Cour d'appel de Toulouse, 1re chambre section 1, 6 juin 2023, n° 22/01654

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 6 juin 2023, n° 22/01654
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 22/01654
Importance : Inédit
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 16 juin 2023
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Sur les parties

Texte intégral

06/06/2023

ARRÊT N°

N° RG 22/01654 -

N° Portalis DBVI-V-B7G-OYG5

SL / OC

Décision déférée du 25 Mars 2022 -

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ALBI – 21/00560

Mme MALLET

S.A. CAISSE D’ASSURANCES MUTUELLES DU CREDIT AGRICOLE – CAMCA LUXEMBOURG

C/

[J] [H]

[L], [D] [A]

[S], [O], [M] [Y] épouse [A]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SIX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A. CAISSE D’ASSURANCES MUTUELLES DU CREDIT AGRICOLE – CAMCA LUXEMBOURG

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Eric-gilbert LANEELLE de la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM''S

Madame [J] [H]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Fabienne FINATEU, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [L], [D] [A]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Emmanuelle DESSART de la SCP SCP DESSART, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [S], [O], [M] [Y] épouse [A]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP SCP DESSART, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 06 Mars 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par M. DEFIX, président, et par R. CHRISTINE, faisant fonction de greffier.

EXPOS'' DES FAITS ET DE LA PROC''DURE :

Selon contrat de construction de maison individuelle, Mme [S] [Y] et M. [L] [A] ont confié à la société Le Mas Toulousain l’édification de leur maison d’habitation située [Adresse 1] à [Localité 6].

Une police dommage-ouvrage avait été souscrite le 13 janvier 1998 par la société Le mas toulousain auprès de la société Caisse d’assurances Mutuelles du Crédit Agricole Luxembourg (ci-après Camca Luxembourg).

L’ouvrage a été réceptionné le 19 mars 2008.

Par acte authentique en date du 29 août 2014, Mme [J] [H] a acquis la maison de Mme [S] [Y] et M. [L] [A] au prix de 194 000€.

Le 18 avril 2017, Mme [J] [H] a déclaré un sinistre à l’assureur dommages- ouvrage concernant le réseau d’évacuation des eaux usées de la maison.

Après expertise amiable par le cabinet Polyexpert ayant donné lieu à un rapport du 4 juillet 2017, la compagnie européenne de garanties et cautions pour le compte de l’assureur dommages-ouvrage a notifié un refus de garantie par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 juillet 2017, laquelle a été réceptionnée le 19 juillet 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juillet 2018, Mme [H] a contesté le refus de garantie de l’assureur dommages-ouvrage en l’absence d’investigations complémentaires et lui a demandé de prendre ses responsabilités et de lui indiquer la prise en charge du sinistre.

Par un acte d’huissier du 31 juillet 2019, Mme [J] [H] a fait assigner en référé Mme [S] [Y] et M. [L] [A], aux fins d’expertise.

Par ordonnance en date du 29 novembre 2019, une expertise a été ordonnée, confiée à M. [P].

Par assignations en date des 19 février 2020 et 30 janvier 2020, Mme [H] a appelé en cause respectivement la société Camca Paris et Me [T] [R] de la Selarl [R] et associés, en qualité de liquidateur de la société Le Mas Toulousain.

Par ordonnance en date du 3 avril 2020, les opérations d’expertise ont été déclarées communes et opposables à la société Camca Paris et à la société Le Mas Toulousain prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Me [T] [R].

L’expert judiciaire a clôturé son rapport le 26 août 2020.

Par actes des 31 mars et 2 avril 2021, Mme [J] [H] a assigné respectivement Mme [S] [Y] et M. [L] [A] sur le fondement de la garantie des vices cachés et la société Camca Paris en qualité d’assureur dommages-ouvrage, aux fins d’obtenir leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes :

—  73.624,80 € au titre des préjudices matériels,

—  84.369,78 € au titre des préjudices immatériels à parfaire au jour de la décision à intervenir,

—  6.000 € au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.

La Camca Luxembourg est intervenue volontairement à l’instance le 13 septembre 2021. Par conclusions d’incident du 13 septembre 2021, elle a soulevé l’irrecevabilité de l’action de Mme [H] comme étant forclose depuis le 19 juillet 2019.

Par une ordonnance du 25 mars 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d’Albi a notamment :

— mis hors de cause la compagnie Camca Paris,

— reçu l’intervention volontaire de la compagnie Camca Luxembourg,

— dit que la garantie dommage ouvrage de la compagnie Camca Luxembourg est acquise à Mme [J] [H] pour non respect du délai d’instruction du sinistre.

— dit que l’action en garantie dommage ouvrage de Mme [J] [H] à l’encontre de la compagnie Camca Luxembourg n’est pas prescrite et déclare en conséquence son action recevable,

— dit que l’action en garantie des vices cachés de Mme [J] [H] à l’encontre de Mme [S] [Y] et M. [L] [A] n’est pas prescrite ;

— dit que Mme [S] [Y] et M. [L] [A] peuvent se prévaloir de la clause d’exclusion des vices cachés sauf pour le désordre relatif à l’absence d’évacuation propre des eaux usées sur le domaine public ;

— en conséquence déclaré l’action de Mme [J] [H] irrecevable pour les désordres relatifs au réseau d’évacuation des eaux usées ;

— déclaré l’action de Mme [J] [H] recevable pour le désordre relatif à l’absence d’évacuation propre des eaux usées sur le domaine public ;

— condamné la compagnie Camca Luxembourg à verser à Mme [J] [H] une indemnité de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté les autres demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la compagnie Camca Luxembourg aux dépens de l’incident.

Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a estimé que l’assureur dommages-ouvrage qui n’avait pas répondu à la déclaration de sinistre dans le délai de 60 jours et qui avait donné un motif erroné, n’avait pas respecté les délais d’instruction du dossier de sinistre, et ainsi ne pouvait invoquer la prescription biennale de l’article L 114-1 du code des assurances ni la prescription décennale de l’article 1792-4-2. Il a jugé que l’assignation ayant été délivrée dans le délai de prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil dont le point de départ était le délai de 60 jours après la déclaration de sinistre, aucune forclusion n’était opposable ; que l’action de Mme [H] à l’encontre de la Camca non prescrite était recevable.

S’agissant de l’action en garantie des vices cachés, il a estimé que ce n’était qu’au jour du dépôt du rapport d’expertise judiciaire que les désordres avaient été révélés à Mme [H] dans toute leur ampleur, et qu’ainsi le point de départ de la prescription de deux ans courait à compter du 26 août 2020 ; que l’action engagée par Mme [H] sur le fondement des vices cachés n’était pas prescrite.

S’agissant de la clause d’exclusion de la garantie des vices cachés, il a relevé qu’elle ne jouait pas quand le vendeur connaissait les vices ; qu’en l’espèce, les vendeurs avaient manifestement connaissance de l’absence de regard (tabouret) dédié à l’évacuation des eaux usées sur le domaine public ; que l’action était recevable contre les vendeurs pour ce vice ; qu’en revanche, elle était irrecevable pour les désordres relatifs au réseau d’évacuation des eaux usées, car la clause de non garantie des vices cachés jouait pour ces désordres, les travaux ayant été réalisés par la société Le mas toulousain.

Par déclaration du 28 mars 2022, la Caisse d’assurances mutuelles du crédit agricole Luxembourg a relevé appel de cette ordonnance en ce qu’elle a :

— dit que la garantie dommage-ouvrage de la compagnie Camca Luxembourg est acquise à Mme [J] [H] pour non respect du délai d’instruction du sinistre ;

— dit que l’action en garantie dommage ouvrage de Mme [J] [H] à l’encontre de la compagnie Camca Luxembourg n’est pas prescrite et déclare en conséquence son action recevable ;

— déclaré l’action de Mme [J] [H] recevable pour le désordre relatif à l’absence d’évacuation propre des eaux usées sur le domaine public ;

— condamné la compagnie Camca Luxembourg à verser à Mme [J] [H] une indemnité de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la compagnie Camca Luxembourg aux dépens de l’incident.

PR''TENTIONS DES PARTIES :

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 1 août 2022, la Caisse d’assurances mutuelles du crédit agricole Luxembourg, appelante, demande à la cour, au visa des articles 2224 et 1792 et suivants du code civile, de l’article 242-1 du code des assurances, et 122, 789, 6° du code de procédure civile, de :

— infirmer partiellement l’ordonnance dont appel par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d’Albi en ce qu’elle a rejeté les demandes de la Camca Luxembourg,

Par conséquent,

— 'dire et juger’ que l’action de Mme [J] [H] est forclose depuis le 19 juillet 2019 et donc irrecevable,

— laisser les dépens de l’instance à la charge de Mme [J] [H] dont distraction à la Selas Clamens Conseil, avocats qui est en droit de les recouvrer, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient qu’au moment où la Camca a été assignée le 19 février 2020, la forclusion décennale était acquise puisque la réception remonte au 19 mars 2008.

Elle soutient que la prescription biennale était également acquise ; que certes, l’assureur a répondu le 19 juillet 2017, au-delà du délai de 60 jours qui lui était imparti, mais qu’en pareille hypothèse, la prescription biennale recommence à courir au moment où le droit à garantie est acquis à l’assuré ; qu’un délai de 5 ans ne peut s’y substituer ; que la procédure à son encontre aurait dû être régularisée au plus tard le 19 juillet 2019. Elle soutient que la mise en demeure datée du 19 juillet 2018 n’a pas interrompu la prescription biennale. Elle conteste que le motif à l’origine de la non-garantie soit erroné et équivaille à un défaut de motivation.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 9 février 2023, Mme [J] [H], intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles 1641, 1644, 1231-1, et 2224 du code civil, et des articles L.114-1, L.121-1, L.242-1 et L.242-2 du code des assurances et 4, 700 et 954 du code de procédure civile, de:

— confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’il a été jugé que la garantie dommages-ouvrage lui est acquise pour non respect du délai d’instruction du sinistre ;

— confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’il a été jugé son action en garantie dommages-ouvrage à l’encontre de la Camca Luxembourg n’est pas prescrite et que l’action est en conséquence recevable ;

— confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’il a été jugé que son action en garantie des vices cachés à l’encontre de Mme [S] [Y] et M. [L] [A] n’est pas prescrite ;

— infirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’il a été jugé que Mme [S] [Y] et M. [L] [A] peuvent se prévaloir de la clause d’exclusion des vices cachés sauf pour le désordre relatif à l’absence d’évacuation propre des eaux usées sur le domaine public,

— infirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’il a été jugé que son action est irrecevable pour les désordres relatifs au réseau d’évacuation des eaux usées,

En conséquence,

— juger que Mme [S] [Y] et M. [L] [A] ne peuvent se prévaloir de la clause d’exclusion des vices cachés en leur qualité de vendeur constructeur,

— juger que la clause d’exclusion des vices cachés lui est inopposable,

— juger que son action est recevable tant pour les désordres relatifs au réseau d’évacuation des eaux usées que pour les désordres relatifs à l’absence d’évacuation propre des eaux usées sur le domaine public.

— confirmer l’ordonnance dont appel en ce que la Camca Luxembourg a été condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— confirmer l’ordonnance dont appel en ce que la Camca Luxembourg a été condamnée aux dépens de l’instance,

— condamner la Camca Luxembourg à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle soutient que la prescription biennale lui est inopposable car le contrat d’assurance ne précise pas les causes d’interruption de la prescription et les sanctions en découlant.

Elle soutient que si l’assureur ne respecte pas les délais légaux de règlement de sinistre, la garantie est acquise pour les sinistres déclarés ; qu’une décision non motivée de refus de garantie est assimilée à un non-respect des délais ; qu’une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l’assureur interrompt la prescription biennale dès lors qu’elle concerne au moins pour partie le règlement de l’indemnité.

Elle soutient que l’assureur dommages-ouvrage a engagé sa responsabilité contractuelle de droit commun en refusant sa garantie sans poursuivre les opérations d’expertise amiable et en ne déterminant pas l’origine du sinistre ; que la prescription quinquennale n’était pas expirée.

Elle soutient que l’action fondée sur la garantie des vices cachés n’est pas prescrite, car le point de départ du délai de 2 ans court à compter du dépôt du rapport d’expertise judiciaire.

Elle soutient que la clause de non garantie des vices cachés ne s’applique pas car les vendeurs ont fait construire la maison et sont donc réputés constructeurs de l’ouvrage, considérés comme vendeurs professionnels au regard de la garantie des vices cachés.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le25 juillet 2022, Mme [S] [Y] et M. [L] [A], intimés et appelants incidents, demandent à la cour, au visa des articles 122 et 789 6° du code de procédure civile, et des articles 1641 et suivants du code civil, de :

— confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :

* jugé qu’ils pouvaient se prévaloir de la clause d’exclusion des vices cachés,

* jugé que leur action était irrecevable pour les désordres relatifs au réseau d’évacuation des eaux usées,

— réformer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :

* dit qu’ils ne pourraient se prévaloir de la clause d’exclusion des vices cachés pour le désordre relatif à l’absence d’évacuation propre des eaux usées sur le domaine public,

et statuant à nouveau juger qu’ils pourront se prévaloir de la clause d’exclusion des vices cachés pour le désordre relatif à l’absence d’évacuation propre des eaux usées sur le domaine public,

* dit que l’action en garantie des vices cachés de Mme [H] à leur encontre n’est pas prescrite,

et statuant à nouveau, juger que l’action en garantie des vices cachés de Mme [H] à leur encontre est prescrite,

En tout hypothèse,

— condamner Mme [H] à la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, lesquels seront recouvrés par Me Dessart, sur son offre de droit.

Ils soutiennent qu’ils ne pouvaient pas connaître les désordres, n’ayant pas eux-mêmes conçu ou réalisé les travaux, et qu’ainsi la clause d’exonération de garantie des vices cachés s’applique.

Ils soutiennent que l’action en garantie des vices cachés est prescrite car dès le 18 février 2017, Mme [H] avait connaissance des désordres ; que le rapport du 4 juillet 2017 lui permettait d’avoir connaissance de l’existence du vice caché, par un expert ; que cependant, elle n’a assigné les vendeurs que le 31 juillet 2019.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 février 2023.

L’affaire a été examinée à l’audience du 6 mars 2023.

MOTIFS DE LA D''CISION :

Sur la saisine de la cour :

La cour n’est pas saisie d’un appel sur les chefs de l’ordonnance par lesquels le juge de la mise en état a mis hors de cause la Camca Paris, et reçu l’intervention volontaire de la Camca Luxembourg.

Sur la recevabilité :

L’article 789 du code de procédure civile dispose que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ;

Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;

2° Allouer une provision pour le procès ;

3° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;

4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;

5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction ;

6° Statuer sur les fins de non-recevoir.

Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s’il l’estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d’administration judiciaire.

Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n’estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état.

Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu’elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir, tel que le défaut de qualité, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Sur la recevabilité de l’action de Mme [H] à l’encontre de la Camca Luxembourg, assureur dommages-ouvrage :

Les désordres sont de nature décennale car ils rendent la maison impropre à sa destination, ainsi qu’il ressort du rapport d’expertise judiciaire, comme il sera détaillé ci-dessous.

L’assureur dommages-ouvrage fait valoir que sa garantie n’est cependant pas due compte tenu de la forclusion décennale et de la prescription biennale.

La garantie de l’assureur dommages-ouvrage prend fin à l’expiration d’une période de 10 ans à compter de la réception.

En l’espèce il n’est pas contesté que la réception est du 19 mars 2008. Il n’est pas contesté que la déclaration de sinistre de Mme [H] à l’assureur dommages-ouvrage date du18 avril 2017. Suite au refus de garantie de l’assureur dommages-ouvrage, ce n’est que le 19 février 2020 que Mme [H] a fait assigner en référé la société Camca Paris, soit plus de dix ans après la réception.

Cependant, l’assureur dommages-ouvrage qui ne respecte pas les délais d’instruction du sinistre perd le droit de contester sa garantie, et il ne peut plus invoquer la prescription décennale.

En vertu de l’article L 242-1 du code des assurances, l’assureur dommages-ouvrage disposait d’un délai 60 jours courant à compter de la déclaration de sinistre du 18 avril 2017 pour notifier à l’assurée sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat.

Or, il n’a notifié son refus de garantie que le 19 juillet 2017, soit au-delà du délai de 60 jours.

Certes, l’assureur dommages-ouvrage qui n’a pas réagi dans le délai légal, conserve le droit d’opposer à l’assuré la prescription biennale, lorsque ce dernier n’a pas requis judiciairement ou par lettre recommandée avec accusé de réception l’application de la garantie à titre de sanction dans le délai de deux ans à compter de l’expiration du délai de 60 jours.

Cependant, en l’espèce, la prescription biennale est inopposable à Mme [H].

L’article L 114-1 du code des assurances prévoit que toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance. Par exception, les actions dérivant d’un contrat d’assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions prévues à l’article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l’événement qui y donne naissance.

Toutefois, ce délai ne court :

1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l’assureur en a eu connaissance ;

2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là.

En vertu de l’article L 114-2 du code des assurances, la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d’interruption de la prescription et par la désignation d’experts à la suite d’un sinistre. L’interruption de la prescription de l’action peut, en outre, résulter de l’envoi d’une lettre recommandée ou d’un envoi recommandé électronique, avec accusé de réception, adressés par l’assureur à l’assuré en ce qui concerne l’action en paiement de la prime et par l’assuré à l’assureur en ce qui concerne le règlement de l’indemnité.

En vertu de l’article R 112-1 du code des assurances, les polices d’assurance doivent rappeler la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance. A défaut, la prescription biennale est inopposable à l’assuré.

En l’espèce, les conditions particulières du contrat d’assurance n° 2020 souscrit par la société Le mas toulousain auprès de la Camca Luxembourg le 13 janvier 1998 renvoient aux conditions générales n° 98C01. L’assuré a reconnu être en possession des conditions générales n° 98C01. Ce sont ces conditions générales qui s’appliquent.

La Camca Luxembourg a d’abord produit les conditions générales n° 07C01, puis, par message RPVA du 8 septembre 2022, elle a versé aux débats les conditions générales 98C01.

L’article 9 des conditions générales 98C01 prévoit : 'prescription : Toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance, dans les termes des articles L 114-1 et 2 du code des assurances'.

Ainsi, le contrat se contente de renvoyer aux articles L 114-1 et 2 du code des assurances, sans rappeler les causes d’interruption de la prescription de deux ans prévue par ces articles, et en outre il n’énumère pas les causes ordinaires d’interruption de la prescription.

En conséquence, la prescription biennale est inopposable à Mme [H].

L’assureur, qui ne peut pas opposer la prescription biennale pour ne pas avoir satisfait au formalisme informatif, ne peut prétendre à l’application de la prescription de droit commun. En effet, le caractère d’ordre public de la prescription biennale est exclusif de toute interversion de prescription. L’action de Mme [H] contre l’assureur dommages-ouvrage n’est donc pas prescrite.

L’ordonnance dont appel sera confirmée en ce qu’elle a dit que la garantie dommages-ouvrage de la Camca Luxembourg est acquise à Mme [H] pour non-respect du délai d’instruction du sinistre et en ce qu’elle a déclaré que l’action en garantie dommages-ouvrage de Mme [J] [H] à l’encontre de la Camca Luxembourg n’est pas prescrite et a déclaré en conséquence son action recevable.

Sur la recevabilité de l’action en garantie des vices cachés :

En vertu de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acquéreur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

L’article 1648 du code civil dispose que l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Il s’agit d’un délai de forclusion.

Le point de départ du délai de 2 ans est la connaissance du vice dans ses causes, son ampleur et ses conséquences.

En l’espèce, il ressort du rapport d’expertise amiable IRD mandaté la société Pacifica du 27 mars 2017 qu’un dégât des eaux s’est produit le 18 février 2017, déclaré par Mme [H] à son assureur multirisques habitation.

Mme [H] indique que malgré l’hydrocurage d’une canalisation, les désordres sont réapparus.

Le rapport d’expertise du cabinet Polyexpert du 4 juillet 2017 met en évidence les désordres suivants :

— chambre 3 : cette chambre inclut une salle d’eau avec cabine de douche et vasque. L’eau s’évacue difficilement de ces deux appareils sanitaires. Le revêtement de sol de la chambre en parquet flottant est tuilée et le couvre-joint placé au droit du changement de revêtement de sol entre le parquet de la chambre et le carrelage de la salle d’eau est gonflé.

La base de l’encadrement en bois de la porte entre chambre et salle d’eau est également gorgée d’eau.

Dans la chambre, d’importantes moisissures sont visibles sur la cloison de la salle d’eau et un test à l’humidimètre est positif sur 1 m de haut environ.

Des remontées d’humidité, avec test à l’humidimètre positif, sont aussi visibles à la base des doublages des façades Nord et Ouest.

— chambre 1 : Il y a dans cette pièce une forte odeur d’humidité. Des remontées d’humidité avec présence de moisissures sont visibles sur les cloisons périphériques.

Le revêtement de sol en parquet flottant est tuilé et les plinthes ont gonflé.

— Salle de bains : Elle comprend une baignoire, une vasque et un WC. Ces trois appareils sanitaires sont bouchés.

Mme [H] n’utilise plus ces WC, elle s’est équipée d’un sanibroyeur.

— Façade Nord : Des écoulements d’eau, avec formation de mousse, sont visibles depuis le dessous du seuil de la porte-fenêtre de la chambre 1, ainsi que le long de la rive du plancher hourdis sur vide sanitaire.

Mme [H] déclare que lorsqu’elle utilise la douche de la salle d’eau de la chambre 3, les écoulements d’eau s’intensifient avec écoulements sur la terrasse.

Le réseau jour de la cuisine ne présente pas d’anomalie de fonctionnement.

Le cabinet Polyexpert indique qu’un tampon est vide, et qu’il y a donc une obturation quelque part entre le pied de la façade et le regard en limite de propriété sur le collecteur d’évacuation enterré. L’eau refoule par l’évacuation de l’un des appareils sanitaires, imprègne la chape se pose du revêtement de sol carrelé, puis remonte par capillarité en pied des cloisons, une partie de l’eau s’écoulant à l’extérieur le long de la rive du plancher hourdis du vide sanitaire.

Il indique que Mme [H] a fait procéder à un hydrocurage de la canalisation par une entreprise spécialisée, mais deux mois après environ, les mêmes dysfonctionnements se sont reproduits.

Il indique qu’en premier lieu, une inspection télévisée de ce collecteur extérieur est à effectuer afin de localiser le point d’obturation et si possible d’en déterminer l’origine.

Le 3 juillet 2018 un autre rapport d’expertise amiable a été rendu par le laboratoire ADN. Des tests avec caméra endoscopique, essais fumigènes et test d’humidité révèlent entre autres des fuites sur canalisations, la présente de flashs sur canalisations d’évacuation sous dalle et une obturation de l’évacuation entre la maison et le réseau de tout à l’égout.

Mme [H] a été obligée de quitter la maison devenue inhabitable.

L’expert judiciaire indique que le réseau d’évacuation des eaux usées et vannes de la maison dysfonctionne depuis 2017. Il estime que les désordres, non contestés, rendent la maison impropre à sa destination.

Il analyse les désordres :

1. Il indique que l’humidité, les moisissures, le tuilage du sol, sont les conséquences des remontées d’eau (évacuations bouchées) et des infiltrations. Il indique que c’est un corollaire des points 2, 5 et 6, et éventuellement 3 et 4.

2. Il relève des défauts d’étanchéité (bonde baignoire, joints de douche, rosaces mitigeur baignoire) qui relèvent de l’entretien des équipement pour remédier à l’usure des joints et à leur dégradation.

3. Il relève un flash sur canalisation évacuation EV (WC), réseau situé en intérieur sous la dalle de la maison. Il indique que c’est un défaut d’exécution lors de la construction, malfaçon imputable au constructeur.

4. Il relève que la canalisation de raccordement au réseau communal est bouchée, à l’extérieur, remplie d’eau sur 25 m. Il indique qu’il y a une pente trop faible ou contrepente, malfaçon imputable au constructeur.

5. Il relève une canalisation EU fissurée à l’extérieur devant la cuisine, et l’impute à un mouvement de sol, tassement différentiel.

6. Il relève une fuite entre bac à douche et cloison, et l’impute à la défaillance d’un raccord.

A titre de réparation il préconise de traiter les causes et les effets des désordres constatés.

S’agissant des causes, il dit qu’il convient de reprendre les réseaux d’évacuation des EU et EV défaillants à l’intérieur (vide sanitaire) et à l’extérieur de la maison, jusqu’au réseau public, et de reprendre les joints et raccords défaillants dans la plomberie et l’aménagement des sanitaires.

S’agissant des effets, il dit qu’il convient de reprendre en totalité les embellissements dégradés, sols, murs et plafonds.

Le coût total est évalué à 74.000 euros TTC.

Ainsi, même si les désordres se sont manifestés en février 2017 et si leur existence était apparente lors du rapport Polyexpert du 4 juillet 2017, il apparaît que la cause des désordres, leur ampleur et leurs conséquences n’ont pu être connus qu’à l’occasion de l’expertise judiciaire.

La prescription de deux ans court donc à compter du 26 août 2020, date du rapport d’expertise judiciaire. Elle n’était donc pas acquise lors de l’assignation délivrée par Mme [H] le 31 mars 2021 à l’encontre de M. [A] et Mme [Y].

L’ordonnance dont appel sera confirmée en ce qu’elle a dit que l’action en garantie des vices cachés de Mme [H] à l’encontre de Mme [Y] et M. [A] n’est pas prescrite.

La question de l’application de la clause d’exclusion de la garantie des vices cachés n’est pas une question de fond qui conditionne la recevabilité de l’action en garantie des vices cachés. Elle concerne le bien fondé de l’action. Cette question de fond ne ressort donc pas du pouvoir juridictionnel du juge de la mise en état. Le juge de la mise en état a excédé ses pouvoirs en disant que Mme [Y] et M. [A] peuvent se prévaloir de la clause d’exclusion des vices cachés sauf pour le désordre relatif à l’absence d’évacuation propre des eaux usées sur le domaine public et en déclarant irrecevable l’action de Mme [H] pour les désordres relatifs au réseau d’évacuation des eaux usées.

Infirmant l’ordonnance dont appel, il y lieu de dire que le juge de la mise en état n’a pas le pouvoir de statuer sur l’application de la clause d’exclusion de la garantie des vices cachés, appartenant au seul tribunal saisi au fond.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

La société Camca Luxembourg, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance, l’ordonnance étant confirmée, et aux dépens d’appel.

Elle se trouve redevable d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance.

Elle sera condamnée à payer Mme [H] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel.

M. [A] et Mme [Y] seront déboutés de leur demande sur le même fondement.

La société Camca Luxembourg sera déboutée de sa demande sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d’Albi, sauf en ce qu’elle a :

— dit que Mme [S] [Y] et M. [L] [A] peuvent se prévaloir de la clause d’exclusion des vices cachés sauf pour le désordre relatif à l’absence d’évacuation propre des eaux usées sur le domaine public ;

— déclaré irrecevable l’action de Mme [J] [H] pour les désordres relatifs au réseau d’évacuation des eaux usées ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Dit que le juge de la mise en état n’a pas le pouvoir de statuer sur l’application de la clause d’exclusion de la garantie des vices cachés, appartenant au seul tribunal saisi au fond ;

Condamne la société Camca Luxembourg à payer Mme [H] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel ;

Déboute M. [A] et Mme [Y] de leur demande sur le même fondement ;

Déboute la société Camca Luxembourg de sa demande sur le même fondement.

Le Greffier Le Président

R. CHRISTINE M. DEFIX

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Cour d'appel de Toulouse, 1re chambre section 1, 6 juin 2023, n° 22/01654