Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 10, 12 février 2024, n° 23/12486

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 10, 12 févr. 2024, n° 23/12486
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 23/12486
Importance : Inédit
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 20 février 2024
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

N° RG 23/12486 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CH7QH

Nature de l’acte de saisine : Déclaration d’appel valant inscription au rôle

Date de l’acte de saisine : 11 Juillet 2023

Date de saisine : 03 Août 2023

Nature de l’affaire : Demande en réparation des dommages causés par d’autres faits personnels

Décision attaquée : n° 22/07930 rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris le 01 Juin 2023

Appelant :

Monsieur [N] [U], représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0322 – N° du dossier E000237H

Intimées :

S.A.S. PATRIMEA Prise en la personne de tous représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité, représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34 – N° du dossier 20230491

S.A. MMA IARD Prise en la personne de tous représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité, représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34 – N° du dossier 20230491

ORDONNANCE SUR INCIDENT

DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT

(n° , 6 pages)

Nous, Jacques LE VAILLANT, magistrat en charge de la mise en état,

Assisté de Sonia JHALLI, Greffière,

EXPOSÉ DE L’INCIDENT

Par jugement du tribunal judiciaire de Paris du 1er juin 2023, M. [N] [U] a été débouté de l’ensemble des demandes qu’il avait formées à l’encontre de la S.A.R.L. Patrimea et de son assureur de responsabilité civile professionnelle, la société anonyme MMA Iard, et a été condamné à payer à chacune d’elles la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens. *

M. [N] [U] a interjeté appel de ce jugement par déclaration déposée par voie électronique au greffe de la cour d’appel de Paris le 11 juillet 2023.

Engageant la responsabilité de la société Patrimea en qualité de conseiller en investissements sur le fondement des articles L.541-8-1 du code monétaire et financier, pris dans sa version en vigueur jusqu’au 3 janvier 2018, 325-5 à 325-7 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers et 1231-1 du code civil pour manquement à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde, tant au stade pré-contractuel qu’au cours de l’exécution du produit d’investissement dénommé 'Bio C’Bon Builder Rendement 2« (ci-après ' BCBB Rendement 2 »), M. [N] [U] a demandé à la cour, dans ses conclusion d’appelant notifiées le 10 octobre 2023, ce qui suit :

'Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Condamner in solidum la société Patrimea et son assureur RCP MMA Iard à verser à Monsieur [N] [U] une somme de 198 000 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier,

Condamner in solidum la Sociétés Patrimea et son assureur RCP Mma Iard à verser à M. [N] [U] une somme de 3 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

Condamner in solidum la sociétés Patrimea et son assureur RCP Mma Iard à verser à M. [N] [U] une somme de 8.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Condamner in solidum la sociétés Patrimea et son assureur RCP MMA Iard aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont 228,81 € majorant l’indemnité de procédure allouée en première instance, selon commandement de payer du 17 juillet 2023.'

Par conclusions notifiées le 12 octobre 2023, M. [N] [U] a saisi le conseiller de la mise en état d’un incident de communication de pièces.

Aux termes de ses dernières conclusions d’incident notifiées le 11 janvier 2024, M. [N] [U] demande au conseiller de la mise en état de :

'Enjoindre la société Patrimea à lui transmettre et à produire au débat :

— Les conventions d’apporteurs d’affaires successivement conclues entre la société Patrimea, d’une part, et la SAS Marne et Finance et/ou la SAS Bio C Bon d’autre part, relatives

à la commercialisation des offres d’investissements dénommées « BCBB » et « BCBB Rendement 2 »,

— La facture de commission de la société Patrimea à l’occasion de la signature de la souscription du 7 août 2017 (commission sur souscription),

— Les factures de commissions sur encours au titre de la souscription du 7 août 2017 (commissions sur encours),

dans un délai de huit jours suivant la signification de l’ordonnance et, passé ce délai, sous astreinte de 250 € par jour de retard et par pièce omise,

Condamner la société la société Patrimea à verser à Monsieur [N] [U] une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de l’incident,

Condamner la société Patrimea aux dépens de l’incident.'

Au soutien de sa demande, M. [U] fait valoir que l’existence des pièces dont la production est sollicitée est vraisemblable au vu des consentions d’apporteur d’affaires qu’il verse aux débats portant sur la distribution des produits BCBB ou ICBS par d’autres conseillers en investissements financiers que la société Patrimea.

Il considère que la production de ces pièces est nécessaire afin de caractériser la nature juridique et l’étendue des relations entretenues entre la société Patrimea et la société Marne et Finance et/ou la SAS Bio C Bon ainsi que les modalités de sa rémunération, informations que la société Patrimea n’a pas communiquées au stade pré-contractuel alors qu’elle en avait l’obligation dès lors que le produit BCBB Rendement 2 qu’elle a conseillé à M. [U] relevait d’une participation en capital à une société de capital-risque.

M. [U] soutient également, par référence aux dispositions de l’article 325-6 du règlement général de l’AMF que le conseiller en investissements financiers est considéré comme agissant de manière honnête, loyale et professionnelle qui sert aux mieux les intérêts de son client lorsque les modalités de la rémunération qu’il perçoit d’un tiers, comme cela a été le cas en l’espèce, répondent aux critères et conditions définis par cet article. Il fait valoir à cet égard que, si la lettre de mission émise par la société Patrimea le 7 août 2017 mentionne la rémunération perçue par la société Patrimea, ce n’est qu’en termes généraux, aucune indication n’étant donnée sur le commissionnement spécifique lié au produit BCBB.

M. [U] soutient, au vu des convention d’apporteur d’affaires conclues entre les sociétés Marne et Finance ou Bio C Bon et d’autres conseillers en investissements financiers que ce défaut d’information préalable sur la rémunération perçue par la société Patrimea était délibéré de sa part afin de dissimuler la perception non seulement d’une commission de souscription supérieure à celle qui était indiquée dans la lettre de mission mais aussi la perception d’une commission sur encours pendant la durée de la souscription.

Il fait valoir enfin que la perception d’une commission sur encours implique l’existence d’une mission de suivi au profit de l’investisseur à la charge du conseiller en investissements financiers et qu’il a donc intérêt à ce que son existence soit établie dès lors qu’il en résultera l’obligation pour la société Patrimea de prouver l’accomplissement normal de son obligation de conseil pendant toute la durée du produit d’investissement BCBB Rendement 2.

Par dernières conclusions en réponse sur incident notifiées le 11 janvier 2024, les sociétés Patrimea et MMA Iard demandent au conseiller de la mise en état de :

'Vu les articles 11 et 138 et suivants du Code de procédure civile,

Débouter Monsieur [U] de sa demande de production de pièces,

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner Monsieur [U] à verser aux sociétés Patrimea et MMA Iard la somme de 2 000 euros au titre de frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.'

Les sociétés Patrimea et MMA Iard font valoir en premier lieu que M. [U] n’apporte aucun élément susceptible de démontrer l’existence d’une convention d’apporteur d’affaires entre les sociétés Patrimea et Marne et Finance ou Bio C Bon, ce qui ne peut se déduire du seul fait que certains conseillers en gestion de patrimoine aient pu conclure de telles conventions.

Elles soutiennent en second lieu que les documents dont la production est sollicitée sont inutiles à la résolution du litige, le débat se limitant à déterminer si M. [U] a investi dans un produit BCBB en connaissance de ses engagements et des risques encourus, ce sur quoi ni une convention d’apporteur d’affaires ni des factures de commission ne sont susceptibles d’avoir un effet et ce d’autant que le mode de rémunération de la société Patrimea lui avait été révélé dans la lettre de mission qu’il a signée.

Elles contestent enfin que la société Patrimea ait souscrit un quelconque engagement au titre du suivi de l’investissement dans le produit BCBB Rendement 2, de sorte que l’éventuelle perception sur encours n’aurait aucun impact sur ses obligations à l’égard de M. [U], et ce d’autant qu’il ne peut y avoir de conseil dans la durée sur l’adéquation en continu du produit à la situation du client lorsque, comme en l’espèce, les fonds investis sont bloqués pendant plusieurs années à défaut de faculté de rachat anticipé. Elles soutiennent qu’en tout état de cause, en l’espèce, un conseil dans le cadre d’une mission de suivi, à supposer qu’une telle obligation ait existé, ne pouvait trouver à s’exercer qu’à l’issue de trois ans après la date de prise d’effet de l’investissement, soit le 7 août 2020, moins d’un mois avant l’ouverture de la procédure collective de la société Bio C Bon et que, découlant de la convention d’apporteur d’affaires, seules les sociétés Marne et Finance et/ou Bio C Bon pourrait se prévaloir d’un manquement à une telle obligation de la part de la société Patrimea. Elles en concluent de plus fort que la production des pièces sollicitée est inutile en l’espèce.

L’incident a été plaidé à l’audience d’incident du 15 janvier 2024 dans les termes des conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1.- Sur la demande de communication de pièces

En application de l’article 11 du code de procédure civile, les parties sont tenues d’apporter leur concours aux mesures d’instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d’une abstention ou d’un refus. Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte. Il peut, à la requête de l’une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s’il n’existe pas d’empêchement légitime.

La production de pièces détenues par une partie au litige ne peut être ordonnée que si les pièces à produire sont suffisamment déterminées et peuvent présenter un lien de rattachement avec un élément de preuve de la cause examinée. Il ne peut être fait injonction de communiquer une pièce à une partie sans qu’il soit établi que cette pièce se trouve en sa possession ou qu’il y ait des motifs raisonnables de prévoir qu’elle se trouve en sa possession.

En l’espèce, la lettre de mission établie par la société Patrimea et signée par M. [N] [U] le 7 août 2017 précise, en préambule, comporter 'les mentions prescrites par l’article 325-3 du règlement général de l’AMF’ et qu’elle a pour objet de définir et contractualiser les conditions et les modalités d’intervention de la société Patrimea.

Elle contient une section intitulée 'Rémunération de Patrimea’ qui stipule que 'Patrimea ne facturera pas d’honoraires pour cette mission. Notre travail sera rémunéré directement par des rétrocessions de commissions par les établissements promoteurs de produits liés aux investissements que vous réaliserez par notre intermédiaire. (…)'. Cette section renvoie expressément aux dispositions de l’article 325-6 du règlement général de l’AMF pour la communication d’informations plus précises sur la rémunération de la société Patrimea à son client investisseur, directement par le producteur du produit d’investissement souscrit, notamment.

M. [U] justifie que le produit d’investissement BCBB conçu par la société Marne et Finance était commercialisé essentiellement auprès d’investisseurs non professionnels par des conseillers en investissements financiers en suite de mission CIF et que la rémunération de ces derniers était assurée par le versement d’une commission par le producteur du produit BCBB, comme en atteste la demande d’informations adressée par l’Anacofi-Cif à la société Marne et Finance le 19 janvier 2016 (pièce n°1-43 de l’appelant).

Or, M. [U] verse aux débats deux exemples de convention d’apporteur d’affaires BCBB ou ICBS conclue entre la société Marne et Finance et des conseillers en investissements financiers ayant précisément pour objet de définir les termes 'd’une relation de partenariat, dans la perspective de présenter la proposition BCBB développée et mise en place par le groupe Marne et Finance à des investisseurs personnes physiques et morales intéressées.' (Pièces n° 1-46 et 1-47 de l’appelant).

Ces conventions d’apporteur d’affaires définissent la rémunération du conseiller en investissements financiers en cas de souscription par un investisseur au produit BCBB comme étant constituée d’honoraires de mise en relation de l’investisseur avec le groupe Marne et Finance de 6 % du montant de la souscription et d’honoraires de conseil et de suivi de l’investissement de 0,6 % des souscriptions cumulées intervenues par son intermédiaire.

Il est donc établi par M. [U], au vu des modalités de rémunération de la société Patrimea révélées par cette dernière dans la lettre de mission qu’elle a remise à M. [U] le 7 août 2017 et de leur conformité de principe avec le mode de rémunération des conseillers en investissements financiers intervenus pour la commercialisation du produit d’investissement BCBB, qu’il existe des motifs raisonnables de prévoir que les conventions d’apporteur d’affaires BCBB et BCBB rendement 2 ainsi que les factures de commissions dont il demande la communication soient en la possession de la société Patrimea.

Au soutien de sa demande de communication de pièces, M. [U] se fonde sur les dispositions de l’article L.541-8-1 5° du code monétaire et financier et de l’article 325-6 du règlement général de l’AMF, pris dans leur rédaction en vigueur à la date de réalisation de l’investissement litigieux.

L’article L.541-8-1 5° du code monétaire et financier disposait alors que : 'Les conseillers en investissements financiers doivent (…) 5° Communiquer aux clients d’une manière appropriée, la nature juridique et l’étendue des éventuelles relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L.341-3, les informations utiles à la prise de décision par ces clients ainsi que celles concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations.'

Cet article précisait en son 2ème alinéa que : 'Ces règles de bonne conduite sont précisées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.'

Il n’entre pas dans les pouvoirs du conseiller de la mise en état de qualifier la nature exacte du produit d’investissement litigieux. Cela relève du fond et donc du pouvoir exclusif de la Cour.

Il ne peut donc être retenu que, comme le soutient M. [U], le produit d’investissement BCBB Rendement 2 correspond à une participation en capital à une société de capital-risque telle que visée à l’article L.341-3 du code monétaire et financier.

En conséquence, M. [U] ne peut, devant le conseiller de la mise en état, fonder une demande de communication par la société Patrimea de la nature juridique et de l’étendue de ses relations avec les sociétés Marne et Finance et/ou Bio C Bon SAS sur cette disposition.

En revanche, l’intervention en l’espèce de la société Patrimea en qualité de conseiller en investissements financiers n’est pas contestée par cette dernière qui, dans le document d’entrée en première relation qu’elle a remis à M. [U] le 7 août 2017, se qualifie expressément comme tel, avec référence expresse, comme dans sa lettre de mission du même jour, à certains des articles 325-3 et suivants du règlement général de l’AMF.

Il en résulte que l’obligation de communication par le conseiller en investissements financiers des informations 'concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations’ prévue à l’article L.541-8-1 5° du code monétaire et financier est applicable à la société Patrimea en l’espèce.

Cette obligation de communication est précisée comme suit à l’article 325-6 du règlement général de l’AMF, pris dans sa version en vigueur du 24 septembre 2014 au 7 juin 2018 :

' Le conseiller en investissements financiers est considéré comme agissant d’une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux les intérêts d’un client lorsque, en liaison avec la prestation de conseil à ce client, il verse ou perçoit une rémunération ou une commission ou fournit ou reçoit un avantage non monétaire suivant :

1. Une rémunération, une commission ou un avantage non monétaire versé ou fourni au client ou par celui-ci, ou à une personne au nom du client ou par celle-ci ;

2. Une rémunération, une commission ou un avantage non monétaire versé ou fourni à un tiers ou par celui-ci, ou à une personne agissant au nom de ce tiers ou par celle-ci, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a. Le client est clairement informé de l’existence, de la nature et du montant de la rémunération, de la commission ou de l’avantage, ou lorsque ce montant ne peut être établi, de son mode de calcul. Cette information est fournie de manière complète, exacte et compréhensible avant que la prestation de conseil ne soit fournie. Le conseiller en investissements financiers peut divulguer les conditions principales des accords en matière de rémunérations, de commissions et d’avantages non monétaires sous une forme résumée, sous réserve qu’il s’engage à fournir des précisions supplémentaires à la demande du client et qu’il respecte cet engagement ;

b. Le paiement de la rémunération ou de la commission, ou l’octroi de l’avantage non monétaire, a pour objet d’améliorer la qualité de la prestation de conseil fournie au client et ne doit pas nuire au respect de l’obligation du conseiller en investissements financiers d’agir au mieux des intérêts du client ;

3. Des rémunérations appropriées qui permettent la prestation de conseil ou sont nécessaires à cette prestation et qui, de par leur nature, ne peuvent occasionner de conflit avec l’obligation qui incombe au conseiller en investissements financiers d’agir envers ses clients d’une manière honnête, loyale et professionnelle qui serve au mieux leurs intérêts.'

Le lettre de mission de la société Patrimea remise à M. [U] le 7 août 2017 précise expressément, au visa de cet article, que l’investisseur peut obtenir, avec le concours de la société Patrimea, des informations précises sur sa rémunération directement du producteur du produit d’investissement.

Il incombe donc à la société Patrimea de fournir à M. [U] des informations précises sur les modalités de la rémunération qu’elle a perçue dans le cadre de la souscription qu’elle a préconisée au produit d’investissement BCBB Rendement 2.

La société Patrimea et son assureur ne sont pas fondés à soutenir que la communication de cette information n’est pas utile à la résolution du litige puisque M. [U] agit en responsabilité à leur encontre pour manquements aux obligations d’information, de conseil et de mise en garde du conseiller en investissements financiers devant être exécutées avant la souscription du produit d’investissement préconisé et que l’information relative à la rémunération du conseiller en investissements financiers est un élément d’appréciation des conditions dans lesquelles ce dernier a exécuté sa mission.

Par ailleurs, la perception d’une commission sur encours est la contrepartie de l’accomplissement d’une mission de suivi de l’investissement dans l’intérêt du client du conseiller en investissements financiers. Ce client a donc intérêt à connaître l’existence de la perception d’une commission sur encours, peu important le fait qu’elle soit stipulée dans une convention d’apporteur d’affaires liant le concepteur et promoteur du produit d’investissement et le conseiller en investissements financiers à laquelle l’investisseur n’est pas partie dès lors que l’investisseur ayant souscrit à un produit d’investissement déterminé doit également être bénéficiaire de la mission de suivi.

L’existence d’une telle commission sur encours en l’espèce n’est pas purement hypothétique puisque M. [U] justifie qu’elle a été prévue dans les conventions d’apporteur d’affaires qu’il verse aux débats conclues entre la société Marne et Finance et d’autres conseillers en investissements financiers que la société Patrimea pour la pour la distribution de produits BCBB ou ICBS.

Enfin, il est indifférent que M. [U] ait renoncé, par avenant au pacte d’actionnaires en date du 7 août 2017, à la faculté de rachat annuel des actions qu’il détenait au capital de la société opérationnelle Bio Ascension dès lors que le rachat des actions n’était pas bloqué pour autant pendant toute la durée du produit d’investissement, qui était de cinq ans, puisque l’avenant au pacte d’actionnaires prévoit également un rachat anticipé des actions à l’issue de deux ans fermes de détention.

Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la société Patrimea, une mission de suivi de l’investissement BCBB Rendement 2 par le conseiller en investissements financiers avait bien en l’espèce un champ d’application possible. Le fait que le conseil n’aurait pas pu être donné dans un temps utile en l’espèce au motif qu’une procédure collective a été ouverte à l’égard de la société Bio C Bon un mois après la fin de la période de garde des titres acquises par M. [U] relève du fond du litige et est inopérant dans le cadre du présent incident de communication de pièces.

Par suite, il sera fait injonction à la société Patrimea de produire les pièces suivantes :

— Les conventions d’apporteurs d’affaires successivement conclues entre la société Patrimea et la SAS Marne et Finance et/ou la SAS Bio C Bon relatives à la commercialisation des offres d’investissements dénommées « BCBB » et « BCBB Rendement 2 »,

— La facture de commission de la société Patrimea à l’occasion de la signature de la souscription du 7 août 2017 (commission sur souscription),

— Les factures de commissions sur encours au titre de la souscription du 7 août 2017, si une telle rémunération est prévue dans la convention d’apporteur d’affaires applicable au produit d’investissement souscrit le 7 août 2017,

L’autorité attachée à la présente décision suffit à en garantir l’exécution, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’assortir ces injonctions de communiquer d’une astreinte. La demande formée par M. [U] à ce titre sera donc rejetée.

2. Sur les demandes accessoires

Dans la limite de la demande dont le conseiller de la mise en état est saisi, la société Patrimea sera condamnée aux dépens de l’incident exposés par M. [U].

L’équité commande qu’il soit alloué à M. [U] une indemnité de procédure de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à la charge de la société Patrimea à l’encontre de laquelle, seulement, la demande est formée dans les dernières écritures de M. [U].

Parties perdantes dans le cadre de l’incident de communication de pièces, les sociétés Patrimea et MMA seront déboutées de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le magistrat en charge de la mise en état

Ordonne la production en copie par la S.A.R.L. Patrimea, par voie de communication de pièces entre avocats, des pièces suivantes :

— les conventions d’apporteurs d’affaires successivement conclues entre la société Patrimea et la SAS Marne et Finance et/ou la SAS Bio C Bon relatives à la commercialisation des offres d’investissements dénommées « BCBB » et « BCBB Rendement 2 »,

— la facture de commission de la société Patrimea à l’occasion de la signature de la souscription du 7 août 2017 (commission sur souscription),

— les factures de commissions sur encours au titre de la souscription du 7 août 2017, si une telle rémunération est prévue dans la convention d’apporteur d’affaires applicable au produit d’investissement souscrit le 7 août 2017,

Déboute M. [N] [U] de sa demande tendant à voir assortir l’injonction de communication de ces pièces d’une astreinte,

Condamne la S.A.R.L. Patrimea aux dépens de l’incident exposés par M. [N] [U],

Déboute la S.A.R.L. Patrimea et la société anonyme MMA Iard de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.R.L. Patrimea à payer la somme de 1 500 euros à M. [N] [U] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Paris, le 12 Février 2024

La greffière Le magistrat en charge de la mise en état

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