Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 29 décembre 2016, n° 14/02863

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, ch. soc., 29 déc. 2016, n° 14/02863
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 14/02863
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bayonne, 7 juillet 2014, N° F13/00107
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

DT/CD

Numéro 16/05147

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 29/12/2016

Dossier : 14/02863

Nature affaire :

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

X Y

C/

SA LEROY MERLIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R

Ê

T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 29 Décembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure
Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 24 Octobre 2016, devant :

Madame THEATE, Président

Madame COQUERELLE, Conseiller

Madame Z, Vice-Président placé, délégué en qualité de Conseiller par ordonnance du 10 août 2016

assistées de Madame A,
Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Madame X Y

XXX

XXX

XXX

Représentée par Maître VILAIN-ELGART, avocat au barreau de DAX

INTIMÉE :

SA LEROY MERLIN

Avenue du 8 mai 1945

XXX

Représentée par Maître DUBERNET DE BOSCQ, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 08 JUILLET 2014

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE
BAYONNE

RG numéro : F 13/00107

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES
PARTIES

Suivant un contrat à durée indéterminée du 15 février 1999 à temps partiel, Madame X
Y a été engagée par la
SA LEROY MERLIN, en qualité d’hôtesse, service clients.

Le 4 octobre 2010, cette salariée a été victime d’un accident de trajet, ce qui a généré plusieurs arrêts de travail. Elle a repris le travail sur un poste aménagé suite aux préconisations du médecin du travail.

Suite à la convocation du 16 janvier 2013 à un entretien préalable, la SA LEROY MERLIN a notifié à Madame X Y son licenciement pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec accusé de réception le 2 février 2013.

Le 2 avril 2013, Madame X
Y a saisi le conseil de prud’hommes de Bayonne, section commerce, pour faire juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir en conséquence la condamnation de la SA LEROY MERLIN à lui verser :

—  35.000 au titre des dommages et intérêts ;

—  5.000 au titre du préjudice moral associé ;

— avec exécution provisoire et condamnation au paiement des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, Madame X
Y a également conclu à la condamnation, de la SA
LEROY MERLIN au paiement des entiers dépens et d’une indemnité de procédure de 1.500 .

La tentative de conciliation ayant échoué, l’affaire et les parties ont été renvoyées devant la formation de jugement où la salariée a repris ses demandes initiales et la SA LEROY MERLIN a conclu au débouté de Madame X
Y de l’ensemble de ses prétentions, à sa condamnation aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de procédure de 3.000 .

Par jugement du 8 juillet 2014, auquel il conviendra de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud’hommes, statuant en formation paritaire, a dit que le licenciement de Madame X Y reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté Madame X Y des demandes présentées à ce titre, écarté l’application de l’article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 22 juillet 2014, l’avocat de Madame X Y a interjeté appel de ce jugement qui avait été notifié à sa cliente le 16 juillet 2014.

Selon les conclusions enregistrées au greffe le 12 juillet 2016, reprises oralement à l’audience du 24 octobre 2016 et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame X Y demande à la cour d’infirmer le jugement dont appel et :

* de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif, en conséquence, de condamner la
SA LEROY MERLIN à lui verser :

—  35.000 au titre des dommages et intérêts ;

—  5.000 au titre du préjudice moral distinct ;

* de dire que l’ensemble des condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice ;

* de condamner la SA LEROY MERLIN au paiement des dépens de première instance et d’appel et d’une indemnité de procédure de 3.500 .

Sur les motifs du licenciement

Madame X Y conteste les motifs de son licenciement, à savoir, des agressions verbales à l’égard de collègues et des manquements au règlement lors de la remise d’arrêts maladie.

S’agissant de l’agression, le 10 janvier 2013, de sa collègue Madame B, Madame X Y conteste l’avoir insultée et affirme ne pas être à l’initiative de l’altercation, elle produit à cet égard l’attestation de Monsieur C, client du magasin.

Sur l’absence d’information relative à son arrêt de travail du 11 janvier 2013, Madame X
Y soutient qu’elle n’était pas tenue de respecter une procédure particulière mais pouvait, par tout moyen, avertir son employeur dans les meilleurs délais. Or, les attestations de Madame D E et de Monsieur F démontrent que la salariée, hospitalisée ce jour-là, a fait prévenir la société de son absence.

Quant à l’agression de Monsieur G, le responsable du service clients le 15 janvier 2013, Madame X Y la conteste en soulignant l’absence d’éléments probants. Elle précise qu’elle a refusé l’entretien proposé le jour même par sa hiérarchie à 17 h 45, alors qu’elle était sur son lieu de travail depuis 9 h 30 et qu’elle devait respecter son planning en raison de contraintes familiales.

S’agissant enfin, de la remise prétendument irrégulière d’un nouvel arrêt de travail le 16 janvier 2013, l’appelante relève que ce dernier grief se résume à la remise d’un arrêt maladie à son employeur.

Aucun de ces griefs n’est, selon Madame X Y, susceptible de justifier un licenciement. Elle conteste enfin, l’affirmation de l’employeur selon laquelle des faits de même nature envers des collègues, des responsables ou encore envers des clients auraient déjà suscité son intervention.

Elle rappelle que depuis 14 ans ses évaluations annuelles ont démontré la satisfaction de l’employeur à son égard, elle produit des attestations de clients satisfaits de ses services et relève l’absence de rappels à l’ordre avant le 10 janvier 2013.

Madame X Y reproche au premier juge de ne pas avoir vérifié la réalité des griefs et procédé à une appréciation globale des faits qualifiés sur la base des allégations dénuées de fondement de la SA LEROY MERLIN.

Sur les conséquences du licenciement, Madame X Y invoque leur incidence familiale et sa situation de : mère divorcée âgée de 43 ans, toujours au chômage.

Sur le préjudice moral distinct

Madame X Y fait valoir que ses relations avec la SA
LEROY MERLIN se sont détériorées, dès la reprise de son travail à la suite de l’accident du travail du 4 octobre 2010.

Elle expose que, contre l’avis du médecin du travail, non seulement son poste n’a pas été aménagé mais elle a été retirée du service 'retrait de marchandises’ pour être affectée à une caisse du magasin, sollicitant davantage les mouvements de bras alors que l’employeur ne pouvait ignorer à cette date, son statut de travailleur handicapé.

Elle invoque l’acharnement de la SA LEROY MERLIN pour la conduire à une rupture du contrat de travail, mais aussi les méchancetés et injustices de ses collègues dont est résulté un état anxio-dépressif médicalement pris en charge. Madame X Y demande que soit reconnue la responsabilité de la SA LEROY MERLIN sur ce point.

Elle conteste les attestations produites en défense par l’employeur dont :

* un bulletin de mécontentement du 2 juillet 2012 qui ne pouvait la concerner puisqu’elle était en arrêt maladie au cours de cette période ;

* un écrit collectif critiquant l’organisation et la gestion des plannings qui ne peut viser que les responsables de plannings dont elle ne faisait pas partie.

************

Par écrits enregistrés au greffe le 20 septembre 2016, repris oralement à l’audience du 24 octobre 2016 et auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la
SA LEROY MERLIN demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a jugé que le licenciement de Madame X Y reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté Madame X Y de toutes ses prétentions.
L’intimée demande en outre à la cour de condamner Madame X Y aux dépens et au paiement d’un montant de 3.500 pour les frais de procédure.

Sur les motifs du licenciement

Reprenant les termes du jugement dont appel, l’employeur affirme que les faits invoqués dans la lettre de licenciement ne sont pas contestés et les justifient comme suit :

* sur l’agression de Madame B le 10 janvier 2013, la SA LEROY MERLIN fait valoir qu’ils ont été reconnus par l’appelante dans un courriel envoyé le jour même à sa responsable. La SA
LEROY MERLIN conteste la valeur probante de l’attestation de Monsieur C dont la présence au moment des faits n’est pas établie ;

* sur l’arrêt de travail du 11 janvier 2013, la SA LEROY
MERLIN maintient que Madame X
Y n’a pas directement prévenu sa responsable comme elle aurait dû le faire ;

* sur les faits du 15 janvier 2013, elle soutient que Monsieur G a bien été interpellé, de façon virulente par Madame X
Y, en présence de clients et que suite à cela, l’appelante a exigé un entretien avec Monsieur H, directeur du magasin, traité sa supérieure hiérarchique d’incapable et l’a menacée de représailles pour finalement refuser insolemment un entretien avec le directeur du magasin qu’elle avait sollicité le matin même ;

* sur l’arrêt de travail du 16 janvier 2013, la SA LEROY
MERLIN précise que la salariée a de manière mensongère prétendu que Monsieur H ne voulait pas la recevoir et a fait venir Madame I, responsable du service client, sur le parking du magasin pour remettre son justificatif d’absence ;

L’accumulation de ces comportements agressifs et d’insubordination justifiant largement la sanction prise.

La SA LEROY MERLIN invoque enfin la pétition signée par 23 salariés sur la mauvaise ambiance de travail régnant dans l’entreprise et deux attestations désignant Madame X Y comme responsable de ces tensions. L’employeur ajoute les absences répétées, le comportement agressif et 'incontrôlable’ de Madame X Y tant à l’égard de ses collègues, que des clients, son insubordination vis-à-vis de la hiérarchie qui sont autant de circonstances aggravantes dans l’appréciation des faits.

Il rappelle les observations écrites depuis le début de l’année 2012 qu’il a dû faire, l’avertissement du 4 octobre 2012 pour des erreurs professionnelles et des propos incorrects tenus par la salariée envers ses supérieurs hiérarchiques.

Pour la SA LEROY MERLIN les attestations produites par Madame X Y sont de pure complaisance (liens personnels ou incohérences dans les dates relevées sur certains écrits produits), les bilans annuels d’évaluation révèlent les difficultés relationnelles de Madame X
Y avec l’équipe. Elle considère en outre que la notation de cette salariée n’est pas à la hauteur de son ancienneté.

Elle relève enfin :

* le caractère excessif et infondé de l’évaluation du préjudice par la partie adverse, dont elle souligne qu’il représente près de 4,5 années de salaire net,

* les affirmations mensongères de Madame X Y sur sa situation de demandeur d’emploi dans la mesure où, depuis un an et demi, elle exploite un commerce à l’enseigne 'la Clé du temps’ à Bayonne.

Sur le préjudice moral distinct

Contrairement aux affirmations de Madame X Y, la SA LEROY
MERLIN affirme

avoir suivi l’ensemble des préconisations du médecin du travail en matière d’aménagements de poste et d’horaires de travail, et d’avoir même tenu compte des contraintes familiales de la salariée. Elle conteste en revanche avoir eu connaissance du statut de travailleur handicapé de Madame X
Y.

Pour la SA LEROY MERLIN seule Madame X Y serait responsable des relations conflictuelles entretenues avec ses collègues et sa hiérarchie, comme en atteste le bulletin de mécontentement du 2 juillet 2012 qui la visait au premier chef. Contrairement aux allégations de l’appelante elle n’était pas en arrêt maladie, mais en temps partiel thérapeuthique et présente dans l’entreprise au cours de la période concernée. Elle était à l’inverse bien absente pour congé maladie le 27 juin 2012, jour où un avis de satisfaction client a été émis.

MOTIFS

Sur le licenciement

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, 'En cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables'.

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige, en sorte que les griefs qui sont développés par la SA LEROY MERLIN dans ses conclusions mais ne figurent pas dans la lettre de licenciement du 2 février 2013 sont sans emport sur la solution du litige.

En l’espèce la lettre de licenciement est articulée autour de quatre griefs :

— le jeudi 10 janvier 2013 : avoir publiquement insulté une collègue dans des termes 'profondément blessants’ ;

— le vendredi 11 janvier 2013 : ne pas avoir respecté 'le circuit d’information que vous connaissez pourtant bien’ pour signaler un arrêt maladie ;

— le mardi 15 janvier 2013 : avoir été 'agressive envers tout le monde sans motif’ ;

— le mercredi 16 janvier 2013 : 'avoir un comportement irrespectueux inadmissible vis-à-vis de la hiérarchie'.

Il est précisé :

'Durant notre entretien, vous tentez de vous justifier en vous posant en victime estimant que personne ne veut vous entendre. Vous considérez également que c’est la multitude de vos arrêts qui vous a exclue du groupe et créé des animosités envers vous et que personne n’a rien fait pour vous en protéger.

Sur ce point, je dois réagir car nous avons tous, Madame J et les responsables services clients, Madame K et moi-même, porté une attention toute particulière à votre situation depuis plusieurs mois, ayant clairement détecté vos difficultés. Divers contacts ont été pris d’ailleurs à notre initiative avec la médecine du travail.

Vos propos sur ce point ont d’ailleurs été relevés par Madame L qui vous assistait. Celle-ci vous fait remarquer que vous ne pouviez ainsi remettre en cause la parole de votre directeur.

Cette succession d’événements et de comportement est inqualifiable et intervient alors qu’au cours de ces derniers mois, nous avons dû intervenir auprès de vous pour des faits de même nature envers vos collègues et responsables, ou encore envers les clients.

Lors de notre entretien, comme au cours des derniers mois d’ailleurs, vous n’avez montré aucune capacité de remise en cause personnelle.

Dans de telles conditions et après réflexion, je suis au regret de vous notifier la rupture de votre contrat de travail pour comportement agressif, non-respect de la hiérarchie, propos mensongers vis-à-vis de vos collègues et du comité de direction, cause réelle et sérieuse du licenciement.

Compte tenu de votre statut et de votre ancienneté, vous bénéficiez d’un préavis de deux mois qui commencera à courir à première présentation de ce courrier, soit le 4 février 2013, pour se terminer le 3 avril 2013 au soir.

Pour tenir compte de la situation et afin de faciliter votre reclassement, je vous dispense de l’exécution de cette période qui vous sera néanmoins rémunérée à échéance normale de règlement des salaires'.

Le motif du licenciement est en conséquence un comportement violent agressif irrespectueux et mensonger réitéré.

S’agissant de la réalité des griefs invoqués par l’employeur, et plus précisément de ceux du 10 janvier 2013, le motif et la réalité de l’altercation entre Madame X Y et Madame M
B, ne sont pas discutés. La teneur des propos reprochés à Madame X
Y ('toi la dépressive, retourne à ton centre psychiatrique') a été admise, dans une forme édulcorée, par l’intéressée dans une lettre qu’elle a adressée le jour même à Madame N
J, responsable du service ('je lui ai répondu qu’elle aille se faire soigner en maison de repos elle n’a pas aimé').

Sont en revanche contestées les conditions dans lesquelles cette altercation a démarré et a été attisée, chaque salarié désignant sa collègue comme la 'provocatrice’ et imputant la responsabilité de l’incident à l’autre. Au soutien de sa thèse, la SA LEROY
MERLIN produit l’attestation de Madame O P qui déclare avoir vu 'une collègue’ se faire insulter par Madame X
Y devant beaucoup de clients et ce sans raison apparente. Cependant, cette attestation dont les faits qu’elle rapporte ne sont pas datés, ni précise, ni circonstanciée n’est pas probante.

A l’inverse, l’appelante produit l’attestation de Monsieur Q H
C, client présent à la caisse ce 10 janvier 2013, qui déclare avoir 'entendu et vu l’hôtesse M BOURDARIAS proférer des insultes et des menaces à l’encontre de sa collègue Madame X Y se trouvant avec elle aux caisses automatiques. Je confirme avoir été témoin de cette altercation et j’ai pu constater que Madame Y n’a fait que répondre aux méchancetés de sa collègue'.
Les arguments avancés par la SA LEROY MERLIN pour décrédibiliser l’attestation de Monsieur RRR C sont sans emport et dépourvus de pertinence. Or, et alors même qu’il est établi qu’elle avait pris une part majeure dans cette altercation il n’est pas soutenu que Madame M
B ait été sanctionnée pour son comportement. Dès lors, la participation mineure de l’appelante à l’incident ne saurait constituer un motif sérieux de licenciement.

Il est ensuite reproché à Madame X Y de n’avoir pas directement informé Madame N J, responsable du service, de l’arrêt maladie prescrit à la suite de cette altercation jusqu’au lundi 14 janvier 2013 inclus.

Les faits du vendredi 11 janvier 2013 ne sont pas non plus discutés dans la mesure où il est établi que Madame X Y a requis les services d’un tiers (Monsieur F) pour informer l’employeur de son absence à partir de 14 h 30, sans pouvoir joindre directement Madame J, un message ayant été laissé au standard. Il n’est pas non plus contesté par la SA LEROY MERLIN que :

* Madame X Y était hospitalisée le matin du vendredi 11 janvier 2013 (ce dont elle justifie) ;

* Madame J était en réunion au moment de l’appel téléphonique.

La SA LEROY MERLIN qui ne justifie pas du protocole prétendument instauré dans l’entreprise pour signaler les absences, ne saurait sanctionner le comportement de Madame X
Y qui a informé l’employeur de son absence, dans les formes et selon les moyens dont elle disposait. Il en découle que le grief n’est pas fondé.

Le 3e reproche, tient au comportement de Madame X Y le mardi 15 janvier 2013, à la fois 'agressif’ avec ses collègues et irrespectueux vis-à-vis de sa direction. L’appelante conteste la réalité des faits et justifie son refus d’entretien avec le directeur du magasin par le fait que sa journée de travail était terminée.

S’agissant de cette journée, la lettre de licenciement est ainsi rédigée :

'Mardi 15 janvier : vous prenez votre poste à l’emporté marchandise. Monsieur G, responsable service clients, vient vous saluer ainsi que votre collègue Madame S.
Immédiatement et de façon virulente, devant votre collègue, vous l’agressez en lui disant : « personne ne vient prendre de mes nouvelles », « personne ne m’a reçu », « je suis en réunion de secteur ce jour à 11 h avec Madame B, vous l’avez fait exprès ».

Monsieur G vous répond alors : « que vous rentrez ce jour de maladie et qu’il était donc difficile de vous recevoir avant », « que Madame J est en entretien avec Monsieur H, et donc non disponible », « que les plannings sont faits 4 semaines à l’avance et qu’il doit voir avec Madame J si possibilité ou non de changer pour cette réunion ».

Madame J en EDP est avertie par Monsieur G. Elle vous indique par téléphone son souhait de vous voir à la réunion de 11 h. Lorsque Monsieur G vous confirme cette information, vous éclatez en larmes en disant : « vous faites exprès, ce n’est pas normal », toujours en présence de clients et à proximité de votre collègue.

Finalement, vous vous présentez à la réunion sans qu’aucun incident ne survienne.

Le même jour à 14 h vous rencontrez Monsieur H en arrivant au magasin, vous exigez qu’il vous reçoive immédiatement pour un entretien.

M. H vous répond qu’il n’est pas disponible dans l’immédiat du fait d’un EDP programmé, qu’il vous recevra dès que possible.

Vous croisez 10 minutes après Madame J en lui demandant également de la rencontrer.
Celle-ci vous demande de patienter 5 minutes et vous recevra ensuite, mais face à votre attitude et craignant de plus amples débordements, elle vous reçoit immédiatement.

À peine la porte du bureau fermée, vous lui dites en haussant fortement le ton et de manière très agressive (des collègues vous ont entendu en salle de coffre) : « tu es incapable de prendre des décisions », « je ne vais pas en rester là », «tu n’as pas pris de nouvelles durant mon arrêt, c’est inadmissible », « personne ne peut m’entendre ».

Après avoir tenté en vain de ramener un peu plus de calme et de raison, Madame J vous a accordé 10 minutes de pause avant de reprendre votre poste à l’emporté marchandise.

Vers 17 h 45, Monsieur G vous a aidé à ranger vos papiers et à porter votre caisse. Dans le couloir de l’étage nous nous sommes croisés et je vous ai proposé de vous recevoir immédiatement.

À ma grande stupéfaction, vous avez catégoriquement refusé en disant :

«Vous ne me recevrez pas comme ça à la volée, j’ai attendu toute la journée, je n’ai pas que ça à faire ».

Vous avez immédiatement tourné les talons, nous laissant en plan Monsieur G et moi-même, totalement outrés par votre attitude.

Inutile de vous dire une nouvelle fois que vous vous adressiez à moi en qualité de directeur de l’établissement et que ce n’est pas à vous d’imposer vos rendez-vous et encore moins de lancer des menaces'.

Ces faits et déclarations sont confirmés par les principaux intéressés, à savoir, Monsieur G et Madame J, et en partie reconnus par Madame X Y lors de l’entretien préalable qui a tenté de justifier son attitude par son état de santé (maux de tête) et la fin de sa journée de travail.

S’agissant enfin des faits du mercredi 16 janvier 2013, il est reproché à Madame X
Y d’avoir sollicité Madame I, responsable service clients, afin qu’elle la rejoigne sur le parking pour lui remettre un nouvel arrêt maladie en précisant entre autres « Monsieur Bernard a refusé de me recevoir ». Cette attitude et cette déclaration mensongère sont également confirmées par Madame I.

Au-delà des réflexions peu amènes de la salariée vis-à-vis de Monsieur G, son comportement agressif, irrespectueux, voire menaçant vis-à-vis de ses supérieurs hiérarchiques, comme les perturbations découlant de ces réactions intempestives constituent un motif de licenciement d’autant plus justifié, qu’il ressort des nombreuses attestations produites par l’employeur (attestation de Madame T, de Monsieur G et de Madame J) mais aussi par Madame X Y elle-même, que cette attitude était fréquente (voire attestation de Madame D E sur 'les paroles impulsives et regrettables de Madame Y quelques mois avant son licenciement') et ce aussi bien à l’égard de ses supérieurs que vis-à-vis de ses collègues. De plus, si Madame E attribue l’attitude de Madame X Y aux pressions de la hiérarchie qui 'l’avait prise en grippe’ et faisait preuve de peu de compréhension à son égard, cette explication n’est en rien démontrée par les pièces produites par Madame X
Y, qui bénéficiait à l’inverse d’un traitement de ses absences – y compris pour motifs personnels – jugé privilégié par nombre de ses collègues.

Le grief est donc établi et constitue un motif sérieux de licenciement en ce qu’il porte atteinte au pouvoir de direction de l’employeur et déstabilise l’organisation et le bon fonctionnement de l’entreprise.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement dont appel qui a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les manquements de la SA LEROY MERLIN à ses obligations contractuelles

Madame X Y reproche à son employeur de ne pas avoir :

* respecté les préconisations du médecin du travail en matière d’aménagement de poste de travail ;

* tenu compte de sa situation de travailleur handicapé ;

* pris les mesures adéquates pour la protéger face aux 'remontrances, méchancetés et injustices de ses collègues’ ;

Manquements qui auraient contribué à nuire gravement à sa santé.

La SA LEROY MERLIN conteste les allégations de la salariée en affirmant que les préconisations du médecin du travail ont été scrupuleusement respectées et qu’un poste et des horaires aménagés ont été mis en place pour Madame X Y.

Elle conteste également avoir été informée par la salariée de son statut de travailleur handicapé.

Quant aux difficultés relationnelles apparues avec ses collègues de travail, l’employeur affirme que Madame X Y en était la principale responsable. En dépit de la compréhension et de la tolérance dont il a fait preuve vis-à-vis de cette salariée les sautes d’humeur, l’irritabilité et le peu de considération qu’elle leur manifestait, ont conduit ces dernières à signer une pétition à l’encontre de Madame X Y.

En droit, l’employeur est tenu, à l’égard de son personnel, d’une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs.

A ce titre et en premier lieu, il lui appartient de respecter les préconisations du médecin du travail en matière d’aménagement de poste.

En l’occurrence, il ressort des pièces produites que la définition du poste de Madame X
Y à la suite de l’accident de la circulation dont elle avait été victime et des séquelles qui en étaient résultées, ont donné lieu à de nombreux échanges entre la SA LEROY MERLIN et la médecine du travail afin de parvenir à une alternance d’activités (ligne de caisse, caisse automatique et 'emporté marchandises') d’abord dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, puis d’un temps plein à compter du mois de janvier 2013. Non seulement ces préconisations ont été respectées, mais il est également établi que ses horaires étaient aménagés de façon à faciliter la gestion de ses contraintes familiales. Enfin, il n’est pas démontré que l’appelante ait manifesté la moindre revendication ou plainte à ce titre auprès de son employeur. Le manquement allégué de l’employeur n’est donc pas établi de ce chef.

Il n’est pas non plus démontré que Madame X Y a informé la direction de la SA
LEROY MERLIN du statut de travailleur handicapé qui lui avait été accordé. De plus, au regard des aménagements dont elle bénéficiait déjà, elle n’explique pas l’incidence qu’aurait pu avoir cette information sur sa situation professionnelle.

S’agissant enfin des différends avec ses collègues, il ressort des nombreuses pièces produites qu’à la suite des difficultés rencontrées par Madame X Y dans sa vie personnelle et familiale, son comportement a changé : agressivité, insolence, isolement, provocations, ont généré des tensions au sein de son service, alors même que les supérieurs hiérarchiques de la salariée restaient à son écoute et continuaient de l’accompagner, ce dont atteste d’ailleurs le récit des événements du 15 janvier 2013 tels que relatés dans la lettre de licenciement et qui n’est pas sérieusement démenti par l’appelante.

Les attestations de clients satisfaits de ses services, produites par l’appelante, ne sont pas de nature à contredire celles, nombreuses, précises, variées mais concordantes de ses collègues manifestant leur

lassitude à l’égard de l’irascibilité et de l’égocentrisme de Madame X
Y qui sont produites par la SA LEROY MERLIN.

Quant au certificat médical relatif aux troubles ressentis par Madame X Y il n’est en rien démontré qu’ils soient en lien avec ses conditions de travail.

Il y a donc lieu de confirmer également la décision du conseil de prud’hommes qui a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct.

Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Il appartient à Madame X
Y qui succombe de supporter la charge des dépens de l’instance et de verser à la SA LEROY MERLIN une indemnité de procédure de 500 .

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE Madame X
Y à payer à la SA LEROY
MERLIN une indemnité de procédure de 500 (cinq cents euros) ;

CONDAMNE l’appelante aux dépens de l’instance.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame A, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 29 décembre 2016, n° 14/02863