Cour d'appel de Versailles, 8 juillet 2005, n° 05/04694

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 8 juill. 2005, n° 05/04694
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 05/04694

Texte intégral

Cour d’appel de Versailles (1re ch.). 8 juill. 2005

LA COUR D’APPEL: – Considérant que pour faire échec aux conséquences de l’opposition à mariage signifiée par le ministère public sur le fondement de l’article 146 du code civil, les appelants font valoir qu’ils ont pris à l’issue d’une année entière de vie commune la décision de s’unir, décision réitérée à plusieurs reprises, qu’ils sont animés d’une véritable intention matrimoniale et que leur projet n’a pas pour finalité de contourner les dispositions légales relatives à l’obtention de la nationalité française, M. L… étant en situation régulière et en cours d’obtention d’un titre de séjour, que l’invocation de l’activité de prostitution de M. L… est sans portée et sans incidence juridique sur leur intention matrimoniale, que leur mariage n’est pas fictif et motivé par quelconque volonté de contourner la prohibition des mariages entre personnes de même sexe, étant acquis qu’ils sont de sexes différents et que M. L… bien qu’affirmant sa féminité, n’entend pas changer de sexe, que leur apparence physique ne peut pas plus constituer un obstacle juridique valable, sauf pour le ministère public, à s’ingérer dans leur vie privée et contrevenir aux libertés fondamentales telles que protégées par la Convention européenne des droits de l’homme, toute attitude contraire traduisant un comportement discriminatoire, que ni le code civil ni aucune règle de droit ne conditionne l’intention matrimoniale à la volonté de fonder une famille, que leur union répondant à une véritable intention matrimoniale, l’invocation du caractère militant de leur mariage est inopportune:

Considérant que le ministère public expose que les enquêtes menées établissent bien l’absence de véritable intention matrimoniale du couple et sa volonté affichée de contourner les prohibitions légales des mariages entre personnes du même sexe;

Considérant que la faculté offerte au ministère public d’agir en nullité du mariage et donc de s’opposer à sa célébration ne constitue pas une violation des articles 8 et 12 de la Convention européenne des droits de l’homme, que seuls des motifs légitimes et sérieux ayant essentiellement trait au contrôle de l’existence et de la réalité du consentement peuvent justifier sans méconnaissance du droit au mariage, l’opposition du ministère public;

Considérant que Bénito L… qui est de nationalité argentine est en situation régulière et doit se voir délivrer sous peu un titre de séjour, qu’en tout état de cause l’invocation de la régularisation de sa situation par le seul fait du mariage avec une personne de nationalité française n’est pas soutenue dans l’acte d’opposition, qu’il n’y a pas débat sur ce point: que X B… laquelle a bénéficié d’un traitement médico-chirurgical ayant abouti à un changement de sexe et dont l’état civil a été rectifié conformément au jugement rendu le 29 juin 1999 par le Tribunal de grande instance de Paris, est en droit de s’unir avec une personne de sexe opposé, et que toute opposition fondée sur son transsexualisme serait mal fondée;

Considérant que Bénito L… est à l’état civil un homme de telle sorte que son mariage avec X B… ne peut tomber sous le coup de la prohibition des mariages entre personnes de même sexe;

Considérant que tout mariage peut être annulé et faire l’objet d’une opposition du ministère public si les futurs époux ne sont pas animés d’une véritable intention matrimoniale;

Considérant que la véritable intention matrimoniale sans laquelle il n’y a point de consentement valable s’entend de la volonté de fonder une union librement consentie en s’obligeant mutuellement aux devoirs et obligations que le mariage induit entre l’homme et la femme qui le contractent, et que la recherche au travers du mariage d’un but étranger à l’institution équivaut à un défaut de consentement;



Considérant que les appelants ne sont pas fondés à revendiquer une vie commune d’une année au terme de laquelle leur décision de s’unir aurait été arrêtée, alors que le ministère public a fait mener une enquête laquelle a établi que le voisinage immédiat de X B… n’a jamais vu Bénito L… en compagnie de X B… et que les témoins entendus n’ont reconnu ce dernier que pour l’avoir vu lors d’une émission télévisée à laquelle il participait;

Considérant que les déclarations de membres de la proche famille de X B… ne suffisent pas à prouver la communauté de vie alléguée;

Considérant que la seule production d’une facture de souscription d’abonnement auprès de France Télécom de mars 2005 au nom de Mlle L… ne suffit pas plus à justifier la réalité de la vie commune alléguée;

Considérant que X B… et Bénito L… se sont rencontrés lors de la Gay Pride en juin 2004 et ne cachent pas leur activisme et leur militantisme pour la cause des lesbiennes et homosexuels, que leur engagement doit être respecté et ne saurait souffrir d’entrave;

Considérant qu’entendu le 12 mai 2005 Bénito L… a déclaré, sous l’assistance d’un interprète, que lors de cette première rencontre fortuite, X B… lui avait demandé communication de son numéro de téléphone et qu’il avait estimé qu’elle manifestait un engagement intéressant pour la communauté trans qu’il défendait, justifiant qu’il satisfasse sa demande, que plus tard il avait appris d’une amie commune que X B… voulait l’épouser et qu’il avait considéré que cette proposition était importante du point de vue stratégique pour la défense des droits des transsexuels, ajoutant plus loin qu’il suivait un traitement au centre européen pour devenir femme au centre européen afin d’accentuer ses qualités de femmes, sa condition étant «transgenre » c’est-à-dire celle de l’apparence d’une femme sans changer de sexe mais affirmant et revendiquant sa condition de femme et son intention de changer son prénom pour porter celui de Monica sous lequel il se fait appeler;

Considérant que X B… reconnaît militer activement pour la cause du mouvement transsexuel et homosexuel;

Considérant que Bénito L… déclare vouloir se marier en femme et sous le prénom de Monica, qu’il a, sans qu’il le démente, déclarer sous la plume de Y Z, journaliste «qu’il était une combattante et ne comptait pas se travestir en homme pour se marier, et qu’il luttait à visage découvert », que X B… a affirmé également vouloir mener ce même combat;

Considérant que si toute opposition au mariage peut susciter de la part de ceux qui la subissent une réaction à la hauteur de l’émotion qu’elle engendre, il demeure qu’au-delà du droit de chacun à sa vie privée et à la libre expression de ses convictions, la revendication affichée par Benito L… de sa féminité alliée à sa détermination de se marier sous l’identité de Monica et non sa véritable identité confinant à la provocation et témoignant d’une inspiration essentiellement militante que relaie vigoureusement X B…, font que l’intention matrimoniale alléguée n’est pas conforme à celle qu’induit l’institution matrimoniale du mariage en l’état du droit positif, et qu’en réalité les appelants entendent sous couvert d’une prétendue communauté de vie alléguée à titre de gage des sentiments affectifs qui les animeraient et serait la véritable cause de leur union, s’unir en tant que femme et contrevenir pour mieux la combattre la prohibition actuelle du mariage entre personnes de même sexe ; qu’une telle intention équivaut à un défaut de consentement, rendant recevable et fondée l’opposition à mariage signifiée par le ministère public ; que le jugement sera confirmée ;

PAR CES MOTIFS, […] confirme le jugement déféré […].

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