Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 16 décembre 2020, n° 18/01362

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 15e ch., 16 déc. 2020, n° 18/01362
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/01362
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, 11 janvier 2018, N° 16/00449
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 DECEMBRE 2020

N° RG 18/01362

N° Portalis DBV3-V-B7C-SHDT

AFFAIRE :

SNC ECHANGEUR INTERNATIONAL

C/

F X

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Janvier 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Boulogne -Billancourt

N° Section : Encadrement

N° RG : 16/00449

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

- Me Stéphane CHOUTEAU

- Me Oriane DONTOT

- Pôle emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant fixé au 02 décembre 2020 puis prorogé au 16 décembre 2020, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

SNC ECHANGEUR INTERNATIONAL

N° SIRET : 502 432 875

[…]

[…]

Représentée par Me Stéphane CHOUTEAU de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 et par Me F DUCO de la SELARL DUCO-FABRY, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 346

APPELANTE

****************

Monsieur F X

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et par Me Parissa AMIRPOUR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0076

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 novembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Perrine ROBERT, Vice-présidente placée chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Madame Isabelle MONTAGNE, Présidente,

Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placée,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCEDURE,

Monsieur F X a été engagé par la société Échangeur international, société spécialisée dans le bâtiment et appartenant au groupe BTP Colas, suivant contrat à durée indéterminée du 12 août 2011, en qualité de directeur d’agence Moyen-Orient, avec reprise d’ancienneté au 26 août 2006.

Monsieur X avait son bureau à Dubaï.

La relation de travail était régie par la convention collective des travaux publics ingénieurs et cadres.

A l’issue d’un conseil d’administration de la société Colas Moyen-Orient du 10 janvier 2012, Monsieur X a été nommé Directeur Général délégué en charge du secteur géographique des Etats des Emirats Arabes Unis, d’Oman et du Qatar.

Le 12 mars 2012, le groupe Colas a décidé que Colas Djibouti et le développement sur l’Ethiopie seraient confiés à la Direction Moyen-Orient et qu’en conséquence toutes les équipes de Djibouti passaient sous la hiérarchie de Monsieur X.

Par une note du 20 janvier 2004, la direction de la société Colas a décidé d’une réorganisation, Monsieur H G prenant la place de Monsieur X et ce-dernier assurant un intérim sur Djibouti dans l’attente de l’arrivée du nouveau chef d’agence.

Par courrier du 24 mai 2014, Monsieur L Z, employé d’une filiale du groupe Colas aux Etats-Unis, mis à disposition de Colas Djibouti a adressé au directeur juridique de la holding américaine du groupe un courrier dénonçant un système de falsification des rapports présentés aux clients de la société et impliquant Monsieur X.

La société Colas a alors, à compter du mois de juin, diligenté une enquête interne qu’elle a confiée au cabinet d’avocats August & Debouzy.

Dans ce cadre, Monsieur X a été entendu par ce-dernier le 2 juillet 2014.

Par courrier du 04 août 2014, Monsieur X a été convoqué à un entretien préalable en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire, qui s’est tenu le 18 août 2014. Il n’a fait l’objet d’aucune sanction à l’issue de celui-ci.

Par courrier du 29 août 2014, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, qui s’est tenu le 11 septembre 2014.

Par courrier recommandé avec avis d’accusé réception du 17 septembre 2014, il a été licencié pour faute grave.

Il a contesté le bienfondé de son licenciement par courrier du 24 septembre 2014.

Par requête du 15 octobre 2014, Monsieur X a saisi le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de contester le bienfondé de son licenciement et de se voir allouer diverses sommes.

Par jugement du 12 janvier 2018, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :

— dit que le licenciement de Monsieur X est sans cause réelle et sérieuse ;

— condamné en conséquence, la société Échangeur International à verser à Monsieur X les sommes de :

' 39.240 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 5 101,20 euros au titre des congés payés afférents ;

' 14.646,06 euros au titre de l’indemnité conventionnelle ;

' 3.270 euros à titre d’incidence du préavis sur le 13ème mois ;

' 90.129,06 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

' 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire, avec intérêts au taux légal à compter jugement ;

— dit que les créances salariales portent intérêt au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, soit à compter du 17 octobre 2014 ;

— dit qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, anciennement numéroté article 1154 du même code, relatives à la capitalisation des intérêts échus ;

— dit que la société Échangeur International devra transmettre à Monsieur X dans le délai d’un mois suivant la notification de la présente décision un certificat de travail et une attestation pôle emploi conformes ainsi qu’un bulletin de salaire récapitulatif ;

— débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

— condamné la société Échangeur International à payer à Monsieur X la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire sous réserve des dispositions des articles R.1454-14 et -5 du code du travail selon lesquelles la condamnation de l’employeur des sommes visées par les articles R.1454-14 et -5 du code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire dans les conditions prévues par l’article R.1454-28 ;

— fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire la somme de 15.021,66 euros ;

— condamné la société Échangeur International aux dépens.

Par déclaration du 07 mars 2018, la société Échangeur international a interjeté appel du jugement entrepris.

Par dernière conclusions signifiées le 25 septembre 2020, la société Échangeur international demande à la cour de réformer le jugement entrepris et à titre principal de dire que les faits à l’origine du licenciement de Monsieur X ne sont pas prescrits, que le licenciement de Monsieur X repose sur une faute grave et de débouter Monsieur X de ses demandes. A titre subsidiaire, elle sollicite l’organisation d’une enquête ordinaire consistant en l’audition de Monsieur M Y dont la seule adresse connue se trouve chez son actuel employeur, la société EQUIOM-Parc Vendôm, […], afin qu’il corrobore ou infirme les faits relatés aux termes du compte-rendu de son interview réalisée par le cabinet August & Debouzy à l’occasion de l’enquête interne diligentée par le groupe COLAS et précisément afin de relater le niveau d’implication de Moniseur X dans le système généralisé de falsifications de rapports d’essais de laboratoire de COLAS DJIBOUTI au temps où Monsieur Y y exerçait et de surseoir dans cette hypothèse à statuer dans l’attente de la réalisation de cette enquête. En tout état de cause, elle demande la condamnation de Monsieur X à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 29 septembre 2020, Monsieur X, intimé, demande à la cour, de :

À titre principal, dire les fautes qui lui sont reprochées prescrites,

À titre subsidiaire, dire les fautes qui lui sont reprochées infondées,

En tout état de cause,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné la société Echangeur International à lui payer les sommes suivantes :

—  39 240 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  5 101, 20 euros au titre des congés payés incidents,

—  3 270 euros à titre de l’incidence du préavis sur le 13ème mois,

—  14 646, 06 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la société Echangeur International à lui remettre un certificat de travail, une attestation pôle emploi et un bulletin de salaire conformes à la décision à intervenir,

— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes et statuant à nouveau, condamner la société Echangeur International à lui payer les sommes suivantes :

—  180 000 euros nets au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire,

—  50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeter la demande d’enquête présentée par la société Echangeur International,

— rejeter la demande formée par la société Echangeur International au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— confirmer la condamnation de la société Echangeur International à payer les entiers dépens, les intérêts légaux et leur capitalisation qui seront recouvrés par Me DONTOT, AARPI JRF AVOCATS conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

La clôture de l’instruction a été prononcée le 30 septembre 2020.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur le licenciement

La lettre de licenciement adressée à Monsieur X et qui fixe les limites du litige est rédigée comme suit :

'Nous vous rappelons que vous avez été engagé suivant contrat à durée indéterminée par Echangeur International à compter du 28 août 2011, avec une ancienneté décomptée depuis le 26 août 2006 en qualité de directeur Moyen-Orient.

En janvier 2013, la société Colas Djibouti a été rattaché à votre périmètre de management. Sur la période du 16 février au 1er avril 2014, vous avez également rempli la fonction de chef d’agence de la société Colas Djibouti.

Dans le cadre des investigations en cours concernant certaines pratiques mises en oeuvre au sein de Colas Djibouti, il appert que :

- vous avez participé en tant qu’auteur et/ou complice à un système de falsification de nature à causer des préjudices notamment à L’US Navy.

- et/ ou ayant eu ou devant avoir connaissance de ces pratiques, vous n’avez pas pris les mesures correctrices qui s’avéraient nécessaires.

Ces griefs pris individuellement sont en violation notamment des principes de conduite du groupe Colas et du code d’Ethique Bouygues sont de nature à avoir des conséquences très graves pour notre société, pour Colas Djibouti, pour les autres sociétés du groupe Colas, ainsi que pour les autres sociétés du groupe Bouygues. Ils constituent individuellement une faute grave qui rend impossible votre maintien dans notre société.

En conséquence, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave'

Monsieur X soutient que le licenciement dont il a fait l’objet est dépourvu de cause et sérieuse. Il affirme que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits et au fond indique qu’il n’a jamais eu aucun pouvoir de direction sur le personnel de la société Colas Djibouti, qu’il a toujours exercé ses missions en étant basé à Dubai, qu’il est seulement venu en renfort à Djibouti du 3 au 6 mars, du 31 mars au 3 avril et du 7 au 10 avril 2014, que son intervention dans le contrat BL Habert International s’est limitée aux aspects contractuels à l’exclusion de toute analyse technique et financière, qu’il n’a jamais été informé par les personnes en charge du contrôle de la société Colas Djibouti des falsifications opérées dont il a été informé pour la première fois le 18 juin 2014 par le client lui-même, la société BL Harbert International, qu’il avait uniquement connaissance de la non-conformité de l’eau disponible à Djibouti et de certaines non-conformités des agrégats par rapport aux exigences de ce client et a pris les mesures nécessaires dès qu’il en a été avisé, qu’il a de même immédiatement informé sa hiérarchie lorsqu’il a été avisé des falsifications des rapports, que la société Echangeur International n’apporte aucune preuve de sa participation ou de sa complicité dans le système de fraude mis au jour.

La société Echangeur International affirme quant à elle que bien que n’ayant pas de délégation de pouvoir à cette fin, Monsieur X exerçait en pratique un pouvoir de direction sur la société Colas Djibouti, qu’il a occupé le poste de gérant de ladite société du mois de février 2014 jusqu’à la mi-avril 2014, que les pièces produites aux débats, des 'interviews’ menées par le cabinet d’avocat August & Debouzy, prouvent son implication dans les falsifications des rapports quand bien même elles n’ont pas été signés par l’intéressé, que Monsieur X est mis en cause par deux salariés de la société Colas Djibouti ( Monsieur Y et Monsieur Z), qu’il avait connaissance au moins depuis le mois d’août 2013 et a minima depuis le mois de mars 2014 des non conformités de l’eau et de celles relatives aux granulats et partant de l’existence des faux rapports, qu’il a laissé ce système perdurer sans prendre aucune mesure correctrice alors qu’il lui appartenait en qualité de Directeur Moyen-Orient de prendre des dispositions à ce titre.

L’article L.1332-4 du code du travail dispose que aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où

l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

L’employeur peut tenir compte de faits fautifs qu’il connaît depuis plus de deux mois lorqu’il n’a pas eu, au moment où il a pris connaissance des faits, une connaissance exacte de la réalité et de l’ampleur des faits reprochés.

Si la société a été informée par courrier de Monsieur L Z, salarié américain de la société Colas Djibouti, le 24 mai 2014 de ce que Monsieur X serait impliqué dans un système de falsifications des rapports adressés aux clients de la société Colas Djibouti et a convoqué ce-dernier à un entretien préalable à un licenciement par courrier du 29 août 2014 soit plus de deux mois après, elle n’a pu avoir une connaissance de la réalité et de l’ampleur de ces falsifications que par l’enquête qu’elle a fait diligenter par le cabinet d’avocat August & Debouzy à compter du mois de juin 2014 qui a donné lieu à des interviews de plusieurs salariés parmi lesquels Monsieur X au début du mois de juillet 2014 et abouti à un rapport de la société Colas établi le 28 avril 2015.

Dès lors, les fautes reprochées par la société Echangeur International à Monsieur X et ayant justifiées son licenciement ne sont pas prescrites.

Concernant le bien-fondé du licenciement, les pièces produites aux débats permettent d’établir les faits suivants.

Un système de falsification de rapports et de factures adressés aux clients de la société Colas Djibouti dans le cadre de contrats de construction, falsifications non contestées par les parties, a été révélé en 2014-2015 notamment suite à une enquête interne diligentée par le groupe Colas qui a donné lieu à un rapport le 28 avril 2015 résumant les faits litigieux comme suit :

' De 2012 à mi-2014, pour un certain nombre de contrats de construction, contrats en sous-traitance et accords fournisseur en béton pour lesquels le gouvernement des Etats-Unis était l’utilisateur final, Colas Djibouti ne s’est pas conformée aux exigences du contrat portant sur les caractéristiques des produits en béton. Le non-respect de certaines exigences incluait la taille des granulats utilisés dans les produits en béton de Colas Djibouti, le potentiel de réactivité alcali-silice du béton, la concentration en chlorure de l’eau de gâchage et la résistance à la compression réelle du béton délivré. Nombre de ces problèmes découlaient des propriétés inhérentes du sol et de l’eau à Djibouti et, sur la base de l’analyse de Colas SA, ces problèmes auraient pu être soit résolus soit abordés avec les clients, puisqu’il était peu probable qu’ils puissent affecter la durabilité ou la constructibilité des produits finaux délivrés par Colas Djibouti. Cependant, plutôt que d’aborder ces problèmes, l’enquête a révélé qu’un petit groupe du personnel de Colas Djibouti avait choisi de délivrer des produits non conformes et de dissimuler cette non-conformité soit en soumettant de faux résultats d’essais ou en indiquant implicitement que la conception du mélange en béton-ou le dosage- que Colas Djibouti utilisait, répondait aux exigences du contrat. Les personnes principalement engagées dans ces fausses déclarations ont été les deux responsables du Laboratoire Colas Djibouti (Colas Djibouti Laboratory). Toutefois, l’enquête a révélé que des responsables plus haut placés étaient au courant de ce comportement répréhensible et l’ont soit activement approuvé ou n’ont pas pris de mesures pour l’empêcher ou le signaler '.

L’enquête a établi que sept contrats, contrats en sous-traitance ou accords avec les fournisseurs en béton pour des travaux ou des produits finalement livrés au Département de la Défense des Etats-Unis et un contrat principal lié àdes travaux pour l’ambassade américaine à Djibouti étaient concernés.

Monsieur X a été engagé le 26 août 2011 par la société Echangeur International, société ayant pour activité la réalisation de travaux publics et privés et appartenant au groupe de Btp Colas, en qualité de Directeur d’agence Moyen-Orient.

Le 10 janvier 2012, le conseil d’administration de la société Colas a nommé Monsieur X Directeur général délégué en charge du secteur géographique des Etats des Emirats Arabes Unis, d’Oman et du Quatar.

Par note du mars 2012, la direction générale internationale de la société Colas a décidé que 'à compter du 1er mars 2012, Colas Djibouti et le développement sur l’Ethiopie sont confiés à la Direction Moyen-Orient. Ainsi toutes les équipes passent sous la hiérarchie de F X.

Toutefois, le temps que la zone MO prenne son total envol et afin d’assurer le soutien technique à Djibouti, les directeurs techniques Routes et Bâtiment/GC de l’Océan Indien continueront à sécuriser nos activités à Djibouti, conformément à ce qui se passe actuellement, c’est à dire :

- N E passera approximativement 1/2 journée par semaine au téléphone et/ou en visio avec Djibouti. Il réalisera comme par le passé 1 à 2 missions cette année et rendra compte dans le cadre de ces missionsà O A et à F X.

- P Q : idem.

- les études structures et les plans d’exécution continueront à être réalisés à Madagascar, comme pour toute autre entité du Groupe.

Par contre,

- le soutien juridique sera directement géré par Norberto Izquierdo à la DGI (…)

- le soutien GM (gestion du matériel) sera directement géré entre la zone MO et la DGI (…),

- le soutien administratif sera directement géré entre la zone MO et la DGI ( …)

- le soutien RH sera directement géré entre la zone MO et la DGI '

Aucun avenant au contrat de travail de Monsieur X n’a été signé à cette occasion et celui-ci n’a reçu aucune délégation de pouvoir à ce titre.

Par courrier électronique du 18 mars 2012, Monsieur X a vainement interpellé son supérieur hiérarchique sur l’absence de mise en place de ses pouvoirs à l’égard de la société Colas Djibouti dont Monsieur X précise sans être contredit qu’elle comptait environ 300 salariés.

Un rapport d’audit de la société Colas établi en décembre 2012 a confirmé ce point soulignant que :

— Colas Djibouti fait partie de la direction géographique océan indien de la Direction générale Internationale de Colas SA et est rattachée à la Direction Régionale Moyen-Orient depuis le 1er mars 2012.

— l’organisation des services supports de la région Moyen-Orient, en particulier pour Colas Djibouti n’a donné lieu à aucune communication officielle et la règle de délégation de pouvoir interne du Directeur Régional Moyen-Orient n’est pas formalisée.

— Colas Djibouti est sous la responsabilité d’un chef d’agence assumant le rôle de directeur pays et bénéficiant du support d’un chef des services administratifs

Il recommandait alors :

— de formaliser la règle interne de délégation de pouvoir du Directeur Régional Moyen-Orient en

précisant ses seuils d’engagement pour les prises d’affaires,

— d’officialiser l’organisation des services fonctionnels supports de la DRMO afin que les interlocuteurs soient clairement identifiés par le personnel encadrant de Colas Djibouti conformément aux principes de contrôle interne.

Il n’a pas été donné de suite à ces recommandations.

Par une note du 20 janvier 2004, la direction de la société Colas a décidé d’une réorganisation, Monsieur H G prenant la place de Monsieur X et ce-dernier assurant l’intérim sur Djibouti.

Il apparaît que cette mission a été donnée à Monsieur X suite au départ de Monsieur A, directeur de l’agence de Djibouti et dans l’attente de l’arrivée de Monsieur B son successeur.

Aucune précision n’a été fournie à Monsieur X quant à la durée et au contenu de cet intérim et il n’est pas démontré par la société Echangeur International que Monsieur X soit intervenu comme il l’indique, plus de quelques jours à Djibouti au mois de mars et avril 2014.

Un compte-rendu d’une mission d’audit réalisée en mai 2014 relève par ailleurs que l’organisation régionale n’était pas encore à cette date totalement implémentée en raison d’une absence de délégation de pouvoir du Directeur Régional et d’une absence de note définissant l’organisation des services fonctionnels supports.

Monsieur X explique qu’il était uniquement en charge du développement des affaires, qu’il n’avait pas à gérer la société Colas Djibouti qui était dirigée par son chef d’agence ou à exercer un contrôle direct sur ses activités opérationnelles et techniques ou sur les activités du laboratoire de la société, qu’il assurait le suivi des opportunités des marchés et des partenariats en vue de la création d’activités.

Il ajoute que durant les quelques jours d''intérim’ passés au sein de la société Colas Djibouti, il a travaillé principalement sur la préparation du projet BL Harbert International en établissant des contacts avec le client basé à Dubai et les responsables basés aux USA, a négocié tous les aspects contractuels avec l’aide du service juridique de Colas et conclu ce contrat le 5 mars 2014.

Ainsi, compte tenu de l’absence de fiche de poste précisant le contenu de ses fonctions, d’avenant à son contrat de travail, de délégation dûment formalisée de pouvoir, de toutes pièces permettant à la société de justifier de l’étendue précise des responsabilités de Monsieur X, son rôle dans le système de falsifications dénoncé doit être analysé au regard des seules attributions que ce-dernier reconnaît avoir exercées.

La société Echangeur International affirme tout d’abord que Monsieur X était informé de l’existence de faux rapports au moins depuis le mois d’août 2013. Elle produit à ce titre une 'déclaration’ du 10 mai 2018 de Monsieur L Z, intervenant pour le compte de Colas Djibouti en qualité de 'responsable base Us', dont la participation dans les falsifications litigieuses est mis en exergue par l’enquête interne diligentée par la société Colas, et aux termes de laquelle celui-ci indique avoir été informé des agissements fautifs dès le mois de mars 2013 et en avoir personnellement avisé Monsieur X à l’été 2013. Il précise que 'le 14 août 2013, j’ai adressé par email une lettre à Monsieur X dans laquelle j’expliquais les agissements fautifs et les conséquences négatives significatives qui pouvaient en découler (…). Je n’ai reçu aucune réponse à ma lettre de la part de M. X. J’ai informé M. X à de multiples autres occasions durant le mois de décembre 2013 à propos des falsifications non conformes à l’exigence contractuelle de Colas Djibouti dans les rapports et autres informations aux clients et qu’une mesure corrective devait être prise. En dépit de cette information de M. X sur ces agissements fautifs, ceux-ci ont continué (…).

Sur la base de mes informations et convictions, M. X a orienté M. HU ( alors responsable du laboratoire) et les autres à falsifier la conformité de Colas Djibouti avec les spécifications du contrat et de transmettre de faux rapports de test et documents aux clients (…). M. X a ainsi conduit M. Y (successeur de M. HU) à falsifier la conformité avec les spécifications du contrat dans les rapports et autres documents qui étaient transmis aux clients de Colas Djibouti'.

Cependant, la teneur de cette déclaration n’est confirmée par aucune pièce versée aux débats. En particulier, le courrier électronique du 13 août 2013 auquel Monsieur L Z fait référence et que Monsieur X conteste avoir jamais reçu n’est pas produit, seule ce qui semble être une retranscription du message qui aurait été envoyé par celui-là à celui-ci étant communiquée et jointe à ladite déclaration. Il n’est d’ailleurs fait aucune mention de ce courrier électronique ou des alertes que Monsieur Z auraient adressées à Monsieur X au cours du mois de décembre 2013 dans le rapport final de la société Colas du 18 avril 2015 pourtant établi à partir de l’examen de 35 000 documents parmi lesquels de nombreux mails de collaborateurs exerçant au sein de Colas Djibouti.

La société Echangeur International soutient ensuite que Monsieur X connaissait les non-conformités de l’eau de Djibouti et des granulats aux spécifications américaines au moins depuis le mois de mars 2014 et qu’il ne pouvait dès lors ignorer, en l’absence de réclamation des clients, que des documents falsifiés quant aux essais réalisés en amont et en aval du chantier leur étaient transmis

Il est démontré et non contesté par Monsieur X que celui-ci a eu connaissance des non-conformités de l’eau de Djibouti pour la mise en oeuvre du béton au mois de mars 2014 dans le cadre de l’exécution du contrat Harbert International.

Les pièces produites établissent ainsi que :

— dans le cadre d’un échange de mail débuté le 13 mars 2014 et dont Monsieur X n’était pas initialement en copie, Monsieur R C, responsable industrie a écrit notamment à Monsieur Y, responsable du laboratoire le message suivant le 17 mars 2014 : ' nous savons que la qualité de l’eau que nous utilisons n’est pas conforme à la norme américaine. Pour être conforme, il nous faut un chiller + osmoseur : cout total de l’opération : 180 000 €. Nous ne pouvons pas nous permettre de mentir à ce sujet d’autant plus que Mic veut faire des prélèvements réguliers sur site pour s’assurer que nous ne 'dérivons’ pas. Je pense qu’il faut jouer carte sur table avec lui'.

— le 19 mars 2014, Monsieur A, ancien chef de l’agence à Djibouti a transféré ce message à Monsieur J B, son successeur, en mettant Monsieur X en copie, et indiqué ' pour information. Je pense que l’osmoseur (80 k€) sera incontournable ainsi que la réparation/remise en état du chiller ( 20 k€). Cela rentrerait dans le plan d’investissement de l’année'.

— le 19 mars 2014, Monsieur X a écrit à Monsieur A : 'O, est-ce qu’on a une définition précise du besoin de l’unité de traitement de l’eau :

1. Analyse physico-chimique de l’eau à utiliser

2. Spec de l’eau produite

3. Capacité ou volume d’eau à produire/jour '

4- eau de puits ou transportée'.

— le même jour, Monsieur C a envoyé à Monsieur X les informations sollicitées, précisant s’agissant de l’eau produite ' beaucoup trop de chlorures'.

— le même jour, Monsieur X s’est renseigné auprès de deux sociétés sur l’achat d’une unité de

traitement d’eau pour la production de Béton pour Djibouti,

— le 22 mars 2014, Monsieur C a écrit à MonsIeur B, Monsieur X étant en copie : 'nous sommes capables de réaliser ce béton depuis Boulaos sans problème. La qualité de l’eau ne sera pas conforme comme sur tous les autres bétons fournis dans le Camp Lemonnier. Les agrégats sont protentiellement réactifs mais ne posent pas de problèmes sur la qualité du béton coulé sur les autres sites. Nous avons la possibilité d’utiliser la formule Piril avec leur cendre volante pour compenser l’alcali réaction '.

— le même jour, Monsieur B a répondu à Monsieur C, Monsieur X étant en copie : 'concernant les exigences des américains, j’ai compris qu’elles étaient fortes concernant l’eau, tant au niveau de sa température que de son taux de chlorure. Actuellement, on livre quand même au camp Lemonnier sans être conforme aux exigences requises ; peux-tu me faire tes commentaires sur cette situation : qui accepte quoi ' Est-ce provisoire ' Si oui, quel délai a-t-on pour se mettre conforme ' (…)'

— deux propositions de traitement d’eau, l’une provenant d’une société américaine et l’autre d’une société hollandaise, ont été adressées à Monsieur X par courriers électroniques des 9 et 10 avril 2014 ce dont il a avisé la société Colas Djibouti pour analyse.

— par courrier électronique du 9 juin 2014, Monsieur X a également sollicité l’avis de la société Veolia en ces termes ' J’ai un besoin urgent d’une unité de traitement d’eau pour notre production de Béton prêt à l’emploi à Djibouti (…) Aurais tu des pistes à me proposer ''

S’agissant des non-conformités des granulats, il n’est pas justifié contrairement à ce que soutient la société Echangeur International que Monsieur X en a été informé dès le 22 mars 2014.

En effet, à cette date, Monsieur R C a écrit à Monsieur B, Monsieur X étant en copie que ' nous sommes capables de réaliser ce béton depuis Boulaos sans problème. La qualité de l’eau ne sera pas conforme comme sur tous les autres bétons fournis dans le Camp Lemonnier. Les agrégats sont potentiellement réactifs mais ne posent pas de problèmes sur la qualité du béton coulé sur les autres sites. Nous avons la possibilité d’utiliser la formule PIRIL avec leur cendre volante pour compenser l’alcali-réaction ', ce dont il se déduit qu’une solution au problème des agrégats alkali-silica-réactifs était proposée. En tout état de cause, un tel courier électronique ne pouvait alerter Monsieur X en charge du développement des affaires sur une quelconque non-conformité desdits agrégats.

En revanche, Monsieur X justifie avoir été informé de cette difficulté par la société Harbert International elle-même le 12 avril 2014, avoir sollicité des explications le 13 avril 2014 de Monsieur D, conducteur de travaux principal puis avoir relayé cette information le 15 avril 2014 à Monsieur E, directeur technique routes Océan indien, responsable technique du laboratoire de la société Colas Djibouti et à son supérieur hiérarchique, Monsieur H G.

Ce-dernier a alors traité la difficulté directement avec Monsieur E à qui il a écrit le 15 avril 2014, Monsieur X étant en copie, le mail suivant :' F (X) m’a informé aujourd’hui d’un sujet de non-conformité de nos agrégats à Djibouti pour le chantier d’Harbert ( livraisons arrêtées pendant 2 jours). Nous sommes en train de négocier ce sujet mais j’ai demandé à F de t’envoyer tous les éléments d’urgence pour ton analyse. Si c’est confirmé, il va falloir revoir tout notre système de QA/QC sur cette affaire : il est indispensable que nous détections ce genre de situation avant le client et avant de démarrer les livraisons’ et encore le 24 avril 2014, Monsieur X étant toujours en copie 'où en sommes nous sur le problème des agrégats sur la base US et sur le besoin éventuel de renfort labo ''.

Le rapport d’enquête établi par la société Colas elle-même le 28 avril 2015 relève d’ailleurs que :

— 'en ce qui concerne le contrat en sous-traitance Harbert, cependant, ces problèmes ont seulement touché les installations temporaires que Colas Djibouti a mises en place pour qu’elles soient utilisées lors de la construction. Ces installations temporaires ont été construites en utilisant du béton de propreté pour lequel il n’y avait pas de cahier des charges applicable. Au moment où Colas à Djibouti a commencé la construction permanente pour Harbert au 1er juin 2014, elle avait identifié et remédié à chacun de ces problèmes de non-conformité'

— 'lorsque Colas Djibouti a commencé les constructions permanentes pour Harbert le 1er juin 2014, elle a acheté de la glace à partir d’eau douce pour produire le béton. L’ajout de glace à l’eau ONEAD a dilué sa concentration en chlorure. En conséquence Colas Djibouti a utilisé de l’eau conforme à la norme ASTM 1602/1602 M pour les travaux permanents du projet Harbert'

Il résulte de ces éléments que Monsieur X informé en mars 2014 et avril 2014 des non-conformités de l’eau et des granulats a rapidement entrepris des démarches pour trouver une solution de traitement de l’eau, notamment par la recherche d’un osmoseur et a informé sa hiérarchie des difficultés rencontrées contribuant ainsi à y remédier au début du mois de juin 2014 s’agissant du projet Harbert International.

Certes, Monsieur X comme il l’indique lui-même a été par ailleurs destinataire des rapports établis par Monsieur E, responsable technique du laboratoire de la société Colas Djibouti sur le fonctionnement du laboratoire et le suivi des chantiers et Industries dans le cadre de ses missions du 3 au 6 septembre 2012, du 18 au 21 février 2013, du 28 au 30 octobre 2013, du 4 au 6 février 2014 et du 17 au 19 juin 2014.

Cependant, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir conclu de ces rapports qui ne mettaient en lumière aucun dyfonctionnement du laboratoire quant aux test et essais réalisés, ou de l’absence de réclamations des clients, que des documents falsifiés sur le résultat de ces tests étaient transmis à ces derniers, alors qu’il est rappelé qu’il n’a eu connaissance des non-conformités susvisées qu’à partir du mois de mars 2014, qu’il exerçait les fonctions de Directeur Moyen Orient en charge du développement des affaires sans contrôle direct de la société Colas Djibouti ou de son laboratoire et qu’il a finalement été avisé de ces falsifications par courriel électronique de la société Harbert International du 18 juin 2014.

Monsieur X justifie d’ailleurs avoir le 19 juin suivant adressé un courrier électronique à Monsieur E, Monsieur G, son supérieur hiérarchique, étant en copie dans les termes suivants :'le client nous reproche de falsifier lestest reports. On en a discuté hier avec H, peux-tu nous éclairer sur le sujet'.

A la demande de Monsieur G qui sollicitait un compte rendu des actions à mener vis-à-vis du client et en interne pour traiter le sujet et éviter une récidive, Monsieur X a demandé le 22 juin 2014 à Monsieur B communication d’un planning sommaire avec les dates de déroulement des nouveaux essais afin que celui-ci adressé au client.

La société Echangeur International ne peut soutenir que Monsieur X aurait apporté un soutien actif au système de falsification en écrivant à la société Harbert International le 22 juin 2014 que ' comme tu l’as expliqué à I et J, les dates des rapports de test après 14 jours comme l’exige ASTM et 28 jours comme l’exige BHL étaient brouillées/troublées et erronées.

Nous avons pris cela très au sérieux et nous n’avons pas trouvé, durant notre enquête, une faute intentionnelle.

Afin d’éliminer tout doute, les test vont être réalisés de manière contrôlée et toute l’attention et les soins requis y seront apportés.

Nous vous assurons que de telles erreurs ne se reproduiront pas puisque de strictes mesures de contrôle qualité seront mises en oeuvre tout au long du chantier. Nous vous prions de nous excuser pour toute gêne que cette erreur a pu générer', cette présentation des faits comme procédant d’une erreur traduisant la volonté de Monsieur X de préserver les relations commerciales avec son client sans pour autant démontrer sa participation aux agissements litigieux.

La société Echangeur International communique enfin des compte-rendus d’interview menées par le cabinet d’avocat August & Debouzy au mois de juillet 2014, celui de Monsieur X, celui de Monsieur Y, responsable du laboratoire de la société Colas Djibouti et celui de Monsieur A, directeur de l’agence de Djibouti jusqu’au mois de février 2014.

Ces compte-rendus établis dans le cadre d’une enquête menée pour le compte de la société, qui ne comportent aucune signature, notamment des personnes interrogées, dont la cour ignore dans quelles conditions ils ont été réalisés, Monsieur X indiquant ne pas avoir eu la possibilité de relire ses déclarations, ne pas avoir été invité à les signer, ne pas avoir eu la possibilité de se faire assister, ne pas avoir été informé qu’ils étaient susceptibles d’être utilisés en justice, ne permettent pas de conférer aux déclarations qui y sont rapportées une valeur probante.

L’ensemble de ces éléments ne permet ainsi ni de démontrer une participation active de Monsieur X à un système de falsification de documents au sein de la société Colas Djibouti que ce soit en tant qu’auteur ou complice ou pas plus ni d’établir que Monsieur X n’aurait pris aucune mesure pour mettre un terme à ces agissements lorsqu’il en a été informé.

La société Echangeur International sollicite, à titre subsidiaire, de la Cour qu’elle ordonne une enquête ordinaire conformément aux articles 222 et suivants du code de procédure civile permettant d’entendre Monsieur Y afin qu’il corrobore ou infirme les faits relatés aux termes du compte rendu de son interview réalisée par le Cabinet August & Debouzy et plus précisément qu’il explique le niveau d’implication de Monsieur X dans le système généralisé de falsifications des rapports d’essai.

Elle indique au soutien de cette demande que les compte rendu d’interviews ayant été établis par un avocat et transmis conformément aux règles du code civil commandant la preuve électronique, doivent être a minima considérés comme un élément préalable de preuve rendant vraisemblable les faits allégués et qui corroborés par un autre moyen de preuve suppléent à l’écrit. Elle précise qu’il ne s’agit donc pas de pallier sa carence dans l’administration d’une preuve mais tout au plus de confirmer par témoignage, celui de Monsieur Y, la véracité des propos en leur temps tenus par ce-dernier.

L’article 222 du code de procédure civile dispose que la partie qui demande une enquête doit préciser les faits dont elle entend rapporter la preuve. Il appartient au juge qui ordonne l’enquête de déterminer les faits pertinents à prouver.

Il résulte des développements précédents que les comptes rendus d’interviews produits aux débats par la société Echangeur International qui ne sont notamment pas signés des personnes interrogées n’ont pas été considérés comme probants par la cour.

Il est acquis en outre qu’il appartient à la société Echangeur International de démontrer la faute grave qu’elle invoque au soutien du licenciement de Monsieur X.

Contrairement à ce qu’elle indique, sa demande tendant à l’organisation d’une enquête ordinaire permettant l’audition de Monsieur Y, ancien responsable du laboratoire de la société Colas Djibouti, a bien pour objet de pallier sa carence dans l’administration de la preuve alors qu’aucun des éléments qu’elle produit ne permet de démontrer les faits qu’elle allègue à l’encontre de Monsieur X.

En conséquence, sa demande ainsi que celle subséquente tendant au sursis à statuer sera rejetée.

La société Echangeur International ne démontrant pas dès lors d’une faute grave de Monsieur X justifiant son licenciement, celui-ci est dès lors dénué de cause réelle et sérieuse.

Monsieur X peut prétendre aux indemnités sollicitées suivantes dont le quantum n’est pas discuté par les parties et qui sont justifiées par les pièces produites aux débats :

—  39 240 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

—  5 101, 20 euros au titre des congés payés incidents,

—  3 270 euros au titre de l’incidence sur préavis,

—  14 646, 06 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera donc confirmé de ces chefs.

Au moment de la rupture de son contrat de travail, Monsieur X avait au moins deux années d’ancienneté et la société Echangeur International employait habituellement au moins onze salariés. En vertu de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, il peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts des six derniers mois.

Monsieur X justifie avoir été inscrit à Pôle emploi du mois de février 2015 à la fin du mois de janvier 2017. Il explique avoir retrouvé un emploi en mars 2017 dans un secteur différent.

En raison de l’âge du salarié au moment de la rupture de son contrat de travail, de son ancienneté dans l’entreprise, du montant de la rémunération mensuelle brute moyenne, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu’il a subi, la somme de 135 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé à ce titre et la société Echangeur International condamnée à payer cette somme à Monsieur X.

2- Sur les dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

Monsieur X réclame un somme de 40 000 euros en réparation du préjudice subi compte tenu des circonstances dans lesquelles la rupture de son contrat de travail est intervenue, expliquant avoir été entendu lors de trois entretiens successifs, au sein du cabinet d’avocat ayant diligenté une enquête interne à la société, puis au cours d’un entretien préalable à sanction et d’un entretien préalable à licenciement. Il ajoute qu’il se préparait à occuper un nouveau poste au sein de la société lorsqu’il a été licencié et que les motifs invoqués à l’appui de son licenciement portent atteinte à son image.

Il est certain que les circonstances dans lesquelles Monsieur X, accusé d’avoir participé à un système de falsification de documents mis au jour au sein de la société Colas Djibouti alors que son implication n’est pas démontrée, lui a causé un préjudice distinct de celui déjà réparé par l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse lui ayant été accordée et qui justifie que lui soit octroyée une somme de 20 000 euros.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé de ce chef.

3- Sur la remise des documents sociaux conformes

Il sera ordonné à la société Echangeur International de remettre à Monsieur X un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé en ce qu’il a ordonné à Monsieur X de communiquer ces documents sociaux dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision.

4- Sur le cours des intérêts

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation ;

Il est rappelé par ailleurs que les créances indemnitaires sont productives d’intérêt au taux légal à compter du jugement à l’exception de la créance allouée au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il y a lieu d’ordonner, à compter de la date de la demande qui en été faite, la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil, applicable au litige s’agissant d’une instance introduite avant l’entrée en vigueur, le 1er octobre 2016, de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil issue de l’ordonnance du 10 février 2016.

5- Sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner le remboursement par l’employeur à Pôle emploi, partie au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage qu’il a versées à Monsieur X à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois d’indemnités.

6- Sur les dépens et sur l’indemnité de procédure

La société Echangeur International qui succombe pour l’essentiel dans la présente instance, doit supporter les dépens de première instance et d’appel et être déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.

Il y a lieu de la condamner à payer à Monsieur X pour les frais irrépétibles que celui-ci a supportés en cause d’appel une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 1 500 euros, en sus de l’indemnité de 1 500 euros allouée au salarié par le conseil de prud’hommes pour les frais irrépétibles que celui-ci a supportés en première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 12 janvier 2018,

et statuant sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la société Echangeur International à payer à Monsieur F X la somme de 135 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE à la société Echangeur International de remettre à Monsieur X un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes à la présente décision,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil, à compter de la date de la demande qui en été faite,

CONFIRME pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris,

et y ajoutant,

DIT que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jugement du conseil de prud’hommes à l’exception de la créance allouée au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

REJETTE la demande d’enquête ordinaire formée par la société Echangeur International ainsi que sa demande subséquente de sursis à statuer,

ORDONNE le remboursement par la Echangeur International à Pôle emploi des indemnités de chômage qu’elle a versées à Monsieur F X à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois d’indemnités,

CONDAMNE la société Echangeur International à payer à Monsieur F X la somme de 1 500 euros pour les frais irrépétibles exposés en application de l’article 700 du code de procédure civile en sus de celle lui ayant été allouée par le conseil de prud’hommes,

DÉBOUTE la société Echangeur International de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Echangeur International aux dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Dontot-AARPI JRF Avocats,

— Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

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Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 16 décembre 2020, n° 18/01362