Cour d'appel de Toulouse, 4e chambre section 2, 16 décembre 2022, n° 21/02407

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4e ch. sect. 2, 16 déc. 2022, n° 21/02407
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 21/02407
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 10 mai 2021, N° F18/01108
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 23 décembre 2022
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Texte intégral

16/12/2022

ARRÊT N°2022/494

N° RG 21/02407 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OGEH

AB/AR

Décision déférée du 11 Mai 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE (F 18/01108)

MONNET DE LORBEAU P.

S.A. GROUPE LA DEPECHE DU MIDI

C/

[T] [P]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 16 12 22

à Me Stéphane LEPLAIDEUR

Me S. LOPEZ-BERNADOU

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU SEIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.A. GROUPE LA DEPECHE DU MIDI

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

Monsieur [T] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Stéphan LOPEZ-BERNADOU, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A. Pierre-Blanchard, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. Brisset, présidente

A. Pierre-Blanchard, conseillère

F. Croisille-Cabrol, conseillère

Greffier, lors des débats : A. Ravéane

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. Brisset, présidente, et par A. Ravéane, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [T] [P] a été embauché par la SA groupe La Dépêche du Midi selon un contrat de 'commission de vendeurs colporteurs de presse’ (VCP) en date du 6 décembre 1999.

Par courrier du 9 mai 2014, M. [P] a demandé la régularisation de sa situation sous statut salarié, ce que la société a refusé.

M. [P] travaille encore à ce jour en qualité de VCP pour la société Groupe Dépêche du Midi.

Par une requête en date du 12 juillet 2018, M. [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de voir qualifier la relation contractuelle en relation salariale, et obtenir des primes ainsi que des dommages-intérêts.

Par jugement du 11 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

— dit que le conseil est compétent pour juger de la qualité de salarié et fixé son salaire mensuel moyen à 988, 80 euros,

— condamné le Groupe La Dépêche du Midi prise en la personne de son représentant légal de payer à M. [T] [P] les sommes suivantes :

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail,

* 5 070 euros net au titre de la prime de qualité,

* 5 070 euros net au titre de la prime d’assiduité,

* 13 687, 01 euros au titre de la prime d’ancienneté,

* 1 368, 70 euros net au titre des congés payés afférents,

* 2 145, 00 euros net au titre de l’indemnité de transport,

* 5 438, 40 euros net au titre du rappel du 13ème mois,

* 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné la délivrance par la SA Groupe La Dépêche prise en la personne de son représentant légal au profit de M. [P] de l’ensemble des bulletins de paie à compter de juillet 2015 en raison de la prescription triennale et ce sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 15ème jour qui suit la notification de la décision à intervenir, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte,

— débouté les parties du surplus,

— condamné la société Groupe La Dépêche prise en la personne de son représentant légal aux dépens.

La société Groupe La Dépêche du Midi a relevé appel de ce jugement le 28 mai 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la société Groupe La Dépêche du Midi demande à la cour de :

— infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 11 mai 2021,

statuant à nouveau,

à titre principal :

— constater l’incompétence du conseil de prud’hommes de Toulouse au profit du tribunal judiciaire de Toulouse, et débouter M. [P] de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

— débouter M. [P] de l’ensemble de ses demandes,

A titre reconventionnel :

— condamner M. [P] à verser à la société Groupe La Dépêche du Midi, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dans le cadre de la procédure d’appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 novembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, M. [P] demande à la cour de :

— réformer le jugement du 11 mai 2021 sur les points suivants :

— juger que M. [T] [P] est salarié de la SA Groupe La Dépêche du Midi depuis le 6 décembre 1999,

— condamner la société Groupe La Dépêche du Midi à verser à M. [P] la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail et le préjudice de retraite,

— condamner la société Groupe La Dépêche du Midi à verser à M. [P] la sommes suivantes, et à parfaire au jour de la décision à intervenir :

* 5 928 euros net au titre de la prime d’assiduité,

*5 928 euros net au titre de la prime de qualité,

* 16 654,46 euros net au titre de la prime d’ancienneté auquel s’ajoute les congés payés y afférents soit 1 665, 44 euros net,

* 2 508 euros net au titre de l’indemnité de transport,

* 7 956,45 euros net au titre du rappel de 13ème mois,

* 8 902,32 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale,

— condamner la société Groupe La Dépêche du Midi à verser à M. [P] l’ensemble de ses bulletins de paye à compter de décembre 1999 et ce, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 15ème jour qui suit la notification de la décision à intervenir,

— condamner la société Groupe La Dépêche du Midi à verser à M. [P] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Groupe La Dépêche du Midi aux dépens.

MOTIFS :

Sur la compétence du conseil de prud’hommes :

Aux termes de l’article L 1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants et les salariés qu’ils emploient, et il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti.

M. [P] se prévaut de l’existence d’un contrat de travail à l’égard de la société Groupe Dépêche du Midi, ce que conteste cette dernière.

Le litige relatif à l’existence d’un contrat de travail entre les parties relève de la compétence du conseil de prud’hommes, et ce n’est qu’après avoir examiné cette question préalable et en cas d’absence de contrat de travail, que le conseil de prud’hommes peut alors se déclarer incompétent.

En l’espèce, les premiers juges ont appliqué ces principes et ont, à bon droit, retenu leur compétence pour examiner la question de l’existence d’un contrat de travail. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la qualification de la relation de travail existant entre M. [T] [P] et la société Groupe Dépêche du Midi :

Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre et sous sa subordination et moyennant une rémunération.

Par conséquent, l’existence d’une relation de travail salarié résulte de la réunion de trois conditions cumulatives : la fourniture d’un travail, le paiement d’une rémunération et l’existence d’un lien de subordination juridique caractérisé par l’exécution du travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

C’est à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’en établir l’existence.

En l’espèce, M. [T] [P] revendique l’application à son profit d’un contrat de travail salarié de droit commun , alors qu’il a été embauché selon un contrat spécifique dit 'contrat de commission de vendeurs colporteurs de presse’ régi par les dispositions de la loi n° 91-1 du 3 janvier 1991, contrat dérogatoire à ce droit commun.

En effet, l’article 22-1 de ladite loi dispose notamment :

'I.-Les personnes dénommées : vendeurs-colporteurs de presse effectuant, sur la voie publique ou par portage à domicile, la vente de publications quotidiennes et assimilées au sens de l’article 39 bis du code général des impôts et qui répondent aux conditions de l’article 72 de son annexe III sont des travailleurs indépendants lorsqu’elles exercent leur activité en leur nom propre et pour le compte d’un éditeur, d’un dépositaire ou d’un diffuseur. Elles ont la qualité de mandataire-commissionnaire aux termes d’un contrat de mandat. Elles sont inscrites à ce titre au Conseil supérieur des messageries de presse qui leur délivre l’attestation, prévue à l’article 298 undecies du code général des impôts, celle-ci justifiant de leur qualité de mandataire-commissionnaire.

II.-Les personnes dénommées : porteurs de presse effectuant, sur la voie publique ou par portage à domicile, la distribution de publications quotidiennes et assimilées au sens de l’article 39 bis du code général des impôts et qui répondent aux conditions de l’article 72 de son annexe III ont la qualité de salarié au sens du droit du travail lorsque les conditions juridiques de leur activité ne répondent pas à celles visées au paragraphe I'.

Il existe donc en application du premier paragraphe de ce texte une présomption de non-salariat applicable à M. [P], embauché en qualité de 'vendeur-colporteur de presse’ (VPC), qu’il appartient à ce dernier de renverser, au regard des critères du salariat énoncés plus haut.

M. [P] expose en l’espèce qu’il est simplement porteur de journaux, et non 'vendeur colporteur’ de sorte qu’il doit être salarié en application du II de l’article 22-1 de la loi du 3 janvier 1991.

A l’appui de cette demande, il soumet à l’analyse de la cour un certain nombre de pièces, dont il ressort en effet qu’il ne dispose pas de l’autonomie ni de l’indépendance afférentes au VPC, et n’effectue aucune tâche susceptible de relever du mandat prévu par l’article 22-1, I° de la loi du 3 janvier 1991.

En effet, M. [P] n’a aucune liberté d’organisation car la société Groupe Dépêche du Midi lui impose ses horaires, ses secteurs de tournées, et les clients chez lesquels il doit distribuer les journaux.

En premier lieu, la cour constate que son contrat de VPC lui impose un secteur défini, et une clientèle déterminée par La Dépêche.

En deuxième lieu, il ressort des pièces produites que le listing des clients est établi par secteur, que les secteurs sont attribués à un numéro de tournée, l’un des numéros de tournée étant attribué à M. [P] avec un casier affecté à cet effet dans les locaux de l’entreprise, accessibles par un badge attribué à M. [P].

Le listing est déposé dans ce casier avec une feuille de route organisant la tournée de M. [P], par M. [B], le responsable logistique, lequel donne à M. [P] et ses homologues des instructions précises par mails et notes de service sur les journaux à distribuer.

En troisième lieu, en sus de la distribution quotidienne des journaux sur son secteur, M. [P] tient un stand fixe de distribution du journal La Dépêche du Midi certains dimanches, sur un site à [Localité 3] qui lui est affecté par l’appelante.

La société Groupe Dépêche du Midi ne produit strictement aucun élément de nature à démontrer que M. [P] peut développer sa propre clientèle d’abonnés lors de ses tournées, et les pièces produites démontrent au contraire que M. [P] est intégré à un service organisé ne lui laissant aucune autonomie.

Par ailleurs, il n’est pas contesté par la société Groupe Dépêche du Midi que M. [P] n’effectue aucun encaissement lors du portage des journaux, et que la société Groupe Dépêche du Midi encaisse le prix des abonnements, de sorte qu’il n’existe pour M. [P] aucune autonomie économique, celui-ci ne percevant que les commissions sur les journaux dont la distribution lui est assignée. Or ces tournées constituent l’essentiel de son travail, tous les jours de la semaine et le samedi, seules les ventes sur le stand certains dimanches dont l’appelante justifie par quelques factures 'hors tournées', génèrent des encaissements directs de M. [P], et leur faible montant ne permet pas de retenir une indépendance économique de celui-ci.

De plus, ainsi que le fait remarquer ce dernier, la société Groupe Dépêche du Midi émet des factures envers lui, après avoir précompté des cotisations sociales, alors que tel aurait dû être l’inverse s’il était prestataire indépendant.

S’agissant des horaires, s’il s’entend, comme le soutient l’appelante, que la distribution de journaux quotidiens doit nécessairement s’effectuer en début de journée car il s’agit d’un bien 'périssable’ par nature, il ressort des pièces produites et en particulier d’une note du 21 décembre 2012 adressée par une responsable logistique à tous les VPC comme les porteurs salariés, que des horaires précis sont fixés à ceux-ci pour la distribution et que ces horaires sont contrôlés ; ladite note rappelle en effet que 'des courriers de clients nous informe que l’horaire de 7h00 du matin n’est pas respecté'(sic), et que 'sur [Localité 4] l’horaire de départ est fixé au maximum à 4h45 et celui de fin de tournée est fixé à 7h qu’il soit effectué par des porteurs salariés ou VPC, semaine ou dimanche. Veillez à respecter ces horaires ; je vais effectuer des contrôles réguliers sur chaque tournée'.

Une autre note du 12 février 2018 mentionne : ' Vu les nombreux retards du samedi 10 février 2018, nous vous rappelons que votre tournée doit être terminée à 7h30 maximum'.

Par ailleurs, M. [P] verse aux débats les éléments démontrant que les VCP doivent formuler une 'demande d’absence’ assimilable à une demande de congés et non à une simple information d’absence incombant à un travailleur indépendant : pour 2017 il a été distribué un formulaire intitulé 'demande d’absence des VCP’ et mentionnant : 'merci de noter vos souhaits d’absence pour l’été 2017" avec, en bas de page, la mention 'validation responsable', de sorte que les absences pour congés d’été de M. [P] étaient soumises à validation.

Enfin, la société Groupe Dépêche du Midi exerce un pouvoir de direction et de sanction à l’égard de M. [P], dans la mesure où il est transmis à celui-ci des notes de service générales relatives aux incidents de livraison, et qu’il est financièrement sanctionné sous la forme d’une retenue sur la prime qualité, proportionnelle au nombre d’incidents.

La société Groupe Dépêche du Midi soutient que M. [P] aurait refusé le statut de porteur salarié en 2004, mais ne produit aucune preuve d’un tel refus émanant de celui-ci ; l’attestation dactylographiée de M. [E] selon laquelle ce statut 'aurait été proposé en 2004 à tous les vendeurs colporteurs de presse actifs sur [Localité 4]' est inopérante sur ce point. Au demeurant M. [P] verse aux débats son courrier du 9 mai 2014 par lequel il demandait le statut de salarié, auquel la société Groupe Dépêche du Midi n’a pas donné de suite favorable.

Par conséquent, la cour juge, comme le conseil de prud’hommes, que M. [P] renverse efficacement la présomption de non-salariat résultant de la signature d’un contrat de VPC, et que la relation contractuelle entre les parties relève effectivement d’un contrat de travail salarié.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

Il sera également confirmé en ce qu’il a alloué à M. [P] la somme de 5000€ au titre d’une inexécution fautive du contrat de travail, celui-ci étant maintenu depuis 23 ans sous un statut précaire.

Sur les demandes financières relatives au contrat de travail :

Au regard de la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail au poste de porteur de presse, de l’application de la convention collective de la presse quotidienne régionale du 28 novembre 1972 dans sa version applicable au litige (laquelle a été remplacée par la convention collective nationale de la presse quotidienne et hebdomadaire en région du 9 août 2021), et compte tenu des éléments de comparaison avec des porteurs de presse salariés de la société Groupe Dépêche du Midi versés aux débats par M. [P], le salaire de référence de ce dernier devrait en principe être fixé au taux horaire de 9,836 € bruts soit 1491,82 € bruts pour un travail à temps complet.

Néanmoins M. [P] sollicite dans le corps de ses écritures la fixation de son salaire de base à 1236,44 € nets, outre la prime d’ancienneté, mais sans expliciter son calcul du salaire de base ni les raisons pour lesquelles il ne formule pas ses demandes en sommes brutes.

Les premiers juges n’ont pas davantage motivé leur décision sur la fixation du salaire de base à la somme de 988,80 €, ni sur le fait d’avoir alloué des sommes en net, qui d’ailleurs ne correspondent pas à ce salaire de base.

Or, il n’appartient pas à la cour de procéder à des calculs relatifs aux charges salariales et patronales non sollicités des parties, et elle ne saurait statuer ultra petita sur le quantum des demandes en accordant une somme en brut susceptible de dépasser le quantum de la somme nette réclamée.

Dans ces conditions, la cour fixera, pour procéder en suite au calcul des indemnités dues, le salaire de base de M. [T]-[P] à la somme de 1236,44 € bruts, outre une prime d’ancienneté calculée conformément aux dispositions conventionnelles (15% du salaire soit 185,46 € à compter de 2014, 18 % soit soit 222,55 € à compter de décembre 2017, et 20% soit 247,29 € à compter de décembre 2019), soit un salaire de référence de :

-1421,90 € bruts à compter de 2014

-1459 € bruts à compter de décembre 2017

-1483,73 € bruts à compter de décembre 2019.

Par ailleurs, l’appelante critique le jugement ayant considéré qu’il devait s’agir d’un salaire pour un travail à temps complet, mais sans fournir un quelconque élément sur éventuel travail à temps partiel ; or en l’absence de tout écrit la relation de travail est présumée à temps complet et il appartient à l’employeur de démontrer que le salarié n’était pas à sa disposition permanente et effectuait des horaires à temps partiel, ce que ne fait pas la société Groupe Dépêche du Midi.

Ainsi, M. [P] est fondé à obtenir, conformément aux dispositions conventionnelles et aux règles de l’entreprise applicables aux porteurs salariés :

— un rappel de 13 ème mois, sur la période non prescrite de juillet 2015 à novembre 2021, que la cour limitera au quantum sollicité soit 7956,45 €, avec la précision qu’il ne peut s’agir que d’une somme brute,

— un rappel de prime d’ancienneté, sur la période non prescrite de juillet 2015 à novembre 2021, de 16 226,25 € bruts, outre les congés payés y afférents à hauteur de 1622,62 € bruts.

En revanche, M. [P] ne produit aucun élément concret permettant à la cour de considérer qu’il remplit les conditions pour obtenir une prime de transport de 33 € par mois et une prime d’assiduité ainsi qu’il le sollicite ; il est fait le même constat pour la prime qualité de 78 € par mois.

Le jugement sera donc infirmé sur ces points.

Sur l’absence de visite médicale :

Dans le cadre de l’obligation de sécurité de résultat pesant sur l’employeur destinée notamment à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, la loi lui fait obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Et l’article L.4121-1 du code du travail lui fait obligation de mettre en place :

— des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

— des actions d’information et de formation,

— une organisation et des moyens adaptés,

et de veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes

En particulier, les articles R.4624-10 et suivants du code du travail dans leur version applicable au litige lui font obligation de faire procéder, notamment lors de l’embauche, à une visite dite d’embauche par le médecin du travail dont l’objet est de s’assurer de la compatibilité de l’état de santé du salarié avec le poste de travail qu’il est envisagé de lui confier.

Il est acquis aux débats qu’il n’y a pas eu de visite médicale d’embauche, puisque la société Groupe Dépêche du Midi contestait à M. [P] toute qualité de salarié.

Il n’y a pas eu davantage de visite périodique telle que prévue par l’article R4624-16 du code du travail, périodicité fixée tous les deux ans jusqu’au 31 décembre 2016, puis tous les 5 ans à compter du 1er janvier 2017.

Le manquement de la société Groupe Dépêche du Midi est donc caractérisé.

M. [T] [P] justifie avoir été victime d’un accident vasculaire cérébral alors qu’il assurait une tournée le 22 mars 2018, il a été hospitalisé à la suite de cet événement.

Il travaille toujours pour la société Groupe Dépêche du Midi sans avoir pu rencontrer un médecin du travail, lequel aurait pu préconiser d’éventuels aménagements de poste.

La cour estime donc que M. [T] [P] a subi un préjudice justifiant de lui allouer la somme de 2500 € à titre de dommages-intérêts, par ajout au jugement ayant omis de statuer sur cette demande.

Sur le travail dissimulé :

En application de l’article L 8221 – 5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paye un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

En l’espèce, les pièces produites établissent que la société Groupe Dépêche du Midi savait que M. [P] travaillait dans les mêmes conditions que les porteurs salariés, elle lui a toutefois refusé ce statut ce qui lui permettait se soustraire aux obligations sociales, et de bénéficier d’une aide de l’Etat spécifique, accordée par le Ministère de la culture aux entreprises de presse pour le portage indépendant des journaux.

L’intimé produit également de nombreuses décisions de justice, y compris de la Cour de cassation depuis 2011, condamnant la société Groupe Dépêche du Midi dans des cas d’espèce similaires à régulariser sous le statut salarié des VCP.

La cour estime donc, contrairement aux premiers juges, que l’infraction de travail dissimulé est établie.

Il sera ainsi alloué à M. [P] la somme de 8902,32 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur le surplus des demandes :

Il sera ordonné à la société Groupe Dépêche du Midi de remettre à M. [P] :

— un bulletin de paie récapitulatif des sommes versées en exécution du présent arrêt, la cour ne pouvant ordonner l’édition rétroactive de bulletins de paie depuis 1999 comme le demande M. [P],

— les justificatifs de régularisation des charges sociales afférentes à la relation contractuelle, auprès des organismes sociaux (URSSAF et retraite),

et ce sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la notification du présent arrêt, avec les précisions telles que fixées au dispositif.

La société Groupe Dépêche du Midi, succombante, sera condamnée aux dépens de première instance par confirmation du jugement déféré, ainsi qu’aux dépens d’appel et à payer à M. [P] la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, cette somme s’ajoutant à celle allouée à M. [P] par les premiers juges sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il s’est déclaré compétent, et en ce qu’il a condamné la société Groupe Dépêche du Midi aux dépens, et à payer à M. [T] [P] les sommes suivantes :

—  5000 € à titre de dommages-intérêts pour inexécution fautive et déloyauté dans l’exécution du contrat de travail,

-1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

L’infirme sur le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne la société Groupe Dépêche du Midi à payer à M. [T] [P] les sommes suivantes :

-7956,45 € bruts à titre de rappel de prime de 13ème mois,

-16 226,25 € bruts à titre de rappel de prime d’ancienneté,

-1622,62 € bruts au titre des congés payés y afférents,

-2500 € à titre de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité,

-8902,32 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

-2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Groupe Dépêche du Midi à remettre à M. [T] [P] :

— un bulletin de paie récapitulatif des sommes versées en exécution du présent arrêt,

— les justificatifs de régularisation des charges sociales afférentes à la relation contractuelle, auprès des organismes sociaux (URSSAF et retraite),

et ce sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la notification du présent arrêt,

Dit que cette astreinte courra pendant trois mois, et que passé ce délai il appartiendra aux parties de saisir le juge de l’exécution aux fins de fixation d’une astreinte définitive et de liquidation de celle-ci,

Déboute M. [T] [P] de ses autres demandes,

Condamne la société Groupe Dépêche du Midi aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset.

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