Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 27 avril 2021, n° 19/00941

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. soc., 27 avr. 2021, n° 19/00941
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 19/00941
Dispositif : Expertise

Sur les parties

Texte intégral

27 avril 2021

Arrêt n°

KV / NB / NS

Dossier N° RG 19/00941 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FGV5

G A B

/

S.A.S. TFN PROPRETE SUD EST reprise par la SOCIÉTÉ ATALIAN PROPRETE SUD OUEST, C.P.A.M. ALLIER

Arrêt rendu ce VINGT SEPT AVRIL DEUX MILLE VINGT ET UN par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Karine VALLEE, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme BELAROUI, Greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. G A B

[…]

[…]

Représenté par Me Anicet X, avocat au barreau de MOULINS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2019/006285 du 20/09/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

APPELANT

ET :

S.A.S. TFN PROPRETE SUD EST

reprise par la Société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST

[…]

[…]

Représentée par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON

C.P.A.M. ALLIER

[…]

[…]

Représentée par Me Thomas FAGEOLE de la SELARL F2A, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

substitué à l’audience par Me Anthony D’AVERSA ADOLPH, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉES

Mme Karine VALLEE, Conseiller rapporteur, après avoir entendu, à l’audience publique du 22 Mars 2021, tenue en application de l’article 945-1 du code de procédure civile, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M. A B, embauché en qualité d’agent de service par contrat de travail à durée déterminée par la société TFN PROPRETE SUD EST, devenue la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST, a été victime d’un accident sur son lieu de travail dans la nuit du 22 septembre au 23 septembre 2011, qui a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier recommandé en date du 25 septembre 2014, M. A B a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Allier d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur au titre de l’accident du travail survenu le 22 septembre 2011.

Par jugement en date du 1er avril 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Moulins, auquel a été transféré à compter du 1er janvier 2019 le contentieux traité par le tribunal des affaires de sécurité sociale, a :

— déclaré le recours présenté par M. A B recevable en la forme ;

— rejeté le moyen soutenu par la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST tiré de la péremption d’instance ;

— débouté M. A B de sa demande visant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST, au titre de l’accident du travail ;

— rejeté les demandes présentées par M. A B au titre de l’expertise et de la provision ;

— débouté M. A B de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— dit n’y avoir lieu de statuer sur les demandes de la CPAM de l’Allier en l’absence de reconnaissance de faute inexcusable ;

— condamné M. A B aux dépens de l’instance.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 10 mai 2019, M. A B a interjeté appel de ce jugement notifié à sa personne le 16 avril 2019.

L’affaire a été fixée à l’audience de la chambre sociale du 22 mars 2021.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières écritures notifiées le 20 janvier 2021, oralement reprises, M. A B conclut à la confirmation de la décision du pôle social de Moulins en date 1er avril 2019 qui a déclaré son recours recevable et rejeté le moyen soutenu par la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST tiré de la péremption d’instance, et demande à la cour de :

— réformer pour le surplus ;

— déclarer fondées ses demandes ;

— dire et juger que son accident du travail du 22/23 septembre 2011 résulte d’une faute inexcusable présumée ou à tout le moins de droit commun de la société TFN PROPRETE SUD EST ;

— porter au maximum légal la majoration de sa rente accident du travail ;

— avant dire droit sur l’indemnisation de son préjudice, ordonner son expertise médicale par tel médecin expert spécialisé en psychiatrie, lequel recevra la mission d’usage, en application de l’article L 452-2 du code de sécurité sociale ainsi que de la jurisprudence de la Cour de Cassation, de donner son avis sur :

*le déficit fonctionnel temporaire total et partiel( taux et durée );

* ses souffrances physiques et morales endurées ;

* son préjudice esthétique temporaire et définitif ;

*son préjudice d’agrément constitué par l’impossibilité de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ;

* son préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Le cas échéant,

* son préjudice d’établissement ;

* son préjudice sexuel (acte sexuel, fertilité, libido) ;

* la nécessité de la présence ou assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne avant consolidation ;

* les frais de logement et/ou de véhicule adaptés, les aménagements nécessaires pour lui permettre d’adapter son logement ou son véhicule à son handicap ;

* ses préjudices atypiques.

— dire que la CPAM fera l’avance de la provision de 6000 euros qui lui sera accordée, ainsi que de ses frais d’expertise, lesquels resteront à la charge définitive de la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST.

— débouter la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST venant aux droits de la société TFN PROPRETE SUD EST de l’intégralité de ses demandes et la condamner à payer à Maître X, son avocat, la somme de 1500 euros au titre des articles 37 alinéa 2 et 75 de la loi N°91-647 du 10/07/1991 pour ses frais irrépétibles d’appel ;

— condamner la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST en tous les dépens de première instance et d’appel.

Par ses dernières écritures notifiées le 14 mai 2020, oralement reprises, la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour de :

— débouter M. A B de l’intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire :

— débouter M. A B de sa demande de condamnation provisionnelle ;

— limiter la mission de l’expertise aux postes de préjudices indemnisables et non couverts par les dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale à l’exclusion du préjudice résultant de la perte ou des possibilités de promotion professionnelle ;

— limiter les conséquences de la reconnaissance éventuelle de la faute inexcusable sur la base d’un taux d’IPP de 15%.

Par ses dernières écritures notifiées le 23 juillet 2019, oralement reprises, la CPAM de l’Allier demande à la cour de :

— dire qu’elle avancera seule les réparations qui seront versées au titre de l’article L452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale ;

En conséquence de dire et juger que :

— elle est fondée à solliciter le remboursement de l’ensemble de sommes avancées par elle au titre de l’expertise auprès de la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST ;

— elle est fondée à solliciter le remboursement de l’ensemble de sommes avancées par elle au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, tant au titre des préjudices que de la majoration de la rente, auprès de l’employeur ;

— elle est recevable à ce que l’ensemble des sommes versées par elle, tant au titre de l’expertise qu’au titre des sommes allouées au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, portent intérêt au taux légal à compter du jour du versement des sommes allouées à M. A B ;

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, oralement soutenues à l’audience, pour l’exposé de leurs moyens.

MOTIFS

Sur la faute inexcusable :

M. A B explique qu’alors qu’il était occupé au sein de l’établissement SOCOPA de Villefranche d’Allier à nettoyer à l’aide d’un jet d’eau un broyeur à viande et qu’il était monté sur un escabeau pour atteindre le rebord et y poser les deux pieds, il a glissé en redescendant et chuté en se cognant la tête sur le rebord du scaniro.

Il en est résulté un traumatisme crânien sans perte de connaissance initiale et l’apparition d’un syndrome subjectif post-traumatique et d’un syndrome dépressif.

M. A B estime qu’il est bien fondé à se prévaloir de la faute inexcusable de la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST dans la survenance de cet accident du travail pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

Aux termes de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident subi par le salarié. Il suffit qu’elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur puisse être engagée, alors même que d’autres fautes, en ce compris la faute de la victime,

auraient concouru au dommage.

Il incombe en principe au salarié agissant en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur de prouver que ce dernier, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Toutefois le régime probatoire présente un particularisme s’agissant de la situation de certaines catégories de travailleurs. L’article L4154-3 du code du travail dispose ainsi que ' la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie pour les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, ils n’auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l’article L4154-2".

L’article L4154-2 visé par cette disposition prévoit que 'les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise, affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise dans laquelle ils sont employés.

La liste de ces postes est établie par l’employeur, après avis du médecin du travail et du comité social et économique, s’il existe. Elle est tenue à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L8112-1".

Il résulte de ces textes que le salarié embauché sous contrat de travail à durée déterminée perd le bénéfice de la présomption de faute inexcusable s’il n’est pas affecté à un poste qui présente des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité.

M. A B argue de son affectation sur un poste particulièrement à risque en relevant que tout travail en hauteur exécuté au moyen d’un escabeau ou escamobile recèle par nature un danger particulier, dès lors qu’il consiste à élever le travailleur en hauteur et à le positionner dans une situation d’équilibre instable, raison pour laquelle l’article R4323-63 du code du travail pose le principe de l’interdiction d’utilisation des échelles, escabeaux et marchepieds comme poste de travail.

Il ajoute que le nettoyage du broyeur à viande pour lequel l’escabeau a été utilisé, pour être quotidien, était nécessairement répétitif et qu’il était d’autant plus dangereux que compte tenu de l’emplacement de la cuve de broyage, située à une hauteur d’environ 3 mètres au dessus du sol, il devait non seulement utiliser un escamobile mais également poser les deux pieds sur le rebord du broyeur pour pouvoir effectuer un nettoyage correct de sa surface interne, ce alors que tant le rebord de la cuve que l’escabeau lui même étaient rendus glissants en raison de l’utilisation combinée de l’eau et des produits de nettoyage.

Si l’article L4154-2 susvisé du code du travail, complété par l’article 4-1-2-1 de la circulaire DRT 18/90 du 30 octobre 1990, met à la charge de l’employeur l’obligation d’établir la liste des postes à risques et le cas échéant, si un tel poste n’est pas identifié au sein de son entreprise, d’établir un état néant, il n’en reste pas moins que sa seule carence à justifier de l’accomplissement de cette diligence ne suffit pas à conclure à l’existence d’un poste présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des travailleurs, l’appréciation de cette dangerosité particulière devant reposer, non pas sur la survenance de l’accident corporel, ni encore sur le manquement de l’employeur à établir la liste des postes à risques au sens de l’article L4154-2 du code du travail, mais sur la recherche de l’évaluation objective des facteurs particuliers de risque que présente l’emploi occupé.

Au cas d’espèce, les risques invoqués par l’appelant au soutien de sa demande de mise en oeuvre de la présomption de faute inexcusable consistent en un travail en hauteur sur un escamobile et la nécessité de prendre appui sur le rebord du broyeur pour effectuer la tâche de nettoyage.

Selon l’article R4323-63 du code du travail 'Il est interdit d’utiliser les échelles, escabeaux et marchepieds comme poste de travail. Toutefois, ces équipements peuvent être utilisés en cas d’impossibilité technique de recourir à un équipement assurant la protection collective des travailleurs ou lorsque l’évaluation du risque a établi que ce risque est faible et qu’il s’agit de travaux de courte durée ne présentant pas un caractère répétitif.'

Le code du travail pose ainsi une interdiction d’utilisation d’escabeau, qui en ce qu’elle est intégrée à sa quatrième partie relative à la santé et la sécurité au travail, vise à prévenir toute atteinte à la sécurité du travailleur.

Si la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST souligne que M. A B ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des circonstances exactes de l’accident, elle admet que son accident a consisté en une chute de l’escamobile sur lequel il s’était hissé. Il s’en déduit que l’interdiction d’utilisation d’escabeau, telle que posée par l’article R4323-63 du code du travail, n’a pas été respectée, sans qu’il soit démontré par l’employeur, tenu au respect des règles de sécurité édictées par le code du travail, que les conditions d’application des deux dérogations visées par ce texte étaient remplies, étant en particulier observé qu’il n’est pas établi que le nettoyage de la cuve de broyage constituait un travail de courte durée ne présentant pas un caractère répétitif.

Il y a donc lieu de considérer que le poste occupé par M. A B, qui impliquait l’utilisation d’un escabeau dans des conditions non conforme à la réglementation destinée à prévenir les risques professionnels, était porteur d’un risque particulier pour sa santé ou sa sécurité, dépassant les risques usuels inhérents à un poste d’agent de service, ce d’autant qu’ainsi que le confirme M. Y aux termes de son attestation en date du 17 novembre 2018, pour rincer l’intérieur du broyeur, il était nécessaire de monter sur cette machine sans harnais de sécurité avec de surcroît des bottes glissantes.

Il s’ensuit qu’il appartient à la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST d’établir qu’elle a dispensé à M. A B une formation renforcée à la sécurité.

La société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST fait observer que son salarié avait suivi, au moment de son embauche puis régulièrement en cours de l’exécution de son contrat, à la faveur des ' causeries sécurité’ organisées par elle, des enseignements relatifs aux règles générales et élémentaires de sécurité.

L’article 17 du contrat de travail à durée déterminée signé le 15 septembre 2011 par M. A B stipule : ' le salarié déclare avoir bénéficié, ce jour d’une information sur l’agence, sa structure et son environnement, sur l’entreprise cliente et les risques liés à l’activité.

Le salarié reconnaît avoir pris connaissance le jour de son embauche des consignes de sécurité( copie ci-dessous).

Le salarié s’engage à respecter le ou les plan(s) de prévention affiché(s) sur le ou les site(s) ou pouvant être consulté(s) dan les bureaux de l’agence, aux heures d’ouverture.

Le salarié reconnaît avoir pris connaissance de la fiche d’évaluation des risques établie pour le poste de travail qui lui est attribué, que celle-ci lui a été commentée et qu’il en a reçu copie ce jour en main propre.'

Elle verse aux débats un document relatif aux consignes de sécurité qui, s’agissant des travaux en hauteur, prescrit notamment de ' toujours utiliser des moyens d’élévation normalisés- interdiction de monter sur du mobilier type chaise bureau- utilisation de plate forme élévatrice mobile de personnel-, ainsi qu’une fiche relative aux travaux en hauteur qui contient des recommandations quant au port des équipements de sécurité , à l’utilisation d’échelle et à l’utilisation des nacelles élévatrices.

Elle produit également un document intitulé ' causerie sécurité', qui fait état d’une animation de présentation de la charte hygiène sécurité environnement/plan de prévention, ayant eu lieu le 16 juin 2011 en direction de 19 salariés, dont M. A B, signataire de la feuille de présence.

Ni le rappel par voie écrite des consignes de sécurité , qui de surcroît n’évoquent que l’utilisation des plate formes élévatrices, et non d’escabeaux, pour les travaux en hauteur, à supposer en outre qu’elles aient été effectivement remises au salarié dont la signature ne figure pas sur le document, ni la fiche

intitulée ' travaux en hauteur', dont il est impossible de déterminer si le salarié a pu effectivement en prendre connaissance, ne sauraient équivaloir à une formation renforcée à la sécurité.

Par ailleurs, la participation de M. A B à l’animation intitulée ' causerie sécurité’ ne saurait davantage tenir lieu de formation renforcée à la sécurité dès lors que d’après les commentaires de l’animateur, au demeurant incomplètement déchiffrables compte tenu de la mauvaise qualité de la copie versée aux débats, l’animation a porté sur le rappel des consignes d’hygiène et sécurité, sans que son rapport direct avec la sécurité du travail en hauteur avec utilisation d’un escabeau dans les conditions rendant glissants les appuis du salarié soit établi.

Il apparaît à la lecture des pièces communiquées par la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST qu’au mieux, M. A B a reçu des documents écrits exposant de façon générale et impersonnelle des règles de sécurité sans lien direct et étroit avec les caractéristiques de son poste et les risques qu’il générait sur sa sécurité, et suivi une animation dont le contenu évasif ne permet pas de s’assurer que ce salarié a été véritablement formé, de façon renforcée, aux dangers particuliers auxquels il était exposé dans le cadre de l’occupation de son poste qui comportait des travaux en hauteur sur escabeau avec fragilisation des appuis par l’effet de surfaces et d’équipements devenus glissants. Il sera constaté également que le renvoi au plan de prévention ou à la fiche d’évaluation des risques, laquelle n’est au demeurant même pas produite aux débats, opéré tant par la clause susmentionnée du contrat de travail que par le document ' causerie sécurité', est tout autant insuffisante à caractériser une formation renforcée à la sécurité dont l’objet est précisément d’informer de façon complète, adaptée, et efficace le salarié sur les risques particuliers auxquels il est exposé, en le sensibilisant aux gestes à adopter pour en prévenir la réalisation. Or aucun élément ne permet d’établir que le contenu de ces documents aient été expliqués utilement à M. A B s’agissant particulièrement des travaux en hauteur réalisés dans des circonstances dangereuses.

Il s’évince des considérations qui précèdent que les conditions légales en étant réunies, il y a lieu, infirmant le jugement entrepris qui a écarté la faute inexcusable de l’employeur, de faire application au cas d’espèce de la présomption de faute inexcusable qui n’est pas renversée par l’employeur.

Sur les conséquences de la faute inexcusable :

En application des dispositions de l’article L452-2 du code de la sécurité sociale, la reconnaissance de la faute inexcusable de la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST ouvre droit en faveur de M. A B à la majoration maximale de la rente accident du travail ou de l’indemnité en capital, l’action récursoire de la caisse contre l’employeur au titre de cette majoration ne pouvant être exercée que dans la limite du taux d’incapacité permanente partielle de 15 % retenu par le tribunal du contentieux de l’incapacité de Limoges aux termes de son jugement en date du 12 décembre 2014 dont le caractère définitif n’est pas contesté.

Outre la majoration de sa rente, M. A B peut également prétendre à l’indemnisation des préjudices complémentaires définis par l’article L452-3 du même code ( souffrances endurées, préjudice esthétique, préjudice d’agrément et préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle).

En vertu de la jurisprudence établie de la Cour de cassation, il est par ailleurs bien fondé à demander devant la juridiction du contentieux de la sécurité sociale la réparation de tous les autres dommages subis en conséquence de l’accident qui ne sont pas couverts par le code de la sécurité sociale.

Avant dire droit sur l’évaluation des préjudices dont M. A B a souffert en relation directe avec l’accident du travail dont il a été victime, il y a lieu d’ordonner une expertise médicale, les chefs de mission étant précisés au dispositif du présent arrêt.

La date de consolidation de M. A B a été fixée par le médecin-conseil de la caisse au 28 février 2014. Les pièces versées aux débats établissent qu’en suite de son accident, il a présenté un syndrome subjectif post traumatique, avec adynamie, céphalées et troubles du sommeil persistant. Le médecin psychiatre agréé qui a été commis par le tribunal du contentieux de Clermont-Ferrand a conclu le 8 janvier 2016 qu’il présentait des troubles psychiques et somatiques, en rapport avec ce syndrome post-traumatique crânien et que son état de santé ne lui permettait pas d’exercer une activité rémunérée. La qualité de travailleur handicapé lui a d’ailleurs été reconnue par décision du 3

novembre 2014 de la CDAPH.

Au regard des séquelles qu’il présente il sera fait droit à sa demande de provision à hauteur de la somme de 2.000 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST qui succombe à la procédure sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’au paiement, en faveur de Maître X, avocat de M. A B de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 37 de la 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle, les dispositions contraires du jugement entrepris étant infirmées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

— Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, dit que l’accident du travail dont M. G A B a été victime dans la nuit du 22 au 23 septembre 2011 procède de la faute inexcusable de l’employeur, la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST, venant aux droits de la société TFN PROPRETE SUD EST ;

— Fixe au maximum la majoration de l’indemnité en capital ou de la rente à laquelle peut prétendre M. G A B ;

— Dit que l’action récursoire de la caisse contre l’employeur au titre de cette majoration ne peut être exercée que dans la limite du taux d’incapacité permanente partielle de 15 % ;

— avant dire droit sur l’indemnisation du préjudice corporel complémentaire

de M. G A B, ordonne une expertise médicale ;

— Commet pour y procéder : le docteur C D, […]

[…], ou à défaut le docteur Z-E F […] ;

— Dit que l’expert aura pour mission de se prononcer sur l’existence et

l’évaluation des préjudices subis par M. G A B en relation directe avec l’accident du travail s’étant produit dans la nuit du 22 au 23 septembre 2011, tant les préjudices visés expressément par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale que les préjudices évoqués par la victime ;

— Dit que dans le cadre de sa mission, l’expert devra notamment :

1) Convoquer M. G A B et, le cas échéant, les autres parties par lettre recommandée avec avis de réception et leurs conseils par lettre simple, en invitant chacun et tous tiers détenteurs à communiquer tous les documents médicaux relatifs à l’accident et tous les documents utiles à la réalisation de la mission,

2) Se faire communiquer par la victime, son représentant légal ou tout tiers détenteur, tous documents médicaux relatifs à l’accident, en particulier le certificat médical initial, et à l’état de santé de M. G A B ;

3) Fournir le maximum de renseignements sur l’identité de la victime, ses conditions d’activité professionnelle, son mode de vie antérieur à l’accident et sa situation actuelle ;

4) Procéder à l’examen de la victime et recueillir ses doléances, le cas échéant en présence des médecins mandatés par les parties avec l’assentiment de M. G A B ;

5) A partir des déclarations de la victime imputables à l’accident ou fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, la nature et le nom de l’établissement, le ou les service(s) concerné(s) et la nature des soins ;

6) Indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables à l’accident et, si possible, la date de la fin de ceux-ci ;

7) Retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial et, si nécessaire, reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l’évolution;

8) Indiquer si, avant la date de consolidation de son état de santé, la victime s’est trouvée atteinte d’un déficit fonctionnel temporaire constitué par une incapacité fonctionnelle totale ou partielle, par le temps d’hospitalisation et par les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante; dans l’affirmative en faire la description et en quantifier l’importance ;

9) Indiquer si la présence ou l’assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne a été nécessaire auprès de la victime durant la période antérieure à la consolidation de son état de santé et dans l’affirmative, en préciser les conditions d’intervention, notamment en termes de spécialisation technique, de durée et de fréquence des interventions ;

10) Décrire les douleurs physiques, psychiques ou morales endurées avant consolidation du fait des blessures subies. Les évaluer selon l’échelle habituelle de sept degrés en distinguant les souffrances endurées avant et après consolidation;

11) Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en précisant s’il est temporaire (avant consolidation) ou définitif. L’évaluer selon l’échelle habituelle de sept degrés ;

12) Donner son avis sur l’existence d’un préjudice d’agrément constitué par l’empêchement total ou partiel de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir ;

13) Préciser la situation professionnelle de la victime avant l’accident, ainsi que le rôle qu’auront joué les conséquences directes et certaines de l’accident sur l’évolution de cette situation: perte ou diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;

14) Indiquer si l’état de la victime nécessite des aménagements de son logement et/ou de son véhicule à son handicap et les déterminer ;

15) Dire s’il existe un préjudice sexuel ; dans l’affirmative le décrire en précisant s’il recouvre l’un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l’acte sexuel (libido, impuissance) et la fertilité (fonction de reproduction);

16) Dire si les autres préjudices évoqués par la victime sont réels et en relation directe avec l’accident du travail, les évaluer dans l’affirmative ;

17) Faire toutes les observations techniques utiles à la réalisation de la mission d’expertise ;

— Dit que l’expert établira une note de synthèse ou un pré-rapport qu’il

adressera aux parties pour leurs observations éventuelles dans tel délai de rigueur déterminé de manière raisonnable, avant dépôt du rapport devra répondre avec précision aux dires écrits des parties ;

— Dit que l’expert pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge

pour lui d’en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l’avis du sapiteur à son rapport, et que si le sapiteur n’a pas pu réaliser ses opérations de manière

contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l’expert ;

— Dit que l’expert devra déposer rapport de ses opérations au secrétariat – greffe de la chambre sociale de la cour d’appel de Riom avant le 1er janvier 2022 ;

— Fixe à 800 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert et dit que cette somme devra être avancée par la caisse primaire d’assurance maladie de l’Allier et consignée au secrétariat-greffe de la cour avant le 10 juin 2021;

— Désigne Monsieur Christophe RUIN, président de la chambre sociale de

la cour d’appel de Riom, ou, à défaut, Madame Karine VALLEE, conseiller, pour contrôler les opérations d’expertise, à défaut le magistrat faisant fonction de président de la chambre sociale de la cour d’appel de Riom ;

— Alloue à M. G A B une provision de 2.000 euros à

valoir sur la réparation de son préjudice corporel en relation directe avec l’accident du travail dont il a été victime ;

— Dit que conformément aux dispositions de l’article L. 452-3 du code de la

sécurité sociale les sommes que la caisse primaire d’assurance maladie de l’Allier sera amenée à avancer à M. G A B pourront être récupérées auprès de la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST ;

— Condamne la société ATALIAN PROPRETE SUD OUEST à verser à

Maître X , Avocat de M. G A B, une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle ;

— Réserve les autres demandes ;

— Renvoie l’examen de l’affaire à l’audience du 10 janvier 2022 à 13h45 ;

— Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation de

s parties et de leurs conseils.

Le greffier, Le président,

N. BELAROUI C. RUIN

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Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 27 avril 2021, n° 19/00941