Cour d'appel de Versailles, 20e chambre, 4 août 2020, n° 20/00196

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Chronologie de l’affaire

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Me Lee Hu-foo-tee · LegaVox · 22 décembre 2021
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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 20e ch., 4 août 2020, n° 20/00196
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/00196
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE VERSAILLES

Code nac : 00A

minute N°

N° RG 20/00196 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T6MX

Du 04 AOUT 2020

Copies exécutoires

délivrées le :

à :

GROUPE MONITEUR

[…]

Me DELORME MUNIGLIA

COMITE SOCIAL

[…]

CGT

Confédération générale du Travail

SYND. NAT. PRESSE

ORDONNANCE DE REFERE

LE QUATRE AOUT DEUX MILLE VINGT

a été rendue, par mise à disposition au greffe, l’ordonnance dont la teneur suit après débats et audition des parties à l’audience publique du 28 Juillet 2020 où nous étions assisté de Marie-Line PETILLAT Greffier, où le prononcé de la décision a été renvoyé à ce jour :

ENTRE :

S.A.S. GROUPE MONITEUR

[…]

[…]

Représentée par la SCP […]S, avocat au barreau de PARIS et de Me Isabelle DELORME MUNIGLIA, acocat au barreau de Versailles

DEMANDERESSE

ET :

COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA

SOCIETE GROUPE MONITEUR

représenté par Monsieur X Y

[…]

[…]

S.A.R.L. ALTERVENTIONS

[…]

[…]

représentés par Me Savine BERNARD de la SELARL BERNARD – VIDECOQ, avocat au barreau de PARIS

CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL

[…]

[…]

non comparant

L’UNION SYNDICALE SOLIDAIRE

siège social […]

[…]

non comparante

SYNDICAL NATIONAL DE PRESSE

[…]

[…]

non comparant

Nous, Laurence ABGRALL, Président de chambre, à la cour d’appel de VERSAILLES, statuant en matière de référé à ce déléguée par ordonnance de monsieur le premier président de ladite cour, assistée de Sophie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier.

Dans la perspective du déconfinement annoncé par le gouvernement le 11 mai 2020, la société Groupe Moniteur a convoqué pour le 7 mai, son comité social et économique (ci-après 'le CSE') pour une réunion d’information et consultation, portant sur les 'mesures envisagées en vue de la reprise d’activité et de la protection de la santé et de la sécurité des salariés dont celles figurant dans le document unique d’évaluation des risques et le plan de reprise d’activité dans les locaux'.

Lors de cette réunion, le CSE a voté le recours à un expert, la société Alterventions, qui a remis son rapport le 18 mai. A cette date, le CSE s’estimant insuffisamment informé, a assigné, avec la société Alterventions, la société Groupe Moniteur afin de voir ordonner la communication de documents complémentaires relatifs aux mesures envisagées pour la reprise d’activité.

Par jugement du 17 juin 2020, le président du tribunal judiciaire de Nanterre a, principalement :

— Dit que la consultation du comité social et économique de la société Groupe Moniteur ne pouvait porter que sur la mise en oeuvre des mesures prévues par le plan de reprise d’activité au 'stade 1" visé par le plan et qu’il appartiendrait à la société de soumettre à une nouvelle consultation du CSE un nouveau projet en cas de passage su stade 1 au stade 2 dudit plan,

— Ordonné en conséquence, à la SAS Groupe Moniteur, la communication des éléments d’information complémentaires suivants:

* une note complémentaire précisant pour le groupe Moniteur le plan de reprise d’activités sur différents points (tels que : organisation de la reprise d’activité selon les besoins fonctionnels de chaque business unit (BU), date indicative de fin de mise en oeuvre du stade 1 ou définition des critères précis déclencheurs des deux autres stades..)

* la présentation du plan de reprise d’activité par équipe et BU et par plateau avec des précisions (portant notamment sur les critères de retour sur site, les activités prioritaires..),

* une note complémentaire précisant la planification d’occupation des locaux pour chaque stade de la reprise d’activité (intégrant différents paramètres tels que : les contraintes d’occupation pour chaque plateau, les mesures d’aménagement des horaires: rotation, décalage des horaires d’arrivée et de départ..)

* les modalités de suivi et de contrôle de la bonne application des mesures mises en place tant en matière de prévention des risques sanitaires que de prévention des RPS,

* les plans de rotations visés par la société dans le plan de reprise d’activité,

— Ordonné en conséquence, la prolongation des délais applicables à la présente consultation tels que prévus par l’article 1er du décret du 2 mai 2020, à compter de la communication des ces éléments complémentaires.

La société Groupe Moniteur a interjeté appel de cette décision le 26 juin 2020 et, par acte du 1er juillet 2020, a fait assigner le CSE, la société Alterventions, la CGT, l’Union syndicale solidaire et le Syndicat national de presse d’édition et de publicité-FO, devant le premier président de la cour d’appel de ce siège ou son délégué sur le fondement de l’article 514-3 du code de procédure civile, en arrêt de l’exécution provisoire de droit attachée au jugement querellé.

Lors de l’audience du 21 juillet 2020, le délégué du Premier Président a relevé d’office l’irrecevabilité de la demande, tirée de l’alinéa 2 de l’article 514-3 susvisé.

L’affaire a été, à la demande des conseils des parties, renvoyée à l’audience du 28 juillet 2020.

Lors de cette audience, la société Groupe Moniteur, sur le moyen relevé d’office, fait valoir d’une part qu’elle avait fait des observations sur l’exécution provisoire en première instance, d’autre part, que les risques de conséquences manifestement excessives se sont révélés postérieurement au jugement.

Elle réitère en conséquence ses prétentions initiales tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire du

jugement en ce qu’il a jugé que :

'la consultation du comité social et économique de la société Groupe Moniteur ne pouvait porter que sur la mise en oeuvre des mesures prévues par le plan de reprise d’activité au 'stade 1" visé par le plan et qu’il appartiendra à la société de soumettre à une nouvelle consultation du CSE un nouveau projet en cas de passage du stade 1 au stade 2 dudit plan'.

Elle demande également que les condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens suivent le sort de l’instance principale.

Elle fait valoir qu’en statuant comme il l’a fait, le juge a,

d’une part, statué ultra petita ou du moins extra petita en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile, du principe du contradictoire et des droits de la défense, dans la mesure où aucune partie n’avait demandé une nouvelle consultation du CSE en cas de passage au stade 2, d’autre part, commis un excès de pouvoir, l’article L.2312-15 du code du travail qui constitue le fondement de la saisine du tribunal, ne permettant pas au juge de contraindre l’employeur à procéder à une nouvelle consultation, ce qui est constitutif de moyens sérieux de réformation au sens de l’article 514-3 du code de procédure civile.

Elle affirme qu’elle n’a pas pris à l’audience l’engagement de procéder à une nouvelle consultation du CSE lors du passage au stade 2 mais a seulement indiqué qu’il y aurait une nouvelle consultation en cas de modification du plan de reprise d’activité.

La demanderesse expose en second lieu que l’exécution de cette décision risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives, tenant d’une part, à l’impossibilité de reprendre son activité sur site pendant de nombreux mois compte tenu de la longueur des actions en justice (elle a engagé une procédure pour contester la désignation d’une seconde expertise qui a eu lieu lors du CSE du 2 juillet), sauf à payer une seconde expertise inutile puisque son objet sera identique à la première et, d’autre part, au risque d’extension de ce type de demande par d’autres sociétés du groupe dans lesquelles pourtant le passage au stade 2 est déjà intervenu.

Une autre société du groupe a d’ailleurs formé une telle demande au lendemain du jugement du 17 juin 2020.

Le CSE et la société Alterventions, par des conclusions développées à l’audience, se joignent au moyen relevé d’office par le délégataire du Premier président et soutiennent l’irrecevabilité de la demande sur le fondement de l’article 514-3 alinéa 2 du code de procédure civile.

Ils font valoir que les conséquences manifestement excessives invoquées par la société Groupe Moniteur résultent d’une ordonnance de référé rendue le 15 juillet 2020 et non du jugement du 17 juin 2020.

Par ailleurs, ils exposent que les moyens d’infirmation invoqués par la société Groupe Moniteur sont inopérants dès lors que par la décision précitée du 15 juillet 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a jugé que la non consultation préalable du CSE avant le passage au stade 2 du plan de reprise d’activité constituait un trouble manifestement illicite au regard des articles L.2312-8 et L.2312-14 du code du travail.

Ils font également valoir que le tribunal n’a en tout état de cause pas statué ultra petita ni commis d’excès de pouvoir dès lors que la question de la portée du décret du 2 mai 2020 était au coeur des débats et que la société Groupe Moniteur s’est engagée à l’audience à consulter le CSE lors du passage au stade 2.

Ils sollicitent la somme de 2 000 € au titre de leurs frais irrépétibles.

SUR CE ,

Sur la recevabilité de la demande de la société Groupe moniteur

L’article 514-3 du code de procédure civile issu du décret n° 2019- 1333 du 11 décembre 2019, applicable au présent litige, dispose :

'En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.'

Il résulte des débats et du jugement dont appel que si la société Groupe Moniteur a sollicité en première instance le rejet de la demande d’exécution provisoire formée par les demandeurs, elle n’a pas étayé cette prétention par des observations spécifiques.

Elle ne peut en conséquence être considérée comme ayant fait valoir des observations au sens de l’article 514-3 alinéa 2 ci-dessus.

En revanche, c’est à juste titre que la société Groupe Moniteur soutient que les conséquences manifestement excessives qu’elle invoque se sont révélées postérieurement au jugement.

En effet, ces conséquences sont celles qui résultent du chef de dispositif du jugement qui 'dit que’ la consultation du CSE du 7 mai ne pouvait porter que sur les mesures prévues par le plan de reprise d’activité au stade 1 et qu’il appartiendra à la société de soumettre à une nouvelle consultation du CSE un autre projet en cas de passage au stade 2.

Or, il est difficilement contestable, à la lecture des prétentions formées par chaque partie en première instance, que ni la limitation au stade 1du plan de reprise d’activité de la consultation organisée le 7 mai, ni l’obligation subséquente pour la société d’organiser une nouvelle consultation lors du passage au stade 2, n’était expressément ou implicitement demandée au tribunal.

Si, comme le soutiennent le CSE et la société Alterventions, ils ont contesté en première instance la conventionnalité de la réduction des délais de consultation du CSE prévue par l’article 1er du décret n° 2020-508 du 2 mai 2020 et, si le premier juge a retenu que la société devrait reconsulter le CSE lors du passage au stade 2 du plan de reprise d’activité, au terme d’une analyse de l’objectif poursuivi par ce décret (la réduction des délais impliquant des consultations plus fréquentes pour des projets limités dans le temps), il n’en reste pas moins que le raisonnement suivi par le tribunal n’avait pas été articulé par les demandeurs et qu’aucune demande de nouvelle consultation n’avait été formée.

Il ne saurait en conséquence être reproché à la société Groupe Moniteur de ne pas avoir anticipé les conséquences d’une analyse et d’un chef de dispositif nés du jugement.

Sa demande de suspension de l’exécution provisoire sera donc déclarée recevable.

Sur les conditions posées par l’article 514-3

Sur l’existence de conséquences manifestement excessives

La société Groupe Moniteur invoque tout d’abord au titre des conséquences manifestement excessives entraînées par l’exécution du jugement du 17 juin 2020, l’inutilité d’une seconde consultation et d’une seconde expertise puisque les premières ont déjà porté sur les mesures prévues pour le stade 2 du plan de reprise d’activité.

Cependant l’inutilité d’une mesure n’est pas de nature à constituer une conséquence manifestement excessive.

La demanderesse invoque ensuite le surcoût important engendré par les frais d’une seconde expertise qui s’élèvent à environ 30 000 €.

Elle ajoute que le groupe Infopro Digital auquel appartient la société Groupe Moniteur comporte cinq autres sociétés dont les CSE risquent de demander eux aussi une nouvelle consultation pour désigner une nouvelle expertise ce qui pourrait conduire à un coût total de 5 x 30 000 €.

Toutefois, ainsi que le font justement observer le CSE et la société Alterventions, en application des dispositions de l’article L.2315-80 du code du travail relatif aux projets importants, 20% du coût de l’expertise est à la charge du CSE.

En outre, le risque d’extension à l’ensemble des sociétés du groupe est à ce stade largement hypothétique, une seule à ce jour ayant formé cette demande.

Surtout, la société Groupe Moniteur, qui ne fournit aucune information ni aucun chiffre sur ses résultats financiers, n’explique pas comment une somme de 30 000 € ou même de 150 000 € (30 000 x5) serait susceptible de constituer pour elle une conséquence manifestement excessive.

La demanderesse fait également valoir que la décision du tribunal de Nanterre la prive de la possibilité de reprendre son activité sur le site d’Antony pendant de très nombreux mois, sauf à payer une seconde expertise.

Elle expose avoir été contrainte par le jugement d’organiser le 2 juillet une seconde consultation et que celle-ci a donné lieu à la désignation d’une autre expertise. Elle a alors contesté cette expertise devant le tribunal mais cette action judiciaire n’aboutira pas avant plusieurs mois ce qui va paralyser le site d’Antony pendant la même durée.

Mais là encore, ainsi que le soulignent fort justement les défendeurs, la durée de la procédure de consultation, expertise inclue, est, aux termes du décret déjà cité du 2 mai 2020, limitée à 11 jours.

L’obstacle à une reprise d’activité résulte donc en l’espèce du choix de la demanderesse d’engager un procédure judiciaire de contestation de cette expertise et non directement de l’exécution provisoire du jugement du 17 juin 2020.

Enfin, il n’est pas soutenu par la société Groupe Moniteur que la situation actuelle de télétravail des salariés placerait la société dans l’impossibilité d’assurer une activité effective suffisante compromettant gravement ses résultats.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que la société Groupe Moniteur n’établit pas le risque de mise en péril de son bon fonctionnement ou de celui du groupe Infopro Digital qu’elle invoque.

L’absence de conséquence manifestement excessive conduit au rejet de sa demande, sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde condition tenant à l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation.

Sur les demandes accessoires

Les dépens de la présente instance sont distincts de ceux de l’instance au fond de sorte qu’il convient de statuer sur ce point contrairement à ce que demande la société Groupe Moniteur.

La société Groupe Moniteur, qui succombe en sa prétention sera condamnée aux dépens de la présente instance.

Il serait inéquitable de laisser aux défendeurs la charge de leurs frais irrépétibles. La société Groupe Moniteur sera en conséquence condamnée à leur payer la somme de 1 500 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Déclarons recevable la demande d’arrêt d’exécution provisoire de la société Groupe Moniteur,

La rejetons,

Condamnons la société Groupe Moniteur au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Laissons les dépens de la présente instance à la charge de la société Groupe Moniteur.

Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

ET ONT SIGNÉ LA PRÉSENTE ORDONNANCE

Laurence ABGRALL, Président

Sophie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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