Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section inst, 9 février 2018, n° 17/00714

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Chronologie de l’affaire

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www.berrebi-avocats.com · 23 septembre 2018

Une des nouveautés de la loi Pinel du 18 juin 2014 est l'instauration d'un droit de préférence au profit du preneur d'un local soumis au statut des baux commerciaux, dans le cas où le bailleur déciderait de le vendre. Ce droit de préemption ne s'applique toutefois pas en cas de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial, ni en cas de cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou de cession d'un local au conjoint du bailleur, …

 

Cabinet Neu-Janicki · 29 avril 2018

Si la régularisation annuelle fait apparaître un écart important entre le montant provisionné et le montant réel des charges dues, le locataire peut engager la responsabilité du bailleur et obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice qu'il subit du fait de la sous-estimation de la provision. En l'espèce, il convient de considérer le bailleur comme responsable du préjudice résultant pour le locataire de la sous-estimation du montant des charges et d'indemniser la locataire du préjudice souffert à hauteur du montant des régularisations de charges dues pour les années 2013 et 2014, …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect. inst, 9 févr. 2018, n° 17/00714
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 17/00714
Décision précédente : Tribunal d'instance de Reims, 19 février 2017, N° 11-16-000930
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

R.G. : 17/00714

ARRÊT N°

du : 9 février 2018

A. L.

Madame Y X

C/

Société civile Brooks Capital

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

1re CHAMBRE CIVILE – SECTION INSTANCE

ARRÊT DU 9 FÉVRIER 2018

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 20 février 2017 par le tribunal d’instance de Reims (RG 11-16-000930)

Madame Y X

[…]

[…]

Comparant, concluant par la SCP Rahola Delval Creusat et Associés, avocats au barreau de Reims

INTIMÉE :

Société civile Brooks Capital

agissant poursuites et diligences de son gérant, domicilié de droit au siège social

[…]

[…]

Comparant, concluant par Maître Olivier Pinçon, avocat au barreau de Reims

DÉBATS :

A l’audience publique du 28 novembre 2017, le rapport entendu, où l’affaire a été mise en délibéré au 9 février 2018, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l’article 786 du code de procédure civile, Madame Lefèvre, conseiller, a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Brunel, président de chambre

Madame Lefèvre, conseiller

Madame Magnard, conseiller

GREFFIER D’AUDIENCE :

Monsieur Jolly, greffier lors des débats et du prononcé

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Brunel, président chambre, et par Monsieur Jolly, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte sous seing privé du 28 juin 2012, le gérant de la SARL Marne Agence agissant comme mandataire de la société Brooks Capital, société civile, a donné à bail à Mme Y X, à compter du

24 août 2012, des locaux à usage d’habitation sis […] à Reims, moyennant un loyer mensuel révisable de 750 euros, outre une provision sur charges de 200 euros. Par acte du 9 juillet 2012, M. Z-A X s’est porté caution solidaire.

Les 3 et 21 juin 2016, la société Brooks Capital a fait assigner respectivement Mme X et M. X devant le tribunal d’instance de Reims en résiliation du bail, expulsion, condamnation solidaire au paiement de la dette locative de 5 664,88 euros, d’une indemnité d’occupation de 1 100 euros et d’une indemnité de 3 000 euros pour frais irrépétibles. La société Brooks Capital explique que la locataire paye son loyer mais ne règle pas les régularisations de charges en invoquant une mauvaise isolation des fenêtres et une surconsommation de chauffage en résultant.

Mme X précise avoir quitté les lieux le 6 janvier 2017 et conteste l’acquisition de la clause résolutoire, les loyers ayant toujours été réglés. Elle réclame la condamnation de la société Brooks Capital à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 6 000 euros pour dol par sous-évaluation du montant des provisions, défaut de production du diagnostic de performance énergétique et non-remplacement des fenêtres, outre la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du refus de solution amiable et de la délivrance de plusieurs actes par huissier de justice (commandement, saisie conservatoire).

Le jugement du 20 février 2017 assorti de l’exécution provisoire a :

— déclaré recevable l’action de la société Brooks Capital,

— constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire sont réunies à la date du 11 août 2015,

— ordonné l’expulsion de Mme X,

— condamné Mme X à payer la somme de 5 377,78 euros au titre des loyers, charges, indemnités d’occupation au 22 novembre 2016, avec intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2016 jusqu’à libération effective des lieux,

— fixé le montant de l’indemnité d’occupation mensuelle à la somme de 1 082,64 euros,

— déclaré nul l’engagement de caution de M. X,

— condamné la société Brooks Capital à payer à Mme X la somme de 2 283,91 euros en réparation de ses préjudices matériel et moral,

— dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné Mme X aux dépens comprenant le coût du commandement de payer, de l’assignation, de sa notification à la préfecture.

Mme X a fait appel de cette décision. Aux termes de conclusions du 24 octobre 2017, elle demande à la cour de :

— dire n’y avoir lieu à résiliation du bail, ni à expulsion,

— condamner la société Brooks Capital à lui payer les sommes de 3 799,44 euros, en indemnisation du préjudice résultant de la sous-évaluation volontaire des charges, et de 3 000 euros en indemnisation du préjudice résultant du défaut d’étanchéité des fenêtres et de l’insuffisance de l’installation de chauffage,

— condamner la société Brooks Capital à lui payer la somme de 2 000 euros en indemnisation de son préjudice moral,

— dire irrecevable la demande incidente en paiement de frais de remise en état,

— subsidiairement rejeter cette demande incidente,

— condamner la société Brooks Capital au remboursement du dépôt de garantie de 750 euros,

— la condamner au paiement d’une somme de 2 500 euros pour frais irrépétibles,

— la condamner aux dépens.

Selon écritures du 25 octobre 2017, la société Brooks Capital conclut à la confirmation du jugement entrepris, sauf à rejeter toutes les demandes en paiement de Mme X. Elle demande sa condamnation au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 novembre 2017.

Sur ce, la cour :

Sur les demandes en résiliation du bail et expulsion :

Le premier juge a exactement constaté que Mme X a refusé de payer la régularisation de charges qu’elle contestait, sans y avoir été autorisée judiciairement, et qu’elle a ainsi réglé au bailleur une somme mensuelle de 980,94 euros qui ne couvrait pas la totalité du montant mensuel des loyers et provisions sur charges. Il en a déduit avec justesse que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail étaient réunies à la date du 11 août 2015.

La société Brooks Capital considère en ses écritures que l’appartement occupé par Mme X a été restitué le 6 janvier 2017, date à laquelle il a été procédé à l’état des lieux de sortie, et Mme

X conclut de même. Par suite, la demande d’expulsion formulée par le bailleur est désormais dépourvue d’objet. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les demandes d’indemnisation formées par Mme X :

L’appelante réclame la condamnation du bailleur à l’indemniser du préjudice résultant de la sous-évaluation volontaire des charges, du préjudice causé par le défaut d’étanchéité des fenêtres et l’insuffisance de l’installation de chauffage et du préjudice moral entraîné par la multiplication des procédures vexatoires engagées à son encontre.

. sous-évaluation des charges :

Selon l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989, 'Les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l’objet d’une régularisation annuelle. Les demandes de provisions sont justifiées par la communication de résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation et, lorsque l’immeuble est soumis au statut de la copropriété ou lorsque le bailleur est une personne morale, par le budget prévisionnel.'

Il est constant que, si la régularisation annuelle fait apparaître un écart important entre le montant provisionné et le montant réel des charges dues, le locataire peut engager la responsabilité du propriétaire bailleur et obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice qu’il subit du fait de la sous-estimation de la provision.

Il résulte des pièces communiquées que les régularisations de charges ont atteint les montants suivants : – 323,82 euros en faveur de Mme X pour l’année 2012 (le bail prenant effet le 24 août 2012), 1 783,91 euros pour l’année 2013, 2 015,53 euros pour l’année 2014 et -624,17 euros en faveur de Mme X pour l’année 2015, étant précisé qu’à compter de novembre 2014 le montant de la provision sur charges mensuelle est passé de 200 à 300 euros (mais Mme X n’a réglé que 200 euros par mois).

Les comptes de charges annuels révèlent qu’en 2013 et 2014, les provisions versées de 2 400 euros sur l’année étaient faibles par rapport aux charges réelles de 4 183,91 euros et 4 415,53 euros. Ces chiffres caractérisent un écart important entre provisions et montants réels des charges locatives. Par ailleurs la société Brooks Capital a clairement refusé, par un courriel de son avocat du 9 décembre 2015 (pièce n° 5), de produire les factures de chauffage de la copropriété du […] depuis 2005, que Mme X l’avait sommée de communiquer le 8 décembre 2015.

Dans un tel contexte, il convient de considérer le bailleur comme responsable du préjudice résultant pour le locataire de la sous-estimation du montant des charges et d’indemniser Mme X du préjudice souffert à hauteur du montant des régularisations de charges dues pour les années 2013 et 2014, soit 3 799,44 euros (correspondant à 1 783,91 + 2 015,53). Le jugement est infirmé en ce sens.

. défaut d’étanchéité des fenêtres :

Mme X veut être indemnisée des nuisances subies faute de remise en état des fenêtres par le bailleur. Son courrier daté du 29 octobre 2014 réclame des travaux d’isolation et d’étanchéité des fenêtres, dont les menuiseries sont vétustes et laissent passer l’air extérieur, et rappelle les constats des divers professionnels intervenus quant au froid qui règne dans l’appartement, même lorsque le chauffage est en marche.

Mme X produit les rapports des 18 avril et 26 décembre 2016 de la conseillère médicale en environnement intérieur et technicienne sanitaire envoyée par le service communal d’hygiène et de santé de la ville de Reims (pièces n° 9 et 16). Lors de la première visite du 23 février 2016, la chaudière collective était en cours de réparation, la température dans la chambre des enfants était de

24,1 degrés ; lors de la seconde visite du 29 novembre 2016, le logement était vide (la famille avait déménagé) et la sensation de froid était qualifiée d’importante dans l’ensemble du logement (14,7 degrés dans le salon/salle-à-manger), les radiateurs étaient 'en partie froids malgré les robinets thermostatiques à fond'. Ils venaient sans doute d’être allumés pour les besoins de la visite. La conseillère a conclu que 'la non-étanchéité des fenêtres ainsi que les problèmes de chauffage peuvent être à l’origine des soucis de santé pour les occupants de ce logement' et que les mesures mettent en évidence 'un taux d’humidité relativement bas pour permettre un confort de vie optimal'. Elle a conseillé d’aérer les pièces 15 minutes matin et soir, de vérifier la ventilation générale et permanente, de changer les fenêtres et de vérifier le système de chauffage.

Mme X communique également le rapport transmis par son assureur protection juridique le 30 novembre 2015 (pièce n°3). Convoqués par le technicien, le bailleur et son mandataire lui ont répondu qu’ils seraient absents. Ledit rapport précise que le remplacement des fenêtres est impératif pour supprimer une grande partie des déperditions d’énergie et diminuer les charges de chauffage, indiquant que le coût de remplacement des huit fenêtres atteint 10 000 euros. Les fenêtres en bois à simple vitrage datent des années 1960-1970 ; le jeu dans la crémone laisse passer l’air et par grand vent les ventaux s’ouvrent seuls. Compte tenu de l’inertie du gérant et du bailleur, le technicien conseille à l’assurée de déménager au plus tôt.

Il apparaît ainsi que le défaut d’étanchéité des fenêtres est manifeste et que le clos et le couvert du logement ne sont pas garantis. Or le bailleur doit faire pendant la durée du bail toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives (article 1720 du code civil).

Le dommage souffert par Mme X du fait de la défectuosité des fenêtres est apprécié à la somme de 1 500 euros, la présence de jeunes enfants dans ce logement situé au 5e et dernier étage de l’immeuble rémois majorant les difficultés et les frais exposés pour maintenir une température minimale. La décision déférée est infirmée sur ce point.

. préjudice moral causé par les diverses procédures :

L’action du bailleur en constat de l’acquisition de la clause résolutoire a été reconnue fondée. Il était donc logique que le bailleur fasse ensuite procéder à des saisies conservatoires sur les comptes bancaires de la locataire. Cependant, la société Brooks Capital a fait délivrer le 26 juillet 2016 à Mme X un commandement d’avoir à respecter la destination du bail alors que le contrat du 28 juin 2012 autorisait expressément Mme X à établir son siège social au […] dans les locaux loués par bail à usage d’habitation, à y recevoir de la clientèle et à apposer sa plaque sur l’immeuble (clause particulière en dernière page du bail). Cette procédure vexatoire a causé à la locataire un préjudice moral que le premier juge a pertinemment apprécié à la somme de 500 euros.

Sur les autres demandes :

Selon l’article 954 du code de procédure civile relatif aux conclusions d’appel, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Le dispositif des écritures de la société Brooks Capital ne mentionne aucune demande en paiement au titre des frais de remise en état de l’appartement litigieux, de sorte que la cour n’est pas saisie d’une demande sur ce point.

Par suite, Mme X est fondée en sa demande en remboursement du dépôt de garantie de 750 euros.

L’appelante est reconnue pour partie fondée en son recours. Il convient de laisser à chaque partie la charge des dépens qu’elle a exposés en première instance et en appel, ce qui ne permet pas de faire

application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. La société Brooks Capital supporte donc le coût de la notification de l’assignation à la préfecture, du commandement de payer et de l’assignation. Il y a lieu de rejeter les demandes respectives fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

Infirme partiellement le jugement du 20 février 2017,

Statuant à nouveau,

Dit sans objet la demande d’expulsion de Mme X,

Condamne la société Brooks Capital à payer à Mme X les sommes de 3 799,44 euros en réparation du préjudice résultant de la sous-évaluation des charges, de 1 500 euros en réparation du préjudice résultant de la défectuosité des fenêtres et de 500 euros en réparation du préjudice moral résultant d’une procédure vexatoire,

Dit Mme X fondée en sa demande en remboursement du dépôt de garantie de 750 euros,

Confirme le jugement pour le surplus,

Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles,

Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés en première instance et en appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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