Cour d'appel de Pau, 31 décembre 2012, n° 12/05276

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 31 déc. 2012, n° 12/05276
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 12/05276

Sur les parties

Texte intégral

CC/BLL

Numéro 12/5276

COUR D’APPEL DE PAU

2e CH – Section 1

ARRET DU 31/12/2012

Dossier : 11/00872

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par d’autres faits personnels

Affaire :

Société DE D DE MATERIEL POUR LA REGION DE L’ADOUR (F)

C/

LA COMMUNE D’B,

SA GENERALE D

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 31 Décembre 2012 , les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 29 Octobre 2012, devant :

Madame BUI-VAN, Conseiller faisant fonction de Président

Madame CLARET, Conseiller chargé du rapport

Monsieur LE-MONNYER, Conseiller

assistés de Madame SAYOUS, Greffier, présent à l’appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Société DE D DE MAMTERIEL POUR LA REGION DE L’ADOUR (F)

représentée par son Président du conseil d’administration en exercice

XXX

XXX

représentée par la SCP LONGIN-LONGIN DUPEYRON-MARIOL avocats à la Cour

assistée de Me SCHNERB, avocat au barreau de PAU

INTIMEES :

LA COMMUNE D’B

représentée par son Maire en exercice domicilié ès qualités

XXX

XXX

64603 B CEDEX

représentée par la SCP DUALE/LIGNEY avocats à la Cour

assistée de la SCPA ETESSE, avocats au barreau de PAU

SA GENERALE D

XXX

XXX

XXX

assisté de Me DOMERCQ, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 31 JANVIER 2011

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE E

Vu l’appel interjeté le 7 mars 2011 par la SA F (Société de D de Matériel pour la Région de l’ADOUR) à l’encontre du jugement du tribunal de grande instance de E du 31 janvier 2011.

Vu les conclusions de la société F du 6 décembre 2011.

Vu les conclusions récapitulatives de la COMMUNE D’B du 26 octobre 2011.

Vu les conclusions responsives de la SA GENERALE DE D du 9 septembre 2011.

Vu l’ordonnance de clôture du 22 février 2012, l’affaire étant fixée à l’audience du 18 juin 2012 et renvoyée à l’audience du 29 octobre 2012.

Faits et procédure

Suivant convention en date du 30 juin 1998, la commune d’B a mis à la disposition de la société GLISS PROMOTION le site de la Barre à B à proximité du lac de la Barre afin d’y organiser le salon GLISS EXPO ; la société GLISS PROMOTION a confié à la société GENERALE DE D la charge de l’organisation technique de l’événement en ce compris la production d’électricité au moyen de groupes électrogènes alimentés par du fioul, et à cet effet la société GENERALE DE D a loué le 30 août 1999 à la société F trois groupes électrogènes et trois cuves de fioul qui ont été remplies par la société NERVOL ; l’une des cuves s’est renversée et s’est partiellement vidée provoquant la pollution du lac et de ses berges.

La commune d’B s’est adressée à la société FIRCHIM pour procéder à la décontamination des lieux ; les factures d’intervention sur le site ont été adressées à la société GENERALE DE D qui a refusé de les payer.

La société FIRCHIM ne parvenant pas à se faire rembourser par la commune d’B qui a considéré que la société GENERALE DE D devait payer cette intervention s’est adressée au tribunal administratif de PAU, estimant être intervenue dans le cadre juridique d’une collaboration au service public. Par jugement du 18 décembre 2007 le tribunal administratif de PAU a condamné la commune d’B à payer à la société FIRCHIM la somme de 133 387,05 € outre les intérêts au taux légal ainsi qu’une indemnité de 900 € pour les frais irrépétibles.

La commune d’B a réglé la somme de 143 877,16 € et une quittance subrogative lui a été délivrée le 29 janvier 2008.

Par acte d’huissier en date du 9 juin 2008 la commune d’B a fait assigner la société GENERALE DE D par devant le tribunal de grande instance de E au visa de l’article 1384 du Code civil aux fins de la voir reconnaître responsable de la pollution accidentelle en question et au visa du jugement définitif du tribunal administratif et de la quittance subrogative la voir condamner avec exécution provisoire à lui payer la somme de 143 877,16 € outre les intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2008 avec capitalisation en application de l’article 1154 du Code civil ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive et des indemnités au titre des frais irrépétibles.

Par assignation délivrée le 30 juin 2008 la société GENERALE DE D a appelé en garantie la société F au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil.

Les procédures ont été jointes par mention au dossier.

Par le jugement entrepris le tribunal de grande instance de E a :

— déclaré tant la société GENERALE DE D que la commune d’B recevable en leur action à l’encontre de la société F,

— déclaré que la société F a seule engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de la commune,

— mis en conséquence la société GENERALE DE D hors de cause,

— condamné la société F au paiement envers la commune d’B de la somme de 133 387,05 € outre les intérêts au taux légal à compter du jugement avec capitalisation des intérêts qui seront dus par année entière,

— débouté la commune d’B du surplus de ses prétentions,

— condamné la société F aux entiers dépens,

— condamné la société F au paiement à la commune d’B de la somme de 2000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté toutes autres demandes.

Moyens et Prétentions

Aux termes de ses dernières conclusions la SA F demande à la cour de :

— dire et juger recevable et fondé son appel,

— dire et juger irrecevable comme prescrite l’action de la commune d’B à l’encontre de la société F,

— dire et juger sans fondement l’action en garantie formée par la société GENERALE DE D à l’encontre de la société F même partiellement,

très subsidiairement, débouter la commune d’B comme la société GENERALE DE D de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

— les condamner in solidum aux entiers dépens.

L’appelante fait valoir qu’elle ne se trouve pas en lien contractuel avec la commune d’B ou à l’égard de la société GLISS PROMOTION, qu’elle est seulement liée avec la société GENERALE DE D par les termes du contrat de D de matériel tel qu’il résulte du bon de commande et de la facture qu’elle a émise, qu’en conséquence elle répond de sa responsabilité contractuelle à l’égard de la société GENERALE DE D et de sa responsabilité quasi délictuelle à l’égard de la commune d’B dans le cas où un manquement aux obligations du contrat de D est susceptible de constituer un fait fautif dont le tiers au contrat (commune d’B) peut se prévaloir si la faute alléguée est de nature à lui causer un préjudice direct.

Elle soutient que :

— l’action de la commune d’B est irrecevable comme prescrite dès lors que la pollution accidentelle est survenue le 30 août 1999 et que la commune d’B n’a formé de demande à l’encontre de la société F que par conclusions du 23 juin 2010,

— la livraison est bien intervenue le 30 août 1999 et non le 1er septembre,

— la société F n’a pas commis de faute dans l’exécution du contrat de D du matériel au regard notamment du caractère très précis du bon de commande et des conditions générales de D, l’obligation consistant en la mise à disposition d’un matériel spécifique,

— c’est l’utilisation par la société GENERALE DE D à sa guise qui a généré le dommage,

— la société GENERALE DE D ne peut invoquer les dispositions de l’article L 442-6-1 2 du code de commerce pour qualifier d’abusive la clause du contrat prévoyant que « la responsabilité du loueur ne saurait être recherché pour la réparation du dommage qui serait allégué par le locataire et qui serait la conséquence… d’une défaillance ou d’un accident quelconque quelle que soit la cause » dès lors que ce texte est issu de la loi du 4 août 2008 et donc inapplicable à la présente espèce, et au surplus cet argumentaire, au fond, est sans portée sur la solution du litige puisque la clause selon laquelle le locataire demeure responsable à l’égard des tiers des conséquences d’un accident causé par la chose louée n’est qu’une simple transcription des dispositions de l’article 1384 du Code civil qui rend le gardien nécessairement responsable à l’égard des tiers des dommages causés par les choses dont la garde lui a été transférée,

— elle n’a pas non plus manqué à ses obligations professionnelles résultant de trois arrêtés des 21 mars 1968, 26 février 1974 et 3 mars 1976.

Aux termes de ses dernières conclusions responsives la société GENERALE DE D conclut à l’irrecevabilité et au mal fondé de l’appel, à la confirmation du jugement déféré dans toutes ses dispositions et y ajoutant à la condamnation de la société F au paiement d’une somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu’elle a passé commande le 30 août 1999 à la société F de trois groupes électrogènes et de trois cuves de fioul à charge pour cette dernière d’installer ce matériel et de faire remplir les cuves, que ces opérations ont été réalisées dans le courant de la matinée et au début de l’après-midi du 30 août 1999, que très peu de temps après l’une des cuves s’est renversée entraînant une pollution du lac de la Barre, que l’installation des cuves a été faite au mépris des règles élémentaires de sécurité dans des conditions qui sont à l’origine directe du sinistre, que la survenance de l’accident dans un temps très proche de l’installation et du remplissage de la cuve permet d’imputer à la société F l’intégralité de la responsabilité de celui-ci dans le cadre de son obligation contractuelle, que c’est à juste titre que le tribunal a considéré que la garde des cuves n’avait pas été transférée à la société GENERALE DE D.

Elle soutient que la clause insérée par la société F dans le contrat selon laquelle la responsabilité du loueur ne saurait être recherchée pour la réparation du dommage qui serait allégué par le locataire et qui serait la conséquence d’une défaillance ou d’un accident quelconque, quelle que soit la cause, n’a pas vocation à s’appliquer car devant être considérée comme abusive au regard de la loi du 4 août 2008, que la clause litigieuse figure sur le contrat de D en date du 1er septembre 1999 et non du 30 août 1999

et qu’elle n’est pas opposable à la Sté GENERALE DE D puisqu’elle a été portée à sa connaissance postérieurement à l’exécution du contrat et postérieurement à la survenance du sinistre, que le contrat prévoyait clairement l’intervention de la société F sur le site du fait de la mention « compris raccordement groupe», qu’il résulte de la procédure d’enquête que c’est F qui a mandaté la société NERVAL pour la livraison et le déchargement, ce transporteur n’ayant pas hésité à installer les cuves sur un sol incliné et inapproprié, que manifestement F a agi avec une légèreté blâmable et ne peut se retrancher derrière la clause visée à la facture, que la société GENERALE DE D qui n’a pas manipulé les cuves et ne les a pas installées ne peut avoir participé à la réalisation du dommage, que le déversement d’hydrocarbures est dû à un défaut d’installation de la société F, que la survenance de l’accident dans un laps de temps très proche de l’installation du remplissage n’a pas permis la mise en place d’un dispositif de stabilisation, que si elle a pu avoir pendant un laps de temps très court l’usage de la chose elle n’en avait ni la direction ni le contrôle.

En l’état de ses conclusions récapitulatives la commune d’B demande à la cour de :

— débouter la société F de la fin de non recevoir tirée de la prescription de la commune contre elle,

— constater au contraire que les conclusions signifiées par la commune le 17 novembre 2008 devant le juge de la mise en état contiennent une demande précise aussi bien sur le plan juridique que sur le plan financier contre la société F, cette demande précise ayant donc valablement interrompu la prescription de 10 ans,

— confirmer le jugement ce qu’il a retenu la responsabilité délictuelle de la société F à l’égard de la commune,

— faisant droit à l’appel incident de la commune par le biais des présentes écritures,

— voir également consacrer la responsabilité délictuelle de la société GENERALE DE D vis-à-vis de la commune suite à la pollution accidentelle du site de la barre le 30 août 1999,

— constater que par leur inexécution fautive respective les sociétés GENERALE DE D et F ont engagé chacune vis-à-vis de la commune la responsabilité délictuelle,

— en conséquence les condamner solidairement à réparer toutes les conséquences de la pollution du site,

— réformant la décision entreprise sur le quantum des condamnations,

— condamner solidairement les sociétés GENERALE DE D et F à payer à la commune d’B la somme principale de 143 877,16 € avec intérêts au taux légal à compter 29 janvier 2008 avec capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du Code civil,

— condamner sous la même solidarité les sociétés GENERALE DE D et F à payer à la commune d’B 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

— condamner sous la même solidarité les sociétés GENERALE DE D et F à payer à la commune d’B la somme de 900 € réglée par celle-ci à la société FIRCHIM au titre de ses frais irrépétibles devant le tribunal administratif de Pau,

— condamner sous la même solidarité la société GENERALE DE D et la société F au paiement d’une somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel en sus de ceux alloués par le tribunal.

La commune d’B soutient que son action à l’encontre de la société F n’est pas prescrite dès lors que dans le cadre de l’instance engagée devant le TGI de E par assignation du 9 juin 2008 elle a conclu à la condamnation solidaire de la société GENERALE DE D et de la société F au visa des articles 1384 alinéa 1 et 771 du code de procédure civile par conclusions responsives et additionnelles prises devant le juge de la mise en état et signifiées le 17 novembre 2008, lesquelles sont interruptives de prescription au regard de l’article 2244 du Code civil et fait valoir qu’elle continue à rechercher la responsabilité solidaire de la société GENERALE DE D et de la société F, étant relevé qu’il est certain que la cuve à l’origine de la pollution a basculé après le départ de la société F dans des conditions peu explicites mais alors qu’elle était sous la direction de la société GENERALE DE D, ce qui justifie que la commune d’B recherche la responsabilité délictuelle de cette dernière, que s’agissant de la réparation de son préjudice son appel incident est bien foncé car elle doit obtenir paiement de la totalité des sommes réglées à la société FIRCHIM selon quittance subrogative du 29 janvier 2008.

MOTIVATION DE LA DECISION

I- Sur la prescription de l’action de la commune d’B.

La société F prétend que la commune d’B n’aurait conclu contre elle que par voie de conclusion en date du 23 juin 2010 alors que la pollution accidentelle à l’origine du présent contentieux est survenue le 30 août 1999 et que l’action serait prescrite.

L’article 2270-1 du Code civil applicable à la présente action engagée par la commune d’B à l’encontre de la société F dispose que les actions en responsabilité civile extra contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.

Par ailleurs l’article 2244 du Code civil dans sa rédaction applicable à la présente espèce, soit antérieurement à la loi du 17 juin 2008, dispose « une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu’on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir. »

Il est de jurisprudence constante que l’interruption de prescription peut à l’évidence procéder d’une demande incidente, reconventionnelle ou en intervention et que devant le tribunal de grande instance il suffit que les conclusions soient signifiées dans le délai de la prescription.

Il n’est ni contesté ni contestable que dans le cadre de la procédure pendante devant le tribunal de grande instance de E, la commune d’B a délivré, par acte du 9 juin 2008, assignation à la société GENERALE DE D, laquelle a appelé en garantie la société F, que par conclusions explicites devant le juge de la mise en état saisie d’un incident par la commune d’B, celle-ci a conclu à la condamnation solidaire de la société GENERALE DE D et de la société F au paiement d’une provision de 148 877,16 € par conclusions responsives et additionnelles signifiées devant le juge de la mise en état par la voie du palais le 17 novembre 2008, condamnation solidaire se justifiant selon elle par le fait que tant la société GENERALE DE D que la société F ont concouru à la réalisation du sinistre et donc du dommage.

Il ressort de ces conclusions signifiées le 17 novembre 2008 que la commune d’B a bien formé une demande juridiquement fondée et chiffrée dans son montant à l’encontre de la société F, ce que le juge de la mise en état a constaté dans son ordonnance du 23 février 2010, et il est Z que ces conclusions sont interruptives de prescription au regard de l’article 2244 du Code civil dès lors qu’elles sont assimilables par leur objet et leur contenu à une citation en justice en bonne et due forme selon une jurisprudence constante.

II- Sur la responsabilité

La commune d’B demande à la cour de dire que par leur inexécution fautive respective les sociétés GENERALE DE D et F ont engagé chacune vis-à-vis de la commune leur responsabilité délictuelle à son égard suite à la pollution accidentelle du site de la barre le 30 août 1999.

En l’espèce la commune d’B recherche la responsabilité délictuelle et quasi délictuelle des deux sociétés GENERALE DE D et F sur le fondement des articles 1382, 1383 et 1384 alinéa 1 du Code civil à raison du fait que la mauvaise exécution du contrat de D par l’une ou l’autre des parties contractantes lui a causé un préjudice indemnisable sur le terrain délictuel.

Il n’est pas contestable ni contesté que la commune d’B a subi un préjudice directement en relation avec le basculement d’une cuve de fioul qui a généré une pollution du lac de la Barre et dès lors pour déterminer la responsabilité contractuelle des sociétés GENERALE DE D et F dans l’exécution fautive du contrat de D les liant entre elles, il est nécessaire de trancher la question juridique de la garde de la cuve de fioul au moment de son basculement, élément causal du préjudice subi par le tiers qu’est la commune d’B.

Aux termes de l’article 1384 alinéa 1 du Code civil, on est responsable du dommage causé par les choses que l’on a sous sa garde, la responsabilité du fait d’une chose étant liée à l’usage, à la direction et au contrôle de la chose au moment de la survenance du dommage.

Il résulte de l’ensemble des éléments du dossier que :

— par convention du 30 juin 1998 la commune d’B a mis à la disposition de la société GLISS PROMOTION le site de la Barre à B en vue de l’organisation du salon GLISS EXPO, la convention mettant à la charge de l’organisateur l’alimentation en électricité du site,

— la société GLISS PROMOTION a confié à la société GENERALE DE D l’organisation technique de l’événement et notamment la production d’électricité par groupes électrogènes, ces mêmes groupes étant alimentés par des cuves à fioul,

— par contrat du 30 août 1999 la société GENERALE DE D a loué à la société F pour exploitation du 31 août 1999 au 8 septembre 1999

XXX, un groupe électrogène 200 KVA, 3 cuves de fioul 1500 litres compris raccordement groupe avec prise en charge expresse du transport et du déchargement aller-retour,

— la livraison de 3 groupes électrogènes avec 3 cuves vides pour recevoir ultérieurement le fioul a été effectuée le même jour et en début d’après-midi la société NERVOL a livré le fioul,

— la cuve a basculé après le départ de la société F,

— le 31 août 1999 la société GENERALE DE D a informé la société F de la survenance d’un sinistre la veille après le remplissage des cuves de fioul dans les termes suivants « l’une des cuves posées sur une palette de bois s’est renversée après qu’elle ait été remplie et une partie de son contenu s’est déversé sur le parking et a emprunté le réseau d’eaux pluviales qui se jette dans le lac situé en contrebas. Par chance il y avait un manitou à proximité qui nous a permis de la relever et nous avons évité que tout son contenu ne se déverse »,

— les cuves livrées ont été récupérées le 31 août 1999 à 16 H selon document intitulé « bon de livraison »,

— l’enquête de police a recueilli les déclarations des protagonistes, notamment de :

' M. X, responsable de l’agence F de E :

« à chaque fois les cuves sont livrées sur palettes de bois. Les trois cuves ont été mises en place par nos soins. À notre demande la société NERVOL a effectué le plein de chaque cuve. Je n’ai pas été informé d’un problème particulier rencontré lors du remplissage des trois cuves,

' M. Y, chauffeur livreur de la société NERVOL :

« à mon arrivée je précise que la cuve était posée sur une palette en bois. J’ai constaté après le remplissage que la cuve me paraissait instable. Je dois préciser que la longueur de la palette était inférieure à la longueur de la cuve. J’ai fait part de mes observations à M. Z (Sté GENERALE DE D) qui a téléphoné en suivant à la société F. J’ai précisé à M. Z qu’il fallait en attendant caler la cuve pour éviter tout risque. Effectivement le sol où reposait la cuve était incliné légèrement mais cela n’a aucune incidence dans la mesure où l’inclinaison était dans le sens de la longueur de la cuve. En définitive à ma livraison j’ai avisé M. Z qu’il était prudent de caler la cuve et j’ai quitté les lieux »,

' M. Z, chef de chantier électricien de GENERALE DE D :

« j’ai constaté que la cuve située derrière la tente n° G alors qu’elle venait d’être remplie au maximum 1500 L penchait, j’ai pris appel téléphonique avec la société F afin de leur signaler que la cuve penchait dangereusement, j’ai désiré qu’une personne vienne changer la cuve ou la fixer… J’ai pris l’initiative de chercher un bastaing afin de la caler. Cependant à mon retour rapidement j’ai constaté que la cuve était au sol et que le fuel se répandait par terre. »,

' M. C, chef d’agence de la société NERVOL :

« je trouve surprenant que la cuve se soit renversée sans raison. Il est vrai que normalement ce genre de cuve ne doit pas être exposé au soleil. Il est possible en conséquence que l’état de la cuve ne soit pas entièrement fiable. D’après moi je ne pense pas que l’inclinaison du sol ait pu être la conséquence du renversement de la cuve. Il semble que la cuve ait été déformée. »

Il se déduit de l’ensemble des éléments repris ci-dessus que la cause du basculement de la cuve est intervenu dans des conditions peu explicites après le départ de la société F alors même que la cuve était sous la direction de la société GENERALE DE D, que les trois cuves ont été mises en place par les soins de la société F selon la déclaration du responsable de l’agence de E, que le chauffeur livreur de la société NERVOL a recommandé au responsable de la société GENERALE DE D, M. Z, de mettre en place un dispositif de stabilisation compte tenu du fait que la cuve lui paraissait instable après le remplissage de fioul, que M. A avoir pris l’initiative de chercher un bastaing afin de la caler et que la Sté GENERALE DE D ne peut dès lors soutenir qu’elle n’a pas manipulé les cuves et qu’elle ne peut avoir participé à la réalisation du dommage.

En définitive la cause du renversement de la cuve ne peut être déterminée dans la mesure où notamment le livreur de la société NERVOL a indiqué que si le sol où reposait la cuve était incliné légèrement, cela n’avait selon lui aucune incidence dans la mesure où l’inclinaison était dans le sens de la longueur de la cuve, où il n’est pas établi que le fait que la cuve ait été placée au soleil ait été fusse pour partie une des causes du sinistre.

Dans la mesure où la détermination du gardien de la cuve au moment de la survenance du sinistre causé par le basculement de ladite cuve ne peut être établie au vu des éléments soumis à la cour, il convient de retenir que chacune des deux sociétés, parties au contrat de D, est intervenue dans la manipulation de la chose à l’origine du dommage et que chacune d’elle doit être considérée comme responsable de l’inexécution fautive du contrat et comme ayant engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de la commune d’B.

Dès lors que le détenteur de la garde de la chose au moment de la survenance du fait générateur dommageable ne peut être déterminé, il ne peut être fait application des clauses contractuelles d’exclusion de garantie invoquées par la SA F.

En conséquence le jugement sera réformé et les deux sociétés seront condamnées solidairement à réparer le préjudice subi par la commune d’B.

III- Sur le préjudice

La commune d’B demande de considérer que son préjudice doit être chiffré à la somme de 143 877,16 € correspondant à la totalité des sommes réglées à la société FIRCHIM selon quittance subrogative du 29 janvier 2008 en intégrant les intérêts qu’elle a réglés à cette société à compter du mois d’octobre 2004, s’estimant pénalisée sur le plan financier alors qu’elle n’est en rien responsable de la longueur de la procédure administrative engagée par la société FIRCHIM, laquelle aurait dû saisir le tribunal de grande instance de E directement d’une demande à l’encontre des deux sociétés intervenantes plutôt que de passer par la voie administrative, sollicitant la réformation du jugement qui a estimé que la commune d’B était en partie responsable de son préjudice puisqu’elle avait abusivement résisté à la réclamation de la société FIRCHIM.

C’est par une motivation pertinente que la cour adopte que le tribunal a retenu que par son refus d’honorer spontanément la facture de la société FIRCHIM à laquelle elle avait commandé les travaux, la commune d’B est responsable des intérêts courus en faveur de cette société qu’elle n’aurait pas eu à payer si elle s’était immédiatement, de bonne foi, acquittée du coût de l’intervention commandée et qu’elle ne saurait en faire supporter la charge à la Sté F et à la Société GENERALE DE D , qu’il n’y a pas lieu de mettre à la charge d’un tiers la somme de 900 € payée par la commune dans le cadre de la procédure administrative au titre des frais irrépétibles, que suivant la quittance subrogative, ce n’est que le 29 janvier 2008 que la commune d’B a réglé la facture de la Sté FIRCHIM et qu’elle ne peut reprocher à la société F qu’elle n’avait pas appelée en la cause d’avoir abusivement résisté à la demande de paiement ; en conséquence le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la commune d’B de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement sera confirmé sur le quantum de la condamnation sauf à faire courir les intérêts au taux légal avec capitalisation par année entière à compter du 30 juin 2008, date de la demande formée en justice à l’encontre de la société F par la Sté GENERALE DE D.

La commune d’B ne peut solliciter des dommages-intérêts à raison de l’appel relevé par la société F au regard du principe du double degré de juridiction, ce d’autant que la responsabilité de cette société n’est pas retenue à titre exclusif, ce qui justifiait son appel.

L’équité commande de ne pas laisser à la charge de la commune d’B les frais exposés en cause d’appel et la société GENERALE DE D et la société F seront condamnées solidairement à lui payer la somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l’appel formé par la SA F.

Dit que l’action de la commune d’B à l’encontre de la SA F n’est pas prescrite.

Réforme le jugement du tribunal de grande instance de E en date du 31 janvier 2011.

Condamne solidairement les sociétés GENERALE DE D et F à payer à la commune d’B la somme principale de

133 387,05 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2008 avec capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du Code civil.

Déboute la Commune D’B de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ,

Déboute la Commune D’B de sa demande visant le remboursement de la somme de 900 € au paiement de laquelle elle a été condamnée par le Tribunal Administratif ,

Condamne solidairement la société GENERALE DE D et la société F à payer à la commune d’B la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne solidairement la société GENERALE DE D et la société F aux dépens d’appel.

Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement, dans les conditions de la loi, ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision.

Arrêt signé par Madame BUI-VAN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Pau, 31 décembre 2012, n° 12/05276