Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 1er juin 2021, n° 18/28483

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Chronologie de l’affaire

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www.uggc.com · 21 juin 2021

Vente aux enchères publiques : le commissaire-priseur ne peut agir en paiement du prix d'adjudication Dans un récent litige opposant un commissaire-priseur et un galeriste adjudicataire, la Cour d'Appel de Paris est venu préciser l'étendue du mandat du commissaire-priseur lorsqu'il organise une vente aux enchères publiques. Ce contentieux remonte à novembre 2015 où suite à une vente aux enchères publiques, un galeriste se porte acquéreur en son nom propre et par téléphone d'un lot décrit comme une huile sur toile. Le même jour après la vente, le galeriste vient récupérer la peinture …

 

www.uggc.com · 21 juin 2021

Vente aux enchères publiques : le commissaire-priseur ne peut agir en paiement du prix d'adjudication Dans un récent litige opposant un commissaire-priseur et un galeriste adjudicataire, la Cour d'Appel de Paris est venu préciser l'étendue du mandat du commissaire-priseur lorsqu'il organise une vente aux enchères publiques. Ce contentieux remonte à novembre 2015 où suite à une vente aux enchères publiques, un galeriste se porte acquéreur en son nom propre et par téléphone d'un lot décrit comme une huile sur toile. Le même jour après la vente, le galeriste vient récupérer la peinture …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 13, 1er juin 2021, n° 18/28483
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/28483
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 21 novembre 2018, N° 16/04801
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

(Anciennement pôle 2 – chambre 1)

ARRÊT DU 01 JUIN 2021

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/28483 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B66U6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 novembre 2018 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 16/04801

APPELANTE

SARL D

[…]

[…]

Représentée et assistée par Me Anne LAKITS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0765

INTIMÉS

Monsieur X Y

[…]

[…]

ET

SARL E X Y

[…]

[…]

Représentés et assistés par Me Philippe PLANTADE, avocat au barreau de PARIS, toque: B0210

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre

Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Séphora LOUIS-FERDINAND

ARRET :

— Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Nicole COCHET, Première présidente de chambre et par Sarah-Lisa GILBERT, Greffière présente à la mise à disposition.

* * * * *

Au cours d’une vente aux enchères publiques organisée à l’hôtel Drouot le 13 novembre 2015 par la société D, M. X Y s’est porté acquéreur, par téléphone, du lot 125 décrit comme une «'huile sur toile'» pour le prix de 8500 euros hors frais.

Lorsque M. X Y s’est présenté le soir vers 19 heures pour procéder au paiement, le règlement par carte bancaire n’était plus possible, mais il a emporté le tableau.

Après l’avoir examiné, il a finalement décidé de ne pas l’acquérir au motif qu’il s’agissait d’un «'procédé'» et non pas d’une véritable huile sur toile et il l’a restitué le 17 novembre dans les locaux de l’étude en refusant de régler le prix.

Après l’avoir vainement mis en demeure de régler la somme de 10'370'€ le 17 novembre puis lui avoir fait délivrer une sommation le 24 novembre 2015, la société D a fait assigner en paiement M. X Y à titre personnel d’une part et la société E X Y d’autre part, devant le tribunal de grande instance de Paris, par acte d’huissier délivré le 18 mars 2016.

Par jugement du 22 novembre 2018, le tribunal a':

— déclaré la société D irrecevable pour défaut de qualité à agir';

— condamné la société D à payer à M. X Y et la société E X Y la somme de 3000'€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile';

— condamné la société D aux dépens et fait application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Philippe Plantade';

— rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 20 décembre 2018, la SARL D a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 12 mars 2021, la SARL D demande à la cour de':

— déclarer M. X Y et la société E X Y irrecevables et en tout cas mal fondés

en leur appel incident';

— en conséquence, les débouter de leurs demandes';

— infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel';

— déclarer la SARL D recevable et bien fondée en ses demandes';

— condamner in solidum M. X Y et la société E X Y à payer à la SARL D la somme de 10'370'€ avec intérêts de droit à compter de la sommation de payer du 24 novembre 2015';

— condamner in solidum M. X Y et la société E X Y à payer à la SARL D une indemnité de 3'000'€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile';

— les condamner in solidum aux dépens dont distraction au profit de Me Anne Lakits.

Dans leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 12 mars 2021, M. X Y et la société E X Y demandent à la cour de':

— déclarer la SARL D irrecevable pour défaut de qualité à agir';

et, à titre subsidiaire, de':

— dire et juger que l’action de la SARL D est irrecevable à l’encontre de M. X Y à titre personnel pour défaut de qualité à défendre';

et, à titre très subsidiaire, de':

— dire et juger que la demande de la SARL D visant au paiement du prix d’acquisition résultant de l’adjudication du 13 novembre 2015 est dénuée de fondement et, en conséquence, l’en débouter';

et, en tout état de cause, de':

— condamner la SARL D aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me Philippe Plantade, avocat aux offres de droit, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile';

— condamner la SARL D à verser tant à M. X Y et la société E X Y la somme de 2'000'€ du chef de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prise le 16 mars 2021.

SUR CE

Sur la qualité à agir de la société D

Le tribunal s’est appuyé sur les dispositions d’ordre public des articles L.321-4, L.321-5 et L.321-12 du code de commerce pour décider qu’en ne produisant pas le mandat écrit en vertu duquel elle a procédé à la vente du bien litigieux, la société D ne justifiait pas de sa qualité pour agir en recouvrement du prix de la vente, et l’a en conséquence déclarée irrecevable à agir.

La société D soutient

— que la qualité à agir du commissaire-priseur ou de l’opérateur de ventes aux enchères directement contre l’adjudicataire défaillant en paiement du prix d’adjudication résulte d’une jurisprudence constante et très ancienne ;

— que les dispositions de l’article L.312-4 du code de commerce, issues de la loi 2000-642 du 10 juillet 2000, n’évoquant que la responsabilité de la représentation du prix et non celles de son paiement, n’enlèvent rien au fait que l’opérateur doive s’attacher à obtenir ce paiement, puisqu’il ne peut représenter le prix qu’une fois celui-ci payé ;

— qu’étant ainsi responsable à l’égard du vendeur, il a manifestement un intérêt à cette action sans avoir à justifier d’un mandat à agir en ce sens, ce d’autant que ses honoraires, tant ceux dus par l’adjudicataire que ceux à la charge du vendeur, sont inclus dans le prix ;

— que l’absence de communication du mandat de vente écrit, justifié par l’obligation de confidentialité à laquelle l’opérateur est tenu, ne permet pas aux intimés d’invoquer que la société D aurait au cas d’espèce pu tenter de vendre le tableau litigieux pour son propre compte': l’opérateur de ventes volontaires, mandataire du vendeur de par la loi, n’a pas à faire la preuve de ce mandat ;

— qu’en toute hypothèse, l’évolution du litige tenant à la demande subsidiaire en nullité de la vente introduite en cause d’appel la conduit à produire au débat le mandat de vente, établi par écrit conformément à l’article L 321-5 du Code de commerce.

M. X Y et la société E X Y répliquent

— qu’ayant persisté longtemps à refuser de produire le mandat de vente, la société D ne peut se prévaloir de sa production tardive devant la cour pour prétendre établir sa qualité pour agir, alors qu’exerçant ainsi à l’encontre de la société E X Y, hors les termes de son mandat, un droit propre et personnel au vendeur de l''uvre, sans démontrer l’avoir désinteressé et être ainsi subrogée dans ses droits, la société D contrevient au principe selon lequel 'nul ne plaide par procureur’ ;

— que l’article L 321-4 dont l’appelante se réclame ne la rend pas responsable du paiement du prix d’adjudication, mais seulement de sa représentation ;

— que quant aux 'diligences nécessaires pour obtenir de l’acquéreur le paiement du prix d’adjudication et des frais et régler le vendeur’ qui s’imposeraient déontologiquement à l’opérateur, elles consistent, lues à l’aune de ce même article, à mettre l’adjudicataire défaillant en demeure, puis à remettre en vente le bien ;

— qu’en outre le courrier produit par la société D, daté du 11 mars 2021 et émanant d’un M. B se disant héritier de la venderesse, l’invitant à poursuivre la procédure relative à l’acheteur indélicat du tableau, prouve d’une part, que la société n’avait aucun mandat d’ester en justice, et d’autre part que sa mandante est décédée, ce qui a mis un terme à son mandat.

Elle déduit de cet ensemble d’éléments que l’irrecevabilité de la société D en sa demande doit êre confirmée.

S’appuyant sur l’obligation imposée par l’article L 321-5 du code de commerce à l’opérateur organisant ou réalisant une vente volontaire de meubles aux enchères publiques d’avoir un mandat écrit du propriétaire du bien qui le mandate, ou de son représentant, les premiers juges, constatant que la Sarl D ne produisait pas ce mandat de sa venderesse, en ont déduit qu’elle n’établissait pas sa recevabilité à agir.

Cependant,

— La Sarl D est une société opératrice de ventes volontaires.

L’article L 325-1, paragraphe I du code de commerce issu de la loi 2000-642 du 10 juillet 2000 modifiée par la loi 2011-850 du 20 juillet 2011, définit l’opérateur organisant ou réalisant des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques comme le mandataire du propriétaire du bien ou son représentant, lui faisant en son paragraphe II interdiction de principe d’acheter ou vendre directement pour son propre compte. Il en découle que l’opérateur agissant dans le cadre de ce statut légal ne peut donc qu’être le mandataire de son client, sans qu’il y ait lieu de subordonner la recevabilité de son action à la justification du mandat écrit prévu par l’article L325-1 in fine.

La question de la recevabilité de la demande ne dépend donc pas de l’existence ou non de cet écrit – au demeurant tardivement produit par la Société D -, mais de savoir si l’action en paiement du prix à l’encontre de l’acquéreur défaillant s’inscrit ou non dans le périmètre du mandat légal de l’opérateur.

Aux termes de l’article L 321-14 du code de commerce , ' les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sont responsables à l’égard du vendeur et de l’acheteur de la représentation du prix et de la délivrance des biens dont ils ont effectué la vente…

Le bien adjugé ne peut être délivré à l’acheteur que lorsque l’opérateur ayant organisé la vente en a perçu le prix ou lorsque toute garantie lui a été donnée sur le paiement du prix par l’acquéreur.

A défaut de paiement par l’adjudicataire, après mise en demeure restée infructueuse, le bien est remis en vente à la demande du vendeur sur réitération des enchères ; si le vendeur ne formule pas cette demande dans un délai de trois mois à compter de l’adjudication, la vente est résolue de plein droit, sans préjudice de dommages et intérêts dus par l’adjudicataire défaillant….'

Il est acquis en jurisprudence que si l’acquéreur ne règle pas le prix, la résolution de plein droit de la vente prévue en alternative à la remise en vente sur folle enchère dans les trois mois de l’adjudication
- n’étant pas discuté en l’espèce que la venderesse n’en a pas formulé la demande -, est une option prévue au seul profit du vendeur, d’où résulte que d’une part, l’acquéreur défaillant ne peut s’en prévaloir, et d’autre part, le vendeur peut réclamer à l’adjudicataire défaillant le montant du prix de la vente.

La Sarl D se prétend titulaire de l’action en réclamation du prix ainsi susceptible d’être engagée en arguant de sa responsabilité professionnelle quant à la représentation du prix, et d’un accord de l’héritier de la venderesse, entretemps décédée, pour qu’il mène l’action en son nom.

Cependant, dans le contexte de la vente avortée dont s’agit,

— la responsabilité de représenter le prix dont la société D se prévaut pour agir en paiement contre la E X Y , qui jouerait pour un bien 'dont elle a effectué la vente', n’est pas en cause, puisqu’elle ne l’a pas perçu et que dans le silence de la venderesse, le délai de trois mois de l’adjudication étant expiré, la vente est a priori résolue.

— la Sarl D ne soutient pas avoir fait un quelconque paiement à la venderesse, ni à titre d’avance sur le prix d’adjudication comme prévu à l’article L 321-13, ni à l’issue de la vente, qui la subrogerait dans ses droits et actions de la venderesse et ferait du conflit avec l’acquéreur son affaire personnelle.

— Elle ne peut pas non plus invoquer une quelconque difficulté de représenter le bien à sa propriétaire, n’étant pas discuté que le tableau lui ait été remis par X Y dès le lendemain de la vente avortée du 13 novembre 2015 et qu’elle est donc en capacité de le lui restituer.

— La brève lettre manuscrite datée du 11 mars 2021, émanant d’un M. A B, se disant être
-sans en justifier- fils unique de la venderesse, et priant M. D '… de bien vouloir poursuivre la procédure relative à l’acheteur indélicat d’un tableau de ma maman’ ne peut, du fait de sa totale imprécision et de sa tardiveté, valoir mandat spécial conféré à posteriori à C D de mener l’action querellée.

Il en résulte que faute de pouvoir tant se prévaloir de son mandat légal d’opérateur, que justifier d’une subrogation dans les droits de la venderesse, ou exciper d’un mandat spécial de représentation en justice, la Sarl D n’ a ni qualité ni interêt pour agir en paiement du prix d’adujudication qu’elle réclame à la E X Y et M X Y.

Le jugement dont appel est donc confirmé par motifs substitués.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

L’équité justifie la condamnation de la société D à payer à la société E X Y et à M. X Y chacun la somme de 1500 euros en application de dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Partie succombante, la société D supportera les dépens d’appel avec les modalités de recouvrement de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Substituant ses motifs à ceux des premiers juges,

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions

Condamne la Sarl D à payer à M. X Y et la Sarl E X Y, chacun, la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Sarl D aux dépens d’appel avec les modalités de recouvrement de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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