Cour d'appel de Rouen, Chambre correctionnelle, 17 décembre 2008, n° 08/00184

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. corr., 17 déc. 2008, n° 08/00184
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 08/00184
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bernay, 9 octobre 2007

Sur les parties

Texte intégral

DOSSIER N° 08/00184 N°

ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2008

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CORRECTIONNELLE

Sur appel d’un jugement du Tribunal de Grande Instance de BERNAY du 10 Octobre 2007, la cause a été appelée à l’audience publique du mercredi 01 octobre 2008,

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur CATENOIX,

Conseillers : Monsieur X,

Monsieur Y,

Lors des débats :

Le Ministère Public étant représenté par Monsieur l’avocat général LARDEUX

Le Greffier étant : Monsieur AU,

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

Le Ministère Public

appelant

ET

M T

né le XXX à XXX

de L M et de N O

de nationalité française,

demeurant: XXX

XXX

Prévenu, appelant, Libre

présent et assisté de Maître P Q, avocat au barreau de PARIS

CONTRADICTOIRE

ET

AS-C, ADMINISTRATEUR AD’HOC DE K G

XXX

Partie civile, intimée

présente en la personne de Madame Z, assisté de Maître R S-Luc, avocat au barreau de BERNAY

(AJ provisoire accordée le 1er octobre 2008)

CONTRADICTOIRE

A SIGNIFIER

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’EURE

XXX

Partie intervenante, intimée

absente non représentée

CONTRADICTOIRE

A SIGNIFIER

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

Maître P Q et Maître R S a déposé des conclusions à l’appel de la cause, lesquelles datées et contresignées par le greffier, mentionnées par ce dernier aux notes d’audience, ont été visées par le Président, puis jointes au dossier.

Monsieur le Président CATENOIX a été entendu en son rapport après avoir constaté l’identité du prévenu,

le prévenu a été interrogé et a présenté ses moyens de défense, exposant les raisons de son appel,

Madame Z représentant l’AS-C a été entendue en ses observations,

Ont été ensuite entendus dans les formes prescrites par les articles 460 et 513 du code de procédure pénale :

L’avocat de la partie civile en sa plaidoirie,

Le Ministère Public en ses réquisitions,

L’avocat du prévenu en sa plaidoirie,

le prévenu, qui a eu la parole en dernier,

Puis la Cour a mis l’affaire en délibéré et le Président a déclaré que l’arrêt serait rendu le 12 NOVEMBRE 2008, date à laquelle, en l’absence des parties, le délibéré a été prorogé au 17 DECEMBRE 2008

Et ce jour 17 DECEMBRE 2008:

le prévenu étant présent et les parties civile et intervenante étant absentes, Monsieur le Président CATENOIX a, à l’audience publique, donné seul lecture de l’arrêt en application des dispositions des articles 485 dernier alinéa et 512 du Code de Procédure Pénale en présence du Ministère Public et de Monsieur A

AU, Greffier.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

T M a été renvoyé avec W G devant le Tribunal correctionnel de BERNAY par ordonnance du juge d’instruction rendue le 7 février 2006 et cité à comparaître à l’audience du 14 mars 2007 par acte d’huissier délivré à la requête du procureur de la république le 30 janvier 2007 (à sa personne).

Il était prévenu :

— d’avoir à BERNAY (27), en tout cas sur le territoire national, entre le 21 janvier et le 2 février 2004 et depuis temps non couvert par la prescription, volontairement commis des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours, en l’espèce 18 jours, sur la personne de K G, mineure de 15 ans, pour être née le XXX, avec cette circonstance que les faits ont été commis par une personne ayant autorité sur la victime ;

Faits prévus et réprimés par les articles 222-12, 222-44, 222-45, 222-47 du Code pénal ;

— d’avoir à BERNAY, en tout cas sur le territoire national, entre le 1er et le 14 janvier 2004 et depuis temps non couvert par la prescription, volontairement commis des violences n’ayant pas entraîné une incapacité de travail supérieure à 8 jours, en l’espèce 8 jours, sur la personne de K G, mineure de 15 ans, pour être née le XXX, avec cette circonstance que les faits ont été commis par une personne ayant autorité sur la victime ;

Faits prévus et réprimés par les articles 222-13, 222-44, 222-45, 222-47 du Code pénal ;

— d’avoir à BERNAY, en tout cas sur le territoire national, courant 2003 et depuis temps non couvert par la prescription, commis des violences n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail sur la personne de K G, mineure de 15 ans, pour être née le XXX, avec cette circonstance que les faits ont été commis par une personne ayant autorité sur la victime ;

Faits prévus et réprimés par les articles 222-13, 222-44, 222-45, 222-47 du Code pénal ;

JUGEMENT

Le Tribunal, après renvoi du 14 mars 2007 et débats à l’audience du 12 septembre 2007, a, par jugement contradictoire du 10 octobre 2007, prononcé la relaxe d’W G, prévenue des mêmes faits, et adopté notamment les autres dispositions suivantes :

Déclare T M coupable des faits qui lui sont reprochés ;

Condamne T M à la peine de 24 mois d’emprisonnement,

dont 12 mois avec sursis assorti d’un délai d’épreuve de 3 années, conformément aux prescriptions des articles 739 à 747 du Code de procédure pénale, 132-40 à 132-53 du Code pénal ;

Vu l’article 132-45 du Code pénal, lui impose l’obligation de soins, de travailler ou de justifier de la recherche d’un travail ou d’une formation, d’indemniser la victime et l’interdiction de rencontrer K G;

Constate, en application de l’article 706-53-2 du code de procédure pénale, l’inscription du condamné au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.

Reçoit l’AS-C administrateur ad’hoc de K G en sa constitution de partie civile ;

Déclare T M responsable du préjudice subi par K G ;

Ordonne une expertise,

Commet pour y procéder le docteur B demeurant à XXX,

Condamne T M à verser à l’AS-C administrateur ad’hoc de K G, une indemnité provisionnelle de 1000 Euros ;

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision ;

Renvoie l’affaire sur intérêts civils ;

APPELS

Par déclarations effectuées le 19 octobre 2007 au greffe du tribunal, il a été interjeté appel de ce jugement par T M sur les dispositions pénales et civiles et par le Procureur de la république contre ce prévenu.

DECISION

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi.

En la forme

Les parties ont été citées devant la Cour à la requête du procureur général par actes d’huissier délivrés respectivement

— à T M le 11 mars 2008 (en mairie, avis de réception signé le 14 mars 2008) ;

— à l’association AS-C, en sa qualité d’administrateur ad hoc de la mineure K G, le 22 février 2008 (à personne habilitée) ;

— à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE-MALADIE de l’EURE le 10 septembre 2008 (à personne habilitée).

A l’audience du 1er octobre 2008, le prévenu T M a comparu assisté de son avocat et la partie civile AS-C a comparu en la personne de sa représentante habilitée, assistée de son avocat. La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE-MALADIE de L’EURE était absente et non représentée mais, par lettre adressée à la Cour le 15 septembre 2008, elle a sollicité le paiement de la somme de 543,55 Euros en remboursement des prestations servies au profit de K G et d’une indemnité de 181,18 Euros au titre de ses frais de gestion. Le présent arrêt sera donc contradictoire et devra être signifié à cet organisme social et à la partie civile, absente lors de la prorogation du délibéré.

Au vu des énonciations qui précèdent et des pièces de la procédure, les appels interjetés par le prévenu T M et le Ministère Public dans les formes et délais des articles 498 et suivants du Code de Procédure Pénale sont réguliers ; ils sont donc recevables.

Au fond

Le prévenu T M persiste à contester les faits de violences volontaires qui lui sont reprochés devant la cour à laquelle il demande, par conclusions écrites de son avocat développées oralement à l’audience, d’infirmer le jugement et de prononcer sa relaxe au bénéfice du doute, en faisant principalement valoir :

— qu’aucun élément de l’enquête ne permet de retenir l’hypothèse de la maltraitance, des constatations médicales non étayées par d’autres éléments de preuve ne pouvant suffire à entraîner la condamnation d’une personne mise en cause pour de tels faits ;

— que les certificats du docteur D et du docteur E créent un doute important concernant la thèse de la maltraitance, et que des examens indispensables comme la densytométrie osseuse n’ont pas été pratiqués sur K G.

Le Parquet général requiert une déclaration de la culpabilité du prévenu T M sur l’ensemble des faits qui lui sont reprochés et la confirmation du jugement sur la peine que lui a infligée le Tribunal.

Par conclusions écrites de son avocat développées oralement à l’audience, l’AS-C sollicite le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire, la confirmation du jugement et la condamnation d’T M aux dépens.

Des investigations réalisées dans le cadre de la présente procédure, il ressort principalement ce qui suit :

Le 02 février 2004, le Docteur U V, médecin du service de pédiatrie du centre hospitalier Robert Bisson à LISIEUX adressait, au Procureur de la République de BERNAY un signalement concernant K G, née le 0XXX. Le Docteur U V indiquait que l’enfant avait été hospitalisée dans son service, du 14 au 21 janvier 2004, pour hépatite aiguë associée à une pancréatite aiguë, sans que puisse être retenue une étiologie infectieuse ou malformative. Il était alors constaté sur son corps des lésions cutanées au niveau de l’abdomen, des flancs et de la région lombaire, lesquelles étaient alors mises sur le compte de ses troubles pancréatiques. A l’issue de son hospitalisation, K G retournait au domicile de sa mère W G et du compagnon de celle-ci T M à BERNAY. Le 2 février 2004, K G était amenée par le SMUR de l’Eure et hospitalisée, en raison de convulsions généralisées, avec troubles de la conscience et hémiplégie droite. A l’examen clinique, il était constaté des lésions ecchymotiques, remontant de 24 à 72 heures, en rétro-auriculaire droite et gauche, au niveau du pavillon de l’oreille droite, du front, du thorax et de la région dorso-lombaire. Les examens complémentaires réalisés démontraient une hémorragie intracrânienne correspondant à un hématome sous-dural pariéto-temporal, des hémorragies rétiniennes ainsi que des signes biologiques d’une souffrance hépatique et pancréatique. Son état nécessitait

un transfert urgent en réanimation pédiatrique au C.H.U. de CAEN. W G et T M expliquaient alors, au médecin, le traumatisme crânien de leur enfant, par une chute de celle-ci dans la baignoire, datant de quelques jours.

Une ordonnance de placement provisoire était prise le jour même afin de confier l’enfant, au Docteur F, responsable du service de réanimation pédiatrique. Une autre ordonnance de placement provisoire confiant K G aux services de l’Aide Sociale à l’Enfance, était prise par le juge des enfants du Tribunal de Grande Instance d’EVREUX le 20 février 2004. Un droit de visite sur le lieu de placement était accordé à la mère et au beau-père. Cette ordonnance de placement était renouvelée ultérieurement.

Placée en garde à vue, W G déclarait vivre avec T M, qu’elle avait rencontré sur internet, depuis le 25 juillet 2003. Elle expliquait que le 1er février 2004 au matin ce dernier avait cogné K, sur le front avec la pomme de douche, en voulant la rattraper, alors qu’elle glissait dans la baignoire. La scène, à laquelle elle n’avait pas assisté, lui avait été racontée par T M. Sa fille présentait alors une bosse sur le front ainsi qu’une petite plaie. La journée s’était ensuite passée normalement mais, la nuit suivante, vers 2 heures du matin, elle avait entendu son compagnon parler à K d’une voix qui l’avait inquiétée. A l’une de ses amies, elle avait pourtant déclaré que c’était les hurlements de K qui l’avaient réveillée. Elle expliquait donc aux enquêteurs qu’T M tenait K dans ses bras et lui avait dit qu’elle saignait au niveau de la bouche et avait du mal à respirer. Elle constatait que sa fille avait les yeux révulsés, penchait sa tête en arrière et tremblait. Elle avait également constaté des bleus sur ses oreilles et sur ses côtés, mais ne pouvait en expliquer l’origine. Elle avait appelé les secours.

W G ajoutait que, le 26 novembre 2003, alors qu’T M était seul avec K, elle avait à son retour retrouvé cette dernière avec des points de suture au front, son compagnon lui ayant déclaré l’avoir amenée à l’hôpital de BERNA Y, en raison d’une chute de l’enfant sur l’armature en bois de leur canapé.

T M déclarait qu’il lavait l’enfant, dans la matinée du 1er février 2004, lorsque celle-ci avait glissé dans la baignoire et qu’en voulant la rattraper, il l’avait cognée au milieu du front avec la pomme de douche. Il avait ensuite constaté une bosse et une petite coupure sur sa tête mais n’avait vu aucune trace d’hématome. Dans la journée, K lui avait semblé être en pleine forme. La nuit suivante, vers 2 heures, alors qu’il était encore éveillé, il l’avait entendue pousser un râle. Il était venu la voir et s’était aperçu qu’elle respirait avec difficulté et que du sang coulait de sa bouche. En attendant les secours, il avait tenté de lui faire reprendre connaissance en la secouant deux à trois secondes et en lui donnant des petites claques sur les joues. Une fois les pompiers présents, il avait vu deux lésions apparaître sur la tempe droite et la joue droite de l’enfant. II contestait avoir maltraité l’enfant, tout en admettant l’avoir giflée une fois. De même, il n’avait jamais vu sa compagne se montrer violente à l’égard de cette dernière. Il confirmait que K G s’était ouvert le front en chutant sur l’arête d’un pied de canapé en novembre 2003.

Le Docteur E, médecin traitant de la famille G, indiquait aux enquêteurs que la petite K présentait une maladie rare, consistant en une liquéfaction du sang, et que le seul fait de se cogner pouvait prendre des proportions énormes.

L’examen médical de K G, pratiqué par le médecin-légiste AA H le 4 février 2004, révélait:

— un hématome sous-dural et des traces de contusions de la face d’aspect récent (0 à 5 jours), témoignant d’un traumatisme crânio-encéphalique

— des traces de blessures cutanées : ecchymoses en région frontale droite, thorax, dos, abdomen et jambes datant de 5 à 15 jours et une plaie cicatrisée en région frontale,

— des perturbations du bilan hépatique, pouvant évoquer une contusion du foie,

— des lésions osseuses post-traumatiques, le médecin relevant que des radiographies du 3 février 2004 étaient en faveur d’une fracture récente de l’arc antérieur de la 8e côte gauche, et qu’une scintigraphie osseuse du 4 février 2004 montrait plusieurs foyers d’hyperfixation au niveau des arcs costaux antérieurs et de plusieurs articulations chondro-costales, d’allure post-traumatiques.

En revanche, l’enfant ne présentait aucune pathologie susceptible de favoriser la survenue de ces lésions. Le médecin concluait donc que celles-ci étaient évocatrices d’une maltraitance associant des violences physiques et une carence de soins. Elle fixait la durée de son incapacité totale de travail, au sens pénal du terme, à 3 semaines.

Les Docteurs F et de la GASTINE adressaient le 19 février 2004 un complément d’information, aux termes duquel il apparaissait que K G ne souffrait pas de la maladie de Willebrand, sachant que cette maladie ne donnait jamais de fractures de côtes, d’atteinte hépatique ou d’hématome sous-dural sans traumatisme violent, et que toutes les investigations biologiques aux fins de trouver éventuellement une explication aux différents hématomes avaient été normales. Ils constataient que les hématomes et l’atteinte hépatique de l’enfant avaient régressé au cours de son hospitalisation, ce qui était en soi en faveur d’un syndrome de Silverman. Selon eux, les lésions constatées avaient vraisemblablement une origine traumatique.

Réentendus par les gendarmes et le juge d’instruction, à la suite des différents rapports remis par les médecins, T M et W G contestaient avoir commis des violences sur K G. W G affirmait n’avoir vu, qu’une seule fois, son compagnon donner une gifle à sa fille, parce qu’elle avait commis une bêtise. D’ailleurs, K ne s’était jamais plainte, auprès d’elle, du comportement d’T M. Elle avait remarqué que sa fille se cognait volontairement la tête contre le mûr, lorsqu’elle était aux toilettes. W G et T M ne pouvaient cependant expliquer l’origine de l’hématome sous-dural ou de la fracture de côte. S’agissant des différents hématomes constatés, ils les mettaient sur le compte d’une maladie dont souffrirait l’enfant et qui n’aurait pas été diagnostiquée par les médecins. Ils affirmaient, à l’appui de leurs propos, avoir constaté de nouveaux hématomes sur le corps de K, postérieurement à son hospitalisation, soit les 8 février et11 mars 2004 .

Concernant les hématomes découverts le 8 février 2004, les Docteurs F et de la GASTINE affirmaient qu’ils étaient déjà mentionnés dans le rapport du Docteur H, en date du 04 février 2004. Par ailleurs, examinée le 22 mars 2004, K G ne présentait pas d’autre lésion qu’un hématome au niveau du genou gauche datant d’environ 48 heures et compatible avec une chute de sa hauteur. AB AC, coordinatrice à la pouponnière de l’A.S.E, affirmait qu’au cours de leurs visites à K G effectuées les 4, 11, 15 et 18 mars 2004, W G et T M n’avaient aucunement fait état de la présence d’un quelconque bleu ou hématome sur le corps de l’enfant. Un bilan de situation établi le 10 mai 2004 par l’équipe éducative du lieu de placement révélait qu’au cours du séjour de K ayant débuté le 25 février 2004, aucun hématome n’était apparu de façon inexpliquée et l’enfant n’avait pas manifesté de problème particulier.

AD AE, le père biologique de K G, déclarait avoir constaté, au cours de l’année 2003, un hématome dans le dos de sa fille. Celui-ci, de la taille de la moitié d’une main, était noir et comportait aussi des traces de doigts. Lorsqu’il avait demandé des explications à W G sur l’origine de ce bleu, celle-ci lui avait répondu qu’elle était absente, lorsque, selon T M, K était tombée sur la table basse de leur salon. AD AE rapportait ensuite avoir eu des difficultés pour voir sa fille et avoir eu maille à partir avec T M qui l’aurait insulté et menacé de mort, lorsqu’il s’était rendu au domicile de ce dernier, pour avoir des nouvelles de sa fille. Enfin, il n’avait jamais constaté que cette dernière pouvait se faire facilement des bleus et ne lui connaissait pas de maladie susceptible de lui provoquer de telles marques sans intervention extérieure.

AF AG, mère de AD AE, confirmait avoir vu en octobre 2003 un hématome sur tout le bas du dos de sa petite-fille, ainsi que des traces de doigts sur ses fesses. Il s’agissait de la seule fois, où elle avait fait une telle découverte, alors qu’elle voyait déjà K régulièrement du temps où W G vivait chez une amie à I.

T M et W G s’expliquaient sur les déclarations de AD AE. Ainsi, T M reconnaissait avoir élevé la voix sur lui pour lui faire comprendre qu’il réprouvait son attitude, consistant à venir le déranger chez lui, le soir, sans prévenir. En revanche, à aucun moment le couple n’avait cherché à dissimuler quelque information que ce soit concernant la santé de K et notamment le fait qu’elle s’était cognée sur leur table basse de salon, 'assez dangereuse pour les enfants’ selon sa mère qui confirmait qu’elle-même était alors absente. Ils ajoutaient qu’au cours des visites qu’ils avaient faites à cette dernière au foyer de l’enfance, ils avaient de nouveau constaté, sur ses jambes, des hématomes, que le Docteur J qualifiait d’échymoses dans un certificat médical du 9 juin 2004.

AH AI, psychologue clinicienne, procédait à l’expertise de K G. Elle relevait chez l’enfant une immaturité globale et un retard du développement estimé à 8 mois. Elle constatait également que cette dernière avait peu d’appétence pour l’interaction et ne manifestait aucun débordement émotionnel, comme si elle était frappée d’anesthésie affective. La psychologue remarquait aussi les réactions de K face à l’agressivité: '..elle ne se défend pas lorsque d’autres la tapent, se soumettant aux coups parfois jusqu’à se replier par terre pour les recevoir puis enfin pleurer… Elle se laisse facilement malmener par les autres. On a noté le mécanisme d’identification à l’agresseur… des modalités relationnelles avec l’adulte construites sur des rapports de force… tout haussement de ton lui fait peur, la laisse immobile comme sidérée, avec ou sans pleurs…'

Une expertise médico-légale de K G était réalisée conjointement par les Docteurs AJ AK, radiologue et AV AW-AX, pédiatre. Aux termes de leurs conclusions, il apparaissait que les troubles gastriques associés à plusieurs hématomes sur l’abdomen, le thorax, le front et les cuisses, constatés chez l’enfant et ayant nécessité son hospitalisation, dans le courant du mois de janvier 2004, avaient une origine traumatique. De même, l’hématome sous-dural ainsi que les hémorragies rétiniennes constatés, lors de l’hospitalisation du 02 février 2004, étaient très fortement évocateurs du syndrome dit « du bébé secoué ». Les clichés du thorax du 2 février 2004 retrouvaient des fractures au niveau des arcs moyens des 6e et 7emes côtes droites avec une apposition périostée dissoute au niveau de la 7e, signant une fracture d’environ 8 jours. Selon les experts, l’ensemble des troubles et lésions présentées par l’enfant lors de ses

hospitalisations des mois de janvier et février 2004 était d’origine traumatique, et les ecchymoses du tronc, les fractures des côtes et les lésions viscérales suggéraient un mécanisme d’écrasement par coups de poing ou coups de pied. Tout au plus pouvait-on retenir les explications d’T M, affirmant avoir donné des claques à l’enfant, au moment de sa perte de connaissance, avec cette observation que les claques avaient dû être violentes pour provoquer des ecchymoses. L’échymose frontale pouvait être en rapport avec l’accident de la pomme de douche qui serait survenu le 1er février 2004. Les experts confirmaient que K n’était pas atteinte d’une maladie de Von WILLEBRAND et excluaient également une maladie rare pouvant expliquer l’ensemble des troubles et lésions. Ils précisaient qu’aucune étiologie infectieuse, métabolique ou hématologique ne pouvait expliquer à la fois les fractures de côtes, les lésions intra-cérébrales et les lésions viscérales. Ils relevaient que l’évolution était marquée par une régression puis une normalisation très rapide des anomalies abdominales. S’agissant des traces constatées depuis le placement de K G au foyer de l’enfance, et situées sur les jambes, elles étaient, à cet endroit, fréquentes, chez des enfants en apprentissage de la marche et lors des jeux.

Enfin, l’incapacité totale de travail de K G était fixée à 8 jours pour la période d’hospitalisation du 14 au 21 janvier 2004 et à 18 jours pour la période d’hospitalisation du 02 au 19 février 2004. Cependant, les lésions intra-cérébrales n’étant pas encore consolidées, l’incapacité permanente partielle ne pouvait être déterminée lors des opérations d’expertise (rapport du 23 juillet 2004).

AL AM, amie du couple M-G, confirmait avoir passé l’après midi du 1er février 2004, en compagnie d’W et K G, sans qu’il ne se passe rien de particulier. Ce jour-là, elle n’avait remarqué aucune trace de coup ou autre sur le visage de celle-ci, alors que depuis octobre 2003, elle avait pu constater, à plusieurs reprises les bleus que présentait l’enfant sur le dos ou le ventre. En revanche, elle n’avait jamais été témoin de violences perpétrées sur cette dernière. C’est à elle que la mère avait confié avoir été réveillée par les hurlements de K dans la nuit du 1er au 2 février 2004.

AY-AZ BA, une autre amie du couple, lui confiait régulièrement la garde de son fils, sans qu’il n’y ait eu le moindre problème. Néanmoins, le 26 novembre 2003, elle n’avait pu leur remettre son enfant comme convenu, s’étant présentée à leur domicile et n’ayant alors pas obtenu de réponse, contrairement aux affirmations d’T M. W G, lui avait dit le lendemain que son compagnon était parti accompagner K à l’hôpital, après qu’elle se soit ouvert la tête en tombant sur le rebord du canapé, alors qu’elle était seule avec lui dans l’appartement. AY-AZ BA avait également constaté, une fois, que l’enfant présentait une grosse trace de bleu sur le bras. Elle ne pouvait en revanche dire si K G était victime de violences, n’en ayant jamais été le témoin.

L’enquête de voisinage effectuée par les gendarmes ne permettait pas d’apporter d’éléments sur le couple M-AT, lequel était discret. Aucun des voisins ne faisait état de bruits ou de cris particuliers, venant de leur appartement.

AN M, le frère d’T M, accompagné de deux amis, AO AP et AQ AR avait passé le week-end des 31 janvier et 1er février 2004 à BERNAY, au domicile du couple. Il n’avait alors été témoin d’aucune violence sur K. Il déclarait, en revanche, avoir entendu, le dimanche matin, comme un bruit de chute dans la salle de bain, puis vu son frère avec K dans les bras, laquelle présentait une bosse sur le front. T M lui avait alors expliqué qu’elle avait glissé.

Auparavant, AN M avait également vu les ecchymoses que présentait l’enfant derrière l’oreille et sur le bras.

T M ne conteste pas la matérialité des constatations médicales effectuées lors des deux hospitalisations de K G ayant débuté respectivement le 14 janvier et le 2 février 2004, et selon lesquelles l’enfant présentait notamment des hématomes au niveau de la tête, du thorax et de l’abdomen, un hématome sous-dural, des hémorragies rétiniennes et des fractures costales, et il résulte pour l’essentiel des conclusions concordantes du médecin légiste AA H, des docteurs F et de la GASTINE, et des experts AJ AK et AV AW-AX que K n’était pas atteinte de la maladie de Von WILLEBRAND ni d’une maladie rare pouvant expliquer l’ensemble des troubles et lésions, qui étaient d’origine traumatique et pouvaient être imputés à des violences physiques, et qu’aucune étiologie infectieuse, métabolique ou hématologique ne pouvait générer à la fois les fractures de côtes, les lésions intra-cérébrales et les lésions viscérales.

T M et W G, qui ont été les seules personnes à s’occuper de K G depuis que le père biologique de celle-ci n’avait plus de contact avec elle (octobre 2003), n’ont pu expliquer que l’ecchymose sur le front de l’enfant causée par la pomme de douche lors de sa chute dans la baignoire du 1er février 2004, imputant à tort les autres lésions médicalement constatées à une prétendue maladie rare.

Depuis son placement par le juge des enfants, K G n’a plus présenté de fracture, lésion ou hématome inexpliqué.

L’allégation d’T M selon laquelle K était tombée sur la table basse du salon, en l’absence de sa mère, n’est pas compatible avec les déclarations de son père AD AE et de sa grand-mère maternelle sur la configuration de l’hématome avec traces de doigts dont ils ont constaté l’existence dans le bas du dos de l’enfant en octobre 2003 et, à la suite des explications demandées à la mère par le père à ce sujet, celui-ci s’est trouvé privé de contact avec sa fille pendant plusieurs mois.

C’est également en l’absence de sa mère que, selon son père, K avait chuté sur l’arête d’un pied de canapé le 26 novembre 2003, ce qui lui avait causé une blessure au front ayant nécessité des points de suture, et AY-AZ BA a contredit les déclarations d’T M prétendant qu’il l’aurait informée de son départ aux urgences lorsqu’elle s’est présentée ce jour-là à leur domicile pour lui confier son fils.

L’existence d’autres lésions que présentait K G (bleus) a été constatée à plusieurs reprises par AL AM au cours de la période d’octobre 2003 à janvier 2004.

L’expertise psychologique dont l’enfant a fait l’objet a révélé un comportement significatif de soumission à l’agressivité.

En sa qualité de concubin d’W G, mère de K G, vivant à leur domicile depuis le 25 juillet 2003, T M avait autorité sur l’enfant mineure.

Les charges très sérieuses ainsi relevées par la cour suffisent à établir qu’en dépit de ses dénégations persistantes, le prévenu T M a été l’auteur de l’ensemble des faits de violences volontaires qui lui sont reprochés et qui caractérisent les délits dont ils ont été qualifiés. Le jugement déféré doit donc être confirmé sur la déclaration de sa culpabilité, la cour substituant ses motifs à ceux du tribunal.

Le bulletin nº 1 du casier judiciaire d’T M porte actuellement mention de 3 condamnations, la première ayant été prononcée le 28 septembre 2000 par la chambre spéciale des mineurs de la cour d’appel d’AMIENS à 1 an d’emprisonnement avec sursis pour agression sexuelle imposée à un mineur de 15 ans, et les deux autres étant postérieures aux faits de la cause. Eu égard à son passé judiciaire, aux autres renseignements fournis sur sa situation et sa personnalité, et aux circonstances de ses agissements, la nature et la particulière gravité des infractions commises et de leurs conséquences préjudiciables justifient pleinement le maintien de la peine que lui a infligée le tribunal.

En fonction des éléments communiqués et des pièces produites, le tribunal a fait une exacte appréciation de la recevabilité de la constitution de partie civile régularisée par l’AS-C, en sa qualité d’administrateur ad hoc de la mineure K G, de la nécessité d’une expertise médicale pour déterminer la consistance du préjudice corporel causé à celle-ci par les délits dont elle a été victime, du montant de l’indemnité provisionnelle à laquelle elle pouvait prétendre et de la responsabilité civile du prévenu T M. Le jugement sera en conséquence confirmé sur les dispositions correspondantes.

La demande présentée à la Cour par lettre du 15 septembre 2008 par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Eure, qui intervenant devant le tribunal, n’a pas interjeté appel et alors que la Cour ne peut aggraver le sort du prévenu sur son seul appel, ne peut qu’être déclarée irrecevable.

Les frais de justice correctionnelle étant à la charge de l’Etat, aucune condamnation aux dépens ne peut être prononcée (article 800-1 du code de procédure pénale).

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant publiquement et contradictoirement, le présent arrêt devant être signifié aux parties civile et intervenante,

En la forme

Déclare les appels recevables.

Au fond

Confirme le jugement du 10 octobre 2007 sur la déclaration de la culpabilité du prévenu T M et sur la sanction pénale qui lui a été infligée, la cour substituant ses motifs à ceux du tribunal.

Confirme le jugement déféré en ses dispositions civiles.

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande présentée en cause d’appel par la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE-MALADIE de L’EURE.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Le Président, conformément aux dispositions des articles 7O6-5 et 7O6-15 du Code de Procédure Pénale, informe la victime constituée partie civile de la possibilité de saisir dans le délai d’un an à compter du présent avis la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction sous les conditions prévues aux articles 7O6-3 et 7O6-14 du Code de procédure Pénale.

La présente procédure est assujettie à un droit fixe de 120 Euros, dont est redevable T M.

EN FOI DE QUOI LE PRÉSENT ARRÊT A ÉTÉ SIGNÉ PAR LE PRÉSIDENT ET LE GREFFIER Monsieur A AU.

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Textes cités dans la décision

  1. Code pénal
  2. Code de procédure pénale
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Cour d'appel de Rouen, Chambre correctionnelle, 17 décembre 2008, n° 08/00184