Cour d'appel de Rennes, 28 octobre 2014, n° 13/00664

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 28 oct. 2014, n° 13/00664
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 13/00664

Texte intégral

3e Chambre Commerciale

ARRÊT N°486

R.G : 13/00664

Société SYGMATEL ELECTRICITE SARL

C/

XXX

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Alain POUMAREDE, Président,

Mme Brigitte ANDRE, Conseiller, rédacteur

Madame Aurélie GUEROULT, Conseiller,

GREFFIER :

Madame C D, lors des débats, et Madame Nathalie DANIEL, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Juin 2014

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Octobre 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

SARL SYGMATEL ELECTRICITE prise en la personne de son gérant domicilié audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Patrice DE BONNAFOS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

XXX Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Alexis CROIX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 30 novembre 2010, la SARL Sygmatel électricité (la société Sygmatel) a acquis le fonds de commerce de la société Aidelec réseaux et repris les contrats de travail de dix salariés dont un technicien, M. A, huit ouvriers électriciens et une secrétaire aide-comptable.

Le 6 octobre 2011, M. A a donné sa démission et demandé que son préavis s’achevant le 6 décembre 2011 soit abrégé au 18 novembre précédent, ce qui lui a été accordé. Il a été embauché par la société GTIE TMT à compter du 21 novembre 2011.

Le 21 décembre 2011, M. Z, directeur général délégué de l’Hospitalité Saint-Thomas de Villeneuve (Y) a notifié à la société Sygmatel le non-renouvellement à son échéance du contrat cadre annuel conclu le 31 décembre 2010 qui portait sur les maintenances préventives et curatives des installations électriques des établissements Y de la polyclinique Saint Laurent, des EHPAD de Rennes et E F, de l’hôpital de Bain de Bretagne et des maisons de retraite de Moncontour et de Plougastel Daoulas, l’ensemble des prestations préventives et des contrats d’abonnement représentant un marché annuel de 19 800 euros.

Le 22 décembre 2011, deux électriciens, XXX et A, donnaient leur démission, suivis le 11 janvier 2012 par deux autres électriciens, MM Toxe et B. Ils étaient immédiatement embauchés par la société GTIE TMT. Entre-temps, M. X, engagé comme directeur d’agence le 24 janvier 2011, quittait la société le 28 décembre 2011.

Se plaignant d’actes de concurrence déloyale imputables au nouvel employeur de cinq de ses anciens salariés, la société Sygma électricité – Etablissement Aidelec, devenue la société Sygmatel électricité agence Bretagne, a fait assigner le 26 mars 2012 la société GTIE – TMT en indemnisation devant le tribunal de commerce de Rennes lequel l’a, le 17 janvier 2013, déboutée de toutes ses demandes et condamnée à payer la somme de 3 500 euros pour procédure abusive et celle de 3 500 euros également sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Sygmatel a relevé appel de ce jugement, demandant à la cour de :

— dire et juger que le débauchage de la totalité de l’encadrement et de la majorité des électriciens de la société Sygmatel électricité – Ets Aidelec, avec en corollaire le détournement de ses principaux clients, a entraîné la désorganisation de l’entreprise et constitue par conséquent autant d’actes de concurrence déloyale dont la Société GTIE TMT doit réparation,

— la condamner, par conséquent, à verser à la Société Sygmatel électricité – Ets Aidelec :

la somme de 341 347 euros (HT) en réparation de son préjudice économique et financier,

la somme de 15 988 euros en réparation de son préjudice matériel, au titre des frais de formation des techniciens débauchés et du coût des annonces parues pour leur remplacement,

la somme de 3 500 euros, pour les frais et le temps consacrés à la préparation de son dossier,

la somme de 80 000 euros, en réparation de son préjudice professionnel et moral,

la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens d’instance et d’appel.

La société GTIE TMT conclut à la confirmation du jugement critiqué sauf à porter les dommages-intérêts pour procédure abusive à 20 000 euros et demande la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la société appelante le 16 mai 2014 et pour la société intimée le 19 mai 2014.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La société Sygmatel reproche à la société GTIE TMT d’avoir procédé à un débauchage sélectif puis massif de son personnel, provoquant ainsi sa désorganisation et le détournement de clients importants.

Le débauchage sélectif est constitué, selon elle, par l’embauche de M. A, technicien d’études ETAM de niveau F, âgé de 40 ans, auquel la société GTIE TMT a consenti, le 5 octobre 2011, un contrat de travail avant qu’il ne démissionne le lendemain de l’emploi qu’il occupait depuis 1994 au sein de l’entreprise Aidelec. Cependant dans un contexte de sous-emploi, il est habituel et légitime qu’un salarié obtienne l’assurance d’un nouvel emploi avant de démissionner du poste occupé. Le nouveau contrat de travail a pris effet deux semaines avant l’expiration du préavis prévu par la convention collective, ce qui contrairement à ce qui est soutenu, tend à démontrer le besoin réel de la société GTIE TMT d’un technicien. En tout état de cause, il n’a pris effet qu’après la fin des fonctions de M. A au profit de la société Sygmatel, telle que négociée par les deux parties, et rien n’indique que le préavis ne se serait pas poursuivi jusqu’à son terme si l’employeur l’avait exigé, les deux semaines non effectuées n’ayant correspondu à aucune échéance stratégique particulière.

Les conditions du nouveau contrat de travail de M. A sont en rapport avec sa qualification et son expérience et ne révèlent pas d’avantages anormaux par rapport à ce qu’il était en droit d’attendre, à ce stade de sa carrière, d’un changement d’employeur légitimement motivé par la recherche d’une rémunération supérieure au salaire de 1.900 euros net mensuel (heures supplémentaires comprises) qu’il recevait jusqu’alors sans perspectives d’amélioration.

La cession d’une entreprise ayant connu jusqu’alors une stabilité de direction exceptionnelle était de surcroît de nature à inciter les salariés à la mobilité dès lors que ses répercussions dans l’organisation du travail et les relations sociales et professionnelles étaient perçues par eux comme négatives.

Rien n’indique au demeurant que M. A ait acquis au sein de la société Aidelec un savoir-faire propre à son précédent employeur ou des informations stratégiques confidentielles qui auraient pu justifier des manoeuvres de débauchage par un concurrent.

D’ailleurs, alors que ce technicien à la rémunération modeste est présenté comme un élément clé de l’entreprise, la société Sygmatel ne justifie pas avoir cherché à le retenir, ni avoir entrepris des démarches pour le remplacer, procédant seulement le 15 février 2012 à l’embauche d’un conducteur de travaux, puis au mois de mai suivant à celle d’un chef d’équipe en sus d’ un ouvrier électricien resté seulement quelques jours dans la société.

Il est également inexact d’affirmer que l’embauche de cet agent de maîtrise a privé la société Sygmatel de son encadrement alors que M. A n’avait pas le statut de cadre et que les pièces produites révèlent que l’interlocuteur des maîtres d’oeuvre était le directeur d’agence lui-même lequel a quitté son emploi concomitamment dans des circonstances sans lien avec le présent litige.

Enfin, la lettre adressée le 21 décembre 2011 par Y révèle que la perte de ce client réside dans 'le manque de présence des interlocuteurs SYGMATEL sur les différents sites', doléance portant sur les conditions d’intervention de l’équipe d’exécution chargée de la maintenance des installations électriques et non sur la défaillance d’un technicien dont les fonctions étaient étrangères à cette mission de sorte qu’aucun lien n’existe entre le départ de M. A et le non-renouvellement du contrat cadre de maintenance Y.

L’ensemble de ces éléments démontrent que le départ de M. A n’est que la conséquence de la liberté du travail qui autorise tout salarié non lié par une clause de non-concurrence à valoriser au mieux ses aptitudes et son savoir-faire, fussent-ils acquis dans le cadre de ses précédentes fonctions, sans qu’aucune manoeuvre positive de débauchage ne soit en l’espèce établie.

L’existence de manoeuvres de débauchage à l’origine du départ des quatre ouvriers électriciens n’est pas davantage démontrée. Ce départ s’explique par le malaise exprimé de manière crédible par les intéressés dans leurs attestations respectives, malaise lié à l’évolution de leurs conditions de travail et au mécontentement subséquent des clients chez lesquels ils intervenaient depuis longtemps, ce qui ne pouvait que les affecter au regard des relations personnelles nécessairement nouées, malaise que ne pouvait qu’aggraver l’instabilité de la direction révélée par le départ au bout d’un an du nouveau directeur.

Dans ce contexte d’insatisfaction et de perte de confiance dans la pérennité de l’entreprise dont la fragilité est implicitement reconnue par la société appelante qui soutient n’avoir pu maintenir l’agence de Rennes qu’en lui confiant des marchés en sous-traitance, l’effet d’entraînement suscité par les premiers départs a favorisé les suivants, sans qu’une intervention extérieure ne soit nécessaire.

L’on peut d’ailleurs s’interroger sur l’intérêt que pouvait avoir l’employeur à favoriser le départ volontaire de salariés à l’ancienneté importante, ce que ne dément pas le recours à l’intérim lequel a été limité à une période de trois mois et ne compensait que très partiellement les quatre postes à temps plein perdus alors que le registre unique du personnel révèle que seul un conducteur de travaux et un chef d’équipe ont ensuite été embauchés. Ceci contredit en tout cas l’assertion selon laquelle ces départs ont désorganisé l’entreprise.

La société Sygmatel soutient que la défection de ses salariés est en relation avec la perte du client Y mais la lettre de résiliation émanant de celui-ci démontre que la rupture, sans lien avec le départ de M. A qui n’était pas chargé de la maintenance des sites, ne peut non plus être la conséquence du départ des ouvriers électriciens puisqu’elle leur est antérieure.

Au demeurant si la société GTIE TMT a obtenu une partie du marché de maintenance perdu, à savoir la maintenance de trois sites dont celui de la polyclinique Saint Laurent, la maintenance des autres sites a été confiée à des tiers. En outre, le marché de travaux afférent à l’établissement de Moncontour a été attribué sur réponse à un appel d’offres. Ces éléments démontrent que le transfert de la clientèle Y ne résulte pas de manoeuvres déloyales mais du jeu normal de la concurrence, la société appelante n’ayant aucun droit au renouvellement du contrat à l’expiration de son échéance annuelle. La société Sygmatel a d’ailleurs participé au processus de rupture dénoncé en renonçant à une partie d’un important marché de travaux portant sur le site de E F, sans que ce marché ne soit d’ailleurs attribué ensuite à la société intimée.

Si en revanche, le client Printemps Alma a souhaité changer de contractant pour garder le même exécutant M. B, l’un des électriciens démissionnaires, ceci a représenté un chiffre d’affaires de 21.807 euros HT en 2012, ce qui constitue un montant trop faible pour susciter ou présumer une manoeuvre de débauchage alors que d’autres clients perdus par la société Sygmatel comme le Centre Alma ou les sites Y de Lamballe, Monbareil ou Plougastel Daoulas n’ont pas choisi de s’adresser à GTIE TMT.

Les explications données pour justifier du préjudice allégué sont tout aussi peu probantes. En effet les marchés prétendument perdus étaient pour l’essentiel des marchés de travaux non renouvelables, d’importance très variable. Ainsi la société appelante ne peut de bonne foi prétendre avoir attendu de ces contrats un chiffre d’affaires annuel stable constitué de la moyenne des années écoulées soit par exemple, un chiffre d’affaires de 67.331 euros pour le site Y Hôpital de Bain de Bretagne alors qu’elle n’en avait perçu, pendant les deux années précédant la rupture, que 6 756 euros. Ainsi encore, le chiffre d’affaires prétendument attendu de l’établissement Y de Saint Laurent est disproportionné par rapport à celui effectivement réalisé par la société GTIE TMT qui l’a remplacée (311.238 euros contre 183 530,46 euros).

Enfin, la société appelante ne produit que des pièces parcellaires qui n’établissent pas la chute d’activité alléguée, son chiffre d’affaires de 2012 étant d’un niveau comparable à celui annoncé dans l’acte de cession du fonds (1 086 056 euros en 2012 selon sa pièce n° 68 contre 1 068 938 euros au 30 juin 2010).

Il s’en infère que non seulement la société Sygmatel ne justifie pas d’actes de concurrence déloyale mais qu’elle n’établit pas davantage avoir subi le préjudice qui en serait la conséquence. C’est dès lors à juste titre que le tribunal de commerce a rejeté comme non fondée son action en concurrence déloyale.

Le libre jeu de la concurrence et plus encore la liberté du travail, spécialement dans des bassins d’emploi d’importance limitée et peu actifs, ne peuvent être impunément contrariés par des actions juridiques utilisées comme manoeuvres d’intimidation et de dissuasion. C’est dès lors à juste titre que constatant l’absence de moyens sérieux au soutien de l’action intentée par la société appelante, les premiers juges l’ont condamnée à des dommages-intérêts lesquels seront augmentés eu égard à l’aggravation du trouble provoquée par le recours non étayé de moyens nouveaux, d’une somme supplémentaire de 1 500 euros.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la société intimée l’intégralité des frais exposés par elle à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, de sorte qu’il lui sera alloué une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 janvier 2013 par le tribunal de grande instance de Rennes ;

Y ajoutant

Condamne la société Sygmatel électricité agence Bretagne à payer à la société GTIE TMT :

— une somme de 1500 euros à titre de dommages-intérêts ;

— une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ;

Condamne la société Sygmatel électricité agence Bretagne aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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