Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 15 février 2017, n° 16/05476

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 7e ch prud'homale, 15 févr. 2017, n° 16/05476
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 16/05476
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

7e Ch Prud’homale

ARRÊT N° 74

R.G : 16/05476

XXX

C/

Mme B Z

Copie exécutoire délivrée

le :

à:

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES ARRÊT DU 15 FEVRIER 2017 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Régine CAPRA

Conseiller :Madame H I

Conseiller: Madame Véronique PUJES

GREFFIER :

Mme D E, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 Octobre 2016

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Février 2017 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré initialement prévu le 11 Janvier 2017, comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

XXX

Chez Maître BERTHAULT 106 bd Georges Clémenceau – CS 90855

XXX

Représentée par M. Laurent BOURDEL, Directeur des Ressources Humaines, assistée de Me Vincent BERTHAULT de l’ASSOCIATION ABC, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Laura LUET, avocat au barreau de RENNES

INTIMEE :

Madame B Z

XXX

XXX

Comparante en personne, assistée de Me Eric MARLOT, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme B Z a été engagée par la société SNCF Etablissement Traction Bretagne au cadre permanent à compter du 17 avril 2000, au grade de CRMP, qualification TA, niveau 1, position 5, avant d’occuper le poste de conducteur de ligne principale, qualification TB, niveau 03, position de rémunération 16.

Lui reprochant d’avoir emprunté une voie à contre sens, de ne pas avoir respecté la pancarte 'Arrêt’ et d’avoir franchi le carré violet CV 833 lors de son départ du dépôt de Quimper le 23 octobre 2015, l’employeur lui a notifié, par courrier daté par erreur du 14 août 2015, une mesure conservatoire de retrait temporaire du service de conduite et d’affectation à d’autres fonctions jusqu’à nouvel avis.

Le 27 octobre 2015, la société SNCF a remis à Mme Z une nouvelle notification des mesures précitées datée du 23 octobre 2015 en lieu et place de celle datée du 14 août 2015.

Par courrier en date du 10 novembre suivant, Mme Y, directrice d’établissement, a informé la salariée de la levée de la mesure conservatoire du 23 octobre 2015; elle lui a par ailleurs indiqué que la suspension temporaire de son habilitation de conduite était maintenue et qu’elle l’affectait provisoirement à d’autres fonctions .

Le 10 novembre également,Mme Z, à la demande de la SNCF, a fait l’objet d’un examen médical d’aptitude sécurité au terme duquel le médecin du travail l’a déclarée inapte temporairement à son poste.

Le 18 novembre 2015,M. A, chef d’unité de production, a suspendu son attestation complémentaire de conduite,pour inaptitude professionnelle .

Le 1er décembre 2015, Mme Z a formé un recours interne contre cette décision,laquelle a été confirmée le 14 décembre 2015.

Mme Z a formé un recours interne contre cette décision, laquelle a été confirmée le 25 janvier 2016.

Par courriers du 8 décembre 2015 puis du 14 décembre 2015, Mme Z a été convoquée à un entretien préalable en vue d’une éventuelle mesure de sanction disciplinaire fixé au 18 décembre suivant. Le 18 décembre 2015, M. A lui a notifié le retrait de son attestation complémentaire pour inaptitude professionnelle aux motifs que le niveau de sécurité était insuffisant et que son comportement était inadapté et incompatible avec les exigences de sécurité.

Estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Mme Z a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes, en sa formation de référé, le 10 mai 2016 aux fins d’obtenir, dans le dernier état de ses demandes, l’annulation des décisions disciplinaires et professionnelles prises à son encontre suite à l’incident du 23 octobre 2015 au regard du trouble manifestement illicite engendré ainsi que sa «'réintégration'» dans le roulement de conduite 172 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

La SNCF a demandé au conseil de déclarer la formation de référé incompétente et de débouter Mme Z de l’ensemble de ses prétentions.

Par ordonnance de référé du 29 juin 2016, le conseil de prud’hommes a :

— prononcé l’annulation des décisions prises par la SNCF Etablissement Traction Bretagne tant dans le cadre de la procédure disciplinaire que dans celui de la procédure pour insuffisance professionnelle à l’égard de Mme Z suite à l’événement du 23 octobre 2015,

— ordonné la «'réintégration'» de Mme Z dans le roulement de conduite 172,

— débouté Mme Z de sa demande d’astreinte,

— condamné la SNCF Etablissement Traction Bretagne à payer à Mme Z la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— mis les dépens à la charge de ladite société.

La SNCF a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par requête du 19 août 2016, SNCF Mobilités a sollicité le bénéfice des dispositions de l’article 948 du code de procédure civile prévoyant une assignation à jour fixe, procédure autorisée par la cour d’appel de Rennes par ordonnance du 19 août 2016, renvoyant ainsi les parties à l’audience du 24 octobre 2016.

SNCF Mobilités demande à la cour de réformer l’ordonnance entreprise et, en conséquence, de déclarer la formation des référés du conseil de prud’hommes incompétente, de débouter Mme Z de ses prétentions et de condamner celle-ci aux dépens.

Mme Z demande à la cour de :

— rejeter les conclusions et pièces de SNCF Mobilités communiquées le 14 octobre 2016,

— confirmer l’ordonnance en ce que la formation des référés du conseil a retenu sa compétence et dit qu’elle était recevable en ses demandes et bien fondée à agir,

— en conséquence, dire que les irrégularités manifestes des procédures disciplinaire et pour insuffisance professionnelle commises par la SNCF causent un trouble manifestement illicite,

— prononcer, à titre principal, l’annulation des décisions prises par la SNCF tant dans le cadre de la procédure disciplinaire que dans le cadre de la procédure pour insuffisance professionnelle suite à l’événement du 23 octobre 2015, – ordonner, à titre subsidiaire, en tant que mesure conservatoire et de remise en état, sa «'réintégration'» dans le roulement de conduite 172,

En conséquence et en tout état de cause,

— ordonner sa «'réintégration'» dans le roulement de conduite 172,

— réformer partiellement l’ordonnance déférée et condamner la SNCF à la réintégrer sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

— débouter la SNCF de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la SNCF à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la même aux dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rejet des conclusions et pièces communiquées par SNCF Mobilités

L’article 948 du code de procédure civile prévoit la procédure d’appel à jour fixe dans le cadre de la procédure sans représentation obligatoire en ces termes':

'La partie dont les droits sont en péril peut, même si une date d’audience a déjà été fixée, demander au premier président de la cour de retenir l’affaire, par priorité, à une prochaine audience.

S’il est fait droit à sa demande, le requérant est aussitôt avisé de la date fixée.

A moins que le premier président n’ait décidé qu’elle le serait par acte d’huissier de justice à l’initiative du requérant, le greffier convoque la partie adverse par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et lui adresse le même jour, par lettre simple, copie de cette convocation.

La cour s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre la convocation et l’audience pour que la partie convoquée ait pu préparer sa défense''.

L’article 918 du même code précise que la fixation de la date d’audience est décidée par le premier président au vu d’une requête qui doit exposer la nature du péril, contenir les conclusions sur le fond et viser les pièces justificatives. Si la partie demanderesse à jour fixe est ainsi tenue de faire connaître à l’autre partie ses moyens de fond dans sa requête et de remettre dans le même temps au premier président les pièces dont elle entend faire usage, ces dispositions ne lui interdisent pas pour autant de déposer des conclusions en réponse à celles de son adversaire, ni de produire de nouvelles pièces si elles visent à répondre à des arguments nouveaux présentés par celui-ci.

En l’espèce,Mme Z a communiqué ses conclusions et pièces le 29 septembre 2016;SNCF Mobilités y a répliqué le 14 octobre 2016 en joignant à ses écritures treize nouvelles pièces.

La lecture des conclusions de SNCF Mobilités laisse apparaître que celle-ci n’a fait en réalité que répliquer aux arguments de Mme Z concernant les pouvoirs du signataire de la décision du 18 décembre 2015 portant retrait de l’habilitation de conduite, le respect des dispositions légales et réglementaires, ainsi que les impératifs de sécurité ferroviaire déterminant la décision contestée. Mme Z a par ailleurs disposé d’un délai suffisant pour répondre à cette communication avant l’audience du 24 octobre 2016, ce qu’elle a du reste fait dès le 18 octobre (suscitant une nouvelle réplique de SNCF Mobilités portant pour l’essentiel sur cette demande de rejet de pièces).

Compte tenu de ce précède, la demande de rejet des pièces et conclusions présentée par Mme Z sera écartée.

Sur les autres demandes

Les premiers juges ont considéré que la mesure prise à l’encontre de Mme Z le 10 novembre 2015, mettant fin aux mesures prises le 23 octobre 2015 avait la nature d’une sanction disciplinaire puisqu’elle faisait référence au chapitre 9 du statut des relations collectives relatif aux sanctions disciplinaires et était irrégulière comme ne comportant aucune motivation.

S’agissant de la procédure pour inaptitude professionnelle, le conseil a considéré que la SNCF n’avait pas respecté la procédure prévue par l’article 2.8 du référentiel Traction et par l’article 7.2 de la Directive relative au traitement des cas individuels dans le management des agents du domaine traction exerçant des fonctions de sécurité, dès lors que la notification du retrait d’habilitation pour inaptitude professionnelle datée du 18 décembre 2015 n’avait pas été signée par le directeur d’établissement.

Enfin, le conseil des prud’hommes a estimé que Mme Z avait le statut de salarié protégé et ne pouvait se voir imposer une modification de son contrat de travail ni un changement de ses conditions de travail sans son accord et quels qu’en soient les motifs.

En conséquence, et retenant l’existence d’un trouble manifestement illicite, le conseil a prononcé l’annulation des décisions prises par la SNCF dans le cadre de la procédure disciplinaire et de la procédure pour insuffisance professionnelle et ordonné la «'réintégration'» de Mme Z dans le roulement de conduite 172.

En application de l’article R 1455-6 du code du travail, la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le contrat de travail de Mme Z précisait qu’il était régi par les dispositions du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel; le «'Référentiel Ressources Humaines'» comprend un chapitre 9 intitulé «'garanties disciplinaires et sanctions'», dont l’article 2,consacré aux mesures conservatoires pouvant être prises à effet immédiat, prévoit trois types de mesures conservatoires: l’affectation à d’autres fonctions, la mise à pied d’un jour ouvré et la suspension; l’article 3 énonce ,lui, les sanctions disciplinaires , allant de l’avertissement à la révocation; en ce qui concerne le personnel de conduite, il est indiqué que le retrait du service de conduite constitue également une sanction pouvant être prononcée à titre temporaire à la suite d’un agissement fautif, en ajout le cas échéant d’une autre sanction.

L’aptitude professionnelle des agents est, quant à elle, régie par d’autres textes; ainsi:

— l’arrêté ministériel du 30 juillet 2003 prescrit réglementairement les conditions d’aptitude physique et professionnelle à remplir par le personnel pour être habilité à exercer des fonctions de sécurité sur le réseau ferré national,

— le décret n°2006-1279 du 19 octobre 2006 ainsi que l’arrêté du 6 août 2010 prescrivent les règles relatives à la certification des conducteurs de train;ainsi, l’article 6 du décret n°2006-1279 prévoit que « les personnes affectées à la conduite des trains ['] sont titulaires d’une attestation délivrée sous la responsabilité de l’entreprise ferroviaire ou du gestionnaire d’infrastructure pour lequel la conduite de trains est réalisée. »

— le référentiel spécifique à l’activité «'Traction'» TT 01235, complété par le référentiel «'Traction'» TT00035, précisent les conditions de délivrance, de mise à jour, de suspension ou de retrait d’une Attestation complémentaire d’un conducteur de train, ainsi que la procédure de recours interne ouverte à ce dernier,

— le référentiel «'Traction'» TT 00809 sur le «'traitement des cas individuels dans le management des agents du domaine traction exerçant des fonctions de sécurité'» pris sous l’égide des arrêtés et décret susvisés, dispose que la SNCF doit s’assurer du maintien des aptitudes physiques, psychologiques et professionnelles des agents , et doit à ce titre, prendre immédiatement les mesures destinées à relever temporairement l’agent habilité à exercer des fonctions de sécurité lorsque le dirigeant a connaissance de faits ou de situations laissant un doute sur les capacités de l’agent concerné, le temps pour la hiérarchie de s’assurer que ce dernier possède bien les aptitudes requises sans prendre de risque en terme de sécurité’dans le cadre du «' devoir de prévention'» de l’employeur'; le texte évoque le déroulement de la procédure à appliquer':

*entretien individuel au cours duquel l’agent est informé de son affectation à d’autres fonctions le temps de l’instruction,

* analyse de la situation individuelle lorsqu’il existe un doute sur l’aptitude de l’agent à être maintenu dans un poste de sécurité, à l’issue de laquelle deux types de décisions peuvent être prises,le cas échéant cumulativement comme indiqué à l’article 5 du Référentiel TT 01235':

— des suites disciplinaires,

— un retrait pour inaptitude, soit professionnelle, à l’appréciation du seul directeur, soit médicale,relevant de l’appréciation du médecin.

Si l’analyse conduit à considérer que l’agent ne peut plus assurer son service sans risques pour la sécurité, le directeur d’établissement doit décider de la suspension de l’habilitation à la fonction ou de l’Attestation complémentaire pour inaptitude temporaire,suivie,le cas échéant, d’un retrait de cette habilitation ou de cette attestation notifié par écrit signé du directeur d’établissement.

La mesure provisoire d’affectation de Mme Z à d’autres fonctions et de retrait temporaire de service qui l’accompagnait, décidée le 23 octobre 2015, s’inscrivait dans un cadre disciplinaire’ainsi que cela ressort de la notification intitulée «'garanties disciplinaires-notification d’une mesure conservatoire'»';l’affectation à d’autres fonctions fait effectivement partie des mesures conservatoires à caractère disciplinaire prévues au chapitre 9 article 2 du Référentiel Ressources Humaines précité.

Cette mesure conservatoire ayant été levée le 10 novembre 2015, le débat sur l’existence d’un trouble manifestement illicite en résultant n’a plus d’objet.

Reste la qualification de la suspension de l’habilitation de conduite, assortie de l’affectation à d’autres fonctions,visée également dans les lettres des 10 et 18 novembre 2015, puis du retrait de l’ Attestation complémentaire de conduite du 18 décembre 2015.

Mme Z soutient que la suspension temporaire d’habilitation prononcée le 10 novembre 2015 revêtait un caractère disciplinaire aux motifs que:

— la lettre visait le chapitre 9 du Référentiel précité consacré à la procédure disciplinaire et non les textes sur la sécurité ferroviaire, -la suspension n’avait pas pour cause l’inaptitude professionnelle, laquelle fera l’objet d’une décision spécifique le 18 novembre 2015.

Or, selon elle, cette sanction est irrégulière faute pour l’employeur d’avoir respecté les garanties procédurales de fond, en l’occurrence la convocation à un entretien préalable et la motivation de la décision, ce non respect n’étant pas utilement «'réparé'» par les courriers des 8 et 14 décembre 2015 la convoquant à un entretien préalable le 18 décembre.

Le visa au chapitre 9 article 2 du Référentiel Ressources Humaines dans la lettre du 10 novembre 2015 ne suffit pas à conférer à la mesure de suspension de l’habilitation de conduite un caractère disciplinaire, dès lors qu’il peut s’expliquer par la levée de la mesure conservatoire d’affectation à d’autres fonctions, dont le caractère disciplinaire, lui, n’est pas contesté. C’est en vain par ailleurs que Mme Z invoque l’article 3 du même chapitre, consacré aux sanctions proprement dites, puisque la lettre du 10 novembre vise uniquement l’article 2.

C’est en réalité au regard de l’aptitude professionnelle de Mme Z qu’il convient d’apprécier cette mesure de suspension d’habilitation, expressément prévue par les textes précités sur la sécurité ferroviaire alors qu’elle n’est pas mentionnée dans ceux relatifs aux sanctions disciplinaires,ni comme mesure conservatoire, ni encore comme sanction. La suspension temporaire de l’habilitation de conduite de Mme Z avec affectation provisoire à d’autres fonctions prononcée sur le fondement de la sécurité ferroviaire dans cette décision du 10 novembre 2015 rendait sans intérêt la mesure conservatoire d’affectation à d’autres fonctions assortie du retrait de conduite prise dans le cadre disciplinaire depuis le 23 octobre.

Si le 10 novembre 2015, conformément à l’article 4'«'procédure d’instruction'» du chapitre 9 du statut, et, partant, dans le cadre disciplinaire, la Direction a demandé des explications écrites à Mme Z, le même jour,celle-ci a été déclarée inapte temporairement par le médecin du travail lors d’une visite médicale réalisée à la demande de la SNCF dans le cadre prévu par les textes sur la sécurité ferroviaire. Les deux procédures ont ainsi continué de coexister':

— la procédure disciplinaire, par la poursuite de l’instruction avec la réponse écrite de Mme Z le 15 novembre 2015, puis la convocation à un entretien fixé le 18 décembre 2015, qui n’a donné lieu à aucune sanction,

— la procédure d’aptitude, par la décision de suspension de l’Attestation complémentaire le 18 novembre 2015, confirmée le 14 décembre 2015 sur recours interne, suivie du retrait de cette même Attestation le 18 décembre 2015.

C’est donc à tort que Mme Z soutient que la suspension puis le retrait de son habilitation/ Attestation complémentaire de conduite, qui avaient pour seul objet d’assurer la sécurité des usagers, du personnel d’exploitation et des tiers,avaient un caractère disciplinaire et devaient dès lors respecter les règles procédurales édictées en la matière, sous peine de créer un trouble manifestement illicite.

Reste la question du respect des règles applicables en matière d’aptitude professionnelle également soulevée par Mme Z, qui,considérant que le juge des référés est compétent pour annuler des décisions intervenues au mépris d’une procédure statutaire, légale ou conventionnelle constituant une garantie de fond pour le salarié,soutient que la décision du 18 décembre 2015 ordonnant le retrait de son Attestation complémentaire aurait dû être signée par la Directrice d’établissement, et reproche à SNCF de ne pas avoir pris des mesures correctives avant de procéder audit retrait.

SNCF-Mobilités réplique que':

— Mme Z étant agent du cadre permanent,le juge judiciaire ne peut écarter l’application du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel ainsi que celle des autres dispositions réglementaires s’y rapportant, ni se prononcer sur leur licéité,

— le Référentiel Traction TT 01235 mentionne que la personne habilitée à retirer ou suspendre l’attestation complémentaire est le responsable hiérarchique du conducteur,

— X, qui bénéficiait d’une délégation du directeur d’établissement pour le management de la sécurité des circulations ferroviaires, était donc compétent pour signer la mesure de retrait.

Il est acquis que si le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, qui a été approuvé, aux termes du décret 50-637 du 1er juin 1950 modifiant les attributions du conseil d’administration de la Société Nationale des chemins de fer français en matière de personnel, par décision ministérielle, est un acte administratif réglementaire, et que l’appréciation de sa légalité échappe à la compétence du juge judiciaire, les salariés de cette entreprise, qui est un établissement public industriel et commercial (EPIC) disposent d’un contrat de travail de droit privé, la juridiction prud’homale étant, dès lors, compétente pour connaître des litiges individuels les opposant à leur employeur, conformément aux dispositions de l’article L 1411-2 du code du travail.

Le référentiel «'Traction'» TT 00809 relève du statut des relations collectives de la SNCF avec son personnel comme constituant un élément inséparable de l’organisation du service public, et à ce titre, le juge judiciaire doit l’appliquer, à l’instar des autres référentiels concernés par le litige.

Comme indiqué ci-dessus,l’article 7-2 de ce référentiel précise que le retrait pour inaptitude temporaire ou définitif est notifié à l’agent par écrit signé du directeur d’établissement (DET).

Or, la décision de retrait de l’Attestation complémentaire de Mme Z en date du 18 décembre 2015 a été signée par X, chef d’unité de production, et non par Mme Y, directrice d’établissement.

Aux termes du Référentiel pour l’établissement de Bretagne '«'procédure'-management de la sécurité à l’ET Bretagne'»,les chefs des unités de production (CUP) mettent en 'uvre l’organisation,le contrôle et le suivi de la sécurité de l’exploitation ferroviaire de leur unité et sont garants devant le directeur d’établissement du niveau de conformité de la production de leur unité en matière de sécurité de l’exploitation ferroviaire.

La directive «'Système de gestion de la sécurité de SNCF Mobilités'» prévoit que les décisions relatives à la délivrance ou au maintien des habilitations/Attestations des conducteurs de train sont prises par les dirigeants des entités'; le Référentiel pour l’établissement de Bretagne, précise quant à lui':

— dans sa partie «'procédure'-management de la sécurité à l’ET Bretagne'», que 'par délégation du directeur d’établissement (DET), les chefs des unités de production (CUP) et chefs de pôle sont responsables du management de la sécurité et de la qualité pour leur unité,

— dans sa partie «'organisation de l’ET Bretagne'», chapitre 8, intitulé «'délégation de pouvoir du DET'»,que pour la mise en 'uvre du management de la sécurité des circulations,les chefs des unités de production (CUP) de Rennes et de Quimper agissent sur délégation de leur directeur d’établissement.

Ces dispositions, dont SNCF-Mobilités se prévaut pour soutenir que X avait reçu délégation en sa qualité de CUP pour ordonner le retrait discuté, ne permettent pas toutefois de conclure que X avait effectivement pouvoir pour prendre cette décision, alors':

— qu’à côté de la rubrique consacrée à la «'sécurité de l’exploitation ferroviaire traction'» comprenant la «'mise en 'uvre du management de la sécurité des circulations'» précitée, le chapitre 8 en comporte une autre spécifiquement consacrée aux «'qualifications, certification et autorisations'» aux termes de laquelle la délégation de pouvoir accordée aux CUP ne concerne que les certifications et la délivrance des attestations complémentaires des conducteurs occasionnels'; il s’en déduit que la délégation en matière de certification et d’habilitation ne s’étend pas aux conducteurs attitrés, encore moins aux décisions de retrait quels que soient les conducteurs concernés,

— que ce même Référentiel pour l’ET Bretagne indique , en son chapitre 7, que les chefs d’unité de production tiennent le directeur d’établissement informé de leurs décisions et soumettent les dossiers importants à son approbation.

Le retrait de l’Attestation complémentaire de conduite du 18 décembre 2015, entaché d’irrégularité en raison du défaut de pouvoir de X, constitue un trouble manifestement illicite comme l’a justement décidé le conseil', qu’il convient de faire cesser en annulant cette décision et en replaçant Mme Z dans son affectation antérieure, c’est-à-dire au sein du roulement de conduite 172. En revanche, l’astreinte ne s’impose pas. L’ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée sur ces points.

SNCF Mobilités supportera la charge des dépens. L’équité commande d’allouer à Mme Z la somme de 1 200 € en application de l’article 700 du code de procédure civile’en sus de celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement,par arrêt contradictoire,mis à disposition au secrétariat- greffe,

DÉBOUTE Mme Z de sa demande tendant au rejet des pièces et conclusions de SNCF Mobilités;

INFIRME partiellement l’ordonnance de référé du conseil de prud’hommes de Rennes du 29 juin 2016';

Et statuant sur les chefs infirmés,

CONSTATE l’absence de trouble manifestement illicite sur le plan disciplinaire;

CONFIRME pour le surplus les dispositions non contraires de l’ordonnance entreprise ;

CONDAMNE SNCF Mobilités à payer à Mme Z la somme de 1 200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE SNCF Mobilités aux dépens.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

L. E R. CAPRA

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