Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 6, 4 octobre 2023, n° 21/22391

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 6, 4 oct. 2023, n° 21/22391
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/22391
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Créteil, 18 janvier 2021, N° 2018F00363
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 9 octobre 2023
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 04 OCTOBRE 2023

(n° ,11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/22391 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CE4D5

Décision déférée à la Cour : Jugement

Jugement du 19 Janvier 2021 -Tribunal de Commerce de CRETEIL – RG n° 2018F00363

APPELANTS

Monsieur [M] [G]

[Adresse 8]

[Localité 10]

Monsieur [T] [J] [G]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Monsieur [A] [J] [G]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Madame [Y] [J] [G]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentés par Me Yann GRE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 381

INTIMEES

S.A. CAIXA GERAL DE DEPOSITOS

[Adresse 5]

[Localité 7]

non représentée (signification de la déclaration d’appel le 11 mars 2022 – procès verbal de remise à personne morale en date du 11 mars 2022)

Société FONDS DE COMMUN DE TITRISATION QUERCIUS AYANT POUR SOCIÉTÉ DE GESTION LA SOCIÉTÉ EQUITIS GESTION

agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux ès-qualités domiciliés audit siège.

chez MCS [Adresse 3]

[Localité 7] / FRANCE

Représentée par Me Francis BONNET DES TUVES, avocat au barreau de PARIS, toque: P0209

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, et M. Marc BAILLY, Président de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre,

M. Vincent BRAUD, Président,

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

— REPUTÉ CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Marc BAILLY, Président de chambre, et par Mme Mélanie THOMAS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 17 décembre 2021, M. [M] [G], M. [T] [J] [G], M. [A] [J] [G], Mme [Y] [J] [G], ont ensemble interjeté appel :

1- du jugement du tribunal de commerce de Créteil rendu le 19 janvier 2021 dans l’instance les opposant à la société Caixa Geral de Depositos, jugement par lequel ils ont été condamnés en paiement de sommes (9 497,26 euros, 13 545,55 euros, et 36 735,12 euros en principal) au profit de cette dernière, en leur qualité d’héritiers de [I] [X] [N], laquelle s’était portée caution de tous engagements de la société Ilha Doce et au titre de deux prêts professionnels consentis à ladite société dont elle était la gérante ;

2- du jugement rectificatif en date du 18 mai 2021 indiquant que le Fonds commun de titrisation Quercius [ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion représenté par son recouvreur la société MCS et Associés] vient désormais aux droits de la société Caixa Geral de Depositos, pour avoir acquis ces créances le 28 novembre 2019.

À l’issue de la procédure d’appel clôturée le 18 avril 2023 les moyens et prétentions des parties s’exposent de la manière suivante.

Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 17 mars 2022 les appelants

demandent à la cour, en ces termes :

'À titre principal :

Réformer et infirmer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Dire que le FCT QUERCIUS ne justifie pas être créancier des concluants et se trouver aux droits de la CAIXA GERAL DE DEPOSITIONS (sic) ;

Dire qu’il ne dispose dès lors pas de la qualité à agir ;

Le débouter de ses prétentions ;

En toute hypothèse,

Dire que les actes de cautionnement produits sont dépourvus de toute valeur, comme ne mentionnant, notamment, pas le nom de la caution, et comme ayant expiré de nombreuses années avant l’engagement de la procédure ;

Débouter le FCT de ses prétentions ;

Condamner le FCT QUERCUIS au paiement de dommages et intérêts d’un montant équivalent aux sommes réclamées ;

Ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties ;

Prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;

Subsidiairement,

Dans l’hypothèse où la Cour considérerait que les concluants seraient redevables d’une quelconque somme au profit de la demanderesse, leur accorder les plus larges délais pour régler leur dette éventuelle, en application de l’article 1244-1 du Code Civil ;

Les autoriser à régler leur dette en 23 versements de 200 euros et un dernier versement majoré du solde ;

En toute hypothèse,

Condamner le FCT QUERCIUS au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

Le condamner aux entiers dépens, dont attribution à Me GRE, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.'

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 mai 2022 l’intimé

demande à la cour, en ces termes, de :

'Dire Monsieur [M] [G], Monsieur [T] [J] [G], Monsieur [A] [J] [G], Madame [Y] [J] [G] mal-fondés en leur appel ;

Les débouter (de leurs) conclusions en toutes fins qu’elles comportent ;

Confirmer en toutes leurs dispositions les jugements rendus le 21 janvier 2021 et le 18 mai 2021par le Tribunal de commerce de CRETEIL.

Condamner solidairement Monsieur [M] [G], Monsieur [T] [J] [G], Monsieur [A] [J] [G], Madame [Y] [J] [G] à payer au FONDS COMMUN DE TITRISATION QUERCIUS ayant pour société de gestion la société EQUITIS GESTION et représenté par MCS & ASSOCIES, venant aux droits de la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Les condamner aux entiers dépens.'

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualité à agir du fonds de titrisation

Les appelants soutiennent avoir tout ignoré des difficultés financières de la société Ilha Doce que gérait leur mère, et de l’existence d’un quelconque engagement de caution qui aurait été pris par elle, à telle enseigne qu’au cas contraire, ils n’auraient pas accepté la succession. Ils exposent n’avoir découvert la situation que très tardivement, et soulignent qu’ils n’ont été assignés que le 23 août 2019, plus d’un an après le décès de leur mère. Le Fonds commun de titrisation Quercius se présente comme leur créancier, il n’a cependant produit aucune pièce qui soit à même de démontrer qu’il se trouverait aux droits de la société Caixa Geral de Depositos et qu’il aurait acquis la supposée créance de cette dernière à leur encontre. Il conviendra dès lors de réformer les décisions entreprises et de débouter cet organisme de ses prétentions, faute de qualité à agir.

Le Fonds commun de titrisation Quercius [ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion, représenté par son recouvreur la société MCS et Associés] et disant venir aux droits de la société Caixa Geral de Depositos, entend justifier pleinement de sa créance en son exposé des faits se présentant ainsi :

A – La société à responsabilité limitée à associé unique Ilha Doce était titulaire d’un compte courant n°41620101014 ouvert dans les livres de la société Caixa Geral de Depositos selon convention d’ouverture du 22 mai 2007. Par acte du 12 décembre 2007, sa gérante, [I] [X] [N], se portait caution tous engagements de la société Ilha Doce dans la limite de la somme de 19 500 euros en principal, commissions, frais et accessoires pour une durée de 60 mois.

— Puis par acte du 26 mars 2008, la société Caixa Geral de Depositos consentait à la société Ilha Doce un prêt n°20PME00416201001 d’un montant de 55 000 euros remboursable au taux de 6,80 % l’an en 36 échéances mensuelles et consécutives de 1 704,53 euros échelonnées du 19 mars 2008 au 10 février 2011. Ce prêt avait pour objet le rachat de prêts dispensés par la société BPIFrance [à hauteur de 24 024,05 euros, un prêt d’un montant initial de 43 000 euros ; à hauteur de 18 479,15 euros, un prêt d’un montant initial de 30 000 euros ; à hauteur de 10 264,19 euros, un prêt d’un montant initial de 20 000 euros  ; à hauteur de 2 232,62 euros, un prêt destiné au règlement de frais divers.

Ce prêt était notamment garanti par une inscription de privilège de nantissement de fonds de commerce, inscrite au greffe du tribunal de commerce de Créteil le 7 mai 2008.

Par acte du même jour, [I] [X] [N] se portait caution des engagements de la société Ilha Doce au titre de ce prêt dans la limite de la somme de 71 500 euros en principal, commissions, frais et accessoires pour une durée de 48 mois.

— Enfin, par acte du 4 février 2009, la société Caixa Geral de Depositos consentait à la société Ilha Doce un prêt n°20PME00416201003 d’un montant de 60 000 euros remboursable au taux de 7,75 % l’an en 60 échéances mensuelles et consécutives de 1 223,33 euros échelonnées du 29 janvier 2009 au 29 décembre 2013. Ce prêt avait pour objet à hauteur de 17 000 euros de rembourser un prêt n°20PME00416201002 dispensé par le prêteur et à hauteur de 43 000 euros destiné à un besoin de trésorerie.

Ce prêt était notamment garanti par une inscription de privilège de nantissement de fonds de commerce, inscrite au greffe du tribunal de commerce de Créteil le 18 février 2009.

Par acte du même jour, [I] [X] [N] se portait caution des engagements de la société Ilha Doce au titre du prêt n°20PME00416201003 dans la limite de la somme de 78 000 euros en principal, commissions, frais et accessoires, pour une durée de 84 mois.

— Le tribunal de commerce de Melun, successivement, a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Ilha Doce (le 26 avril 2011), arrêté par jugement du 11 juin 2012 le plan de redressement de la société Ilha Doce, et par jugement en date du 28 juillet 2017, a prononcé sa liquidation judiciaire.

— Au 26 septembre 2017, les créances de la société Caixa Geral de Depositos à l’encontre de [I] [X] [N] s’élevaient à la somme totale de 59 877,93 euros outre intérêts se décomposant comme suit :

—  9 497,26 euros outre intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2017 date du jugement de liquidation judiciaire, en vertu de son engagement de caution omnibus du 12 décembre 2007 limité à la somme de 19 500 euros ;

—  13 645,55 euros outre intérêts au taux conventionnel de 6,80 % l’an à compter du 24 juillet 2017 date du jugement de liquidation judiciaire, en vertu de son engagement de caution du 26 mars 2008 limité à la somme de 71 500 euros ;

—  36 735,12 euros outre intérêts au taux conventionnel de 7,75 % l’an à compter du 24 juillet 2017 date du jugement de liquidation judiciaire, en vertu de son engagement de caution du 04 février 2009 limité à la somme de 78 000 euros.

— Toutes réclamations étant demeurées vaines, la banque a fait assigner [I] [X] [N] devant le tribunal de commerce de Créteil, par exploit daté du 28 mars 2018.

B – [I] [X] [N] est décédée le [Date décès 2] 2018.

Comme désignés aux termes de l’acte de notoriété du 20 juillet 2018, ses quatre enfants, M. [M] [G], M. [T] [J] [G], M. [A] [J] [G] et Mme [Y] [J] [G], sont héritiers de [I] [X]. Aux termes de cet acte, les ayants droit ont déclaré accepter purement et simplement la succession de la défunte tant au titre de l’actif que du passif.

En conséquence, la société Caixa Geral de Depositos s’est estimée recevable et bien fondée à solliciter la condamnation solidaire en paiement des quatre héritiers sus désignés au titre de ses créances vis à vis de [I] [X] [N].

C – En vertu de l’acte de cession du 28 novembre 2019, la société Caixa Geral de Depositos a cédé ses créances au Fonds commun de titrisation Quercius. Cette cession a été dénoncée aux consorts [G].

Le Fonds commun de titrisation Quercius estime justifier d’un intérêt à agir, et ajoute que l’action en recouvrement d’une créance commerciale n’étant pas une action attitrée, l’intérêt à agir emporte par voie de conséquence qualité à agir.

Sur ce,

En effet, non seulement le Fonds commun de titrisation Quercius justifie de la cession de créance elle-même – pièce 33 – et en avoir informé par lettres recommandées avec accusé de réception datées du 24 juin 2020 – pièce 34 : M. [M] [G], M. [T] [J] [G], M. [A] [J] [G], Mme [Y] [J] [G], mais il justifie pleinement de la créance de la société Caixa Geral de Depositos envers [I] [X] en sa qualité de caution, pièces à l’appui [pièce 1, convention de compte ; pièce 2, acte de cautionnement du 12 décembre 2007 ; pièce 4, prêt de 55 000 euros, et pièce 6, engagement de caution s’y rapportant ; pièce 7, prêt de 60 000 euros, et pièce 9, engagement de caution s’y rapportant ; pièce 12, 14, 15, 16, 17 déclarations de créances en suite du redressement judiciaire puis de la liquidation judiciaire de la société Ilha Doce ; pièce 13, mises en demeure adressées à la caution ; pièce 18, décompte de créance après réglement des premières annuités du plan de redressement ; pièces 20 et 21, décomptes arrêtés au 27 septembre 2017 ; pièces 21 à 26, mises en demeure à caution en paiement de ces sommes].

Par conséquent, le jugement déféré en date du 19 janvier 2021 est confirmé en que que le tribunal de commerce de Créteil a jugé que la société Caixa Geral de Depositos était créancière de M. [M] [G], de M. [T] [J] [G], de M. [A] [J] [G], et de Mme [Y] [J] [G], et le jugement rectificatif est confirmé en ce qu’il a constaté que le Fonds commun de titrisation Quercius vient aux droits de la société Caixa Geral de Depositos.

Sur la validité des engagements de caution

Nouvellement en cause d’appel, les appelants soulèvent que les trois actes de cautionnement communiqués ne mentionnent à aucun moment le nom de leur mère, et en outre l’écriture des mentions manuscrites du premier acte n’est pas la même que celle figurant sur les deux actes suivants. Par ailleurs, ces engagements, pris par une personne inconnue, étaient limités dans le temps et avaient expiré longtemps avant la liquidation judiciaire de la société Ilha Doce, le décès d'[I] [X] [N], l’assignation dont ils ont été destinataires. Ainsi, [I] [X] [N] ne pouvait donc être poursuivie sur le fondement de ces actes, et dès lors ils ne peuvent l’être non plus.

1- Le Fonds commun de titrisation Quercius sollicitant la confirmation du jugement déféré en premier lieu répond, à raison, que contrairement à ce que soutiennent les consorts [G] les actes de cautionnements produits en pièces n°3, 6 et 9, mentionnent en première page les nom et prénom de la caution, et qu’un acte de cautionnement ne se limite pas aux mentions manuscrites figurant en fin d’acte, que se bornent à produire les appelants au soutient de leurs allégations. En effet, aux termes de l’ancien article L. 331-1 du code de la consommation en vigueur au jour de la souscription des engagements de caution, les nom et prénom de la caution personne physique ne font pas partie des indications devant figurer à peine de nullité dans la mention manuscrite. En l’espèce, l’ensemble des indications requises par le code de la consommation figurent dans les mentions manuscrites des trois actes de caution de [I] [X] [N] épouse [G]. De plus, M. [E] [J] [G], dont le nom est indiqué aux termes des trois actes a expressément donné son accord aux engagements souscrits par son épouse. En conséquence, il ne peut être soutenu par les consorts [G] que ces actes de caution auraient été consentis 'par une personne inconnue'.

2- En second lieu, l’intimé rappelle que les appelants prétendent être déchargés de leur obligation de paiement au titre des actes de caution au motif que ces cautionnements avaient pris fin au jour où la caution a été appelée en paiement. Or, la caution est tenue par une obligation de couverture et par une obligation de règlement qu’il convient de distinguer. La durée de l’obligation de couverture est définie aux termes de la mention manuscrite figurant sur l’engagement de caution et cette obligation cesse au terme de la durée prévue. Néanmoins, au terme de la période de couverture, la caution peut être tenue, en vertu de son obligation de règlement, au paiement d’une créance née pendant la période de couverture.

En l’espèce, comme souligné par l’intimé, [I] [X] [N] s’est portée caution envers la société Caixa regal de Depositos aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Quercius :

— par acte du 12 décembre 2007, pour une durée de 60 mois, soit jusqu’au 12 décembre 2012, date du terme de son obligation de couverture ;

— par acte du 26 mars 2008, pour une durée de 48 mois, soit jusqu’au 26 mars 2012, date du terme de son obligation de couverture ;

— par acte du 4 février 2009, pour une durée de 84 mois, soit jusqu’au 4 février 2016, date du terme de son obligation de couverture.

L’intimé fait valoir qu’au 26 avril 2011, date du jugement prononçant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire du débiteur principal, la banque était créancière et a déclaré ses créances échues pour un montant de 15 828,74 euros au titre du solde débiteur du compte courant n°41620101014, 13 814,07 euros au titre du prêt n°20PME00416201001, 9 923,98 euros au titre du prêt n°20PME00416201003. Les créances ont été déclarées pour partie échues ce qui prouve bien qu’au jour du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, les trois créances étaient nées et exigibles. Les créances du Fonds commun de titrisation Quercius venant aux droits de la Caixa sont donc nées pendant la période de couverture, et non le 24 juillet 2017, date du jugement prononçant la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la société Ilha Doce, ou le 28 mars 2018, date de l’assignation de la caution, ou encore à la date de son décès, comme l’écrivent les consorts [G].

L’intimé ajoute que pour la Cour de cassation (Cass.com., 2 févr. 2022, n°20-18.725) en vertu de l’article 2292 du code civil on ne peut étendre un cautionnement au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ; sauf stipulation contraire limitant dans le temps le droit de poursuite du créancier contre la caution, le fait que l’acte de cautionnement fixe une date limite mettant fin à l’obligation de couverture de la caution est sans incidence sur l’obligation de règlement de celle-ci qui reste tenue des dettes nées antérieurement à cette date et qui peut être poursuivie postérieurement lorsque la dette est exigible ; dans cet arrêt, la Cour de cassation distingue la naissance la dette de l’emprunteur cautionné de l’exigibilité de celle-ci, ainsi, les cautions sont tenues au paiement de toutes les dettes nées pendant la période de couverture, peu important qu’elles aient été exigibles postérieurement au terme de l’obligation de couverture.

L’intimé estime qu’il y a lieu de retenir que la dette garantie par la caution est bien née pendant la période de couverture, la créance étant impayée antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire. En tout état de cause, la créance au titre du prêt cautionné est devenue exigible à son égard dès le 26 avril 2011, soit pendant la période de couverture, de sorte qu’au terme de l’obligation de couverture les différents encours, la caution et par la suite ses ayants droit restaient tenus au titre de leur obligation de règlement. L’action en paiement de la banque introduite à l’encontre des cautions est donc parfaitement recevable et fondée

Sur ce :

Il est de règle que la caution est tenue des dettes nées avant que le cautionnement ne prenne fin.

En droit, en l’absence de stipulation expresse contractuelle limitant dans le temps le droit de poursuite du créancier, le fait que la caution soit appelée à payer postérieurement à la date limite de son engagement est sans incidence sur l’obligation de la caution portant sur la créance née avant cette date.

Force est de constater qu’au cas présent les parties ne sont pas convenues d’une date butoir ou d’un délai avant l’expiration duquel le créancier serait tenu, le cas échéant, d’exercer son droit de poursuite à l’encontre de la caution, en stipulant qu’au-delà du délai défini, aucun appel en garantie ne pourra dès lors être formulé à l’encontre de la caution.

Ainsi, en l’espèce, en l’absence de stipulation expresse contractuelle limitant dans le temps le droit de poursuite du créancier, il importe donc peu que les poursuites en paiement aient été exercées à l’encontre de la caution postérieurement à la date à laquelle s’est terminée la période de couverture, puisque la dette de la caution était née antérieurement, comme dit, à bon droit, par l’appelant, et cela qu’il s’agisse de l’un quelconque des trois cautionnements querellés.

La dette étant née pendant la période de couverture et peu importe la date, postérieure, de son exigibilité.

En tout état de cause, si de par la loi l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire n’a pas pour effet de rendre la dette exigible, les parties en l’espèce en sont convenues autrement, comme il leur était loisible de le faire, le contrat de prêt de 60 000 euros prévoyant en ses Conditions générales, au n°4-5-1 'Exigibilité de plein droit’ que 'Toutes les sommes dues par l’Emprunteur à la Banque au titre du présent contrat seront exigibles par anticipation, immédiatement et de plein droit, en cas de : – redressement judiciaire (…). Le contrat de prêt d’un montant de 55 000 euros contient la même stipulation.

Or, par jugement du 26 avril 2011, le tribunal de commerce de Melun a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Ilha Doce.

Par suite, et en application des stipulations contractuelles régulièrement consenties entre les parties, la créance de la banque à l’égard de la société est devenue exigible au 26 avril 2011, pendant la période de couverture des cautionnements de [I] [X] [N], laquelle n’a pris fin qu’au 12 décembre 2012 en ce qui concerne celui du 12 décembre 2007, au 26 mars 2012 en ce qui concerne celui du 26 mars 2008, et au 4 février 2016 en ce qui concerne celui du 4 février 2009.

Sur la demande indemnitaire

Les appelants se plaignent qu’ 'Aucune étude concernant l’éventuel caractère disproportionné des engagements de caution de leur mère n’a été faite par la banque’ Caixa Geral de Depositos. À titre de sanction, il conviendrait selon eux de condamner le Fonds commun de titrisation Quercius qui déclare se trouver à ses droits, à leur verser des dommages et intérêts d’un montant identique aux sommes réclamées par lui, et d’ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties.

Contrairement à ce que soutient le Fonds commun de titrisation Quercius qui affirme que seule la caution peut se prévaloir des dispositions du code de la consommation relatives à la disproportion de ses engagements et allègue que les consorts [G] sont assignés en paiement non pas au titre de leurs engagements de caution, mais au titre du paiement du passif de la succession qu’ils ont accepté d’honorer, il n’y a lieu à opérer aucune distinction s’agissant de ce que les héritiers pourraient ou ne pourraient pas faire valoir dans le débat d’une éventuelle disproportion de l’engagement de caution pris par leur auteur.

Le Fonds commun de titrisation Quercius oppose justement à cette demande les termes de l’article L. 332-1 du code de la consommation en vertu duquel le cautionnement disproportionné aux biens et revenus de la caution n’est pas sanctionné par l’allocation de dommages et intérêts mais par l’inopposabilité de l’acte de caution. À raison également, le Fonds commun de titrisation Quercius relève qu’au surplus les consorts [G] ne démontrent aucunement que les engagements de caution étaient manifestement disproportionnés aux biens et revenus de la caution au jour de son engagement.

À retenir cependant, que les consorts [G] entendent par cette demande de dommages et intérêts, voir sanctionner non pas la disproportion des engagements de caution eux-mêmes mais une prétendue faute de négligence de la banque à laquelle il est plutôt reproché de ne pas avoir vérifié les capacités financières de la caution, il n’en demeure pas moins que les consorts [G], qui s’arrêtent à présupposer une situation de disproportion de l’engagement de caution d'[I] [X] [N], échouent à rapporter la preuve que la Caixa Geral de Depositos eût une quelconque obligation à sa charge, n’étant pas tenue de procéder par principe à une 'étude préalable’ telle que le présentent les consorts [G].

Les consorts [G] ne peuvent qu’être déboutés de leur demande au titre des dommages et intérêts et de compensation subséquente.

Sur la déchéance des intérêts conventionnels

Les appelants concluent brièvement sans plus amplement expliquer leur position par des éléments précis de fait et de droit que : 'La déchéance du droit aux intérêts devra en toute hypothèse être prononcée en l’absence de production des lettres d’information annuelle'.

L’article L. 313-22 du code monétaire et financier dispose que : 'Les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.'

Si aucune forme n’est exigée de la banque pour l’envoi de ces informations, il lui incombe toutefois de prouver qu’elle a satisfait à cette obligation d’information annuelle, dont on rappellera qu’elle pèse sur l’établissement bancaire jusqu’à l’extinction de la dette.

En l’espèce, contrairement à ce qu’avancent péremptoirement les appelants, le Fonds de titrisation Quercius venant aux droits de la société Caixa Geral de Depositos produit des lettres d’information annuelle dont les mentions répondent aux impératifs des dispositions de l’article précité, et se rapportant à chacun des trois cautionnements concernés, ce au titre de l’information due de mars 2008 à mars 2013.

Cependant, si chacune de ces lettres porte en en tête la mention 'Lettre recommandée avec AR’ il n’est pas joint le justificatif d’un tel envoi recommandé. Ainsi, en définitive, pas mieux que par la production de lettres adressées par courriers simples il n’est justifié de l’envoi de ces lettres d’information annuelle.

En outre, l’émission des lettres d’information a pris fin en 2013, alors que la dette n’était pas encore éteinte.

Ainsi, il doit être retenu que la banque n’a jamais délivré à la caution aucune information valide, et doit être déchue en totalité de son droit aux intérêts, conformément au texte de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, précité.

Cependant, au vu des pièces produites par l’intimé et en l’absence de tous éléments contraires, il ne peut qu’être fait droit aux demandes du Fonds de titrisation Quercius venant aux droits de la banque, lequel sollicite leur condamnation au paiement de ses trois créances en principal augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure, telles que chiffrées de façon qui n’est pas contestée par les consorts [G].

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qui concerne les condamnations prononcées au profit de la banque Caixa Geral de Depositos, aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Quercius.

Sur les délais de paiement

Les consorts [G] demandent à la cour de les autoriser, le cas échéant, à régler leur dette en 23 versements de 200 euros et un dernier versement majoré du solde.

En application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Néanmoins cet aménagement n’est envisageable que si leur montant le permet eu égard aux facultés contributives du débiteur, et si les propositions faites pour l’apurement de la dette permettent à celui-ci de s’en acquitter dans le respect des droits du créancier. L’octroi de délais de paiement n’est pas de plein droit et cette mesure de faveur ne peut bénéficier qu’au débiteur de bonne foi.

Or en l’espèce les appelants ne justifient par aucune pièce de leur situation financière actuelle, ne donnent pas la moindre explication sur les difficultés qu’ils auraient pour s’acquitter de la somme due, et ne font aucune proposition de paiement suffisamment sérieuse.

En outre le créancier, sans qu’il ait été répliqué sur ce point, indique que préalablement à l’introduction de l’instance à l’encontre de [I] [X] [N], la société Caixa geral de Depositos avait publié une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire sur l’immeuble dont la débitrice était propriétaire, sis à [Localité 11], pour sûreté de la somme de 60 000 euros ; cet immeuble a été dévolu aux appelants dans le cadre de la succession de leur mère, ils ont procédé à la vente de l’immeuble et dans le cadre de cette vente le notaire a séquestré la somme de 64 658,26 euros dans l’attente d’une décision définitive. En conséquence, les appelants sont mal fondés à solliciter des délais de paiement, l’intégralité des demandes du créancier pouvant être acquittées ainsi.

Dans ces conditions, la demande d’échelonnement de paiement de la dette présentée ensemble par M. [M] [G], M. [T] [J] [G], M. [A] [J] [G], Mme [Y] [J] [G], ne peut qu’être rejetée.

******

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les appelants, qui échouent en toutes leurs demandes, supporteront la charge des dépens et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche, pour des raisons tenant à l’équité, il y a lieu de faire droit à la demande de l’intimé formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel,

DÉBOUTE M. [M] [G], M. [T] [J] [G], M. [A] [J] [G], Mme [Y] [J] [G], de toutes leurs demandes,

sauf en ce qu’il est prononcé la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels en raison du défaut d’information annuelle à caution,

mais dit que cette déchéance est sans incidence sur le montant des sommes réclamées par le créancier,

Et en conséquence, CONFIRME les jugements déférés en toutes leurs dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [M] [G], M. [T] [J] [G], M. [A] [J] [G], Mme [Y] [J] [G], in solidum, à payer au Fonds commun de titrisation Quercius ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion représenté par son recouvreur la société MCS et Associés venant aux droits de la société Caixa Geral de Depositos.la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

CONDAMNE M. [M] [G], M. [T] [J] [G], M. [A] [J] [G], Mme [Y] [J] [G], in solidum, aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 6, 4 octobre 2023, n° 21/22391