Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 26 mai 2021, n° 18/11636

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 3, 26 mai 2021, n° 18/11636
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/11636
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 21 mai 2018, N° 17/08309
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 26 MAI 2021

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/11636 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6SLG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 17/08309

APPELANTE

SAS IGO SOLUTIONS

[…]

[…]

Représentée par Me Sandrine FARGE-VOUTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0115

INTIMÉ

Monsieur E X

[…]

[…]

Représenté par Me Michèle ARNAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : A0177

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Fabienne ROUGE, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Fabienne ROUGE, Présidente de chambre

Madame Anne MENARD, Présidente de chambre

Madame véronique MARMORAT, Présidente de chambre

Greffier, lors des débats : Madame Najma EL FARISSI

ARRÊT :

—  CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Fabienne ROUGE, Présidente de chambre et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur E X était engagé par la société IGO SOLUTIONS par contrat de travail à durée indéterminée signé le 9 mars 2016 et à effet au 24 mars 2016, et en qualité de Technicien de Maintenance aéronautique, niveau 2, coefficient 235 de la Convention Collective du Personnel au sol du Transport Aérien.

L’ancienneté dont il bénéficiait précédemment auprès de la société SR Technics France, au 21 septembre 2010, était reprise.

Par avenant à son contrat de travail en date du 29 septembre 2016, Monsieur X a accepté la clause de dédit formation suivante :

« Nous vous confirmons que vous allez suivre à compter du 3 octobre 2016 et jusqu’au 25 novembre 2016 une formation de qualification technique portant sur le type d’avion Boeing 737 dispensée à Paris ainsi qu’une partie de votre formation en cours d’emploi (FCE) sur des chantiers du même type avion à Casablanca. Cette formation est spécialement destinée à vous apporter le niveau de connaissances techniques sur ce type avion attendu pour l’habilitation à remettre en service ce type avion.

Pendant cette formation, votre salaire de base, dont le montant brut mensuel est de 2000,86 € (dont 145 € d’avance sur heures supplémentaires), vous sera intégralement versé ainsi que les frais de déplacement prévus pour l’envoi en formation.

Le coût de la formation s’élève à 61.000 € hors taxes pour la qualification de type et à 11.500 € pour la formation en cours d’emploi. Ces coûts sont intégralement pris en charge par la société. Ce stage engage des frais au-delà de notre obligation légale et conventionnelle de participation au financement de la formation professionnelle.

En contrepartie de cette formation, vous vous engagez à rester au service de notre entreprise pendant 3 ans. Cette période débute à compter de la fin de votre formation, soit au 26 novembre 2016.

En conséquence, dans le cas où vous quitteriez notre entreprise à votre initiative avant la fin du délai indiqué ci-dessus, vous vous engagez d’ores et déjà à nous rembourser ces frais de formation, soit une somme de 17.600 €.

En cas de départ au cours des 12 premiers mois, soit avant le 26 novembre 2017, le montant à rembourser sera de 17.600 €.

Ensuite, ce montant sera réduit dans les proportions suivantes:

- 11.730 € à rembourser à compter du 26 novembre 2017

- 5.860 € à rembourser à compter du 26 novembre 2018

Et ce, jusqu’à l’expiration du délai fixé au 26 novembre 2019' »

Monsieur X a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 30 août 2017.

La société IGO SOLUTIONS a saisi le Conseil de Prud’hommes de PARIS d’une demande de remboursement de clause de dédit-formation à l’encontre de Monsieur X, son ancien salarié et à hauteur de 10.756,25 €. Monsieur X a sollicité de manière reconventionnelle la requalification de sa prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par décision en date du 22 mai 2018 le Conseil des Prud’hommes de Paris déboutait

Monsieur X de ses demandes et déboutait également la société IGO SOLUTIONS

de sa demande et condamnait la société IAGO SOLUTIONS aux dépens.

La société IGO SOLUTIONS en a interjeté appel,

Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens la société IGO SOLUTIONS demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société IGO SOLUTIONS de ses demandes au titre du paiement de la clause de dédit formation, au titre du paiement du préavis de démission non exécuté, et au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive et exécution déloyale du contrat de travail.

Elle demande la condamnation de Monsieur X à lui verser les sommes de :

-10.756,25 € au titre de remboursement des frais engagés pour sa formation et ce dans le cadre de la clause de dédit-formation acceptée.

—  6.290 € au titre du préavis de démission non effectué.

—  5.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour procédure abusive.

—  3.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du CPC et aux dépens et de confirmer le jugement pour le surplus.

Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens Monsieur X demande à la cour de confirmer la décision du Conseil des Prud’hommes de Paris en ce qu’elle a débouté la société IGO SOLUTIONS de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de Monsieur X, de l’infirmer sur le surplus et de dire que la rupture du contrat de travail est imputable à l’employeur, de fixer son salaire mensuel moyen brut à la somme de 3.145 €, de condamner la société IGO SOLUTIONS à lui verser les sommes de :

—  6.290 euros au titre du préavis et 629 euros au titre des congés payés afférents

—  524 euros au titre du 13 ème mois

—  4.455,40 euros au titre de l’indemnité de licenciement

—  10.000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi durant l’exécution du contrat de travail.

-18.870 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

—  2.500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS :

Sur les demandes liées à la clause de dedit formation

L’objet de la clause de dédit-formation est de garantir l’employeur, en contrepartie d’une formation entièrement financée par l’entreprise, que le salarié s’engage à rester un certain temps à son service, après avoir suivi sa formation, et à verser, en cas de départ anticipé, une somme forfaitaire fixée à l’avance, ou à rembourser les frais de formation.

Pour être valable, la clause de dédit-formation doit donc respecter les conditions suivantes :

— le financement de la formation doit dépasser les éventuelles obligations légales ou conventionnelles imposées à l’entreprise,

— l’employeur doit avoir effectivement financé la formation et pouvoir rapporter la

preuve de cette dépense,

— le salarié doit conserver sa liberté de rompre son contrat de travail à tout moment.

L’engagement du salarié, pour être valable doit faire l’objet d’une convention particulière conclue avant le début de la formation et préciser la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel pour l’employeur, ainsi que le montant et les modalités de remboursement à la charge du salarié.

La société IGO SOLUTIONS indique que le coût réel de la formation n’est pas celui qui figure dans la clause soumise à la signature du salarié, en effet la convention mentionne une formation d’un coût de 17.600€ alors que le coût a été de 10.756,25€ somme dont elle lui demande le remboursement.

L’une des factures versées aux débats date du 13 janvier 2017 et donc ne correspond pas aux dates de formation telles qu’elles figurent dans l’avenant au contrat de travail puisque celle-ci devait se dérouler du 3 octobre 2016 au 25 novembre 2016 et ne porte aucune indication du nom de Monsieur X . L’autre en date du 23 novembre 2016 mentionne bien le nom de Monsieur X est d’un montant pour salarié à la somme de 6.156,25€.

Dès lors, le seul montant justifié est de 6.156,25€ , la convention qui doit être rigoureuse pour permettre au salarié de conserver toute liberté de choix quant à la pérennité de sa présence dans l’entreprise ne peut compte tenu de la variation du coût recevoir application peu important que ce montant soit réduit par rapport au coût initialement mentionné.

En outre Monsieur X démontre les difficultés rencontrées pour la validation des tâches de cette formation, par l’envoi de courriels en avril et mai 2017 dans lesquels il sollicite la validation de certaine tache, il convient de souligner que cette convention dont les modalités n’ont pas été respectées ne peut recevoir application, le jugement sera confirmé et la société déboutée de sa demande.

Sur la résiliation judiciaire

Les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d’une gravité suffisante. La résiliation judiciaire aux torts de l’employeur produit les effets d’un

licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Monsieur X soutient que l’employeur a commis de nombreux manquements en reprochant à son employeur l’absence de visite médicale périodique eu égard au fait qu’il travaillait de nuit, aux plannings de travail importants et à l’alternance de travail de nuit et de jour sans repos systématique et au manque d’équipement de sécurité.

La société ne conteste pas l’absence de visite médicale mais expose qu’elle a dû gérer un afflux important de salariés, dans le cadre de ces séquences de transfert de contrat et avec la réalité des capacités et des disponibilités des services de Médecine du travail.

Monsieur X démontre qu’il aurait dû bénéficier d’une visite médicale au plus tard au 9 février 2017, alors qu’aucune visite n’a eu lieu jusqu’à son départ le 4 septembre suivant.

La société IGO SOLUTION ne conteste pas que différents plannings ont dû être appliqués car elle intervient principalement sur la maintenance des appareils de la compagnie Transavia, qui effectue des rotations d’appareils fréquentes et des périodes de disponibilités des aéronefs principalement de nuit et soutient que cette situation n’existait plus lors de la prise d’acte de Monsieur X.

Il résulte des attestations de Monsieur Y qu’il a dû travaillé pendant 6 vacations consécutives en enchaînant des périodes de travail de nuit avec du travail de jour sans journées de repos, celle de Monsieur Z mentionnant avoir travaillé 6 nuits de suite à différents horaires, ce que confirmaient également Monsieur A qui précisait difficile de suivre physiquement le rythme de deux matins de 6 à 14 heures et 4 nuits de 22h à 6h et Monsieur B indiquant qu’il était possible de faire 6 nuits consécutives.

Tous soulignaient la fatigue, des problèmes de santé et les risques pour la sûreté des vols.

Monsieur X verse aux débats un planning du mois de septembre démontrant qu’il pouvait y avoir 6 vacations de nuit consécutives et des alternances de travail de nuit et de travail de jour sans repos entre les deux.

Bien que la société verse aux débats un document intitulé horaire 2016 contredisant ces attestations, ces documents ne portent pas le nom de salarié et sont donc théoriques étant souligné qu’un important turn over avait lieu dans l’entreprise et qu’il existait un manque de personnel ainsi que le confirmait les attestations des collègues de Monsieur X mais aussi Madame C en sa qualité d’assistante de production et Madame D assistante ressources humaines.

La société IGO SOLUTION qui ne verse pas aux débats les plannings de Monsieur X ne démontre pas que ce document était effectivement appliqué et que ce grief n’existait plus lors de la prise d’acte.

Ce grief est également démontré.

La société IGO SOLUTION verse aux débats la preuve de la remise de gants pantalons gilet flash parka et chaussure à chacun des salariés, en revanche elle ne démontre pas que les salariés étaient équipés de masques et casques anti-bruit. Les attestations relevaient des outillages peu adaptés, ou non étalonnés ou encore en mauvais état.

Ce grief est démontré.

Il convient donc de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur qui s’analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’infirmer le jugement du conseil de

prud’hommes sur ce point.

Evaluation du montant des condamnations

Aux termes de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable en l’espèce, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur X , de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, la cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à18.870 euros le montant de la réparation du préjudice subi en application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable

Sur le préavis

Monsieur X a proposé à l’entreprise d’effectuer un préavis, ce que la société à refusé. La rupture s’analysant comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse une indemnité de préavis est due et sera mise à la charge de la société IGO SOLUTION qui a indiqué par courrier du 4 septembre 2017 qu’elle n’acceptait pas la présence de Monsieur X sur le site et que le préavis n’a pas lieu d’être.

Elle sera condamnée au paiement de la somme de 6.290€ dont elle ne conteste pas le montant et les congés payés afférents soit 629€.

Il convient par ailleurs d’accorder à Monsieur X les sommes suivantes dont le montant n’est pas contesté et est justifié au vu des pièces versées aux débats :

—  4455,40€ au titre de l’indemnité légale de licenciement

—  524€ au titre du 13e mois

Sur la demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi pendant le déroulement du contrat de travail

Monsieur X fonde cette demande sur les mêmes motifs que ceux ayant justifiés la résiliation judiciaire de son contrat de travail ne peut obtenir différentes indemnisations sur les mêmes motifs, il en sera débouté.

Sur la demande d’indemnisation pour déloyauté

La société IGO SOLUTION soutient que Monsieur X parti à la concurrence a fait une présentation déloyale et tronquée de la situation dans l’entreprise pour échapper au paiement de la formation qu’il a suivi.

Il résulte des motivations précédentes que la situation décrite par Monsieur X est démontrée qu’il n’a donc pas présenté d’une manière déloyale la situation de l’entreprise, la société IGO SOLUTION sera déboutée de cette demande.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société IGO SOLUTION à payer à Monsieur X les sommes de :

18870 à titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

—  6290€ à titre d’indemnité de préavis

—  629€ au titre des congés payés afférents

—  4.455,40€ au titre de l’indemnité légale de licenciement

—  524€ au titre du 13e mois

Vu l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société IGO SOLUTION à payer à Monsieur X en cause d’appel la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,

LAISSE les dépens à la charge de la société IGO SOLUTION

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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