Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 6, 31 janvier 2024, n° 21/05669

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 6, 31 janv. 2024, n° 21/05669
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/05669
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 17 janvier 2021, N° F19/08872
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 19 février 2024
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 31 JANVIER 2024

(n°2024/ , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/05669 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5LU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 19/08872

APPELANTE

Madame [P] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Myriam DUMONTANT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2370

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/033704 du 19/08/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

S.A.R.L. ORCOM [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Vanina MEPLAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1055

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 décembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane THERME conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre, Président de formation

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

La Société Actif conseil informatique a employé Mme [P] [F] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 mars 2001, en qualité d’opératrice de saisie. Ce contrat de travail a par la suite été transféré à la Société Sodest à compter du 1er Octobre 2003, qui ultérieurement est devenue la société Orcom.

Les dernières fonctions exercées étaient celles d’aide comptable.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des experts comptables et commissaires aux comptes.

Mme [F] a été en arrêt de travail à compter du 26 juin 2015.

Mme [F] a été déclarée inapte à tout poste par le médecin du travail le 17 juin 2019.

Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement fixé au 8 juillet 2019. Elle ne s’est pas présentée à cet entretien.

Le licenciement de Mme [F] pour impossibilité de reclassement à la suite d’une inaptitude a été prononcé par courrier adressé le 11 juillet 2019.

Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 4 octobre 2019 pour former les demandes suivantes :

« – Indemnité pour licenciement nul : 28 201,12 €

— Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation : 30 000,00 €

— Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité : 30 000,00 €

— Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat : 5 000,00 €

— Application de l’article 37§2 de la loi du 10/07/1991 : 2 000,00 €

— Remise des documents de fin de contrat et bulletins de salaire conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100,00 € par jour de retard et par document

— Exécution provisoire article 515 Code de procédure civile

— Intérêts au taux légal

— Capitalisation des intérêts

— Dépens. »

Par jugement du 18 janvier 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante :

« Déboute Madame [P] [F] de l’ensemble de ses demandes ;

Déboute la SARL ORCOM de sa demande an titre de l’article 700 du Code de

Procédure Civile ;

Condamne Madame [P] [F] aux dépens.»

Mme [F] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 25 juin 2021.

La constitution d’intimée de la Société Orcom a été transmise par voie électronique le 2 septembre 2021.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 26 octobre 2023, auxquelles la cour fait expressément référence pour l’exposé des moyens, Mme [F] demande à la cour de :

« PRONONCER la nullité du licenciement en raison des agissements de harcèlement moral

En conséquence

CONDAMNER la société ORCOM au paiement des sommes suivantes :

—  28 201,12 euros à titre d’indemnité pour nullité du licenciement

En tout état de cause

CONDAMNER la société ORCOM au paiement des sommes suivantes :

—  30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de formation

—  30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité

—  5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de loyauté

—  3 000 euros au titre de l’article 700-2 du Code de procédure civile, article 37 de la loi du 10 juillet 1991

ORDONNER la remise des documents de fin de contrat et bulletins de salaire, conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 Euros par jour de retard et par document ;

ORDONNER le versement des intérêts au taux légal sur les salaires et sommes afférentes à compter de la saisine de la juridiction de céans et pour les dommages et intérêts à compter du jugement à intervenir (article 1231 et suivants du Code civil) ;

ORDONNER la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNER la société aux entiers dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 2 octobre 2023, auxquelles la cour fait expressément référence pour l’exposé des moyens, la Société Orcom demande à la cour de :

« DECLARER la SARL ORCOM [Localité 5] recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions.

DECLARER Madame [P] [F] irrecevable et mal fondée en son appel et en toutes ses demandes, fins et conclusions.

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de PARIS le 18 janvier 2021.

En conséquence,

DEBOUTER Madame [P] [F] de l’intégralité de ses demandes.

Y ajoutant,

CONDAMNER Madame [P] [F] à verser à la SARL ORCOM [Localité 5] une somme de 2 500,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER Madame [P] [F] aux entiers dépens.

DEBOUTER Madame [P] [F] de toutes demandes plus amples ou contraires.»

L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 7 novembre 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 4 décembre 2023.

MOTIFS

Sur la nullité du licenciement en raison du harcèlement moral

Mme [F] demande la nullité du licenciement en raison du harcèlement moral qu’elle indique avoir subi.

L’article 1152-1 du code du travail dispose que :

'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

Selon l’article L. 1154-1 du code du travail, alors applicable, il incombe au salarié qui l’invoque de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Dans cette hypothèse, il incombera à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [F] explique : avoir fait l’objet de remarques désobligeantes, blessantes et racistes d’une collègue de bureau, Mme [E] [R], qui aurait colporté des rumeurs, l’a verbalement agressée à plusieurs reprises pendant plusieurs semaines, qu’elle lui hurlait dessus au point d’alerter d’autres salariés, qu’elle lui faisait des reproches incessants sur son travail. Elle ajoute avoir reçu des directives contradictoires dans l’exécution de ses tâches.

Mme [F] ne produit pas d’élément qui établirait la réalité du comportement de cette personne à son égard, ni de directives contradictoires qui lui auraient été adressées. Ces faits invoqués ne sont pas établis par la salariée.

Mme [F] a été en arrêts de travail à compter du 26 juin 2015. Les certificats des médecins font état d’une 'anxiété importante', de 'troubles anxieux’ ou 'syndrome anxio-dépressifs’ ; elle a été suivie par un psychiatre. Elle a fait état du harcèlement moral subi à ces praticiens.

Le 09 juillet 2015 Mme [F] a déposé une main courante concernant les faits qu’elle impute à Mme C.

Dans un courrier du 2 octobre 2015 Mme [F] a écrit à l’inspection du travail pour signaler les faits qu’elle invoque dans le cadre du harcèlement moral.

Mme [F] a relaté ses difficultés à plusieurs personnes de son entourage qui attestent l’avoir vue pleurer et du changement de son comportement.

Mme [F] a été déclarée inapte à son poste de travail le 17 juin 2019, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Si l’état de santé de Mme [F] est démontré par les documents médicaux, les éléments qu’elle produit, attestations de proches qui n’ont pas été témoins de faits, plainte, courrier à l’inspecteur du travail, reprennent ses propres déclarations, sans que la réalité des faits invoqués ne soit démontrée. Pris dans leur ensemble, les éléments produits ne laissent pas supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Le harcèlement moral n’étant pas retenu, le conseil de prud’hommes a justement rejeté la demande de nullité du licenciement et la demande d’indemnisation consécutive.

Il sera confirmé de ce chef.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité

L’article L. 4121-1 du code du travail dispose que 'L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adéquation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.'

Mme [F] expose que l’employeur n’a pas réagi à la situation rencontrée avec Mme [E] C.

La société Orcom produit le document relatif à l’entretien annuel d’évaluation 2014 qui a été rédigé par Mme [F] le 22 novembre 2014. La rubrique 'vos satisfactions’ a été renseignée par 'de mon travail, de mes collègues de bureau, des explications de [E]',

ce qui indique qu’à cette date la salariée n’avait signalé aucune difficulté avec cette personne.

La société Orcom produit un courrier de Mme [E] [R] du 26 juin 2015 dans lequel elle signale le comportement de Mme [F]. L’employeur a alors répondu à cette salariée avoir reçu Mme [F] pour évoquer la situation, avoir séparé les deux salariées par un changement de bureau et changé leurs portefeuilles clients afin qu’elles n’aient plus de dossier en commun.

Un entretien était prévu avec Mme [F] après le courrier que son conseil a adressé le 25 juin 2019, mais elle ne s’y est pas présentée.

L’employeur établit qu’il n’a pas manqué à son obligation de sécurité.

Mme [F] doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le manquement de l’employeur à son obligation de formation

Mme [F] explique ne pas avoir bénéficié de formations pendant son parcours professionnel.

La société Orcom justifie que la salariée a bénéficié de plusieurs modules de formation en 2014, d’un module en 2015 au cours du mois de février, puis d’un congé individuel de formation de mars à décembre 2016.

Mme [F] doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le manquement à l’obligation de loyauté

Mme [F] fait valoir qu’elle n’a pas reçu la notification de la lettre de licenciement et que le document destiné à Pôle Emploi était erroné, ce qui a été à l’origine de difficultés pour percevoir les prestations.

La société Orcom justifie que la lettre de licenciement adressée à la salariée sous forme recommandée avec demande d’avis de réception est revenue avec la mention 'pli avisé et non réclamé'.

L’erreur dans le document destiné à Pôle Emploi a été signalée à la société Orcom le 3 octobre 2019 et a été rectifiée le 17 janvier 2020. L’intimée fait utilement valoir que Mme [F] a été admise à recevoir des prestations de Pôle Emploi le 07 janvier 2020, avant la réception du document rectifié.

En l’absence de manquement de l’employeur à l’origine d’un préjudice, Mme [F] doit être déboutée de sa demande.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Mme [F] supportera les dépens.

L’équité et la situation des parties justifient qu’aucune somme ne soit allouée à l’intimée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes en toutes ses dispositions,

Condamne Mme [F] aux dépens,

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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