informé l’inspection du travail,

— une procédure de licenciement injustifiée ayant pour seul but de le déstabiliser d’avantage,

— la résistance de l’employeur au paiement de la mise à pied conservatoire alors qu’il avait connaissance de la nullité de celle-ci depuis le 8 avril 2019,

— sa non intégration à son poste de travail le 23 mai 2019 ;

— un comportement de l’employeur visant à le déstabiliser et à le stigmatiser auprès des autres salariés en mettant ces derniers en copie des mails d’instruction qui lui ont été adressés, et grâce à son démandatement en vidant de sa substance les fonctions qu’il exerçait jusque là. Il soutient sur ce point avoir exercé dès 2014 dans le cadre de son contrat de travail des fonctions d’assistance et de représentation des salariés sans lien avec des missions de défenseur syndical,

— des propos vexatoires de son employeur,

— des manoeuvres de l’employeur pour qu’il perde son mandat syndical,

— l’absence de visite médicale de reprise après son arrêt de travail pour cause de maladie de plus de 30 jours.

Sur les absences injustifiées des 28 et 30 janvier 2019 :

Pour étayer ses affirmations, il produit notamment :

— une lettre de mise en demeure du 4 février 2019 portant sur des absences injustifiées du 28 au 30 janvier 2019.

— une lettre de mise en demeure du 11 février 2019 portant sur une absence injustifiée depuis le 5 février 2019.

— sa lettre du 5 mars 2019 indiquant à son employeur qu’il lui avait donné son accord pour ses soit-disant absences injustifiées et déplorant que les mises en demeure lui aient été envoyées pendant son absence pour cause de maladie.

— la décision de l’inspection du travail 20 mai 2019, laquelle, pour rejeter le grief tiré des absences injustifiées du 28 au 30 janvier 2019 retient ce qui suit : « des éléments communiqués par l’employeur dans le cadre de l’enquête contradictoire, notamment une copie de ses validations dans le logiciel « Payfit » il apparaît que M. X a fait une demande de congés sans solde pour les journées du 28, 29 et 30 janvier ; ces demandes ont été validées par M. Z ; M. X a donc reçu validation de la part de M. X pour ses absences des 28, 29 et 30 janvier 2019 ».

Sur le non paiement durant plus d’un mois des indemnités journalières de sécurité sociale pour les mois de février et mars 2019 :

Le salarié communique :

— une attestation de paiement des indemnités journalières de sécurité sociale

portant sur ses absences du 5 février au 4 avril 2019 mentionnant un paiement effectué par l’employeur par subrogation;

— son courrier du 9 avril 2019 demandant à son employeur de rectifier son bulletin de salaire en tenant compte des sommes versées par la CPAM et rappelant à son employeur qu’il n’est pas autorisé à maintenir la subrogation sans son accord exprès lorsqu’il ne maintient pas le salaire.

— les réponses de l’employeur du 17 avril 2019 l’informant qu’une rectification va

être faite et du 19 avril 2019 l’informant qu’un virement a été fait sur son compte en remboursement des sommes perçues de la CPAM et détaillant les paiement effectués.

— la régularisation opérée par son employeur par virement du 19 avril 2019.

Sur le non paiement de la mise à pied conservatoire :

M. X verse aux débats :

— une lettre de mise en demeure du 7 mars 2019, lui demandant de justifier de ses absences du 28 au 30 janvier 2019, le convoquant à un nouvel entretien préalable du fait de sa demande de report dudit entretien et lui notifiant sa mise à pied conservatoire.

— la lettre du 26 mars 2019 l’informant de la saisine de l’inspection du travail pour obtenir une autorisation de le licencier et lui confirmant sa mise à pied conservatoire du 7 mars 2019.

— son courrier du 17 avril 2019, adressé en copie à l’inspecteur du travail, aux termes duquel il demande à M. Z de rectifier la situation.

— le courrier de l’inspection du travail du 20 mai 2019 communiquant à l’employeur sa décision de refus concernant la demande d’autorisation de licenciement et rappelant à l’employeur que la mise à pied conservatoire prononcée le 7 mars 2019 n’ayant pas été notifiée à M. X dans les 48 heures à compter de sa prise d’effet, est nulle et sans effet et qu’il conviendra donc de rémunérer M. X sur toute la période de mise à pied conservatoire.

— son mail du 27 mai 2019 déplorant le non paiement du rappel de salaire pour la période de mise à pied disciplinaire.

— la réponse de son employeur datée du même jour lui indiquant que la régularisation sera faite sur le bulletin du mois de juin 2019 du fait de l’impossibilité de modifier les paies après le 20 du mois en cours.

Il ressort en outre du relevé de compte chèque de M. X du mois de mai 2019 et du bulletin de salaire du mois de juin 2019 qu’un acompte de 1000€ lui a été versé par l’employeur le 28 mai 2019 au titre du rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, le solde restant dû ayant été réglé le 10 juin 2019.

Sur la procédure de licenciement ayant pour seul but de le déstabiliser d’avantage:

Le salarié produit la décision du 20 mai 2019 de refus d’autorisation de licenciement dont il résulte que sur les trois griefs invoqués, à savoir les absences injustifiées de M. X, le manquement aux obligations de sécurité et aux obligations de loyauté, l’inspecteur du travail a retenu que seul le manquement aux obligations de sécurité était établi mais n’était pas d’une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement.

Il ne peut donc être soutenu par M. X qu’aucun des griefs formulés n’étaient justifiés.

Aucun élément ne prouve par ailleurs que la procédure de licenciement avait pour but de le déstabiliser d’avantage et qu’il s’agissait d’une éviction programmée.

Sur la non réintégration de M. X à son poste de travail :

Il ressort des éléments produits que M. X s’est présenté à son poste de travail le 23 mai 2019 ; que son employeur l’a autorisé à rentrer chez lui jusqu’à instruction contraire de sa part puis lui a

confirmé par mail du 24 mai 2019 sa réintégration, lui demandant de se présenter à son poste de travail le 27 mai 2019 aux horaires habituels.

Aucun élément n’est produit établissant qu’à la date du 23 mai 2019, ses dossiers avaient disparu et que « son ordinateur avait été changé », son mail du 23 mai 2019 n’ayant à lui seul aucune valeur probante sur ce point.

Sur les tâches confiées à la date du 27 mai 2019, aucun élément n’établit la réalité de propos vexatoires de l’employeur ou la volonté de ce dernier de l’évincer ou de le stigmatiser. Les mails de M. Z du 27 et 31 mai 2019 ne sont pas significatifs sur ces points au regard du contenu de son contrat de travail rappelé dans l’exposé du litige.

En effet, aux termes du premier en date du 27 mai 2019, mis en copie notamment au bureau fédéral, l’employeur lui donne des instructions concernant trois dossiers et l’informe qu’un point sera fait le 31 mai 2019 à 14 heures.

Aux termes du second en date du 31 mai 2019, mis également en copie notamment au bureau fédéral, l’employeur lui donne des instructions suite à la réunion portant en particulier sur le fait d’appeler M. Y pour lui résumer son dossier et pendant son absence de le tenir informé des éventuels accueils juridiques ou syndicaux effectués en tenant un tableau des visites et appels téléphoniques.

Les échanges de courriers électroniques avec son employeur des 28, 29 et 31 mai 2019 ne sont pas plus probants sur la réalité d’un comportement stigmatisant et vexatoire de l’employeur. Aux termes de ceux-ci, M. X se plaint d’une entrave à ses fonctions de défenseur syndical au motif qu’un salarié refuse de lui remettre une décision d’une cour d’appel concernant un dossier plaidé par ses soins, de l’inaccessibilité des dossiers et du fait qu’un de ses collègues lui a indiqué que sa présence était prohibée entre 13 heures et 14 heures, son employeur contestant en réponse les griefs, répondant notamment être surpris par l’avalanche de mails et propos diffamatoires, que tous les dossiers sont accessibles et dans son bureau sur les étagères et que lors de la pause déjeuner il doit quitter son poste de travail et non les bureaux.

Aucun élément n’est produit concernant les manoeuvres de l’employeur pour que M. X perde son mandat syndical. Les deux courriers de l’employeur du 29 mai et 7 juin 2019 l’informant d’une part de la demande de radiation de son mandat syndical effectué auprès de la Dirrecte d’Ile de France suite à la décision de la commission exécutive du syndicat CGT des VRP et commerciaux de la région parisienne et d’autre part de la décision de radiation de son mandat de défenseur syndical, ne sont en effet pas probants sur ce point.

Sur la perte de ses fonctions de représentation et d’assistance des salariés exercées selon ses dires dès 2014, M. X produit :

— un partie seulement d’un mail de M. Z en date du 9 juin 2015 lui reprochant que le travail administratif concernant son activité salariale n’est pas correctement et suffisamment mis en place et respecté et énumérant les trois actions administratives à mettre en amont de chaque dossier juridique.

— un document intitulé « résultat de la recherche sur le défenseur syndical X » comportant une liste de plusieurs dossiers de salariés depuis 2012.

Ces seules pièces n’établissent pas qu’il ait exercé des fonctions de représentation et d’assistance des salariés avant que lui ait été confié le mandat de défenseur syndical.

En l’état des explications et des pièces fournies, il doit être constaté que M. X démontre uniquement que l’employeur lui a reproché de façon injustifiée des absences du 28 au 30 janvier

2019 qu’il avait pourtant validées, qu’il lui a payé avec retard ses indemnités journalières de sécurité sociale durant son absence pour cause de maladie du mois de février et mars 2019, qu’il lui a notifié une mise à pied conservatoire illégale le 7 mars 2019, faute d’en avoir informé l’inspecteur du travail dans les délais et qu’il n’a pas organisé de visite de reprise à sa reprise du 27 mai 2019.

Par ailleurs, les avis d’arrêt de travail initial du 5 février 2019 et de prolongation versés aux débats par l’employeur ne donne aucune indication sur l’origine de la maladie de M. X. Ce dernier communique une attestation de son médecin en date du 1er mars 2021 certifiant qu’il a été suivi début 2019 pendant 4 mois pour un état dépressif ayant nécessité un traitement antidépresseur en rapport avec un problème de conflit en milieu professionnel.

M. X établit ainsi l’existence matérielle de faits précis et concordants laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

La Fédération CGT des VRP et Commerciaux Itinérants conteste tout harcèlement.

Sur les absences injustifiées du 28 au 30 janvier 2019, elle fait valoir que l’inspecteur du travail n’a pas compris le document Payfit, en considérant que la mention congé sans solde avait été mentionnée par M. X dans le logiciel et validée par M. Z alors que « c’est M. Z qui a inscrit la mention congé sans solde/absences injustifiées et non uniquement congés sans solde ». Elle produit l’extrait logiciel Payfit retraçant les congés et absences de M. X sur lequel apparaît la mention « congés sans solde » de 3 jours du 28 au 30 janvier 2019 validée, ce qui établit que l’employeur avait donné son autorisation.

Sur le paiement avec retard des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS), elle fait valoir qu’elle a assuré le maintien de salaire de M. X durant son arrêt de travail alors qu’elle n’y était pas obligée, ce qui est établi ; que sur le bulletin de salaire du26 mars 2019, seul le salaire a été versé et non les IJSS parce que la subrogation n’avait pas été cochée sur les attestations de salaire ; qu’après avoir eu connaissance de la réclamation de M. X, elle s’est adressée à son service comptable qui lui a confirmé qu’il n’y avait pas eu de subrogation mais que la CPAM avait pourtant versé par erreur les sommes à l’employeur. Il ressort notamment des échanges électroniques de M. Z avec le centre de paie (Payfit) en date des 16 et 19 avril 2019 que l’employeur a pris contact avec la CPAM et demandé au centre de paie de régulariser la situation de M. X notamment en lui versant les sommes reçues de la CPAM sur le compte de la Fédération.

Sur la mise à pied, invoquant l’impossibilité de modifier les paies après le 20 du mois, l’employeur relève à juste titre que dès qu’il a eu connaissance de la décision de l’inspection du travail le 24 mai 2019, il a effectué un virement de 1000€, puis le temps que le service comptable calcule la somme restant due, a réglé le solde début juin 2019.

Sur la visite médicale de reprise , l’employeur fait valoir que le salarié a repris le travail le 23 mai de façon inattendue ; que sa reprise a été décalée au 27 mai 2019 et que le délai très court entre la prise d’acte intervenue le 8 juin 2019 et la reprise effective de ce dernier ne lui a pas permis d’organiser de visite de reprise rapidement.

Aucun élément n’est produit établissant une dégradation de l’état de santé du salarié en lien avec une faute de l’employeur ou un quelconque fait de ce dernier.

Exception faite des absences prétendument injustifiées des 28 au 30 janvier 2019 reprochées au salarié par courrier du 7 mars 2019, la Fédération CGT des VRP et Commerciaux Itinérants justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement les faits établis par le salarié.

Le harcèlement moral dénoncé par le salarié qui suppose des agissements répétés de harcèlement moral n’est donc pas établi. La prise d’acte de la rupture du contrat de travail s’analyse ainsi en une

démission. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Dès lors, les demandes d’indemnisation au titre des dommages intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité légale de licenciement, l’indemnité de préavis et congés payés y afférents, l’indemnité pour licenciement vexatoire et violation du statut protecteur sont rejetées.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité :

A l’appui de sa demande de dommages et intérêts, le salarié invoque deux moyens:

— l’absence de visite de reprise après son arrêt de travail de plus de 30 jours,

— l’absence de mesure prise pour faire cesser le harcèlement moral subi.

C’est à juste titre que le salarié, se prévalant des dispositions de l’article R.4624-

31 du code du travail, dans sa version applicable au litige, invoque un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, ce dernier n’ayant pas organisé à son bénéfice un examen de reprise par le médecin du travail après son absence d’au moins 30 jours pour cause de maladie du 5 février au 23 mai 2019.

C’est également à juste titre qu’il fait valoir que la Fédération CGT des VRP et Commerciaux itinérants n’a pas réagi à son courrier électronique du 30 mai 2019 dénonçant des faits de harcèlement moral alors que tenu à une obligation de sécurité notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur doit prendre toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement dès qu’il a été informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral.

Toutefois, M. X ne rapportant pas la preuve de l’existence d’un préjudice résultant des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité, doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les demandes reconventionnelles :

C’est à juste titre que l’employeur fait valoir que si la prise d’acte est jugée injustifiée, le salarié doit verser à l’employeur une indemnité au titre de préavis non exécuté.

En application de ce principe, il y a lieu, en infirmant le jugement, d’accueillir sa demande au titre du préavis non exécuté à hauteur du montant réclamé, non discuté par le salarié.

L’employeur réclame en outre, se prévalant des dispositions de l’article L.1222-1 du code du travail qui dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, une somme de 1€ symbolique soutenant que le salarié a manqué à son obligation de loyauté.

Il invoque :

— un dossier monté de toutes pièces avec de nombreuses contradictions,

— le fait que M. X profitait de l’absence de M. Z pour notamment ne pas travailler et avoir un comportement déplacé vis à vis de plusieurs adhérentes,

— le fait qu’aient été retrouvées des photographies de ce dernier nu dans un dossier prud’hommes,

— la dissimulation par ce dernier de dossiers urgents ce qui a engendré le mécontentement de salariés,

— le dénigrement par écrit de son supérieur hiérarchique.

Il conclut que ce comportement lui a été particulièrement préjudiciable.

Il ne produit aucune pièce probante concernant le premier grief, le fait que M. X ait eu un comportement déplacé vis à vis de plusieurs adhérentes ou qu’aient été retrouvées des photographies de ce dernier nu dans un dossier prud’hommes. La dissimulation par ce dernier de dossiers urgents n’est pas plus démontrée. L’employeur justifie néanmoins que M. X ne rendait pas compte de son activité salariée malgré des rappels de sa hiérarchie et qu’il n’a pas répondu aux attentes de certains salariés. En effet, le président de la commission financière de contrôle témoigne que M. X malgré ses engagements n’a jamais rendu compte de son activité salariée, malgré de multiples rappels, et notamment ceux du 25 octobre 2018 et du 21 février 2019. M. Berthon indique que M. X arrivait souvent en retard aux réunions de commission financière et qu’il ne répondait pas aux interrogations concernant les résultats de son activité. En outre, plusieurs salariés attestent des défaillances de M. X dans le traitement de leur dossier. En particulier, M. Bansard déclare lui avoir fourni un dossier très complet pour sa défense mais que celui-ci connaissait très mal son dossier. Mme A déclare avoir eu un dossier prud’hommes géré par M. X qui n’a jamais voulu la recevoir et n’a jamais travaillé sur son dossier au point qu’elle a failli le perdre. Mme B atteste du manque de disponibilité de ce dernier. Il produit en outre le compte-rendu de la commission exécutive fédérale en date du 20 mars 2019 qui fait état de la déloyauté de M. X vis à vis de la CGT et des salariés qui lui ont fait confiance.

Le préjudice moral subi par la Fédération CGT des VRP et Commerciaux Itinérants du fait de l’exécution déloyale par M. X de son contrat de travail sera réparé par l’allocation d’une somme de 1€ à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

M. X, qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, chaque partie conservant à sa charge les frais qu’elle a dû supporter au cours de la présente instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a débouté la Fédération CGT des VRP et Commerciaux Itinérants de ses demandes de remboursement du préavis non exécuté et de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;

Statuant à nouveau sur ces seuls chefs infirmés:

CONDAMNE M. X à payer à la Fédération CGT des VRP et Commerciaux

Itinérants les sommes de 4186.10€ au titre du préavis non exécuté et de 1€ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

DIT que les sommes de nature salariale produisent intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et les sommes de nature indemnitaire à compter du

présent arrêt ;

DIT que chacune des parties garde à sa charge les frais qu’elle a engagés en cause d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. X aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 20 mai 2021, n° 19/11018