Cour d'appel de Rennes, 9e chambre securite sociale, 13 décembre 2023, n° 21/01240

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 9e ch. securite soc., 13 déc. 2023, n° 21/01240
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 21/01240
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Vannes, 15 novembre 2020, N° 19/00608
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 24 décembre 2023
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Sur les parties

Texte intégral

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 21/01240 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RMI2

Société [4]

C/

CPAM DES COTES D’ARMOR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 Octobre 2023

devant Madame Cécile MORILLON-DEMAY, magistrat chargé d’instruire l’affaire, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Décembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 16 Novembre 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Pole social du TJ de VANNES

Références : 19/00608

****

APPELANTE :

[4]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Annaïc LAVOLE, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Mathilde KERNEIS, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES COTES D’ARMOR

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Mme [D] [I], en vertu d’un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 25 juillet 2018, M. [N] [T], salarié de la SAS [4] (la société) en tant que menuisier aluminium, a déclaré une maladie professionnelle en raison d’une tendinopathie chronique non rompue non calcifiante épaule droite, sur la base d’un certificat médical initial établi le 1er juin 2018, faisant état de la même lésion avec prescription de soins et d’un arrêt de travail jusqu’au 1er juillet 2018.

Par décision du 25 mars 2019, après instruction et suivant avis du 15 mars 2019 du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Bretagne (CRRMP), la caisse primaire d’assurance maladie des Côtes d’Armor (la caisse) a pris en charge la maladie tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles.

La société a contesté l’opposabilité de cette décision de prise en charge devant la commission de recours amiable, laquelle a rejeté sa demande lors de sa séance du 26 juin 2019.

Elle a alors porté le litige devant le pôle social du tribunal de grande instance de Vannes le 7 septembre 2019.

Par jugement du 16 novembre 2020, ce tribunal devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Vannes a notamment :

— rejeté les moyens tirés du non respect du caractère contradictoire de la procédure, de l’absence d’avis du médecin du travail et de l’absence de réalisation d’IRM ;

— sollicité l’avis du CRRMP des Pays de la Loire aux fins de :

' prendre connaissance de l’ensemble des éléments médicaux et administratifs constituant le dossier médical de M. [T] ;

' dire si la pathologie présentée par M. [T] est directement causée par son travail habituel ;

' faire toute observation utile ;

— réservé les dépens ;

— ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration adressée le 22 janvier 2021, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 4 janvier 2021.

Elle critique le jugement en ce qu’il a rejeté les moyens tirés du non respect du caractère contradictoire de la procédure.

Par ses écritures parvenues au greffe par le RPVA le 25 février 2022 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, la société demande à la cour de :

— la recevoir en son recours, le déclarer bien fondé ;

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les moyens tirés du non-respect du caractère contradictoire de la procédure, de l’absence d’avis du médecin du travail et de l’absence de réalisation d’IRM ;

— lui déclarer inopposable la décision de la caisse en date du 25 mars 2019 portant prise en charge au titre du risque professionnel de la maladie déclarée par M. [T] en date du 1er juin 2018 : tableau 57 ' tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite ;

— débouter la caisse de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;

A titre subsidiaire, le cas échéant,

— confirmer le jugement en ce qu’il a désigné un second CRRMP sur le fondement des dispositions de l’article R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale ;

— débouter la caisse de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;

— condamner la caisse aux entiers dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 19 août 2021 auxquelles s’est référée et qu’a développées sa représentante à l’audience, la caisse demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En conséquence :

— débouter la société de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Avant dire droit,

— désigner un second CRRMP aux fins de :

' prendre connaissance de l’ensemble des éléments médicaux et administratifs constituant le dossier médical de M. [T] ;

' dire si la pathologie présentée par M. [T] est directement causée par con travail habituel ;

' faire toute observation utile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les conditions du tableau n°57 A des maladies professionnelles et le principe du contradictoire

L’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale pose une présomption d’origine professionnelle au bénéfice de toute maladie désignée dans un tableau de maladie professionnelle et contractée dans les conditions mentionnées dans ce tableau.

Fixés par décret, les tableaux précisent la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie, énumèrent les affections provoquées et le délai dans lequel la maladie doit être constatée après la cessation de l’exposition du salarié au risque identifié pour être prise en charge.

La maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau, avec tous ses éléments constitutifs et doit être constatée conformément aux éléments de diagnostic éventuellement prévus (2e Civ., 17 mai 2004, pourvoi n° 03-11.968).

Il appartient à la caisse, subrogée dans les droits du salarié qu’elle a indemnisé, de démontrer que les conditions du tableau des maladies professionnelles dont elle invoque l’application sont remplies.

Le tableau n°57 A des maladies professionnelles, dans sa version en vigueur depuis le 8 mai 2017 applicable au cas particulier, désigne trois pathologies professionnelles pour l’épaule :

— la rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM,

— la tendinopathie aiguë non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs,

— la tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (ou un arthtroscanner en cas de contre-indication à l’IRM).

Le tableau n°57 subordonne ainsi la prise en charge de la rupture de la coiffe des rotateurs à sa confirmation par IRM.

Il résulte des articles D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale dans leur version en vigueur jusqu’au 1er décembre 2019 que :

— la caisse saisit le comité après avoir recueilli et instruit les éléments nécessaires du dossier, parmi lesquels figure un avis motivé du médecin du travail de l’entreprise où la victime a été employée ;

— les pièces demandées par la caisse, notamment l’avis motivé du médecin du travail, doivent être fournies dans un délai d’un mois.

Il appartient donc à la caisse de constituer le dossier soumis au CRRMP qui doit notamment comprendre l’avis motivé du médecin du travail de l’entreprise (2e Civ., 20 décembre 2007, pourvoi n°06-18.119). Elle doit en outre s’assurer que le dossier qu’elle transmet au CRRMP est complet (2e Civ., 12 juillet 2006, pourvoi n° 05-10.657).

Il a en outre été jugé que le comité peut valablement exprimer l’avis servant à fonder la décision de la caisse en cas d’impossibilité matérielle d’obtenir cet élément (2e Civ., 20 juin 2013, pourvoi n° 12-19.816).

Lorsque la caisse ne justifie pas avoir été dans l’impossibilité d’obtenir l’avis du médecin du travail de l’entreprise où la victime était employée, la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie prise à la suite de l’avis du comité, doit être déclarée inopposable à l’égard de l’employeur (2e civ, 24 septembre 2020).

En revanche, lorsque la caisse prouve qu’elle a fait diligence sans obtenir de réponse du médecin du travail, il doit être considéré qu’elle s’est trouvée dans l’impossibilité matérielle de produire l’avis requis par les textes.

En l’espèce, il ressort de l’avis du CRRMP (pièce n°3 de la société) que le dossier qui lui a été transmis par la caisse ne contenait pas l’avis motivé du médecin du travail et qu’il a ainsi rendu son avis sans en avoir eu connaissance.

A cet égard, il est produit par la caisse une capture d’écran et la copie d’un courrier (pièce 8 de la caisse) qui démontre qu’elle a sollicité le 23 août 2018, la société pour qu’elle lui transmette les coordonnées du médecin du travail attaché à son établissement.

Pour justifier de ses diligences en vue d’obtenir cet avis du médecin du travail, dont elle ne conteste pas l’absence dans le dossier transmis au CRRMP, la caisse produit une copie d’écran (sa pièce n°10) laissant apparaître sous la rubrique 'liste des actes de gestion’ la mention 'Informer Emp Récept DMP vic+ Avis MED trav’ à la date du 23 août 2018, et sous la rubrique 'courrier’ la même mention à la même date.

Or, le courrier, dont la copie est versée aux débats, à l’attention du médecin du travail se borne à l’informer de la déclaration de maladie professionnelle, conformément aux dispositions de l’article R.441-11 du code de la sécurité sociale, mais ne comporte aucune demande d’avis motivé. Au surplus, ce courrier n’a pas été adressé au médecin du travail directement mais à l’employeur chargé par la caisse de le transmettre au médecin du travail. Ce courrier de transmission à l’adresse de l’employeur qui lui demandait également de communiquer les coordonnées du médecin du travail, démontre parfaitement que la caisse avait besoin de ce renseignement pour solliciter directement l’avis de ce professionnel de santé. La cour constate cependant que, ultérieurement, la caisse qui était bien en possession des coordonnées du médecin du travail ainsi que cela résulte du compte-rendu de l’enquête administrative, n’a réalisé aucune démarche auprès de lui pour solliciter son avis.

Force est de constater que la caisse ne justifie pas avoir été dans l’impossibilité d’obtenir l’avis du médecin du travail, ni même avoir tenté de l’obtenir alors qu’il lui appartenait de le faire dans le cadre de l’instruction du dossier de la victime.

Elle n’a donc pas satisfait aux prescriptions des articles D.461-29 et D.461-30 du code de la sécurité sociale sus-visés de sorte que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [T] doit être déclarée inopposable à la société. Le jugement sera dès lors infirmé.

Sur les dépens

L’article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

En conséquence, les dépens de la présente procédure seront laissés à la charge de la caisse qui succombe à l’instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Déclare inopposable à la société [4] la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [T] le 25 juillet 2018 ;

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie des Cotes d’Armor aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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