Cour d'appel de Paris, 1er septembre 2022, n° 21/06778

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 1er sept. 2022, n° 21/06778
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/06778
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 16 décembre 2020, N° 20/00712

Sur les parties

Texte intégral

Dossier n°21/06778
Arrêt n° 272/2022
COUR BLAPPEL DE PARIS
Pôle 2 – Chambre 7
(20 pages)
Prononcé publiquement le mercredi 7 septembre 2022 par le Pôle 2 – Chambre 7 des appels correctionnels,
Sur appel d’un jugement du tribunal de grande instance de Bobigny – 14ème chambre – du 19 septembre 2019 (B19036000198),
Sur renvoi après cassation d’un arrêt de la cour d’appel de Paris – pôle 2 chambre 7 – du 17 décembre 2020 (RG n° 20/00712)
PARTIES EN CAUSE : POURVOI famé k 3/08/22 Personne poursuivie for X Y X AZ AA AB
Né le […] à AIX LES BAINS, SAVOIE (073) De nationalité française Ecrivain Ayant élu domicile chez Maître AC, demeurant Immeuble Jean combicole: 13/9/22, Baptiste Say – 13 B chemin du Levant – 01210 FERNEY VOLTAIRE à […] Libre
appelant
Non comparant, représenté par Maître AC Damien, avocat au
▸PAR ARRÊT DU 2110812023 barreau de l’AIN LA COUR DE CASSATION A DÉCLARÉ
OE POURVOI NON ADMIS Ministère public
appelant incident
Parties civiles
Association J’ACCUSE… – action internationale pour la justice (AIPJ) Ayant élu domicile chez Maître AD, demeurant 19 rue de COPIE EXÉCUTOIRE l’Indépendance – […] délivrée le 13)s)22 intimée à AE AF Représentée par Maître AE Stéphane, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E2129 E2123
n° rg : 21/06778 Page 1/20


COPIE EXECUTOIRE délivrée le 15 9122
à AE Stephone
€ 2123
COPIE EXÉCUTOIRE délivrée le is s 122
à AG AH
€ 1899
COPIE EXÉCUTOIRE délivrée le 13/s 122
à AI HAHOU mot rofe nuls Ho AJ AK
354
COPIE EXÉCUTOIRE délivrée le 1/3/22
à AL gea buis
D 127
Cumcole: /3/22 á AD I mots naye nul AM AN
R26
n° rg: 21/06778
Association L’Union des Etudiants Juifs de France (UEJF) Ayant élu domicile chez Maître AD, demeurant 19 rue de l’Indépendance – […]
intimée
Représentée par Maître AE Stéphane, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E2129
Association La Ligue Française pour la défense des droits de l’Homme et du citoyen (LDH) Demeurant […]
intimée
Représentée par Maître ALIMI Arié, avocat au barreau de PARIS, vestiaire
E1899
Association La Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme
(LICRA) Ayant élu domicile chez Maître AD, demeurant 19 rue de l’Indépendance – […]
intimée
Représentée par Maître SOSKIN Ilana, avocat au barreau de PARIS, vestiaire B54
Association Le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) Ayant élu domicile chez Maître AD, demeurant 19 rue de l’Indépendance – […]
intimée
Représentée par Maître AL Jean-Louis, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D127
Association SOS RACISME – TOUCHE PAS A MON POTE
Ayant élu domicile chez Maître AD, demeurant 19 rue de l’Indépendance – […]
intimée
Représentée par Maître AL Jean-Louis, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D127, substituant Maître AM AN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R26
Composition de la cour lors des débats et du délibéré :
président : Thomas RONDEAU, conseiller assesseurs: BA SAUTERAUD, magistrat honoraire juridictionnel Agnès MARCADE, conseiller
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Greffier
Margaux MORA aux débats et au prononcé,
Ministère public représenté aux débats et au prononcé de l’arrêt par Pascal FOURRE, avocat général
LA PROCÉDURE :
La saisine du tribunal et la prévention
X AB a été poursuivi devant le tribunal par citation directe à la requête des parties civiles l’UNION DES ETUDIANTS JUIFS DE FRANCE (UEJF), J’ACCUSE!… ACTION INTERNATIONALE POUR LA JUSTICE (AIPJ), la LIGUE INTERNATIONALE CONTRE LE RACISME ET L’ANTISEMITISME (LICRA), l’association SOS RACISME – TOUCHE PAS A MON POTE et le MOUVEMENT
CONTRE LE RACISME ET POUR L’AMITIE ENTRE LES PEUPLES (MRAP), pour les faits de
INJURE PUBLIQUE EN RAISON DE L’ORIGINE, L’ETHNIE, LA NATION, LA RACE OU LA RELIGION PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE
en l’espèce d’avoir le 21 janvier 2019, et par temps non couvert par la prescription, commis le délit d’injure publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une nation, une race ou une religion déterminée, en l’espèce la communauté juive dans son ensemble, par la publication faite, en sa qualité de directeur de la publication, sur le site internet Egalité Réconciliation à l’adresse https://www.egaliteetreconciliation.fr/ et
[…].html des propos et images suivants :
o Les paroles « Les français n’en peuvent plus, de ces parasites » illustrées par le slogan «< République Française Rothschild Family » et l’image suivante :
AO
FR
Délit prévu et réprimé par les articles 29 alinéa 2 et 33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881.
rg: 21/06778 n° 
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PROVOCATION PUBLIQUE A LA HAINE OU A LA VIOLENCE EN RAISON DE L’ORIGINE, L’ETHNIE, LA NATION, LA RACE OU LA RELIGION PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE
en l’espèce d’avoir, le 21 janvier 2019, et par temps non couvert par la prescription, commis le délit de provocation publique à la haine envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une nation, une race ou une religion déterminée, en l’espèce la communauté juive dans son ensemble, par la publication faite, en sa qualité de directeur de la publication, sur le site internet Egalité et Réconciliation à l’adresse https://www.egaliteetreconciliation.fr/ […].html des propos et images suivants :
o Les paroles < ce n’est qu’en virant les Rotschild qu’on pourra sauver la France » illustrées d’une image avec le nom des Rotschild qui brûle :
S D IL
H SC
o Les paroles < Il faudra virer AP et AQ aussi » illustrées des photos de Messieurs AR AP et AS AT AU qui brûlent :
n° rg : 21/06778
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B
o Les images du nom de Rotschild et de la photographie de Monsieur AV jetés dans les flammes:
AW
o Les paroles « Les français n’en peuvent plus, de ces parasites » illustrées par le slogan «< République Française Rothschild Family » et l’image suivante :
K F
AX
Délit prévu et réprimé par les articles 24 alinéa 7 et 23 (pour la publicité) de la loi du
29 juillet 1881.
DIFFAMATION PUBLIQUE EN RAISON DE L’ORIGINE, L’ETHNIE, LA NATION, LA RACE OU LA RELIGION PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE
en l’espèce d’avoir, le 21 janvier 2019, et par temps non couvert par la prescription, commis le délit de diffamation publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une nation, une race ou une religion déterminée, en l’espèce la communauté juive dans son ensemble, par la publication faite, en sa qualité de directeur de la publication, sur le site internet Egalité https://www.egaliteetreconciliation.fr/ Réconciliation à l’adresse et des propos et images suivants : […].html
n° rg : 21/06778 Page 5/20
M
o Les paroles < Les banques ont acheté les médias pour asseoir leur emprise » illustrées de l’image du nom AY qui brûle
B AY
Délit prévu et réprimé par les articles 29 alinéa 1 et 32 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881.
Le jugement
Le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBIGNY – 14EME CHAMBRE – par jugement contradictoire, en date du 19 septembre 2019, a
Sur l’action publique :
* Relevé l’état de récidive légale pour les faits de :
INJURE PUBLIQUE EN RAISON DE L’ORIGINE, L’ETHNIE, LA NATION, LA RACE OU LA RELIGION PAR PAROLE, ÉCRÍT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ÉLECTRONIQUE
PROVOCATION PUBLIQUE A LA HAINE OU A LA VIOLENCE EN RAISON DE L’ORIGINE, L’ETHNIE, LA NATION, LA RACE OU LA RELIGION PAR
PAROLE, ÉCRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR
VOIE ÉLECTRONIQUE
* Déclaré X AB AZ AA COUPABLE pour les faits qualifiés de :
INJURE PUBLIQUE EN RAISON DE L’ORIGINE, L’ETHNIE, LA NATION, LA RACE OU LA RELIGION PAR PAROLE, ÉCRÍT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ÉLECTRONIQUE EN RÉCIDIVE faits commis le 21 janvier 2019 sur le site internet Egalité et Réconciliation à l’adresse https:www.egaliteetreconciliation.fr/[…].html
PROVOCATION PUBLIQUE A LA HAINE OU A LA VIOLENCE EN RAISON DE L’ORIGINE, L’ETHNIE, LA NATION, LA RACE OU LA RELIGION PAR PAROLE, ÉCRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ÉLECTRONIQUE EN RÉCIDIVE faits commis le 21 janvier 2019 sur le site internet Egalité et Réconciliation à l’adresse https:www.egaliteetreconciliation.fr/ […].html
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BR
DIFFAMATION PUBLIQUE EN RAISON DE L’ORIGINE, L’ETHNIE, LA NATION, LA RACE OU LA RELIGION PAR PAROLE, ÉCRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ÉLECTRONIQUE faits commis le 21 janvier 2019 sur le site internet Egalité et Réconciliation à l’adresse https:www.egaliteetreconciliation.fr/[…].html
* Condamné X AB AZ AA à 24 mois d’emprisonnement délictuel ;
Vu l’article 132-41 et 132-42 alinéa 2 du code pénal ;
Dit qu’il sera SURSIS PARTIELLEMENT pour une durée de SIX MOIS, à l’exécution de cette peine, AVEC MISE À L’ÉPREUVE dans les conAZions prévues par les articles 132-43 et 132-44 du code pénal;
Fixé le délai d’épreuve à TROIS ANS ;
Obligé X AB AZ AA à accomplir un travail d’intérêt général de 210 heures à effectuer dans un délai de 18 mois;
Obligé X AB AZ AA à réparer en tout ou en partie en fonction de ses facultés contributives les dommages caus par l’infraction;
Obligé X AB AZ AA à ne pas se livrer à l’activité à l’occasion de laquelle les infractions ont été commises ;
Obligé X AB AZ AA à accomplir, à ses frais, un stage de citoyenneté ;
* Condamné X AB AZ AA au paiement d’une AMENDE DÉLICTUELLE d’un montant de QUARANTE-CINQ MILLE EUROS
(45 000 euros);
* à titre de peine complémentaire,
Ordonné à l’égard de X AB AZ AA la suppression de la mise en ligne de la publication incriminée, en l’espèce la vidéo contenant la chanson Le Rap des Gilets Jaunes sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la présente décision;
*à titre de peine complémentaire,
Ordonné à l’égard de X AB AZ AA LA DIFFUSION par le Journal Officiel et par le quotidien Le Monde du dispositif "de la présence diffusion du dispositif de la présente décision pour une durée de QUINZE JOURS aux frais du condamné.
Sur l’action civile:
* Déclaré recevables les constitutions de parties civiles de l’Association L’Union des Etudiants Juifs de France, l’Association J’accuse !… – action internationale pour la justice, l’Association La Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme, l’Association SOS RACISME – TOUCHE PAS A MON POTE, l’Association Le
Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples et l’Association La Ligue française pour la défense des droits de l’Homme et du citoyen;
* Déclaré X AB AZ AA entièrement responsable des conséquences dommageables résultant de la commission des faits ;
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POR
* Condamné X AB AZ AA à payer à l’Association l’Union des Etudiants Juifs de France (UEJF), partie civile, la somme de :
-DIX MILLE EUROS (10 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
- MILLE EUROS (1 000 euros) au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale;
* Condamné X AB AZ AA à payer à l’Association J’accuse !… – action internationale pour la justice (AIPJ), partie civile, la somme de :
-DIX MILLE EUROS (10 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
-MILLE EUROS (1 000 euros) au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale;
* Condamné X AB AZ AA à payer à l’Association La Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA), partie civile, la somme
de :
- DIX MILLE EUROS (10 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
- MILLE EUROS (1 000 euros) au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
* Condamné X AB AZ AA à payer à l’Association SOS RACISME – 
TOUCHE PAS A MON partie civile, la somme de :
- DIX MILLE EUROS (10 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
- MILLE EUROS (1 000 euros) au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale;
* Condamné X AB AZ AA à payer à l’Association Le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP), partie civile, la somme de :
- DIX MILLE EUROS (10 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
-MILLE EUROS (1 000 euros) au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale;
* Condamné X AB AZ AA à payer à La Ligue Française pour la défense des droits de l’Homme et du citoyen (LDH), partie civile, la somme de :
- DIX MILLE EUROS (10 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral
- MILLE EUROS (1 000 euros) au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale;
* Rappelé que le paiement des condamnations pécuniaires mises à la charge de X AB AZ AA sera garanti par l’Association Egalité et Réconciliation ;
Rejeté les autres demandes formulées par les parties civiles.
Les appels
Appel a été interjeté par :
X AB par l’intermédiaire de son conseil, le 24 septembre 2019, précisant que son appel porte sur le dispositif civil et pénal (appel principal);
Le procureur de la République, le 24 septembre 2019, précisant que son appel porte sur le dispositif pénal (appel incident).
L’arrêt interruptif de prescription
Par arrêt interruptif de prescription en date du 28 mai 2020, l’affaire était fixée pour plaider au 18 novembre 2020.
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B
L’arrêt de la cour d’appel du 17 décembre 2020
La COUR BLAPPEL DE PARIS – POLE 2 CHAMBRE 7 – par arrêt contradictoire à
l’égard du prévenu et des parties civiles et par défaut à l’encontre du civilement responsable l’association Egalité et Réconciliation, en date du 17 décembre 2020, a :
* Déclaré recevables les appels formés par le prévenu et le ministère public ;
sur l’action publique :
* Infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
* Renvoyé AB X AZ AA des fins de la poursuite ;
sur l’action civile:
* Confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevables les constitutions de partie civile de « l’Union des Étudiants Juifs de France », l’association < J’Accuse… Action Internationale Pour la Justice », l’association la «< Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme », l’association « SOS RACISME TOUCHE PAS A
MON POTE », l’association le < Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples » ;
* L’a infirmé pour le surplus et, statuant à nouveau,
* Débouté < l’Union des Étudiants Juifs de France », l’association « J’Accuse… Action
Internationale Pour la Justice », l’association la « Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme », l’association «< SOS RACISME TOUCHE PAS A MON
POTE », l’association le « Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples » de l’ensemble de leurs demandes.
Les pourvois
Pourvoi a été formé par :
Les associations l’Union des Etudiants Juifs de France (UEJF), J’ACCUSE… – action internationale pour la justice (AIPJ), le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) et SOS RACISME – TOUCHE PAS A MON POTE par l’intermédiaire de leur conseil, le 17 décembre 2020,
L’association la Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA) par l’intermédiaire de son conseil, le 17 décembre 2020,
L’association la Ligue Française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen (LDH) par l’intermédiaire de son conseil, le 21 décembre 2020.
L’arrêt de cassation du 5 octobre 2021
La COUR DE CASSATION – chambre criminelle – par arrêt en date du 5 octobre 2021, a:
Sur le pourvoi formé par la LICRA:
* Constaté la déchéance du pourvoi ;
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Sur les autres pourvois :
* Cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Paris, en date du 17 décembre 2020, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
* Renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
* Ordonné l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé.
Les arrêts interruptifs de prescription
Par arrêts interruptifs de prescription en date des 2 décembre 2021 et 2 mars 2022, l’affaire était fixée pour plaider à l’audience du 1er juin 2022.
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
À l’audience publique du 1er juin 2022,
Maître AC Damien, Maître AE Stéphane, Maître SOSKIN Ilana, Maître AL Jean-Louis et Maître ALIMI Arié ont déposé des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et le greffier et jointes au dossier.
Sur la présence du civilement responsable et la date de la citation initiale :
La cour a évoqué le fait que dans la procédure, se trouvait un civilement responsable l’association Egalité et Réconciliation. Elle a indiqué que le civilement responsable n’a pas été cité pour l’audience de ce jour et a demandé aux parties civiles si elles renonçaient à la présence du civilement responsable ou si elles demandaient un renvoi pour qu’il soit cité.
La cour a notamment ajouté qu’il y a au dossier deux citations des 19 et 25 avril 2019.
Maître SOSKIN Ilana, avocat de la partie civile la LICRA, et Maître AE Stéphane, avocat des parties civiles J’ACCUSĒ et l’UEJF, ont été entendus en leurs observations.
Les parties civiles ont indiqué renoncer à la présence du civilement responsable, qui n’a pas été cité devant la cour d’appel après cassation.
Sur les pièces :
La cour a relevé que sont visées dans la citation initiale diverses pièces qui ne sont pas jointes au présent dossier. La cour a étendu le débat à la recevabilité et a demandé aux parties civiles de transmettre les pièces relatives à leur recevabilité.
Sur l’intervention de la LICRA :
La cour a indiqué qu’il y avait 5 parties civiles poursuivantes, plus une sixième. La LICRA a été citée aujourd’hui alors que son pourvoi a fait l’objet d’une déchéance.
Maître SOSKIN Ilana, avocat de la partie civile la LICRA, a demandé, étant rédactrice de la citation initiale, à être entendue sur quelques explications sur le fond. Elle a précisé ne pas avoir formulé de demandes indemnitaires.
Le ministère public a indiqué qu’il y avait déchéance du pourvoi et que l’affaire était terminée pour la LICRA.
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882
Maître AC Damien, avocat du prévenu, n’a pas formulé d’observations sur l’intervention de la LICRA.
Le président a constaté l’absence du prévenu X AB, dont l’identité a été précisée par son conseil.
La cour a donné lecture du casier judiciaire du prévenu.
BA SAUTERAUD a été entendue en son rapport.
S’agissant du visionnage des vidéos :
A été visionné à l’audience le clip vidéo des Gilets Jaunes.
Maître AC Damien, avocat du prévenu, a demandé que soit visionnée à l’audience une compilation de vidéos.
Maître AL Jean-Louis, avocat des parties civiles le MRAP et SOS RACISME, a indiqué qu’il n’apparaît pas nécessaire de les diffuser car ce ne sont pas les propos poursuivis.
Maître AE Stéphane, avocat des parties civiles J’ACCUSE et l’UEJF, a indiqué qu’il ne lui semble pas nécessaire la diffusion de la compilation.
Le ministère public s’est interrogé sur le fait que ce serait une façon de diluer ce qui est AZ dans la vidéo et a précisé que ça ne lui paraissait pas nécessaire.
Maître AC Damien, avocat du prévenu, a été entendu en ses observations.
La cour a suspendu l’audience et s’est retirée pour délibérer sur le visionnage de la compilation vidéo sollicité par Maître AC.
La cour après en avoir délibéré, a décidé de visionner, au moins en partie, la compilation.
Ont été visionnés à l’audience des extraits de la compilation vidéo.
Sur le périmètre de la saisine de la cour :
Suite à une intervention de Maître AE Stéphane, avocat des parties civiles J’ACCUSE et l’UEJF disant que seule l’action civile est encore en cours, la cour a précisé que la question pouvait se poser.
Les avocats des parties civiles ont été entendus sur ce point.
Le ministère public a estimé que l’arrêt étant cassé dans son intégralité, l’action pénale serait encore en cours.
Maître AC Damien, avocat du prévenu, a indiqué que ses conclusions laissent entendre que c’est sur le plan pénal, mais qu’il avait également ce doute. Il a ajouté que si le parquet ne forme pas de pourvoi, la cour n’est pas saisie sur l’action publique.
La cour a AZ que la question serait tranchée dans l’arrêt.
Maître SOSKIN Ilana, avocat de la partie civile la LICRA, a indiqué que quelle que soit la décision sur ce point, elle s’en tiendrait à ne pas formuler de demande indemnitaire.
rg: 21/06778 n° 
Page 11/20
P
Ont été entendus :
Maître AE Stéphane, avocat des parties civiles J’ACCUSE et l’UEJF, en ses plaidoirie et conclusions,
Maître SOSKIN Ilana, avocat de la partie civile la LICRA, en ses plaidoirie et conclusions,
Maître AL Jean-Louis, avocat des parties civiles le MRAP et SOS RACISME, en ses plaidoirie et conclusions pour le MRAP et en ses observations orales pour SOS RACISME,
Maître ALIMI Arié, avocat de la partie civile la LDH, en ses plaidoirie et conclusions,
Le ministère public en ses réquisitions,
Maître AC Damien, avocat du prévenu, en ses plaidoirie et conclusions.
Puis la cour a mis l’affaire en délibéré et le président a déclaré que l’arrêt serait rendu
à l’audience publique du 7 septembre 2022.
Et ce jour, le 7 septembre 2022, en application des articles 485, 486 et 512 du code de procédure pénale, en présence du ministère public et du greffier, Thomas RONDEAU, président ayant assisté aux débats et au délibéré, a donné lecture de l’arrêt.
DÉCISION:
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
EN LA FORME
Il résulte du dossier que les cinq parties civiles poursuivantes ont fait citer devant le tribunal correctionnel l’association EGALITE ET RECONCILIATION en qualité de civilement responsable par actes d’huissier de justice du 8 février 2019, puis du 19 avril 2019, que cette association était toujours partie à l’instance dans l’arrêt d’appel du 17 décembre 2020 rendu par défaut à son encontre, mais qu’à la suite d’une erreur, elle n’a pas été citée devant la cour d’appel après renvoi de cassation.
Il sera constaté qu’à l’audience de la cour, les parties civiles ont renoncé à la présence du civilement responsable à ce stade de la procédure.
En outre, c’est également à la suite d’une erreur que la LIGUE INTERNATIONALE CONTRE LE RACISME ET L’ANTISEMITISME (LICRA) a été citée devant la cour d’appel, alors que la Cour de cassation avait constaté la déchéance du pourvoi formé par cette partie civile, l’arrêt du17 décembre 2020 -qui l’a déboutée de ses demandes étant donc définitif à son égard.
Ainsi, elle n’est plus partie à l’instance et ne peut intervenir devant la cour de renvoi.
Par ailleurs, même si la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 17 décembre 2020 en toutes ses dispositions, il ne pouvait s’agir que de celles dont elle était saisie par les pourvois formés par les seules parties civiles.
En conséquence, la relaxe du prévenu est définitive et la cour d’appel de renvoi ne se trouve à présent saisie que de l’action civile.
n° rg : 21/06778 Page 12/20
P
Il sera enfin relevé que la défense d’AB X AZ AA n’invoque plus un cumul de poursuites qui se heurterait à la règle ne bis in idem.
Toutes les parties étant représentées par leur conseil respectif, il sera statué contradictoirement à leur égard.
AU FOND
Rappel des faits et de la procédure
Le 21 janvier 2019, était publiée sur le site internet Egalité et Réconciliation la vidéo d’un clip musical intitulé « Le Rap des Gilets jaunes » et interprété par le groupe « RUDE GOY BIT ».
Par acte du 7 février 2019, AB X AZ AA était cité devant le tribunal correctionnel de Bobigny, en qualité de prévenu et de directeur de la publication de ce site, à la requête des cinq associations l’UNION DES ETUDIANTS JUIFS DE FRANCE (UEJF), J’ACCUSE!… ACTION INTERNATIONALE POUR LA JUSTICE (AIPJ), la LIGUE INTERNATIONALE CONTRE LE RACISME ET L’ANTISEMITISME (LICRA), SOS RACISME – TOUCHE PAS A MON POTE et le MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L’AMITIE ENTRE LES
PEUPLES (MRAP), qui le poursuivaient pour plusieurs extraits des propos et images de cette vidéo sous les trois qualifications de provocation à la haine, injure et diffamation publiques envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une nation, une race ou une religion déterminée, en l’espèce la communauté juive dans son ensemble.
A l’audience du tribunal du 20 juin 2019, l’association LIGUE FRANÇAISE POUR LA DÉFENSE DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN (LDH) intervenait également comme partie civile.
Le tribunal correctionnel de Bobigny condamnait le prévenu pour l’ensemble des faits reprochés.
En revanche, la cour d’appel de Paris le relaxait en retenant notamment que : "14. L’examen du film permet de constater qu’il a pour objet la dénonciation de l’influence du monde de la finance sur la politique menée par le président BB, avec la complicité d’une partie de la presse audiovisuelle.
15. Le texte met en cause les conséquences de la loi bancaire du 3 janvier 1973, qualifiée par ses détracteurs de « loi Pompidou – BC – BD ». Il n’est donc nullement étonnant de voir un logo de la banque BD jeté dans un brasero, lequel est un symbole du mouvement des Gilets Jaunes qui en faisaient usage lorsqu’ils occupaient des ronds-points.
16. Si le nom de la banque BD apparaît à plusieurs reprises, il convient de rappeler qu’elle a été l’employeur d’BE BB.
17. Par ailleurs, MM. ATTALÍ, BG et BH sont des personnalités à qui l’on prête d’avoir soutenu la politique menée par BE BB, ou d’être opposés au mouvement des Gilets Jaunes.
18. En outre, on ne peut que constater que MM. BI, BG et BH ne sont pas les seules personnes dont les images ou photographies ont été jetées dans les flammes du brasero et qu’il en va de même de MM. BJ, BK BLBM et BB, la photographie de celui-ci y étant jetée à plusieurs reprises.
19. Si le Logo de la chaîne israélienne i24 News apparaît à plusieurs reprises dans le clip, il est rappelé qu’elle a été fondée par M. BH, propriétaire de la chaîne BFM TV, à qui il est reproché par le mouvement des Gilets Jaunes de soutenir la politique gouvernementale.
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20. Il ne peut donc être soutenu que les propos poursuivis visent la communauté juive dans son ensemble, laquelle ne peut être assimilée au monde de la finance et des médias ou à des personnalités qui, par leurs prises de position ou actions, peuvent diviser l’opinion."
La Cour de cassation cassait cet arrêt pour les deux motifs suivants : "En premier lieu, les juges n’ont pas répondu au mémoire du MRAP qui soulignait d’une part, que le pseudonyme du groupe auteur du rap litigieux, « Rude Goy Bit », traduisait l’opposition faite entre juifs et non-juifs et d’autre part, que l’emploi du terme < parasite » pour qualifier certains membres de la communauté juive renvoyait au vocabulaire utilisé par les nazis pour désigner les juifs. En second lieu, ils n’ont pas recherché si les photographies de personnalités juives jetées dans un brasier évocateur des fours crématoires utilisés par les nazis pour exterminer les juifs, ainsi que les nombreuses références aux clichés antisémites figurant dans le texte et les images, telles la mise en cause de la banque Rothschild à l’exclusion de tout autre établissement et la mention de la seule chaîne israélienne i24, ne visaient pas la communauté juive dans son ensemble, et si les personnalités non juives également concernées par cet autodafé n’étaient pas présentées comme manipulées par laAZe communauté."
Devant la cour,
Aux termes de ses conclusions écrites développées oralement, l’avocat des associations I’UNION DES ETUDIANTS JUIFS DE FRANCE (UEJF) et J’ACCUSE!… ACTION INTERNATIONALE POUR LA JUSTICE (AIPJ) sollicite la confirmation du jugement sur l’action civile, outre la condamnation d’AB X AZ AA à payer à chacune des deux associations la somme de 3.000 € par application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
Par conclusions développées à l’audience, le conseil du MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L’AMITIE ENTRE LES PEUPLES (MRAP) demande à la cour de :
- dire qu’AB X AZ AA a commis une faute en droit de la responsabilité civile au regard de l’article 1240 du code civil et s’est rendu coupable des faits poursuivis,
- confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable la constitution de partie civile du MRAP et en ce qu’il a condamné AB X AZ AA à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 1.000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,
- y ajoutant, le condamner au paiement de la somme de 4.500 € par application de ce texte en appel.
Pour l’association SOS RACISME – TOUCHE PAS A MON POTE, cet avocat demande oralement 10.000 € de dommages-intérêts et 4.000 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale en cause d’appel.
Selon conclusions développées oralement, le conseil de l’association LIGUE FRANÇAISE POUR LA DÉFENSE DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN (LDH) sollicite la confirmation du jugement du 19 septembre 2019, outre la somme de 3.000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale et l’exécution provisoire du jugement à intervenir sur les intérêts civils et la mesure de retrait."
L’avocat général requiert la confirmation intégrale de la décision initiale.
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Par conclusions écrites développées à l’audience, le conseil d’AB X AZ AA, après avoir proposé des réponses aux questions posées par la Cour de cassation, demande à la cour : sur l’action publique, d’infirmer le jugement et de renvoyer AB X AZ
-
AA des fins de la poursuite,
- sur l’action civile, de débouter les parties civiles de l’ensemble de leurs demandes.
SUR CE
La cour d’appel n’est à présent saisie que de l’action en réparation du dommage pouvant résulter de la seule faute civile du prévenu définitivement relaxé, cette faute devant être démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite.
Les parties civiles soutiennent que cette vidéo complotiste d’une extrême violence désigne à la vindicte une « élite décadente » (sic), « l’oligarchie » et les « parasites » de religion juive ou au service des juifs« et que »cette publication vise l’ensemble des juifs sans exception, à travers toute l’étendue de ses membres et de son histoire".
Le conseil de la défense répond principalement que la communauté juive n’est pas concernée par ce clip, qu’aucune des personnalités n’est présentée comme juive et que les éléments constitutifs des faits visés à la prévention ne sont pas réunis.
Sur la provocation à la haine ou à la violence raciale ou religieuse
L’article 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881 vise « ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».
Une faute fondée sur ces faits suppose la réunion de plusieurs éléments : un caractère public, « par l’un des moyens énoncés à l’article 23 »,
-
une provocation, c’est à dire un appel ou une exhortation, même sous une forme
-
implicite, « à la discrimination, à la haine ou à la violence », ce qui n’exige pas un appel explicite à la commission d’un fait précis, dès lors que, tant par leur sens que par leur portée, les propos incriminés tendent à inciter le public à la discrimination, à la haine ou à la violence,
-"à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes” déterminé,
- et « à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion », étant précisé qu’il n’est pas forcément nécessaire que le message vise individuellement chaque personne composant le groupe considéré, la faute étant constituée dès lors que la teneur ou la portée du propos, en lien direct avec l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion, rejaillit sur la totalité de la communauté ainsi définie, mais qu’en revanche, il n’y a pas de faute quand est seulement visée une catégorie de personnes qui se distingue du groupe par des comportements spécifiques, auxquels le groupe dans son ensemble n’est pas assimilé,
- un caractère intentionnel, qui se déduit de la teneur même des propos et de leur contexte.
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Par ailleurs, le sens et la portée des propos et images doivent être appréciés par rapport à la perception et la compréhension d’un observateur raisonnable qui en prend connaissance à la date de leur diffusion, en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.
La cour relève d’abord que c’est à juste titre que le conseil de la défense souligne que le rap est un genre musical autorisant une outrance particulière, que le clip litigieux est consacré aux « Gilets jaunes » et que plusieurs publications sur ce thème ont été diffusées sur le site EGALITE ET RÉCONCILIATION, ainsi qu’il en est justifié notamment par la production d’autres vidéos montrant des manifestations de Gilets jaunes et dénonçant tant le pouvoir politique que les banques.
Il y a ensuite lieu d’analyser la vidéo litigieuse, dont le visionnage montre qu’elle défend le mouvement de protestation des Gilets jaunes, apparu en France fin 2018, et qu’elle dénonce principalement la « démocratie bancaire », « une élite décadente, arrogante et coupée des réalités » et la politique du Président de la République, influencée par le monde de la finance avec le soutien des médias qui propagent des « contre-vérités », ainsi que les violences policières qui ont réprimé les manifestations des Gilets jaunes.
La cour observe que l’intégralité de la vidéo en cause -d’une durée de 4 minutes 32 n’est pas de nature antisémite, puisqu’y sont évoqués divers faits et personnes sans lien direct avec la communauté juive; cependant, pour caractériser une faute, il n’est pas nécessaire que tout le clip concerne l’ensemble de cette communauté, mais il convient de déterminer si les propos et images incriminés et interprétés dans leur contexte visent un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur religion.
A cet égard, le visionnage de la vidéo poursuivie permet de constater que :
- sur les images incriminées au titre de la provocation à la haine, sont jetés au feu le nom AY -qui est celui d’une famille d’origine juive particulièrement connue pour sa fortune et sa réussite dans le monde de la banque- et les photographies de MM. BI, BG et BH, personnalités qui, de notoriété publique, sont considérées comme juives; aucun autre nom de banque n’est évoqué dans le clip;
- l’image d’aucune autre personne physique n’est jetée dans les flammes, à l’exception de celles de MM. BJ et BK BLBM tenant la loi bancaire du
3 janvier 1973, parfois qualifiée de « loi AY », et de celle de M. BB, dont il est AZ qu’il « n’est qu’un pion sur l’échiquier de la finance » et qui apparaît plus loin au pupitre du Conseil représentatif des institutions juives de France, alors que les paroles de la chanson indiquent « On parle pas d’une minorité soi-disant opprimée, on parle de la majorité délibérément négligée »;
- les logos de divers médias sont également jetés au feu, parmi lesquels un seul n’est pas français, à savoir i24NEWS, chaîne de télévision basée en Israël, dont l’image est associée à celles de M. BH, puis d’un homme portant un tee-shirt indiquant « PALESTINE », ainsi qu’à ce commentaire « Il faudra parler de AV son cul planqué en Israël et qui paye pas d’impôts ici »;
- s’il est exact qu’un brasero lié aux Gilets jaunes apparaît sur les images du clip, il est également clair que dans le contexte en question, le feu -très présent sur les images évoque aussi les fours crématoires utilisés par les nazis et les autodafés au cours desquels juifs et hérétiques étaient brûlés du temps de l’Inquisition, et ce d’autant plus que sur plusieurs images apparaît derrière les flammes le terme « GOY » inscrit sur un vêtement ;
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 – le nom du groupe de rap RUDE GOY BIT fait manifestement référence à ce mot
« goy », employé par opposition aux personnes de confession juive, les parties civiles ajoutant que ce groupe avait publié un précédent clip intitulé « TALMŮDOPHOAI », stigmatisant le peuple juif et indiquant notamment qu’ « un goy averti en vaut bien 6 millions »;
- enfin et dans ces conAZions, le terme "parasites” associé à l’image opposant « REPUBLIQUE FRANÇAISE et »AY FAMILY” renvoie aux vocabulaire et images traAZionnels antisémites représentant les juifs comme des animaux nuisibles.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que dans un tel contexte, les propos et images poursuivis ne visent pas « AY », « BI », "AQ et “BH individuellement, mais la communauté juive dans son ensemble à raison de son origine ou de sa religion, dès lors que ces personnalités sont visées comme emblématiques de cette communauté.
Par ailleurs, les paroles qui incitent explicitement à les « virer » ou à s’en débarrasser en les jetant symboliquement au feu, comme la phrase « Les Français n’en peuvent plus de ces parasites », contiennent bien une exhortation à la haine ou à la violence envers ce groupe de personnes.
Une faute civile est donc caractérisée à l’encontre d’AB X AZ AA, qui ne conteste pas être le président de l’association éAZrice du site EGALITE ET RECONCILIATION et qui est ainsi de droit le directeur de la publication de ce service de communication au public en ligne, conformément à l’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.
Sur l’injure aggravée
L’alinéa 2 de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’injure comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait » (une expression outrageante porte atteinte à l’honneur ou à la délicatesse; un terme de mépris cherche à rabaisser l’intéressé ; une invective prend une forme violente ou grossière).
L’appréciation du caractère injurieux du propos relève du pouvoir du juge ; elle doit être effectuée en fonction du contexte, en tenant compte des éléments intrinsèques comme extrinsèques au message, et de manière objective, sans prendre en considération la perception personnelle de la victime.
En l’espèce, la phrase "Les Français n’en peuvent plus de ces parasites” associée à l’image opposant “REPUBLIQUE FRANÇAISE” et “ROTHSCHÎLD FAMILY" est bien outrageante et méprisante envers les juifs, stigmatisés à travers cette dernière expression générique et assimilés à des nuisibles dont il faut se débarrasser.
La faute civile sera également retenue de ce chef.
Sur la diffamation aggravée
Il sera rappelé à cet égard que :
- l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé »;
- il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont
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la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée ;
- l’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises;
- la diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.
En l’occurrence, les paroles « Les banques ont acheté les médias pour asseoir leur emprise », illustrées de l’image du nom AY qui brûle, ne contiennent pas l’allégation d’un fait suffisamment précis pour pouvoir faire sans difficulté l’objet d’un débat sur la preuve de sa vérité, dès lors qu’il est prêté aux « banques » symbolisées par le nom de AY une intention qui ne peut être aisément prouvée.
Le propos n’est donc pas diffamatoire.
Sur les demandes des parties civiles
L’article 48-1 de la loi sur la liberté de la presse dispose notamment que "toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de […] combattre le racisme ou d’assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues par les articles 24 (alinéa 7), 32 (alinéa 2) et 33 (alinéa 3), de la présente loi".
En outre, l’association partie civile doit justifier de sa capacité juridique, l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 disposant que « toute association qui voudra obtenir la capacité juridique prévue par l’article 6 devra être rendue publique par les soins de ses fondateurs », par une insertion au Journal officiel, sur production d’un récépissé et l’article 6 de cette loi ajoutant que « toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice ».
Au cas présent, la recevabilité des constitutions de partie civile n’est pas contestée et le jugement du tribunal correctionnel de Bobigny sera confirmé en ce qu’il a déclaré recevables les constitutions de partie civile des cinq associations :
- UNION DES ETUDIANTS JUIFS DE FRANCE (UEJF),
- J’ACCUSE!… ACTION INTERNATIONALE POUR LA JUSTICE (AIPJ),
- SOS RACISME – TOUCHE PAS A MON POTE, MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L’AMITIE ENTRE LES
PEUPLES (MRAP),
- LIGUE FRANÇAISE POUR LA DÉFENSE DES DROITS DE L’HOMME ET DU
CITOYEN (LDH).
En revanche, il sera infirmé sur le montant des dommages-intérêts alloués, qui apparaît manifestement exagéré compte tenu des circonstances de la cause et qui sera justement évalué à la somme de 1.500 € pour chacune de ces cinq associations en réparation de leur préjudice moral.
Il sera rappelé que le retrait de la vidéo litigieuse n’a pas été ordonné par les premiers juges au titre de l’action civile, mais comme peine complémentaire au titre de l’action publique qui a finalement abouti à une relaxe.
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Par ailleurs, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a accordé à chacune de ces associations la somme de 1.000 € en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale, sauf en ce qui concerne SOS RACISME qui n’a pas demandé cette confirmation.
En outre et en équité, AB X AZ AA sera condamné à payer la somme de 500 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel, à chacune de ces cinq associations restant parties civiles devant la cour.
Enfin, il convient d’observer qu’au vu de la violence des propos et images jugés fautifs, le prononcé de ces condamnations civiles ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression et n’est pas de nature à emporter un effet dissuasif pour l’exercice de cette liberté définie par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, tel qu’interprété par la Cour européenne.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Constate que les parties civiles déclarent renoncer à la présence de l’association EGALITE ET RECONCILIATION en qualité de civilement responsable, celle-ci n’ayant pas été citée devant la cour d’appel de renvoi à la suite d’une erreur,
Constate que l’association LIGUE INTERNATIONALE CONTRE LE RACISME ET L’ANTISEMITISME (LICRA) a été citée par erreur devant la présente cour, qu’elle n’est plus partie à l’instance et ne peut y intervenir,
Constate quela cour d’appel de renvoi ne se trouve saisie que de l’action civile,
Dit qu’AB X AZ AA n’a pas commis de faute civile fondée sur la diffamation publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur religion,
Dit qu’AB X AZ AA a commis des fautes civiles fondées sur la provocation publique à la haine et sur l’injure publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur religion,
Confirme le jugement du tribunal correctionnel de Bobigny en date du 19 septembre 2019 en ce qu’il a déclaré recevables les constitutions de partie civile des cinq associations :
- UNION DES ETUDIANTS JUIFS DE FRANCE (UEJF),
- J’ACCUSE!… ACTION INTERNATIONALE POUR LA JUSTICE (AIPJ),
- SOS RACISME – TOUCHE PAS A MON POTE, MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L’AMITIE ENTRE LES
PEUPLES (MRAP),
- LIGUE FRANÇAISE POUR LA DÉFENSE DES DROITS DE L’HOMME ET DU
CITOYEN (LDH),
L’infirme sur le montant des dommages-intérêts alloués,
Statuant à nouveau,
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Condamne AB X AZ AA à payer la somme de 1.500 € à titre de dommages-intérêts à chacune de ces cinq associations en réparation de leur préjudice moral,
Confirme le jugement en ce qu’il a accordé à chacune la somme de 1.000 € en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale, sauf en ce qui concerne SOS RACISME qui n’a pas demandé cette confirmation,
Y ajoutant,
Condamne AB X AZ AA à payer la somme de 500 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel, à chacune de ces cinq associations restant parties civiles devant la cour,
Rejette le surplus des demandes.
Le présent arrêt est signé par Thomas RONDEAU, président, et par Margaux MORA, greffier.
LE PRÉSIDENT LE GREFFIER
Pr
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Cour d'appel de Paris, 1er septembre 2022, n° 21/06778