Cour d'appel de Toulouse, 4e chambre section 2, 24 mars 2023, n° 21/01420

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4e ch. sect. 2, 24 mars 2023, n° 21/01420
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 21/01420
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 17 mars 2021, N° 19/00215
Dispositif : annulation
Date de dernière mise à jour : 31 mars 2023
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Texte intégral

24/03/2023

ARRÊT N°152/2023

N° RG 21/01420 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OCCR

AB/AR

Décision déférée du 18 Mars 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/00215)

DAVID P.

S.A. NEXTER SYSTEMS

C/

[I] [M]

ANNULATION

Grosse délivrée

le 24 3 2023

à Me Ophélie BENOIT-DAIEF

Me Frédérique VAYSSE-BATTUT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A. NEXTER SYSTEMS

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 1].

Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant) et par Me Erwan JAGLIN de la SELAS KARMAN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS(plaidant)

INTIME

Monsieur [I] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Frédérique VAYSSE-BATTUT, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant. A.PIERRE-BLANCHARD, et F.CROISILLE-CABROL conseillères, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [I] [M] a été embauché suivant contrat à durée indéterminée du 20 août 1990 par la société Pro-Giat en qualité de technicien responsable de la CAO Electronique, statut agent de maîtrise, niveau V, 1er échelon, coefficient 305, sur le site de [Localité 5].

La convention collective nationale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 4 juillet 1962 est alors applicable.

La société Pro-Giat a été reprise par la société Giat Industries devenue société Nexter Systems au cours de l’année 1991 et M. [M] a poursuivi les mêmes fonctions avec une évolution à compter de 1994 au statut cadre, position II de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972, et a été affecté à [Localité 4].

Le salarié a été élu délégué du personnel en décembre 2005.

A compter de 2006, il a vainement sollicité de l’employeur son passage à la position III A.

Il a été élu membre titulaire du comité d’entreprise en décembre 2007, puis membre titulaire du CCE du groupe en janvier 2008, sous l’étiquette syndicale CFE-CGC.

Au mois de décembre 2009, M. [M] a été réélu titulaire au CE, puis Secrétaire du CE et suppléant au CCE en janvier 2010, et ces mandats ont été renouvelés en décembre 2011 et janvier 2012, en 2013 puis 2015.

Au dernier état de la relation contractuelle, et depuis 2009, il occupe le poste d’ingénieur études, statut cadre, position II indice hiérarchique 135 au sein de l’établissement de [Localité 4].

Le 11 février 2019, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de faire constater une situation de discrimination syndicale à son endroit et obtenir sa classification au statut cadre position III A avec un salaire mensuel de base de 5906,36€.

Par jugement du 18 février 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

— jugé que M. [M] devra être classé en position III A à compter du prononcé du jugement, au salaire minimum conventionnel correspondant,

— condamné la SA. Nexter Systems, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à verser à M. [M], à titre de dommages et intérêts, tout préjudice confondu, y compris discrimination syndicale, un montant de 180 000 euros nets étant donné les circonstances de I’espèce,

— ordonné I’exécution provisoire de la présente décision pour 50 % de dommages et intérêts soit 90 000 euros,

— condamné la société Nexter Systems, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à verser à M. [M], la somme de 1 500 euros sur le fondement de I’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties du surplus de leurs demandes,

— condamné la société Nexter Systems, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, aux entiers dépens.

La société Nexter Systems a relevé appel de ce jugement le 26 mars 2021 par deux déclarations, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant les chefs critiqués, et demandant l’annulation ou à tout le moins la réformation du jugement.

Par ordonnance du 16 avril 2021, le conseiller chargé de la mise en état a joint les procédures dans un souci de bonne administration de la justice.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 janvier 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la société Nexter Systems demande à la cour de:

— juger que M. [M] ne sollicite pas l’infirmation ou la réformation du jugement dont appel,

— en conséquence, juger que la cour d’appel n’est pas saisie d’un appel incident de la part de M. [M],

— annuler pour défaut d’impartialité et de motivation le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse et, statuant à nouveau, débouter M. [M] de l’intégralité de ses demandes, fins, conclusions et prétentions,

— en tout état de cause, infirmer le jugement du 18 février 2021 rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse en ce qu’il a :

* jugé que M. [M] devra être classé en position III A à compter du prononcé du jugement, au salaire minimum conventionnel correspondant,

* condamné la SA Nexter Systems, prise en la personne de son représentant légal es-qualité, à verser à M. [M], à titre de dommages et intérêts, tout préjudice confondu, y compris discrimination syndicale, un montant de 180 000 euros nets étant donné les circonstances de l’espèce,

*ordonné l’exécution provisoire de la présente décision pour 50% de dommages et intérêts, soit 90 000 euros,

*condamné la société Nexter Systems, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à verser à M. [M], la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

*débouté la société Nexter Systems de ses demandes,

* condamné la société Nexter Systems prise en la personne de son représentant légal es-qualités, aux entiers dépens.

Et statuant à nouveau :

— débouter M. [M] de l’intégralité de ses demandes, fins, conclusions et prétentions,

— condamner M. [M] à verser à la société Nexter Systems la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. [M] aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 janvier 2023, auxquelles il est expressément fait référence, M. [M] demande à la cour de :

— rejeter la demande d’annulation pour défaut d’impartialité et de motivation du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 18 février 2021,

— confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 18 février 2021 en ce qu’il a reconnu la discrimination syndicale et les conséquences qu’il en a tirées sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts alloués tous préjudices confondus et le montant de revalorisation du salaire de base,

Par voie de conséquence :

— déclarer recevable l’appel incident formé par M. [M].

Sur le fond,

y faisant droit,

par voie de conséquence :

— infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 18 février 2021 en ce qu’il a alloué à M. [M] des dommages et intérêts tous préjudices confondus et sur le montant de revalorisation du salaire de base.

Statuant à nouveau :

— condamner la société Nexter Systems prise en la personne de son représentant légal en exercice à verser à M. [M] la somme de 307 273 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi résultant de la discrimination syndicale dont il a été victime,

— condamner la société Nexter Systems prise en la personne de son représentant légal en exercice à verser à M. [M] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi résultant de la discrimination syndicale dont il a été victime,

— ordonner à la société Nexter Systems de repositionner M. [M] en cadre position III A,

— ordonner à la société Nexter Systems de revaloriser le salaire mensuel de base de M. [M] à la somme de 6 692,60 euros à compter de la décision à intervenir,

— débouter la société Nexter Systems de l’intégralité de ses demandes,

— condamner la société Nexter Systems prise en la personne de son représentant légal en exercice à verser à M. [M] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés pour sa défense en appel, outre à la somme de 1 500 euros allouée à ce titre par le conseil de prud’hommes,

— condamner la société Nexter Systems prise en la personne de son représentant légal en exercice aux entiers dépens de procédures de première instance et d’appel,

— juger que les sommes allouées à M. [M] porteront intérêts légaux à compter du jugement rendu le 18 février 2021 par le conseil de prud’hommes.

MOTIFS :

Sur la demande de nullité du jugement :

La société Nexter Systems sollicite l’annulation du jugement, en invoquant un moyen tiré d’une insuffisance et d’une contradiction de motivation, et un moyen relatif au manque d’impartialité des conseillers prud’hommes ayant rendu la décision entreprise.

Sur le défaut de motivation, la société Nexter Systems fait valoir à juste titre que le jugement comporte une motivation très brève sans réelle analyse des arguments des parties, que la décision procède par motifs dubitatifs puisqu’elle indique que 'la compétence du demandeur semble être reconnue depuis 2010" et que 'la pièce 97 (qui au demeurant n’existe pas) produite par le demandeur semble démontrer que son manager avait accepté et encouragé l’évolution professionnelle de M. [M]' ; que cette motivation indigente est, en outre, contradictoire puisqu’il est affirmé que 'la défenderesse démontre que le demandeur n’a pas subi une discrimination salariale, malgré une évolution faible’ tout en octroyant à M. [M] 180 000 € à titre de dommages-intérêts 'toutes causes de préjudices confondus y compris la discrimination syndicale'.

La cour estime que ce jugement ne respecte pas les exigences de motivation énoncées à l’article 455 du code de procédure civile, de sorte qu’il sera annulé et que la cour statuera sur l’entier litige dans les conditions de l’article 562 alinéa 2 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de l’appel incident de M. [M] :

La cour ayant annulé le jugement, la question de la recevabilité d’un appel incident devient sans objet, la cour n’ayant ni à infirmer ni à confirmer des chefs de la décision annulée puisque la dévolution s’opère pour le tout, par application de l’article 562 alinéa 2 du code de procédure civile.

Sur la discrimination syndicale :

Par application de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Et l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 définit comme suit les différentes formes de discrimination :

— constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non appartenance , vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre, ne l’est, ne l’a été, ou ne l’aura été, dans une situation comparable,

— constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique, neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires ou appropriés,

— la discrimination inclut tout agissement lié à l’un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L’article L 1134 – 1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi du 27 mai 2008.

Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, M. [M], dont il est constant qu’il est titulaire de mandats représentatifs du personnel sous l’étiquette CFE-CGC, soutient avoir été victime de discrimination syndicale en invoquant en substance :

— le lien entre la prise des mandats de représentant du personnel à compter de 2005 et son absence d’évolution professionnelle,

— le refus par l’employeur de reconnaître ses compétences afin de répondre favorablement à ses demandes d’évolution vers le poste de chef de projet au niveau P IIIA, alors qu’il en avait déjà occupé les fonctions dans les faits,

— une inégalité de traitement concernant l’évolution de son salaire.

Aux termes de ses conclusions, il présente les éléments suivants :

1) son parcours professionnel, les missions qui lui ont été confiées de chef de projet de développement logiciel depuis juin 2000, les bonnes évaluations dont il a alors fait l’objet, sa prise de mandat en 2005, le soutien de sa responsable hiérarchique de 1999 à 2007 sur sa demande d’évoluer vers un poste de chef de projet développement produits (position IIIA) ;

Sur ce premier point, il verse aux débats sa fiche de poste 'ingénieur chef de projet développement logiciel’ du 29 juin 2000, une attestation de M. [V] (ingénieur PIIIA) auquel il a succédé sur le poste de chef de projet et particulièrement le pilotage du projet PCH et de l’équipe de développement composée de quatre ingénieurs logiciels de Giat Industries et trois à cinq ingénieurs logiciel du sous-traitant ATOS, de 2004 à 2007.

Il produit également le plan de développement des logiciels du PCH et un mémento support logiciel du PCH, dont il est le rédacteur en juillet 2005 et en janvier 2006, montrant qu’il est bien chef de projet.

Il est versé aux débats ses entretiens d’activité individuelle (EAI) de l’année 2005 et de l’année 2006 ; il en ressort des objectifs atteints et même dépassés pour certains, et sa supérieure hiérarchique Mme [C] note, face aux demandes d’évolution de M. [M] en PIII, qu’une évolution est possible.

Il est produit l’attestation de Mme [C] selon laquelle M. [M] occupait des fonctions de chef de projet développement logiciel, pilotait une équipe de développeurs internes, qu’il souhaitait prendre en charge un projet de développement produit pour élargir son périmètre d’intervention mais que cette évolution, qu’elle avait encouragée, n’a pas pu être confiée à M. [M] 'par manque d’opportunité dans (son) périmètre de responsabilité'.

2) le fait qu’il a, en réalité, toujours occupé les fonctions de chef de projet développement logiciel malgré les diverses appellations sur ses bulletins de paie (de janvier 2000 à décembre 2002 : ingénieur d’étude électronique, de janvier 2003 à avril 2009 : responsable de développement équipement logiciel, de mai 2009 à aujourd’hui : ingénieur d’études), et ce jusqu’en 2011, date après laquelle seuls des projets de faible envergure lui ont été confiés malgré ses demandes ;

A ce titre il résulte effectivement des éléments produits par M. [M] qu’il a occupé ces fonctions de chef de projet développement logiciel de 2000 à 2004 sur les projets VM-AUF2 et RCOM-ICONE, de 2004 à 2007 sur le projet PCH, Pupitre Chef, puis en 2008 sur le projet MCO Leclerc.

3) un problème de classification inadéquate qui lui aurait été appliquée après le plan social GIAT ;

A ce titre M. [M] explique que la différentiation d’emplois entre « Ingénieur d’Etude Logiciel» et «Responsable Equipement Logiciel » a été mise en place en 2004 pour préparer le dernier plan social de GIAT qui a réduit les effectifs du groupe de moitié passant de plus de 6000 personnes à moins de 3000 ; en effet, pour le métier logiciel, deux classes de postes ont été retenues : C60, Responsable en Logiciel correspondant à un type de postes à maintenir, et C86, Ingénieur en Logiciel, postes à fortement réduire.

Il indique qu’il était alors en classe C60 comme sa supérieure Mme [C] compte tenu des fonctions qu’il occupait, et produit à ce sujet une grille intitulée 'catégories professionnelles’ du 2 février 2004, mentionnant effectivement son poste de responsable développement équipement logiciel en classe C60, et celui de sa supérieure classée responsable BE logiciel également en C60. Il est précisé que ses collègues ingénieurs en logiciel étaient classés C86.

Or en mai 2009, la société a décidé d’actualiser ses emplois types, le plan social GIAT 2006 étant soldé, et la différentiation entre « Ingénieur d’étude logiciel » et « chef de projet logiciel » a été supprimée ; dans la nouvelle classe de postes, le poste de M. [M] a été requalifié « Ingénieur d’Etude classe C2 » comme ses collègues subalternes classés en C86 alors qu’il aurait dû être comme Mme [C] dans la classe C4, sous les appellations : « chef de projet classe C4 » ou «expert technique classe C4 », puisque la classe C2 est relative aux activités de développement et la classe C4 aux activités de pilotage ou d’expertise, fonctions exercées par M. [M].

Or, s’il avait été classé en C4, il aurait pu être positionné a minima sur le niveau PIIIA de la convention collective, alors que la classification C2 impliquait son positionnement au niveau PII (sur lequel il était déjà positionné avant le plan social).

Ces éléments sont étayés par la note de la DRH du 22 mai 2009 et les grilles de classification des emplois types qu’il produit.

L’expertise de M. [M] est par ailleurs reconnue par ses trois derniers managers en 2011, 2012, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 dans les comptes rendus d’entretiens d’activité et de développement des cadres qu’il produit.

4) le refus de lui accorder une formation Hardware en février 2013, au motif que la session était complète, alors que l’employeur a rajouté à la liste des participants un autre candidat après lui avoir refusé cette formation.

Sur ce point M. [M] produit plusieurs mails, comportant le programme de formation, ainsi que sa réponse face au refus de l’employeur d’accéder à sa demande car la liste des 4 candidats était complète, puis du nouveau refus de l’employeur le 10 avril 2013 alors qu’il était annoncé en réunion du CE du 4 mars 2013 qu’une cinquième place était ouverte.

5) le refus de ses candidatures comme chef de projet études et responsable d’entités études en 2014 et 2017 : il sollicite alors un entretien avec son supérieur hiérarchique M. [S] le 22 septembre 2017 pour faire le point sur son absence d’évolution, et reçoit en réponse un mail de mécontentement, puis le 25 janvier 2018 il lui est indiqué qu’aucune évolution n’est envisageable ;

Sur ces points, il est produit les demandes de M. [M], formalisées dans les entretiens individuels et ponctuellement par mails, la demande d’entretien avec M. [S] sur l’une de ses candidatures et l’évolution de sa carrière, le refus de cette candidature au poste de Responsable Entité Etudes, le mail de M. [S] du 22 décembre 2017 manifestant son mécontentement sur certaines tâches effectuées par M. [M], et la contestation de ce dernier sur les points évoqués, le 5 janvier 2018.

Il est également produit un compte-rendu d’entretien ayant eu lieu le 25 janvier 2018 entre M. [M], le responsable des ressources humaines et le directeur de la direction des équipements, dont il ressort que malgré le niveau d’expertise de M. [M], aucune évolution en PIIIA n’est envisageable au regard du retour négatif sur son travail fait en dernier lieu par M. [S].

6) le retrait de ses fonctions de RDLog courant 2018, l’activité de pilotage des développements logiciels sur le calculateur BGT étant confiée à un sous-traitant, Monsieur [G] ;

A ce titre il produit un mail du 9 mars 2018 adressé à son équipe, par lequel il adressait un compte-rendu d’avancement en tant que RDLog, et un mail du 20 décembre 2019 de M. [G] occupant désormais les mêmes fonctions, sur le même projet BGT.

7) des reproches infondés formulés à son égard en 2021 par son supérieur direct M. [S], à la suite desquels M. [M] a signalé un début de harcèlement, une enquête a été confiée à un cabinet extérieur Osewa et a conclu à la fausseté des accusations et à l’erreur de management de M. [S] ;

Ces faits sont établis par les échanges de mails produits par le salarié, intervenus avec ses collègues, M. [S], et le responsable qualité de vie au travail des ressources humaines de la société.

8) une stagnation à la position II depuis 1994, et au statut cadre position II coefficient 135 depuis le 1er juillet 2008, alors que ses évaluations évoquent une évolution possible en 2005 et 2006 vers le IIIA, et alors que la durée moyenne entre deux promotions pour les cadres sur l’établissement de Nexter Electronics était de 41,3 mois en 2008 et 49,4 mois en 2010 ;

Cette stagnation à la position II depuis désormais 29 ans, et au coefficient 135 depuis 15 ans n’est pas contestée de l’employeur, quant à l’évolution moyenne des cadres, M. [M] s’appuie sur sa pièce 37, consistant en un 'Extrait du rapport de situation comparée des conditions d’emploi et de formation des hommes et des femmes’ de 2010 au sein de la société Nexter Systems confirmant les chiffres avancés par lui.

9) une stagnation de son salaire à compter de 2006, avec des évolutions toujours inférieures à la moyenne de celle des cadres sauf en 2008 où un rattrapage des deux dernières années a été effectué; il donne les chiffres suivants le concernant : augmentations moyennes de 2,38 % par an sur 15 ans avant mandats, et de 1,49 % après mandats, et compare ses augmentations individuelles aux augmentations moyennes prévues par la politique salariale de la société Nexter Systems entre 2007 et 2022 pour constater que ses augmentations, lorsqu’elles ne sont pas nulles sur certaines années, sont systématiquement inférieures aux augmentations moyennes accordées aux autres salariés de situation comparable.

Il ajoute que la société Nexter Systems ne respecte pas l’accord relatif au dialogue social sur l’évolution de la rémunération des salariés titulaires de mandats.

10) une hostilité de la direction vis-à-vis des élus du syndicat CFE-CGC auquel il appartient, manifestée à compter de 2010, avec :

— des reproches sur la façon dont il disposait de ses heures de délégation en septembre 2010 pour préparer la réunion du CCE,

— un recadrage violent des élus par le DRH M. [Z] lors du bilan de mandats du 11 octobre 2010,

— une pression sur le contrôle de son activité en novembre 2010,

— aucune augmentation de M. [M] en 2011, et une affectation à compter de cette date sur des projets de faible envergure,

— la suppression de postes majoritairement occupés par des salariés syndiqués CFE-CGC lors de la réorganisation de l’entreprise en septembre 2012,

— une discrimination dénoncée par les tracts du syndicat en avril 2012, novembre 2012 et février 2013,

— une prise à partie personnelle de M. [M] par M. [Z] lors d’une réunion du 15 février 2013.

Les reproches sur l’utilisation des heures de délégation par M. [M] pour la préparation de la réunion du CCE sont établis par les pièces produites ; en substance il est reproché à M. [M] en septembre 2010 d’avoir utilisé deux fois 4h sur deux journées différentes au lieu d’une journée complète, alors même que cette pratique habituelle n’appelait aucun reproche en mars 2010.

Le recadrage 'violent et menaçant’ des élus par le DRH le lendemain d’une réunion du 11 octobre 2010 est attesté par M. [F], élu ayant été convoqué avec M. [M] à un entretien avec le DRH, lequel leur a adressé divers reproches sur diverses difficultés remontées en réunion avec le PDG des filiales.

La pression sur M. [M] quant à l’utilisation de ses heures de délégation et leur pointage est confirmée par un échange de mails entre le salarié et M. [Z] (service RH) les 4, 8 et 15 novembre 2010.

Il est établi qu’à compter de 2011, M. [M] n’a bénéficié d’aucune augmentation individuelle significative et n’a plus été affecté sur des projets d’envergure.

Les tracts du syndicat CFE-CGC d’avril 2012, novembre 2012 et février 2013 n’évoquent pas expressément de discrimination comme le soutient le salarié mais montrent les tensions importantes à cette époque entre les élus et la direction avec une remise en cause par les élus de la politique RH (désorganisation, filiale 'martyre’ seule du groupe affectée par les départs, menace de RPS).

Enfin, M. [M] produit les attestations de MM. [D] et [P], délégués syndicaux CFDT et CGT, témoignant d’une prise à partie personnelle de M. [M] par M. [Z] lors d’une réunion du 15 février 2013, au sujet d’un projet de formation longue, et des excuses formulées ensuite par M. [Z] afin que la réunion puisse continuer.

La cour estime que ces faits, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination syndicale à l’égard de M. [M].

Il appartient donc à la société Nexter Systems de justifier que ses décisions en matière de rémunération et de conditions de travail à l’égard de M. [M] étaient étrangères à toute discrimination et relevaient de considérations objectives.

En premier lieu, la société Nexter Systems fait observer que le salarié se plaignait d’une absence d’évolution salariale dès les années 1990, bien avant tout mandat, de sorte que cela exclurait de facto tout lien entre sa situation et ses mandats syndicaux.

Or, s’il est exact que M. [M] s’est plaint de son absence d’évolution salariale dès 1997, puis en 1999, et de manière récurrente lors de ses entretiens annuels, il est constaté que ses doléances ont été prises en compte à cette époque avant prise de mandats, car il a eu une augmentation de 7% en 2000-2001 afin d’effectuer un rattrapage. En revanche ses doléances ultérieures sont restées lettre morte.

En deuxième lieu, la société Nexter Systems explique que le salarié a évolué au coefficient 125 dès avril 2003, au coefficient 130 dès avril 2006, et au coefficient 135 qui est le maximum de la position II en juillet 2008.

Pour autant, il s’agit d’une évolution conventionnelle automatique au regard de l’ancienneté acquise dans le poste, de sorte que cette évolution s’imposait à l’employeur et n’est pas de nature à écarter toute discrimination sur cette période.

En troisième lieu, l’employeur oppose au salarié que l’évolution de PII à PIII n’est pas automatique, ce qui est exact :

* La position PII est applicable aux ingénieurs et cadres confirmés, «affectés à un poste de commandement en vue d’aider le titulaire ou qui exerce dans les domaines scientifique, technique, administratif, commercial ou de gestion des responsabilités limitées dans le cadre des missions ou des directives reçues de son supérieur hiérarchique».

*La position PIII, composée de trois repères différents : position repère IIIA, IIIB et IIIC.

La convention collective applicable prévoit que la position repère IIIA convient à l'«ingénieur ou cadre exerçant des fonctions dans lesquelles il met en oeuvre non seulement des connaissances équivalentes à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances fondamentales et une expérience étendue dans une spécialité. Ses activités sont généralement définies par son chef qui, dans certaines entreprises, peut être le chef d’entreprise lui-même. Sa place dans la hiérarchie le situe au-dessus des agents de maîtrise et des ingénieurs et cadres placés éventuellement

sous son autorité ou bien comporte dans les domaines scientifique, technique, administratif, commercial ou de gestion des responsabilités exigeant une large autonomie de jugement et d’initiative dans le cadre de ses attributions.»

La société Nexter Systems oppose à M. [M] qu’il ne pouvait évoluer vers des fonctions classées PIII car les opportunités d’évolution étaient faibles sur l’établissement de [Localité 4] (peu de turn over) et il refusait toute mobilité, ce qu’il ne conteste pas.

Pour autant, la société Nexter Systems n’explique pas par des éléments objectifs les raisons pour lesquelles M. [M] a été classé C2 en 2009 et non C4 à l’issue du plan social GIAT, alors qu’il occupait manifestement à [Localité 4] des fonctions de chef de projet logiciel sans reconnaissance du niveau correspondant, que contrairement aux assertions de l’employeur il encadrait bien une équipe de collègues ingénieurs logiciel sur lesquels il exerçait au moins une autorité technique comme le prévoit la convention collective pour le niveau PIII, et qu’il aurait dû ainsi être classé C4 ce qui lui attribuait automatiquement le niveau PIII, la question de la mobilité du salarié étant alors indifférente.

S’agissant de la stagnation salariale de M. [M], et du refus de lui accorder des fonctions de chef de projet études, la société Nexter Systems oppose que le salarié ne donnait pas entière satisfaction dans son poste et s’appuie sur ses entretiens individuels annuels à compter de 2009.

Il est exact que M. [M], dont les évaluations sont satisfaisantes jusqu’en 2006 alors que ses supérieurs hiérarchiques directs sont M. [K] puis Mme [C], voit ensuite ses performances moins bien notées par ses managers successifs, avec des objectifs notés comme partiellement atteints pour certains d’entre eux à compter de 2010, sans pour autant que soient objectivées les raisons de ce manque de performance, alors qu’en parallèle les managers relèvent l’expertise de M. [M], et que ce dernier se plaint de manière récurrente à compter de 2010-2011 du manque de moyens alloués sur les projets auxquels il est affecté, de sa surcharge de travail en 2017, et de ne pas être affecté à des projets plus importants comme avant sa prise de mandat. Il est également noté un manque de motivation, ce qui peut s’expliquer au regard de la situation. Les évaluations se dégradent nettement à compter de 2016, date à laquelle M. [S] devient son manager, et au sujet duquel il a été relevé par la direction des défaillances managériales.

Ces évaluations en dégradation depuis la prise de mandats, dont le contenu n’est pas objectivé par des éléments concrets sur les performances de M. [M], ne permettent pas d’expliquer le sous-classement déjà évoqué de M. [M] en C2 au regard des fonctions réellement occupées, ni les très faibles augmentations individuelles accordées au salarié, d’ailleurs en deçà des obligations de l’employeur issues de l’accord collectif sur le dialogue social.

En effet, le bilan NAO 2018 de l’entreprise démontre que les cadres en position PII ont bénéficié d’une augmentation individuelle moyenne de 2,81 % soit un pourcentage supérieur à ce qui était prévu par la politique salariale (+2,30% d’augmentation individuelle) et un pourcentage bien supérieur à celui dont a bénéficié M. [M] (+1,50%).

De manière plus générale, l’employeur produit un panel anonymisé de 18 salariés classés PII coefficient 135 sur le site de [Localité 4] dont M. [M], relatif au taux moyen d’augmentations individuelles de 2008 à 2002.

Liminairement, il est observé que M. [M] n’a bénéficié d’aucune augmentation en 2006 et 2007 et que l’employeur exclut ces années de son tableau.

Il ressort de ce document (page 48 des conclusions de la société Nexter Systems) que, sur les 15 années observées, M. [M] a obtenu une augmentation individuelle (très légèrement) supérieure à la moyenne des augmentations accordées au panel seulement sur 4 années (2008,2014, 2015 et 2016), avec la précision qu’en 2008 M. [M] a bénéficié d’une augmentation visant à rattraper les années 2006 et 2007.

Ainsi, sur 9 années, les augmentation individuelles accordées à M. [M] sont en dessous de la moyenne.

De plus, la société Nexter Systems produit le même panel, non anonymisé cette fois, qui permet à M. [M] de relever la faible pertinence dudit panel en ce que la plupart des salariés auxquels il est comparé n’ont pas occupé de fonctions de chef de projet comme lui.

Par ailleurs, l’accord d’entreprise sur le dialogue social applicable au sein de l’UES prévoit en son article 25-3 que 'le personnel mandaté dont le temps cumulé consacré à l’exercice de son (ses) mandat(s) est supérieur à 30% verra sa rémunération progresser sur la durée de son mandat dans la moyenne des augmentations accordées à la catégorie socioprofessionnelle à laquelle il appartient et dans le cadre du statut dont il relève. Ces dispositions sur l’évolution salariale et professionnelle, dictées par un principe d’équité et de non-discrimination, sont suivies régulièrement et validée par la DRH centrale'.

Or M. [M] assumant le mandat de délégué syndical central depuis fin 2018, consacre plus de 30% de son temps de travail à l’exercice de ce mandat : 52% en 2019 (840 heures pour 1607 heures annuelles) comme il ressort du suivi des heures de délégation pour 2019 et 49% (789 heures pour 1607 heures annuelles) comme il ressort du suivi des heures de délégation pour 2020.

Ainsi, comme le prévoit l’article 25-3 de l’accord d’UES sur le dialogue social, il aurait dû bénéficier de l’augmentation moyenne accordée à la catégorie professionnelle des cadres, soit 3,3% en 2019 et 3,4% en 2020 au lieu des 2,4% tels qu’accordés.

La société Nexter Systems ne saurait prétendre que seules les heures de délégation proprement dites devraient être comptabilisées dans les 30% alors que les heures de préparation aux réunion et les heures de réunion constituent aussi le 'temps de travail consacré à l’exercice du mandat’ au sens de l’accord précité.

Elle ne saurait davantage invoquer les seules moyennes d’augmentations individuelles de 2,4% pour 2019 et 2,5% pour 2020 alors que M. [M] indique avoir non seulement été privé d’augmentations individuelles suffisantes, mais également de toute autre augmentation ce qui inclut les primes, promotions et les augmentations catégorielles prises en compte dans 'l’augmentation moyenne accordée à la catégorie des cadres’ dont il invoque les chiffres.

Il s’ensuit qu’il n’existe pas d’explication objective au non-respect de cet accord, au détriment de M. [M].

S’agissant des manifestations d’hostilité de la direction envers les élus CFDT-CFE dont M. [M] à partir de 2011, la société Nexter Systems les conteste et rétorque que les faits évoqués par le salarié sont anciens, ce qui ne suffit pas à leur retirer leur caractère discriminatoire ; elle indique que les rappels adressés à M. [M] sur l’utilisation de ses heures de délégation sont formulés en termes courtois mais n’en justifie pas le bien-fondé, que le prétendu recadrage violent de M. [M] et de M. [F] n’a pas suscité leur réaction à cette époque, ce qui est inopérant, et que le contrôle de la comptabilisation des heures de délégation relève du pouvoir de direction de l’employeur, ce qui est exact mais n’explique pas les reproches adressés au salarié suite à un changement de pratique sur la comptabilisation de ces heures qui ne lui avait pas été signalé.

Enfin, s’agissant du comportement de M. [S] (N+1) à l’égard de M. [M], la société Nexter Systems a admis qu’il était inapproprié à la suite d’une enquête interne dont elle s’abstient de produire le rapport ; la société Nexter Systems reconnaît avoir infligé un avertissement à M. [S] le 14 février 2022, avoir fait bénéficier ce dernier d’un accompagnement personnel et s’être assuré qu’il n’ait plus de contact avec M. [M], ce qui démontre que les reproches dont se plaignait M. [M] comme étant injustifiés ne recevaient effectivement aucune explication objective et relevaient d’un management défaillant.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. [M] a effectivement subi une discrimination syndicale au sein de la société Nexter Systems, caractérisée à compter de sa prise de mandats en 2005 par une stagnation anormale de son salaire, une absence d’évolution de carrière et des conditions de travail défavorables, ces événements induisant une rupture d’égalité de traitement avec ses collègues non titulaires de mandats syndicaux se trouvant dans une situation professionnelle comparable à la sienne.

M. [M] est donc fondé à obtenir la réparation des préjudices subis à raison de cette discrimination syndicale, et à obtenir sa classification au niveau P IIIA.

M. [M] demande cette classification à compter de 2007, date à laquelle :

— le salarié est encore évalué positivement sur ses fonctions de chef de projet pleinement exercées,

— la supérieure hiérarchique de M. [M] note et encourage sa volonté d’évoluer vers le niveau P III,

— tous les chefs de projets de l’établissement Toulousains sont classés P IIIA,

or il ne fait pas la démonstration du dernier point invoqué, et la cour a retenu des développements précédents que M. [M] aurait dû bénéficier de la position P IIIA en 2009, après la fin du plan social GIAT ayant conduit à son sous-classement en C2 au lieu de C4.

La cour juge donc que M. [M] doit être classé au niveau P IIIA à compter du mois de janvier 2009, avec revalorisation de son salaire mensuel de base à la somme brute mensuelle actualisée de 6 692,60 € soit 80 311,20 € annuels à compter de la présente décision.

Sur la réparation des préjudices invoqués par M. [M] au titre de la discrimination syndicale :

Au titre du préjudice financier, M. [M] présente des calculs relatifs à la reconstitution de son salaire de 2007 à 2021 après application du niveau P IIIA, en tenant compte du salaire moyen d’un cadre de ce niveau bénéficiant des augmentations individuelles ou globales moyennes prévues par la politique salariale de l’entreprise dont il déduit ses salaires réellement perçus.

La société Nexter Systems oppose que M. [M], classé au niveau PII coefficient 135, bénéficie d’un salaire actuel se situant au dessus du minimum conventionnel pour le niveau PIIIA de sorte qu’il n’existerait aucun préjudice financier.

Or l’objet du litige n’est pas d’appliquer à M. [M] un minimum conventionnel, mais de reconstituer sa carrière telle qu’elle se serait déroulée sans discrimination, et donc avec une évolution au niveau P IIIA en bénéficiant de la moyenne des augmentations allouées à ses homologues dans l’entreprise.

En revanche, la société Nexter Systems observe à juste titre que le préjudice salarial de M. [M] ne saurait s’élever au salaire brut revendiqué, puisqu’il y aurait eu application sur ce salaire de cotisations sociales, alors qu’il réclame des dommages-intérêts.

Il est exact qu’au regard de la méthodologie adoptée par M. [M], son préjudice salarial ne saurait être supérieur au salaire net qu’il aurait dû percevoir au niveau P IIIA à compter de 2009.

Après nouveau calcul et au regard des pièces produites, la cour estime donc cette perte salariale sur la période 2009 à 2021 à 147 190,54 €.

Par ailleurs, M. [M] justifie du préjudice financier subi à raison de la perte des points de retraite Agirc (puis Agirc-Arrco) sur la période de rattrapage considérée, lequel s’élève au regard des pièces produites et du calcul à effectuer non pas linéairement comme le fait le salarié, mais sur la base des barèmes de capitalisation, à une somme annuelle de 2 212,20 € de perte de pension soit, pour M. [M] prenant sa retraite à taux plein à 62 ans et 9 mois, une perte totale de 46 496,02 €.

Enfin, le préjudice financier subi par M. [M] en raison de sa perte sur la participation et l’intéressement, proportionnels au salaire, s’élève au regard des pièces produites à 12 118,02 €.

Par conséquent, M. [M] est fondé à obtenir la somme de 205 804,58 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi à raison de la discrimination syndicale.

Par ailleurs, le préjudice moral subi par M. [M] à raison de la discrimination sera réparé par l’allocation de la somme de 6 000 € à titre de dommages-intérêts.

Sur le surplus des demandes :

La société Nexter Systems, succombante, sera condamnée aux dépens de première instance ainsi qu’aux dépens d’appel, et à payer à M. [M] la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

Annule le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 18 février 2021,

Statuant dans les conditions de l’article 562 alinéa 2 du code de procédure civile,

Dit sans objet la demande de la SA Nexter Systems tendant à déclarer irrecevable l’appel incident de M. [I] [M],

Dit que M. [I] [M] a fait l’objet d’une discrimination syndicale au sein de la société Nexter Systems,

Condamne la SA Nexter Systems à payer à M. [I] [M] les sommes suivantes :

—  205 804,58 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi par M. [I] [M] à raison de la discrimination syndicale,

—  6 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi par M. [I] [M] à raison de la discrimination syndicale,

Dit que M. [I] [M] doit être classé au niveau P IIIA à compter du mois de janvier 2009,

Dit que le salaire mensuel de base de M. [I] [M] doit être revalorisé à la somme brute mensuelle actualisée de 6 692,60 € soit 80 311,20 € annuels à compter de la présente décision,

Condamne la SA Nexter Systems à payer à M. [I] [M] la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,

Condamne la SA Nexter Systems aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset

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Cour d'appel de Toulouse, 4e chambre section 2, 24 mars 2023, n° 21/01420