Cour d'appel de Versailles, 29 décembre 2006, n° 06/08834

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 29 déc. 2006, n° 06/08834
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 06/08834
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 6 décembre 2006, N° 2006R01901

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59C

24e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 29 DECEMBRE 2006

R.G. N° 06/08834}

06//XXX

AFFAIRE :

S.A.S. MICOULEAU

C/

S.A. MONOPRIX

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 07 Décembre 2006 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2006R01901

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP BOMMART MINAULT

SCP GAS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT NEUF DECEMBRE DEUX MILLE SIX,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Dossier RG : 06/9033 :

S.A.S. MICOULEAU ayant son siège XXX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Et appelante du dossier RG 06/8834

représentée par la SCP BOMMART MINAULT – N° du dossier 00033899

Rep/assistant : Me Eugénie RESSIE (avocat au barreau de BORDEAUX)

APPELANTE

****************

S.A. MONOPRIX ayant son siège XXX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Et intimée du dossier RG 06/8834.

représentée par la SCP GAS – N° du dossier 20061107

Rep/assistant : Me Jean-Marie GUELOT (avocat au barreau de PARIS)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Décembre 2006 devant la cour composée de :

Madame Bernadette WALLON, président,

Monsieur Jacques CHAUVELOT, conseiller,

Madame Anne BEAUVOIS, conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier en Chef, lors des débats : Madame Marie SAUVADET

en vertu d’une ordonnance modificative de monsieur le premier président de cette cour du 12 décembre 2006 prise en application des articles R.213-2, R.213-8 du code de l’organisation judiciaire et 965 du nouveau code de procédure civile pour la période du service allégé,

FAITS ET PROCEDURE :

La société MICOULEAU, spécialisée dans la fabrication de conserves artisanales de cassoulets, confits, plats cuisinés, pâtés fins, conserves et semi-conserves de foies gras a conclu avec le groupe MONOPRIX des contrats cadres de coopération commerciale depuis juillet 1990. Jusqu’à 46 produits ont été référencés au cours des seize dernières années et distribués dans les 218 magasins du groupe MONOPRIX.

D’octobre 1993 à septembre 2004, le chiffre d’affaires réalisé par la société MICOULEAU avec le groupe MONOPRIX représentait environ 62% de son chiffre d’affaires global .

En juillet 2004, le groupe MONOPRIX a informé la société MICOULEAU qu’elle ne retenait pas les produits ' foie gras mi-cuit’ de fin d’année car ils ne correspondaient pas à la stratégie d’offre pour la saison 2004. Elle a toutefois autorisé, pour la fin d’année 2004, le maintien de la distribution de foie gras frais exclusivement dans trois magasins , Montparnasse, Saint-Cloud et Beaugrenelle.

Au début de l’année 2005, le groupe MONOPRIX a envisagé de classer ses magasins en deux catégories ; 124 magasins classés en catégorie A disposeraient de 40 références au lieu de 46 ; 94 magasins classés en catégorie B disposeraient de 26 références au lieu de 46. Toutefois, le groupe MONOPRIX a renoncé à ce projet , chaque magasin poursuivant son approvisionnement comme par le passé.

Courant mai 2005, souhaitant distribuer des spécialités du Sud-Ouest sous sa propre marque 'Monoprix Gourmet', le groupe MONOPRIX a lancé un appel d’offre auquel la société MICOULEAU a participé . Ses produits n’ont pas été retenus .

Par lettre du 22 juillet 2005, le groupe MONOPRIX a notifié à la société MICOULEAU la cessation partielle et progressive de ses relations commerciales pour un certain nombre de références en trois étapes sur une durée d’un an et demi. L’impact sur le chiffre d’affaires du fournisseur devait être de – 28% au 1er février 2006 , puis – 45% au 1er janvier 2007 , enfin de – 60% au 1er juillet 2007.

Dès le 29 juillet 2005, la société MICOULEAU a contesté cette évolution des relations commerciales ainsi que le calcul de l’impact de ces modifications sur le chiffre d’affaires , relevant que le chiffre d’affaires 2004 avait diminué de 8% par rapport à 2003 et qu’en 2005 la baisse était de 18% par rapport à 2004.

Par lettre du 23 novembre 2005, la société MICOULEAU a mis en demeure le groupe MONOPRIX de majorer d’un an et demi la durée du préavis de la rupture partielle des relations contractuelles ou à défaut de la dédommager de ses préjudices résultant de la rupture brutale du contrat par le versement d’une somme forfaitaire et globale de 550.000 euros .

N’ayant pu obtenir une réponse favorable à ses demandes, la société MICOULEAU a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre pour obtenir, sur le fondement du trouble manifestement illicite et du péril imminent, la suspension de l’exécution de la résiliation des relations commerciales pendant une durée d’un an et demi à compter de l’ordonnance à intervenir soit jusqu’au 31 juillet 2008, avec maintien de l’actuel niveau de commandes à 60.000 euros HT mensuel tous magasins confondus ainsi que la désignation d’un expert pour rechercher si le groupe MONOPRIX respecte les modalités de résiliation partielle notifiées par lettre du 22 juillet 2005.

Parallèlement, la société MICOULEAU a assigné au fond le groupe MONOPRIX pour obtenir des dommages-intérêts d’un montant de 1.416.600 euros sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil en réparation de la rupture abusive du contrat.

Par ordonnance du 07 décembre 2006, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a débouté la société MICOULEAU de ses demandes et l’a condamnée au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société MICOULEAU a interjeté appel de cette décision le 12 décembre 2006 .

Par requête du 13 décembre 2006, la société MICOULEAU a sollicité et obtenu l’autorisation d’assigner le groupe MONOPRIX à jour fixe pour l’audience du 27 décembre 2006 . L’assignation a été délivrée le 15 décembre 2006.

La société MICOULEAU fait valoir que l’exécution du préavis est déloyale car depuis le 1er février 2006, en huit mois , le chiffre d’affaires a diminué de près de moitié à hauteur de 45,2% par rapport à la même période de référence de 2004, la chute prévisionnelle pour l’année civile entière s’élevant à 61,9%, que les chiffres annoncés par le groupe MONOPRIX dans son courrier de résiliation sont bien inférieurs aux pertes réelles, que c’est à tort que l’intimé tente d’expliquer les divergences par le déréférencement des foies gras en juillet 2004 alors que l’examen des pièces comptables démontre une chute considérable du chiffre d’affaires qui n’est que la conséquence d’un déréférencement abusif des produits d’épicerie fine dès le mois de mars 2005 sous couvert d’une nouvelle répartition des produits selon le type de magasin.

Elle soutient que la déloyauté du groupe MONOPRIX a des conséquences particulièrement graves sur sa situation financière, que sa trésorerie a disparu, qu’elle a été contrainte d’emprunter, qu’elle ne peut restructurer son affaire sur une durée ainsi brève sans la mettre en péril, que seule une suspension des effets de la dénonciation du contrat pourrait faire cesser le dommage imminent .

Elle sollicite une mesure d’expertise financière pour permettre au juge du fond de statuer plus rapidement sur sa demande en réparation de ses préjudices.

Le groupe MONOPRIX s’oppose aux demandes formées par la société MICOULEAU faisant valoir que le déréférencement est partiel et progressif, que la société MICOULEAU, qui a attendu plus d’un an pour agir en justice, ne justifie nullement d’une baisse importante du chiffre d’affaires en ce qui concerne les produits d’épicerie fine seuls en cause, que la situation difficile de la société MICOULEAU n’est nullement établie dans la mesure où elle a continué à embaucher du personnel, où l’exercice 2004-2005 révèle un résultat d’exploitation exceptionnel, où l’emprunt de 50.000 euros auprès du Crédit Agricole ne peut être justifié par une difficulté de trésorerie puisqu’elle disposait de SICAV de trésorerie et que le prêteur n’a exigé aucune sûreté, que l’abstention d’acheter constitue le simple exercice d’une liberté fondamentale, qu’il ne s’est jamais engagé sur un quelconque quota d’approvisionnement.

Il s’oppose également à la demande d’expertise qui ne peut être ordonnée ni sur le fondement de l’article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile le juge du fond étant saisi, ni sur le fondement de l’article 872 du Nouveau Code de Procédure Civile, l’urgence d’une mesure d’expertise n’étant pas rapportée.

MOTIFS

Pour une bonne administration de la justice, il convient d’ordonner la jonction des dossiers n° 06/8834 et 06/9033.

Selon l’article 873 du Nouveau Code de Procédure Civile, le président du tribunal de commerce peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires qui s’imposent, telles la suspension momentanée des effets de la dénonciation d’un contrat ou le maintien de relations contractuelles entre les parties malgré la résiliation, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, sous réserve de fixer un terme raisonnable au maintien provisoire des relations et à condition que le principe du maintien de celles-ci par le juge du fond ne soit pas d’ores et déjà exclu.

Par lettre du 22 juillet 2005, le groupe MONOPRIX a notifié à la société MICOULEAU sa décision de réduire ses approvisionnements auprès de cette société, progressivement, en trois étapes, sur une durée d’un an et demi, afin de privilégier les gammes de plats cuisinés de la marque 'Monoprix Gourmet’ suite à l’appel d’offres auquel la société MICOULEAU avait participé deux mois auparavant sans être retenue. Cette décision du groupe MONOPRIX n’est pas en elle-même constitutive d’un abus, chaque partie à un contrat pouvant décider d’y mettre fin dès lors qu’elle respecte soit le préavis contractuel soit un préavis raisonnable compte tenu des usages de la profession.

Conscient de la perte importante de chiffre d’affaires que sa décision allait générer pour la société MICOULEAU qui écoulait environ 60% de sa production dans les magasins du groupe MONOPRIX , ce dernier a annoncé sa décision lors d’entretiens qui se sont déroulés les 11 et 13 juillet 2005 dont la teneur fut confirmée par la lettre du 22 juillet 2005, et a décidé de procéder par étapes pour permettre à son cocontractant de prendre toutes dispositions pour compenser ces pertes d’activité .

Bien qu’elle ait contesté dès le 29 juillet 2005 cette évolution des relations commerciales puis adressé le 23 novembre 2005 une mise en demeure d’avoir à prolonger la durée du préavis , la société MICOULEAU a attendu la fin du mois de novembre 2006 pour engager une procédure de référé alors que dès le 1er février 2006 la décision du groupe MONOPRIX était mise en application ce qui a impliqué immédiatement une baisse des commandes. Elle a été en mesure d’apprécier très rapidement les répercussions de la décision de son cocontractant sur le devenir de sa société .

Pour établir que le groupe MONOPRIX n’a pas respecté son engagement tel qu’il résulte de la lettre du 22 juillet 2005 et a en réalité réduit dans de plus grandes proportions le montant de ses achats, la société MICOULEAU verse aux débats une attestation de la société ALIZE COMPTABLE du 27 octobre 2006 selon laquelle à compter de 2004, le pourcentage du chiffre d’affaires réalisé avec le groupe MONOPRIX est en constante diminution puisqu’il est passé de 54,5% en 2003-2004, à 40,2% en 2004-2005 et à 30,8% en 2005-2006. Toutefois ces chiffres ne représentent pas la réalité de l’impact du déréférencement de produits d’épicerie fine décidé en juillet 2005 à compter de février 2006 car ils reprennent l’ensemble des produits fournis par la société MICOULEAU au groupe MONOPRIX et incluent par conséquent les foies gras frais , produits qui ne sont pas concernés par la résiliation partielle et dont l’approvisionnement a été interrompu en 2004 (lettres des 05 et 30 juillet, 18 octobre 2004).

Le groupe MONOPRIX verse aux débats un relevé récapitulatif des références retenues par chaque magasin au titre des années 2003, 2004, 2005 et 2006 qui révèle, dans la grande majorité des magasins, un maintien du nombre de références à l’exception de quelques magasins qui ont cessé toute diffusion des produits MICOULEAU ; ce tableau ne met en tout cas pas en évidence une chute brutale et immédiate du nombre de références .

De même le tableau des ventes de produits MICOULEAU réalisées dans la gamme épicerie ne permet pas d’en déduire un quelconque manquement du groupe MONOPRIX à ses obligations telles qu’elles résultent de la lettre du 22 juillet 2005. En effet, le montant des vente de produits MICOULEAU en 2003 s’est élevé à 1 826 191 euros, contre 1.903.132 euros en 2004 et 1.713.247 euros en 2006.

Sans méconnaître les difficultés réelles que la décision du groupe MONOPRIX a généré pour la société MICOULEAU qui doit rechercher d’autres partenaires commerciaux , il ne résulte pas des pièces du dossier que le groupe MONOPRIX a résilié abusivement ses engagements contractuels dans des conditions caractérisant un trouble manifestement illicite.

Quant au dommage imminent , il n’est pas établi. La société MICOULEAU a engagé des commerciaux, des secrétaires ainsi que des remplisseuses courant 2005 et 2006, salariés qui figurent toujours sur le registre du personnel, soit postérieurement à la notification de la résiliation partielle du contrat. On ne saurait considérer comme anormales et excessives des charges de publicité et de participation à des salons qui constituent des frais inhérents à toute activité commerciale. La société MICOULEAU, comme toutes les entreprises, doit rechercher de nouveaux débouchés pour ses produits ce qui suppose l’engagement de frais. Elle ne pouvait considérer comme définitivement acquis le contrat conclu avec le groupe MONOPRIX, la dispensant de toute prospection de nouveaux marchés. L’emprunt souscrit en août 2006 d’un montant de 50.000 euros, a été accordé par l’établissement bancaire sans prise de garantie ce qui laisse supposer que la situation financière de l’entreprise n’était pas sérieusement compromise contrairement à ce qui est soutenu.

Ainsi, la société MICOULEAU ne justifie ni d’un dommage imminent ni d’un trouble manifestement illicite qu’il conviendrait de faire cesser. Sa demande de prolongation du délai de préavis à titre de mesure conservatoire a été justement rejetée par le premier juge.

La demande de désignation d’un expert pour rechercher si le groupe MONOPRIX respecte les modalités de résiliation partielle des relations commerciales ne peut prospérer sur le fondement de l’article 872 du Nouveau Code de Procédure Civile qu’en cas d’urgence.

La juridiction du fond a été saisie en novembre 2006 alors que le courrier de résiliation partielle des relations commerciales date du 22 juillet 2005 et que l’application de la première étape de cette résiliation a commencé en février 2006. La société MICOULEAU ne peut sérieusement soutenir qu’elle agit dans l’urgence. Il lui appartiendra de solliciter cette mesure d’expertise auprès du juge de la mise en état ou du tribunal lors de l’examen au fond de ses demandes. Les conditions de l’article 872 du Nouveau Code de Procédure Civile ne sont pas réunies.

Cette demande , présentée sur le fondement de l’article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile, a été à bon droit rejetée par le premier juge par des motifs pertinents. Elle ne peut pas plus prospérer devant la cour sur celui de l’article 872 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort

Ordonne la jonction des dossiers n° 06/8834 et 06/9033 et dit que l’instance se poursuit sous le numéro 06/8834,

Confirme l’ordonnance rendue le 07 décembre 2006,

Condamne la société MICOULEAU aux dépens.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau code de procédure civile.

— signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame SAUVADET, greffier en Chef, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER EN CHEF, Le PRESIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 29 décembre 2006, n° 06/08834