Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 12 janvier 2021, n° 19/02302

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect.civ., 12 janv. 2021, n° 19/02302
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 19/02302
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Reims, 7 octobre 2019
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

du 12 janvier 2021

R.G : N° RG 19/02302 – N° Portalis DBVQ-V-B7D-EYPF

X

c/

S.A.S. CARLA

Formule exécutoire le :

à

 :

la SELAS BDB & ASSOCIÉS

Me A B

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 12 JANVIER 2021

APPELANT :

d’un jugement rendu le 8 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Reims

Monsieur C-D X

[…]

[…]

Représenté par Me Lorraine DE BRUYN de la SELAS BDB & ASSOCIÉS, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

S.A.S. CARLA

[…]

[…]

Représentée par Me A B, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Cédric LECLER, conseiller rédacteur

GREFFIER :

Monsieur A MUFFAT-GENDET, greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 24 novembre 2020, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 janvier 2021,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2021 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Monsieur A MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Par acte authentique en date du 4 mars 2011, Monsieur C-D X a donné à bail commercial à la société par actions simplifiée Carla (la société) un local situé […] et […], comportant:

— au rez-de-chaussée : un magasin, une antichambre donnant accès au vestibule d’entrée et aux wc du rez-de-chaussée, sur cour une chambre frigorifique;

— un sous-sol situé immédiatement au-dessous du magasin sur la […],

— des passages couverts et chambres froides ;

— un accès à la cour commune pour l’entretien des groupes de climatisation.

Ce bail a été consenti pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 2011, moyennant un loyer annuel en principal de 18'000 € hors-taxes et hors charges, réduit à 1000 € nets et hors charges pendant 1 an, en contrepartie des travaux devant être effectués par le preneur, concernant notamment le nettoyage des gouttières donnant sur rue et le ravalement de façade du local.

Par acte sous-seing privé en date du 12 avril 2019, la société Carla a conclu avec Monsieur Y Z une convention de cession sous condition suspensive du fonds de restauration sur place et accessoirement à emporter ou à livrer exploitée dans ce local sous l’enseigne "L’Affaire», pour un prix de 480'000 €, dont 288'020 € pour les éléments incorporels.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 mai 2019, la société Carla a mis en demeure Monsieur X de réaliser avant le 15 juin 2019 les travaux dont elle estimait qu’ils incombaient au bailleur en vertu de son obligation de délivrance et d’entretien, et eu égard à la vétusté de l’immeuble.

Par acte d’huissier en date du 22 mai 2019, Monsieur X a dénoncé à la société Carla un constat et un commandement visant la clause résolutoire d’avoir, dans un délai d’un mois, à:

— reconstruire un escalier dans la cour ;

— évacuer le bac dégraisseur;

— libérer la cour des objets personnels appartenant à la société Carla et de la toiture translucide;

— déposer une demande d’aménagement d’un conduit d’évacuation des airs viciés de la cuisine ;

conforme aux règles de l’art;

— positionner la porte d’accès clientèle au restaurant en angle de rue telle que mentionnée sur le plan annexé au bail;

— justifier de la réparation de la fuite d’eau qui provoquait le dégât des eaux dans le couloir du rez-de-chaussée de l’immeuble.

Par requête en date du 13 juin 2019, la société Carla a sollicité du président du tribunal de grande instance de Reims l’autorisation d’assigner Monsieur X à jour fixe aux fins de nullité de ce commandement et d’indemnisation, ou subsidiairement aux fins de suspension des effets de la clause résolutoire.

La société Carla a estimé que ce congé avait été délivré de mauvaise foi, en réaction à sa demande de travaux.

Le 14 juin 2019, l’autorisation d’assigner à jour fixe a été délivrée à la société Carla.

Le même jour, la société Carla a assigné Monsieur X devant le tribunal de grande instance de Reims, pour solliciter en dernier lieu de :

— constater que Monsieur X avait mis en 'uvre la clause résolutoire de mauvaise foi, et annuler le commandement 22 mai 2019 visant la clause résolutoire;

à titre infiniment subsidiaire,

— les plus larges délais et en conséquence l’absence d’effet du commandement et de la clause résolutoire expulsion, ainsi que de l’expulsion;

en tout état de cause,

— la condamnation de Monsieur X à lui payer la somme de 20'000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice;

— la condamnation de Monsieur X aux entiers dépens avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer une somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, Monsieur X a demandé de :

— débouter la société Carla de toutes ses prétentions ;

— constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail ;

— prononcer l’expulsion de la société Carla et de tous occupants de son fait;

— fixer une indemnité d’occupation à la somme de 4000 € par mois à compter de la décision à intervenir jusqu’à la libération des lieux, même avec l’assistance de la force publique si besoin était;

— condamner la société Carla aux entiers dépens, ce compris les frais du constat du 14 mai 2019, du commandement du 22 mai 2019, et du constat du 25 juin 2019, avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire en date du 8 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Reims a:

— déclaré sans effet le commandement délivré à la société Carla à la requête de Monsieur X par acte d’huissier en date du 22 mai 2019;

— dit en conséquence que le bénéfice de la clause résolutoire n’était pas acquis;

— rejeté les demandes reconventionnelles de Monsieur X;

— rejeté les demandes de Monsieur X au titre des frais irrépétibles et des dépens ;

— rejeté les demandes plus amples ou contraires;

— condamné Monsieur X à payer à la société Carla la somme de 2500 € au titre des frais irrépétibles;

— condamné Monsieur X aux entiers dépens avec distraction au profit du conseil de la société Carla.

Le 14 novembre 2019, Monsieur X a relevé appel de cette ordonnance.

Le 10 novembre 2020, a été ordonnée la clôture de l’instruction de l’affaire.

PRETENTIONS ET MOYENS:

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées par les parties:

— le 27 mai 2020 par Monsieur X, appelant;

— le 2 mars 2020 par la société Carla, intimée.

Monsieur X demande la confirmation du jugement, en ce qu’il a débouté la société Carla de sa demande indemnitaire.

Par voie d’infirmation, Monsieur X réitère l’intégralité de ses prétentions initiales, en demandant la condamnation de la société Carla aux entiers dépens d’appel avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer une somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

A titre principal, la société Carla demande la confirmation intégrale du jugement, sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande indemnitaire initiale, et réitère celle-ci à hauteur de cour.

Subsidiairement, la société Carla réitère sa demande subsidiaire initiale tendant à l’octroi des plus larges délais et à l’absence d’effet du commandement et de la clause résolutoire, et à l’absence d’expulsion, pour voir débouter Monsieur X de sa demande au titre d’indemnité d’occupation.

En tout état de cause, la société Carla demande la condamnation de Monsieur X aux entiers dépens d’appel avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer une somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

MOTIVATION:

Sur la mise en oeuvre de la clause résolutoire:

L’article L.145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail, prévoyant sa résiliation de plein droit, ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement, à peine de nullité, doit mentionner ce délai.

Il résulte de l’article 1134 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 applicable au litige,

que le principe selon lesquelles les conventions sont exécutées de bonne foi prohibe de retenir le bénéfice d’une clause résolutoire, lorsqu’elle est mise en oeuvre de mauvaise foi.

Il résulte de l’article 1719 du code civil qu’il appartient au bailleur, sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer à son locataire une local conforme à la destination prévue par le bail, et de le maintenir en état de servir à l’usage auquel il est destiné.

L’obligation de délivrance est l’obligation principale du bailleur, dont ce dernier ne peut pas se décharger, notamment par l’insertion dans le bail d’une clause stipulant que le locataire prend les lieux dans l’état où ils se trouvent.

Le bailleur ne peut pas se décharger de son obligation de délivrance par le biais d’une clause relative à l’exécution des travaux.

Toute dérogation contractuelle au principe mettant ces travaux à la charge du bailleur doit être interprétée restrictivement.

Le bailleur peut toutefois être déchargé des travaux de mise en conformité prescrits par l’administration par une clause claire et précise.

A l’inverse, sauf stipulation expresse contraire, les travaux prescrits par l’administration sont à la charge du bailleur.

Le bailleur est tenu d’effectuer l’ensemble des travaux nécessaires à l’exercice de l’activité stipulée au contrat.

L’obligation de délivrance du bailleur porte uniquement sur une chose conforme à sa destination contractuelle. Celle-ci est déterminée exclusivement en fonction des stipulations contractuelles.

A l’inverse, les travaux qui ne sont devenus nécessaires qu’en raison de l’utilisation du bien loué qu’en a fait le preneur n’incombe qu’à ce dernier.

En cas de discordance entre l’exploitation réellement exercée par le preneur et les stipulations du bail, ce sont ces dernières qui prévalent, sans qu’il y ait lieu de rechercher la commune intention des parties.

Lorsque le bail comporte une clause de destination « tous commerces », le bailleur est tenu des travaux permettant au preneur d’user des lieux, mais il appartient à ce dernier de réaliser les travaux supplémentaires en accord spécifique avec l’usage qu’il prétend donner aux locaux.

* * * * *

Dans un premier temps, il convient de rechercher l’activité du preneur stipulée au contrat de bail.

Il résulte de l’article VI (affectation des lieux loués) page 6 du contrat que:

"le preneur déclare qu’il entend exercer dans les lieux l’activité de BAR, BRASSERIE, RESTAURATION ainsi que toutes activités connexes et complémentaires.

Après consultation des documents d’urbanisme il s’avère qu’il n’y a pas d’obstacle juridique à l’exercice d’une telle activité.

En outre le locataire est expressément autorisé à exercer toute activité entrant dans le champ d’application du décret du statut des baux commerciaux, tel qu’il est édicté par les articles L. 141-1 et suivants du code de commerce."

Il résulte donc de ces stipulations que les parties ont convenu que sur le bien loué, le preneur exercerait spécifiquement une activité de bar, brasserie, restauration, outre activités connexes et complémentaires, mais encore de manière plus générale toute autre activité commerciale.

C’est donc de manière inexacte que Monsieur X entend réduire l’activité contractuellement convenue à une activité tous commerces, alors que celle-ci porte en premier lieu spécifiquement sur une activité de bar, brasserie, restauration, outres activités annexes et complémentaires.

* * * * *

Dans un deuxième temps, il y lieu de rechercher l’existence d’une clause expresse, susceptible de mettre à la charge du preneur certains travaux nécessaires à l’exercice de son activité contractuellement convenue.

Le contrat de bail porte un article IX (Etat des lieux loués) ainsi rédigé:

<< LE LOCATAIRE prendra les lieux loués dans l’état où ils se trouveront au moment de l’entrée en jouissance, est sans pouvoir exiger aucune réfection, remise en état, adjonction d’équipements supplémentaires, ou travaux quelconques, rendus nécessaires par l’état de vétusté ou par l’existence de vices cachés.

les parties au présent bail conviennent que la charge de tous les travaux qui pourraient être nécessaires pour adapter les locaux loués ou les mettre en conformité avec la réglementation existante ( notamment les « travaux de sécurité » ) sera exclusivement supportée par locataire.

Il en sera de même si cette réglementation venait à se modifier et que, de ce fait, l’immeuble loué ne serait plus conforme aux normes réglementaires. >>

En ce qu’elle stipule que le locataire prendra les biens loués en l’état, sans pouvoir exiger de travaux quelconques, rendus nécessaires par l’état de vétusté ou par l’existence de vice caché, cette clause ne peut pas décharger le bailleur de son obligation de délivrance.

En ce qu’elle met de manière générale à la charge du locataire tous travaux nécessaires à la mise en conformité avec la réglementation existante, ou à venir, cette clause est insuffisamment claire et précise pour pouvoir considérer qu’elle se réduit à mettre à la charge du locataire les seuls travaux de remise en conformité prescrits par l’autorité administrative.

En outre, en ce qu’elle met de manière générale à la charge du locataire tous les travaux nécessaires pour adapter les locaux loués à la réglementation existante ou à venir, cette clause s’analyse comme tendant purement et simplement à décharger le bailleur de toute obligation de délivrance.

Avec le premier juge, il conviendra d’observer liminairement que le commandement visant la clause résolutoire, délivrée par Monsieur X, est intervenue après que la société Carla l’ait mis en demeure de procéder aux travaux nécessaires pour l’exploitation de son fond, tendant notamment aux invasion de pigeons et aux déjections en résultant sur la cuisine, la cour, et la terrasse; et que ce commandement n’a été précédé par aucune mise en demeure depuis les 8 années de prise d’effet du bail.

* * * * *

Le commandement fait obligation à la société Carla d’évacuer le bac dégraisseur et de déposer une demande d’aménagement d’un conduit d’évacuation des airs viciés de la cuisine conforme aux règles de l’art.

Il ressort des pièces que le bac dégraisseur et le conduit d’évacuation des fumées ont été effectivement

installés par la société Carla sur des parties de l’immeuble non comprises dans le bail, en cours d’exécution de celui-ci.

Cependant, ces éléments, nécessaires à l’exploitation de son activité par la preneuse, n’avaient pas été installés initialement.

En l’absence de clause du bail claire et non équivoque mettant expressément à la charge de la preneuse l’installation de ces éléments d’équipement nécessaires à sa jouissance paisible, celle-ci demeurait à la charge du bailleur, qui a ainsi manqué à son obligation de délivrance.

* * * * *

Le commandement de payer fait injonction au preneur de reconstruire un escalier dans la cour.

Aucun état des lieux d’entrée n’a été produit, de telle sorte que Monsieur X ne démontre pas qu’un escalier existait dans la cour quand la société Carla était entrée dans les lieux, ni même que celui-ci aurait été détruit par cette dernière.

Il pourra être ajouté que cette dernière conteste que cette destruction lui soit imputable, en indiquant que cet escalier, qui préexistait à son entrée dans les lieux, a été détruit par Monsieur X lui-même, qui avait renoncé à ses projets de construction portant sur le premier étage de l’immeuble donné à bail, et dont la destruction avait été rendue indispensable pour permettre la création d’une porte piétonnière donnant dans la cour, ainsi que le mentionnait les plans annexés au contrat de bail, qui autorisait la preneuse à réaliser certains travaux, dont celui-ci.

* * * * *

Le commandement fait obligation au preneur de libérer la cour des objets personnels appartenant à la société Carla et de la toiture translucide.

Le constat d’huissier du 25 juin 2019 relève que les étagères qui se trouvaient dans la cour avec des denrées alimentaires ont été enlevées, mais que subsistait contre le mur un fût en plastique rempli d’huile de friture, sur lequel était posé un sac de terreau et deux cagettes en plastique, au pied duquel se trouvaient d’importantes traces noires.

Il sera toutefois observé que pendant toute la durée d’exécution contractuelle, Monsieur X avait laissé la société Carla occuper les parties communes pour les besoins de son exploitation.

S’agissant de la pose de la toiture translucide, la société Carla observe exactement que dans le mois suivant la délivrance du commandement du 22 mai 2019, elle a fait retirer cet élément, ainsi que le met en évidence le constat d’huissier réalisé le 31 mai 2019.

En tout état de cause, la société Carla objecte exactement que la mise en place de cette toiture translucide était rendue nécessaire pour éviter l’accumulation de déjections de pigeons ayant élu domicile dans les lieux.

C’est de manière inopérante que Monsieur X objecte que la présence des pigeons et de leurs déjections ne procèdent que de la seule activité déployée par sa bailleresse en dehors du respect des règles d’hygiène et de sécurité.

En effet, il résulte du constat d’huissier du 31 mars 2011, établi par la société Carla avant tout début d’exploitation (le bail ne prenant effet que le 1er avril 2011):

— au niveau de la toiture à la mansarde, l’existence de très nombreux pigeons, de même que de leurs déjections sur les parties basses de cette toiture;

— sur l’ensemble du trottoir, en devanture de l’immeuble 23, […], faisant angle avec la […], une très importante quantité de fientes de pigeons est visible;

— dans la cour l’intégralité de la surface du sol est couverte de fientes;

— la présence au sol de cadavres de pigeons et d’oiseaux;

— les marches de la cour commune sont également recouvertes de fientes;

— la toiture de la cuisine des locaux loués est également recouverte de fientes;

— la gouttière d’eau pluviale du petit terrasson de toiture de cuisine est encombrée de fientes;

— en partie haute de l’immeuble, les gouttières sont encombrées et d’importantes touffes d’herbe sont pendantes;

— le palier situé en haut de l’escalier de cette cour commune est recouvert de fientes faisant, par endroits, près de 10 cm d’épaisseur.

Les autres éléments au dossier mettent en évidence la persistance de la présence de pigeons et de leurs déjections tout au long du bail, ainsi que le démontrent encore les constats d’huissiers ultérieurs.

Or, ces animaux nichent sur les parties supérieures du bien (premier étage et suivants) qui ne sont pas données à bail à la société Carlan ni à un autre preneur, et qui restent la propriété de Monsieur X.

Plus spécialement, il sera relevé la chute d’un morceau d’ardoise du toit, établi par constat d’huissier du 1er juillet 2014.

Ces circonstances empêchent la jouissance paisible par la preneuse de son activité de restauration, bar, brasserie, eu égard notamment aux règles d’hygiène nécessaires.

Dès lors, la présence constante des pigeons et l’accumulation de leurs déjections procèdent à la fois du manquement initial du bailleur à son obligation de délivrance, mais encore à son obligation d’entretien en cours d’exécution contractuelle.

Ainsi, en faisant grief à la société Carla d’avoir installé une toiture couvrant la cour, alors que celle-ci était nécessaire à son activité, Monsieur X vient en substance se prévaloir de sa propre turpitude.

* * * * *

Le commandement fait obligation au preneur de positionner la porte d’accès clientèle au restaurant en angle de rue, telle que mentionnée sur le plan annexé au bail.

Toutefois, il ressort des écrits de l’architecte produits par la société Carla que le respect des normes relatives aux établissements recevant du public et des personnes à mobilité réduite ne permettait pas de réaliser une porte d’accès clientèle en angle de rue, telle que mentionnée au plan annexé au bail.

En effet, la demande de dérogation précise qu’en raison d’un effectif supérieur à 50 personnes, il y a nécessité de créer pour des raisons de sécurité un accès de 2 portes, ouvrant sur l’extérieur, ce qui n’était pas possible au niveau de l’accès initial.

Ce document ajoute qu’à l’endroit où l’accès est créé, le plancher constitué par une voûte ne permettait pas, pour des raisons structurelles, de réaliser une trémie pour la création d’une rampe, laquelle aurait rendu le local inexploitable, puisque la nécessité d’un palier en bas et haut de rampe en dehors du dégagement des

portes représenterait un linéaire de 5,4ml.

Il en ressort que la porte d’accès clientèle, dont la création était prévue par le contrat de bail initial, ne permettait pas non plus à la preneuse d’exercer son activité conformément à la réglementation applicable.

En rappelant que le contrat de bail ne comporte aucune clause claire et expresse mettant cet aménagement à la charge de la preneuse, le bailleur a là encore manqué à son obligation de délivrance.

* * * * *

Le commandement fait obligation au preneur de justifier de la réparation de la fuite d’eau qui provoque le dégât des eaux dans le couloir du rez-de-chaussée de l’immeuble, partie commune, selon les propres écritures de Monsieur X.

Pour autant, il n’est pas démontré que ce désordre, qui touche les parties communes, soit imputable au locataire.

Surabondamment il conviendra d’observer que ce commandement portant sur la remise en état des lieux après ce sinistre n’a jamais été précédé de la moindre mise en demeure.

* * * * *

Il résulte du tout que le commandement visant la clause résolutoire n’est fondé qu’en ce qu’il fait grief à la société Carla de continuer à occuper la cour, partie commune, avec un fût plastique rempli d’huile de friture, sur lequel était posé un sac de terreau et deux cagettes en plastique, au pied duquel se trouvaient d’importantes traces noires.

Il sera rappelé que pendant 8 ans d’exécution contractuelle, Monsieur X ne s’était pas opposé à l’occupation des parties communes par la société Carla.

Eu égard au contexte sus décrit, il sera retenu que le commandement de payer du 22 mai 2019 émanant du bailleur n’a été délivré par le bailleur qu’ensuite de la mise en demeure émanant du preneur le 2 mai 2019, et invitant le bailleur à se conformer à ses propres obligations.

Ce commandement a donc été délivré de mauvaise foi.

Il sera donc déclaré sans effet, il conviendra de dire que le bénéfice de la clause résolutoire n’est pas acquis, et le jugement sera confirmé de ces chefs.

Il conviendra donc de débouter Monsieur X de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts présentée par la société Carla:

La société Carla justifie suffisamment de ses troubles de jouissance, imputables au bailleur, notamment relatifs à la présence constante de multiples fientes de pigeons sur la terrasse et les abords du restaurant, et ce en dernier lieu par constat d’huissier du 4 septembre 2019.

De plus, elle se prévaut exactement de l’existence, dans les parties communes, d’un encombrement de divers objets au pied d’un escalier qui donne sur une porte qui est une issue de secours selon les plans annexés au bail, le dit encombrement ayant été constaté par l’acte d’huissier susdit; il conviendra d’observer que le contrat de bail avait autorisé la création d’une telle issue.

En outre, la société Carla a suffisamment justifié que pour remédier aux troubles résultant des déjections

animales, elle a dû procéder à ses frais à des opérations de nettoyage et de mise en place de dispositifs anti-pigeons le 18 mai 2011 pour 1095 euros, puis de deux stores extérieurs pour 2898 euros.

En l’état de ces éléments, de l’importance et de la persistance du trouble de jouissance tout au long de l’exécution contractuelle, il conviendra de dire que celui-ci sera entièrement réparé par l’allocation d’une somme de 6000 euros, que Monsieur X sera condamné à payer à la société Carla, et le jugement sera infirmé de ce chef.

* * * * *

Il conviendra de rejeter les demandes de Monsieur X au titre des frais irrépétibles et dépens, et de le condamner aux entiers dépens de première instance, avec distraction au profit du conseil de la société Carla, et à payer à celle-ci une somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

Monsieur X sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel.

Il y aura lieu de condamner Monsieur X aux entiers dépens d’appel, avec distraction au profit du conseil de la société Carla, et à payer à celle-ci la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la société Carla de sa demande de dommages-intérêts;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant:

Condamne Monsieur C-D X à payer à la société par actions simplifiée Carla la somme de 6000 euros à titre de dommages-intérêts;

Déboute Monsieur C-D X de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel;

Condamne Monsieur C-D X à payer à la société par actions simplifiée Carla une somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel;

Condamne Monsieur C-D X aux entiers dépens d’appel, avec distraction au profit de Maître A B, conseil de la société par actions simplifiée Carla, de ceux des dépens d’appel dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Le greffier La présidente

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