Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 4 février 2021, n° 20/02367

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 14e ch., 4 févr. 2021, n° 20/02367
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/02367
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Nanterre, 24 mars 2020, N° 20/00447
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 72C

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 FEVRIER 2021

N° RG 20/02367

N° Portalis DBV3-V-B7E-T3T7

AFFAIRE :

SCI ECL IMMOBILIER

C/

S.D.C. SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 35/[…]

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 25 Mars 2020 par le Président du TJ de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 20/00447

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Yoni MARCIANO,

Me Fanny LE BUZULIER

TJ de NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SCI ECL IMMOBILIER agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET: 844 870 352

[…]

[…]

Association HEIKHAL CHELOMO

[…]

[…]

Représentées par Me Yoni MARCIANO, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 69

Assistées de Me Floriane PERON, avocat au barreau de VERSAILLES

APPELANTES

****************

S.D.C. SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 35/[…] représenté par son […], SAS immatriculée sous le n°592 039 7 0 5 R C S N A N T E R R E , d o n t l e s i è g e s o c i a l e s t s i s 1 4 1 r u e J u l e s G u e s d e à LEVALLOIS-PERRET 92300, prise en la personne de son représentant légal en exercice exerçant en ladite qualité audit siège

[…]

ESDE

92300 LEVALLOIS-PERRET

Représenté par Me Fanny LE BUZULIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 588 – N° du dossier 20021

Assisté de Me Eléni LIPSOS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 Décembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nicolette GUILLAUME, présidente et Madame Marina IGELMAN, Conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nicolette GUILLAUME, Président,

Madame Marie LE BRAS, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sophie CHERCHEVE,

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SCI ECL Immobilier était propriétaire d’un local, lot n°81, dans un ensemble immobilier situé 35, 37, […], 143, […], 100, 102, 104, 106 rue Edouard Vaillant à Levallois-Perret.

Le 16 mai 2019, la société ECL Immobilier a acquis deux lots, n°501 et n°502 dans le même ensemble immobilier.

La société ECL Immobilier a fait procéder à des travaux de rénovation afin d’accueillir les activités et événements culturels de l’association Heikhal Chelomo, ancienne locataire du lot n°81.

Les locaux ont été inaugurés le 29 septembre 2019.

Par acte d’huissier de justice délivré le 27 décembre 2019, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis […] à Levallois-Perret a fait assigner en référé la société ECL Immobilier et l’association Heikhal Chelomo aux fins d’obtenir principalement la cessation des travaux en cours et la communication des documents relatifs aux travaux, sous astreinte, la fermeture des trois lots au public, sous astreinte, la condamnation à remettre les lieux dans un état conforme aux exigences du règlement de copropriété et à restituer ces lots à leur usage ordinaire de magasins, sous astreinte et à titre subsidiaire, l’interdiction d’exercer toute activité comportant notamment la réception du public lors d’événements festifs ou culturels, cérémonies de toute nature, les services de restauration sur place et de traiteur, sous astreinte.

Par ordonnance contradictoire rendue le 25 mars 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

— renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige,

par provision, tous moyens des parties étant réservés,

— rejeté la demande de remise en état formée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis […] à Levallois-Perret,

— fait interdiction à la SCI ECL Immobilier et l’association Heikhal Chelomo d’exercer dans les lots n°8l, n°50l et n°502 de l’ensemble immobilier situé 35, 37, […], 143 , […], 100, 102, 104, 106 rue Edouard Vaillant à Levallois-Perret toute activité comportant la réception de public de nature à entraîner des nuisances telle que chant, musique, cymbale, évènements cultuels ou festifs, cérémonies de toute nature, service de restauration, traiteur, sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée, qui sera due in solidum par la SCI ECL Immobilier et l’association Heikhal Chemolo,

— condamné in solidum la SCI ECL Immobilier et l’association Heikhal Chemolo à verser au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis […] à Levallois-Perret la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné in solidum la SCI ECL Immobilier et l’association Heikhal Chelomo aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 2 juin 2020, la société ECL Immobilier et l’association Heikhal Chelomo ont interjeté appel de cette ordonnance en ce qu’elle prononcé à leur encontre une interdiction d’exercer diverses activités dans les lieux sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée, les a condamnées in solidum à verser au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis […] à Levallois-Perret la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 14 décembre 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société ECL Immobilier et l’association Heikhal Chelomo demandent à la cour, au visa de l’article 809 du code de procédure civile, de :

— infirmer l’ordonnance rendue le 25 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’elle :

— leur a fait interdiction d’exercer dans les lots n°8l, n°50l et n°502 de l’ensemble immobilier situé 35, 37, […], 143 , […], 100, 102, 104, 106 rue Edouard Vaillant à Levallois-Perret toute activité comportant la réception de public de nature à entraîner des nuisances telle que chant, musique, cymbale, évènements cultuels ou festifs, cérémonies de toute nature, service de restauration, traiteur, sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée, qui sera due in solidum par la SCI ECL Immobilier et l’association Heikhal Chemolo,

— les a condamnées in solidum à verser au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis […] à Levallois-Perret la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— les a condamnées in solidum aux dépens ;

statuant à nouveau,

à titre principal,

— débouter le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier 35-[…] à Levallois-Perret (92300) de l’ensemble de ses demandes ;

à titre subsidiaire,

— si la cour estime qu’elle est compétente sur la question relative à l’ERP, et que l’absence d’ERP constitue un trouble manifestement illicite, limiter la fermeture jusqu’à la délivrance de l’ERP,

— condamner le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier 35-[…] à Levallois-Perret (92300) à leur verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

— condamner le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier 35-[…] à Levallois-Perret (92300) aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 11 décembre 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis […] à Levallois-Perret (92300), représenté pas son syndic, demande à la cour, au visa des articles 835 (ancien 809) du code de procédure civile et 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965, de :

— le dire recevable et bien fondé en son appel incident ;

— dire la SCI ECL Immobilier et l’association Heikhal Chemolo non fondées en leur appel ;

— rejeter leur demande de voir écarter les pièces relatives au lot n° 81 et notamment les pièces 44 à 48, 61, 62, 71 et 106, qui justifient des nuisances générées par l’activité de l’association Heikhal Chelomo

— les débouter de leurs demandes, fins et conclusions ;

— constater que la SCI ECL Immobilier a refusé d’informer la copropriété de la nature des travaux réalisés ;

— constater que l’activité cultuelle exercée dans les locaux de la SCI ECL Immobilier (lots n°501 et 502) par l’association Heikhal Chelomo constitue une violation évidente de la règle de droit posée par le règlement de copropriété au titre de la destination de l’immeuble ;

— constater que les activités exercées au sein des lots n°501 et 502 génèrent des nuisances au sein de la copropriété ;

— constater qu’il se désiste de ses demandes à l’encontre du lot n°81 suite à la résiliation du bail de la société Heikhal Chemolo ;

en conséquence,

— confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a retenu que l’activité même exercée par la SCI ECL Immobilier et l’association Heikhal Chemolo et son ampleur est contraire au règlement de copropriété et porte atteinte à la tranquillité de l’immeuble et des copropriétaires ;

— confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a retenu que la méconnaissance du règlement de copropriété constitue un trouble manifestement illicite ;

— confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné in solidum la SCI ECL Immobilier et l’association Heikhal Chemolo à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

la réformant pour le surplus ;

— ordonner la SCI ECL Immobilier de communiquer le descriptif des travaux ainsi que l’étude de son architecte, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

— lui ordonner de fermer au public les locaux litigieux (lots n°501, 502), sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

— la condamner à remettre les lieux dans un état conforme aux exigences du règlement de copropriété et à restituer ces lots à leur usage originaire de magasins, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

— se réserver la liquidation des astreintes ainsi prononcées ;

à titre subsidiaire,

si par impossible, la cour n’ordonnait pas la fermeture des locaux litigieux,

— faire interdiction à la SCI ECL Immobilier et l’association Heikhal Chemolo d’exercer, dans les lots 501 et 502, toute activité comportant notamment la réception du public de nature à entraîner des nuisances telle que chant, musique, cymbale, événements cultuels ou festifs, cérémonies de toute nature, service de restauration sur place, et de traiteur, sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée, qui sera due in solidum par la SCI ECL Immobilier et l’association Heikhal Chemolo ;

— condamner solidairement la SCI ECL Immobilier et l’association Heikhal Chemolo à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, en ce compris le coût des constats d’huissier d’un montant de 2 289,78 euros.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 décembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations’ ou de 'dire et juger’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques.

Les appelants relatent que l’ensemble immobilier situé 35-[…] à Levallois-Perret est composé de 4 bâtiments, dits A, B, C et D et que depuis de nombreuses années, l’association Heikhal Chelomo exerçait une activité culturelle et cultuelle d’animation et de transmission des cultures juives dans le lot n° 81 situé au rez-de-chaussée du bâtiment A, sans la moindre difficulté.

Elles expliquent que suite à l’acquisition faite le 16 mai 2019 des lots n° 501 et 502, composant le bâtiment D, la SCI ECL Immobilier a fait procéder à des travaux de rénovation internes avant de les mettre à disposition de l’association Heikhal Chelomo.

Elles sollicitent l’infirmation de l’ordonnance querellée, considérant qu’aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé avec l’évidence requise en référé.

L’intimé relate que la SCI ECL Immobilier a entrepris des travaux d’importance dans les lots n° 501 et 502 à partir du mois de mai 2019 et que le syndic et le conseil syndical sont tout de suite entrés en contact avec elle pour évoquer son projet, l’alertant sur le fait que le local apparaissant destiné à accueillir des réunions et événements festifs, cela entrait en contradiction avec les termes du règlement de copropriété précisant que le bâtiment D est composé de deux locaux à usage de magasins.

Le syndicat des copropriétaires fait valoir qu’il n’a jamais eu de réponse à ses tentatives amiables, notamment afin que la SCI présente son projet en assemblée générale, et qu’il a été mis devant le fait accompli lors de l’ouverture du local au public le 29 septembre 2019.

Il indique que des nuisances sonores sont vite apparues.

Il précise également avoir formé un recours gracieux contre le permis de construire accordé à la SCI ECL Immobilier le 5 décembre 2019, tandis que la Préfecture sollicitait le retrait de ce permis, et que le 28 février 2020, le maire de Levallois a pris un arrêté de retrait du permis de construire du fait de l’absence d’accord de la copropriété pour déposer le permis de construire.

Il sollicite en conséquence la confirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a retenu que la méconnaissance du règlement de copropriété constitue un trouble manifestement illicite et, par appel incident, son infirmation sur les mesures prononcées pour y mettre fin. Subsidiairement, il demande la confirmation de l’ordonnance sur les mesures ordonnées.

Sur le lot n° 81 :

Les appelants sollicitent la réformation de l’ordonnance en ce qu’elle vise le lot n° 81 dans la mesure où un protocole a été conclu concernant la résiliation du bail concernant ce lot, et demandent à ce que soient écartées des débats les pièces adverses n° 44 à 48 et 61, 71 et 106 qui s’y rapportent.

Le syndicat des copropriétaires indique que suite à la vente du lot n° 81, il se désiste de sa demande de fermeture et de remise en état de ce lot, mais sollicite le rejet de la demande des appelantes aux fins que les pièces y afférentes soient écartées des débats, ces pièces prouvant la réalité et l’antériorité des nuisances sonores causées par l’association Heikhal Chelomo qui louait le lot n° 81 jusqu’au 15 octobre 2020.

Sur ce,

Les parties s’accordent pour dire que les demandes du syndicat des copropriétaires visant le lot n° 81 de la copropriété sont désormais sans objet de sorte que l’ordonnance querellée sera infirmée en ce qu’elle a prononcé des condamnations le concernant.

S’agissant des pièces versées aux débats relatives à ce lot, dès lors qu’elles ont été soumises à la libre discussion des parties de manière contradictoire, il n’y a pas lieu de les écarter, et la cour appréciera, le cas échéant, leur valeur probante au regard des faits qui restent en débat.

Sur le trouble manifestement illicite lié aux lots n° 501 et 502 :

Les appelantes contestent tout d’abord l’existence d’un trouble manifestement illicite qui résulterait de la violation de la destination des lots n° 501 et 502 prévue dans le règlement de copropriété en faisant valoir que celui-ci n’interdit pas l’exercice d’une activité associative cultuelle, laquelle ne saurait en elle-même constituer un trouble manifestement illicite sous peine de discrimination.

La SCI ECL Immobilier et l’association Heikhal Chemolo avancent ensuite que le trouble manifestement illicite n’est pas davantage caractérisé par les nuisances provoquées par son activité, le syndicat des copropriétaires n’étayant par aucun élément objectif ses allégations.

Elles rappellent que l’activité cultuelle et culturelle de l’association a été exercée pendant de longues années au sein du lot n° 81 et n’avait alors causé aucune nuisance, précisant que désormais de surcroît, aucune habitation n’est située-au dessus des lots n° 501 et 502, que les trois autres immeubles composant la copropriété sont assez éloignés, et qu’elle exerce toujours la même activité, sans exercer celles évoquées par l’intimé comme 'la chorale, salle de danse, fêtes, création ou gestion d’une micro-crèche'.

Elles font valoir que le gardien n’a jamais indiqué jusqu’alors qu’il y aurait des nuisances sonores et soulignent que l’intimé ne verse aucun constat d’huissier ou rapport de mesure du bruit relatif à l’existence de nuisances sonores ou à la présence d’adhérents dans les parties communes, de même qu’aucune plainte auprès de la police n’a été déposée pour de tels faits.

Elles déplorent que l’intimé se borne à produire en tout et pour tout des courriels émanant de copropriétaires eux-mêmes, alors que nul ne peut se délivrer d’attestation à soi-même.

Elles se livrent ensuite à une analyse de chacun des courriels pour conclure que :

—  5 courriels contiennent des plaintes concernant les nuisances engendrées par les travaux le dimanche, étant rappelé que les travaux ont été achevés depuis le mois d’octobre 2019 et que les travaux sont autorisés le dimanche,

—  3 courriels concernent des plaintes du fait de l’activité exercée par l’association Heikhal Chelomo qui serait interdite par le règlement de copropriété,

—  2 courriels contiennent des plaints relatives à la présence de force de l’ordre 3 ou 4 jours dans l’année en raison des fêtes juives, étant souligné qu’il s’agit d’une décision gouvernementale dans le cadre du plan Vigipirate.

Elles précisent que quatre courriels seulement sont relatifs aux nuisances sonores, deux au sujet de la soirée du 21 octobre 2019, un concernant le samedi 12 octobre 2019 et un dernier le samedi 30 novembre 2019, dont deux ont été rédigés par M. X dont l’appartement ne se trouve pas à proximité.

Elles s’interrogent sur le fait que le syndic n’a jamais adressé le moindre message à la SCI ou à l’association pour leur faire part de ces plaintes avant d’engager la présente procédure et soulignent que sur 100 habitations dans la copropriété, seuls un ou deux copropriétaires se plaignent de nuisances sonores.

Pour contrecarrer les affirmations de l’intimé, elles précisent verser quant à elles aux débats de nombreuses attestations circonstanciées démontrant l’absence de bruit.

S’agissant du constat d’huissier versé aux débats par le syndicat des copropriétaires décrivant plusieurs vidéos filmées par un copropriétaire, M. Y, elles font valoir son caractère inopérant dès lors qu’il n’indique pas à quelle date les vidéos ont été prises et qu’il peut s’agir d’un montage.

Concernant le trouble manifestement illicite allégué qui résulterait des travaux sans autorisation, les appelantes soutiennent que la SCI a informé une dizaine de fois le syndicat des copropriétaires que les travaux réalisés à l’intérieur de ses lots ne touchaient pas aux parties communes.

Les appelantes ajoutent que l’intimé, à qui en incombe la charge, ne démontre pas que ces travaux porteraient atteinte à la structure de l’immeuble. Elles indiquent verser aux débats la facture démontrant qu’il s’agit uniquement de travaux d’embellissement.

Sur le prétendu trouble manifestement illicite qui résulterait du retrait du permis de construire, elles font essentiellement valoir que cette question relève du juge administratif et précisent qu’un permis leur avait été accordé, suite à leur demande visant à obtenir la qualification d’établissement destiné à recevoir du public (ERP) et à modifier, à l’identique, l’aspect extérieur de l’immeuble, et non pour ouvrir les locaux ou réaliser les travaux intérieurs.

Elles font valoir que le conseil de la SCI leur avait indiqué qu’une telle demande ne nécessitait pas l’accord de la copropriété, comme en atteste le courrier adressé au maire de Levallois le 3 février 2020.

Elles prétendent encore que le retrait du permis a juste eu pour effet de priver la SCI de réaliser les travaux extérieurs et de la priver de la qualification d’ERP, de sorte que ces travaux n’ont pas été faits et qu’aucun trouble manifestement illicite ne peut en avoir résulté.

Quant à la sécurité de l’immeuble, elles allèguent qu’un permis leur ayant été délivré avant d’être retiré, cela démontre que le local répond à la réglementation relative à la sécurité et à la lutte contre les incendies, ce qui a été rappelé par la mairie au syndicat dans un courrier du 2 octobre 2019.

Le syndicat des copropriétaires déplore en premier lieu la réalisation de travaux sans autorisation de la copropriété.

Il indique avoir été informé par les services de l’urbanisme que la SCI ECL Immobilier avait déposé une demande de permis de construire pour changement de destination accompagnée de modification de façade, rappelle que les travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble sont soumis à autorisation préalable de l’assemblée générale des copropriétaires aux termes de l’article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965.

En réponse à l’argumentation adverse, il souligne que le constat d’huissier produit n’est pas probant dans la mesure où l’huissier n’a pu que rapporter la description des travaux que les appelantes lui ont faite, pas davantage que la facture versée aux débats, dont rien n’indique qu’il s’agisse de la seule facture existante.

Il ajoute que de surcroît, l’association Heikhal Chelomo a ouvert son local avant d’avoir obtenu les autorisations administratives nécessaires, notamment celles concernant un ERP, en contrariété avec les obligations, notamment en matière de sécurité, découlant des articles R. 123-2 et suivants du code de la construction et de l’habitation.

Compte tenu du fait qu’au jour de l’audience devant le premier juge il était mis devant le fait accompli, il demande à la cour d’ordonner à la SCI ECL Immobilier de communiquer le descriptif des travaux et l’étude de son architecte, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir.

En deuxième lieu, l’intimé conclut à l’existence d’un trouble manifestement illicite constitué par l’ouverture des lots n° 501 et 502 sans permis de construire, en violation du règlement de copropriété.

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que malgré le retrait du permis, la SCI ECL Immobilier et l’association Heikhal Chemolo n’ont pas hésité à ouvrir les locaux litigieux et que ce lieu de culte et d’études religieuses, qui accueille également des événements festifs tard dans la nuit, ne respecte pas la destination des lots prévue par le règlement de copropriété, à savoir un usage de magasins.

Il précise que le permis de construire fait état d’un changement de destination de commerce en service public ou d’intérêt collectif, pour accueillir un centre de culte et d’études cultuelles, et que la SCI ECL Immobilier n’a pas entendu soumettre ce changement de destination à l’assemblée générale de la copropriété.

Il répond aux appelants que la question du permis de construire l’intéresse puisqu’un tel document est toujours délivré sous réserve des droits des tiers.

Il ajoute que la SCI ne peut pas se prévaloir de la qualification d’ERP de sorte qu’elle ne peut justifier du respect de la réglementation applicable en matière de sécurité-incendie notamment, alors qu’elle accueille de façon notoire du public et qu’elle est susceptible d’accueillir une communauté de 350 personnes, tandis qu’il est lui chargé sur le fondement de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 de pourvoir notamment à la sécurité des occupants de l’immeuble.

Il considère que c’est donc à tort que le premier juge a estimé qu’une injonction de fermer le local au public porterait une atteinte disproportionnée au droit de propriété et sollicite que cette fermeture soit ordonnée par la cour, soulignant qu’il produit des constats d’huissier établis les 3 juillet, 27 octobre et 26 novembre 2020, attestant de l’ouverture du local postérieurement au retrait du permis de construire.

En troisième lieu, le syndicat des copropriétaires allègue l’existence d’un trouble manifestement illicite constitué par le non-respect de la destination de l’immeuble et l’atteinte portée aux droits des copropriétaires, en violation du règlement de copropriété, lequel prévoit que l’immeuble est à ' usage principal d’habitation', que le bâtiment D est composé de 2 locaux à usage de magasins et impose une obligation de respect de la ' tranquillité de l’immeuble' en précisant que les locaux sont ' réservés à l’habitation bourgeoise', ' aucun local ne [pouvant] être occupé par une personne y exerçant la profession de musicien ou de chanteur ou qui ferait habituellement de la musique à la façon d’un professionnel' et qu'' aucun propriétaire ou occupant ne devra causer le moindre trouble de jouissance, diurne ou nocturne, par le bruit, les trépidations, les odeurs, la chaleur, les radiations ou toutes autres causes'.

Il souligne notamment que les nuisances sonores ont été constatées par les copropriétaires qui s’en sont plaints, de même qu’ils se plaignaient des nuisances causées par l’usage du lot n° 81, que la loge du gardien est située à quelques mètres, que des chants peuvent raisonner tôt le matin, qu’il existe des allers et venues au sein de la copropriété et des rassemblements sur le trottoir.

Il réitère sa demande aux fins qu’il soit ordonné à la SCI ECL Immobilier de fermer les lots n° 501 et 502 et de remettre en état des lieux dans un état conforme aux exigences légales et au règlement de copropriété, le tout sous astreinte.

Sur ce,

Aux termes de l’article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, devenu l’article 835 alinéa 1er, le juge du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit. Le dommage est réalisé et il importe d’y mettre un terme.

L’illicéité du trouble suppose la violation d’une obligation ou d’une interdiction préexistante et doit être manifeste. Il appartient à la partie qui s’en prévaut d’en faire la démonstration avec l’évidence requise devant le juge des référés.

En outre, le juge des référés ne peut prononcer que les mesures conservatoires strictement nécessaires pour préserver les droits d’une partie.

S’agissant des règles régissant la copropriété, l’article 2 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que : 'Les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire', lequel article doit être conjugué avec l’article 9 de la même loi qui prévoit certaines restrictions en ces termes : 'Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble'.

Ainsi notamment, les copropriétaires sont tenus de respecter le règlement de copropriété, notamment en ce qu’il 'détermine la destination des parties privatives et les conditions de leur jouissance' (article 8 alinéa 1 de la même loi), étant rappelé que les clauses du règlement de copropriété, limitant les droits d’un copropriétaire, sont d’interprétation stricte.

En l’espèce, le règlement de copropriété de l’immeuble sis à Levallois-Perret, […], 37, […] sans numéro prévoit dans ses dispositions générales que le bâtiment D est composé de deux locaux à usage de magasins, que 'chaque copropriétaire sera responsable, à l’égard de tout autre copropriétaire de l’immeuble, des troubles de jouissance, des fautes, négligences et infractions aux dispositions du présent chapitre(…)', que 'la destination de l’immeuble ne pourra être modifiée, sauf décision de l’assemblée des copropriétaires',

que s’agissant des enseignes, les propriétaires ou occupants des lots à usage commercial dont le lot situé au rez-de-chaussée du bâtiment D, auront le droit d’en apposer.

Il doit être d’ores et déjà souligné que 'l’usage de magasins’ implique par nature que la copropriété est susceptible de recevoir du public, cette hypothèse à défaut d’être prohibée étant implicitement autorisée par le règlement de copropriété.

Par ailleurs, en page 80, un paragraphe libellé comme suit est consacré au 'mode d’occupation’ :

'Les locaux et leurs dépendances devront être occupés par des personnes honorables et de bonne vie et moeurs, qui ne devront rien faire ni laisser faire par le personnel à leur service, qui puisse nuire à la bonne tenue ou à la tranquillité de l’immeuble.

Ils sont réservés à l’habitation bourgeoise.

Les professions libérales sont admises, mais seulement accessoirement à l’habitation, des professions semblables pourront être exercées dans l’immeuble.

Est cependant prohibée, la profession de médecin utilisant pour ses traitements ou examens des appareils électriques susceptibles de créer des troubles de voisinage. Il ne pourra non plus être tenu de clinique ni de laboratoire d’expériences.

Aucun local ne pourra être occupé par une personne y exerçant la profession de musicien ou de chanteur ou qui ferait habituellement la musique à la façon d’un professionnel.

Aucun propriétaire ou occupant ne devra causer le moindre trouble de jouissance, diurne ou nocturne, par le bruit, les trépidations, les odeurs, la chaleur, les radiations ou toutes autres causes.'

Il résulte de ces dispositions que l’exercice d’une activité culturelle et cultuelle n’est pas prohibée dans les lots 501 et 502.

Ainsi, s’il est avéré que la SCI ECL Immobilier a déposé le 17 juillet 2019 une demande de permis de construire 'en vue de remplacer les menuiseries et de changer la destination d’un local commercial en service public ou d’intérêt collectif (centre de culte et d’études cultuelles)' (pièce n° 31 de l’intimé), dans ses rapports avec le syndicat des copropriétaires, la SCI n’était pas tenue de solliciter de l’assemblée des copropriétaires l’autorisation de changement de destination des lots litigieux pour permettre à l’association Heikhal Chelomo d’y exercer son activité.

De la même façon, la décision de retrait de l’arrêté de permis de construire prise le 28 février 2020 par le maire de la ville motivée par le fait que la signature de la demande de permis, qui valait certification de l’obtention de l’accord de la copropriété pour 'déposer le permis de construire', impliquait en l’absence de cet accord que les informations fournies dans la demande n’étaient pas sincères, ne saurait avoir causé un dommage au syndicat des copropriétaires puisqu’en l’absence d’interdiction expresse figurant dans le règlement de copropriété, l’activité culturelle et cultuelle pouvait être exercée par l’association Heikhal Chelomo sans nécessité préalable d’obtention d’une autorisation de l’assemblée des copropriétaires pour ce faire, à la condition de respecter les droits des autres copropriétaires.

S’agissant du grief élevé par l’intimé du fait de la réalisation de travaux sans l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires en violation des dispositions de l’article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires, à qui incombe la charge de prouver les éléments constitutifs du trouble manifestement illicite qu’il invoque, procède toutefois par affirmations, sans caractériser en quoi les travaux litigieux affecteraient les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble.

Les appelantes ne contestent pas avoir déposé une demande de permis de construire incluant une modification de la façade, mais font valoir que du fait du retrait du permis de construire, aucun travaux extérieur de cette nature n’a été effectué.

En outre, il ne résulte pas du procès-verbal de constat d’huissier établi le 21 juin 2019 par huissier de justice à la requête du syndicat des copropriétaires, que les travaux décrits comme 'actuellement en cours’ affecteraient l’extérieur du bâtiment, seuls des 'bruits de travaux’ émanant de l’intérieur du local étant évoqués.

L’huissier de justice mandaté par les appelantes le 20 janvier 2020 (leur pièce n° 5) a quant à lui relevé, s’agissant de l’espace sur rue à droite en entrant, des sanitaires mitoyens, de la cuisine, de l’espace sur rue à gauche en entrant, des sanitaires à droite de cet espace, du bureau à gauche que 'seuls des travaux d’aménagement intérieur ont été réalisés, sans aucune atteinte visible aux parties communes'.

Le syndicat des copropriétaires échouant à rapporter la preuve de l’existence de travaux effectués malgré le nécessaire accord de l’assemblée des copropriétaires, aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé à cet égard.

Il sera dit n’y avoir lieu à référé sur la demande du syndicat des copropriétaires tendant à voir ordonner à la SCI ECL Immobilier de communiquer le descriptif des travaux ainsi que l’étude de son architecte, sous astreinte.

En ce qui concerne le troisième grief allégué par l’intimé concernant les nuisances en particulier sonores générées par l’exercice de l’activité de l’association Heikhal Chelomo au sein du bâtiment D, le syndicat des copropriétaires les présentent ainsi dans ses conclusions :

'La loge du gardien est située à quelques mètres, et force est de constater que malgré l’implantation des lots, les copropriétaires entendent les nuisances sonores ainsi qu’ils en attestent.

Contrairement à ce qu’elles indiquent également [les appelantes], une porte du local ouvre sur l’intérieur de la propriété.

Des chants peuvent raisonner tôt le matin.

Le 30 novembre 2019, alors que les copropriétaires tenaient une réunion sur l’installation de volets, ils ont constaté des nuisances sonores importantes depuis le local où avait manifestement lieu une fête.

La SCI ECL Immobilier porte ainsi atteinte aux droits des autres copropriétaires.'

Il soutient que l’atteinte à la destination de l’immeuble et les troubles anormaux de voisinage découlant de la fréquentation du local litigieux justifient que soit ordonnée la cessation de l’activité et la restitution des lots n° 501 et 502 à usage de magasins.

Comme il a été ci-dessus rappelé, si le règlement de copropriété n’interdit pas l’exercice dans les locaux d’une activité culturelle et cultuelle, une telle activité ne doit cependant pas entraîner des nuisances d’une ampleur telle qu’elles la rendraient contraire à la destination de l’immeuble, notamment si elle est source de bruits de nature à porter atteinte à la tranquillité des habitants de l’immeuble, étant souligné que l’activité autorisée implicitement implique nécessairement la célébration d’offices, de fêtes, de cérémonies religieux et l’étude cultuelle comme cela comme cela résulte du procès-verbal d’huissier de justice établi le 24 juin 2019 (pièce n° 7 de l’intimé).

Il sera d’abord observé que l’intimé ne justifie d’aucune plainte du gardien de l’immeuble, dont

l’habitation serait la plus proche des locaux litigieux, dont il est au demeurant constant qu’ils sont indépendants des autres bâtiments, constituant l’intégralité du bâtiment D de la copropriété et qu’ils disposent d’une entrée propre.

Ainsi, l’huissier de justice mandaté par les appelantes le 20 janvier 2020 (leur pièce n° 5) indique dans son procès-verbal que 'le local dont la société ECL Immobilier est propriétaire se situe côté rue et est indépendant des autres bâtiments de l’ensemble immobilier situés au droit de la cour' ; 'l’accès s’effectue depuis la rue au moyen d’une porte vitrée double battant sans pénétrer dans la cour de l’immeuble et sans aucun vis à vis avec les autres bâtiments'.

S’agissant ensuite 'des allées et venues au sein de la copropriété', s’il résulte effectivement des attestations de copropriétaires produites par l’intimé (pièces n° 56, 73, 78, 82, 84, 51) qu’il existe, particulièrement à certaines heures de certains jours, de nombreux 'va-et-vient’ aux alentours des locaux de l’association Heikhal Chelomo, rien ne permet de caractériser avec certitude l’existence de ces mouvements au sein des parties communes, les attestations semblant faire davantage allusion aux allées et venues devant l’entrée du local de l’association.

En outre, si ces attestations font état de 'nuisances’ pour la copropriété de ce fait, elles ne permettent toutefois pas de caractériser avec l’évidence requise en référé une gêne circonstanciée et personnelle pour leurs auteurs.

Ainsi par exemple, M. Z atteste le 23 novembre 2020 avoir été abordé dans la cour par une personne étrangère à la résidence, qui lui a demandé où se trouvait l’entrée de la synagogue.

Contrairement à ce que soutient le syndicat des copropriétaires, mentionnant en particulier ce témoignage dans ses conclusions, le fait pour un copropriétaire d’être abordé par une personne n’habitant pas l’ensemble immobilier et recherchant la localisation des locaux de l’association Heikhal Chelomo ne saurait avec évidence être qualifié de nuisance.

Certes apparaît sur une des photographies figurant dans le procès-verbal établi par l’huissier de justice requis le 26 novembre 2020 par l’intimé afin de constater les éléments figurant sur des vidéos et clichés photographiques pris durant une fête religieuse s’étant déroulée entre octobre et novembre 2019 (pièce n° 102 de l’intimé), un 'attroupement de minimum dix adolescents dont six portent des kippas', ainsi que sur les images extraites des vidéos, la présence de plusieurs personnes devant l’entrée 'du rez-de-chaussée du bâtiment', soit sur la voie publique.

En outre, il convient de relever le caractère particulièrement vague et peu probant de ce constat, établi sur la base de photographies et de vidéos pour lesquelles n’est pas mentionnée la date précise (les requérants ayant évoqué 'une fête religieuse’ s’étant déroulée environ un an avant le constat, 'en octobre et novembre 2019') et dont rien ne permet de s’assurer que ces supports n’ont fait l’objet d’aucun montage.

Les attestations faisant état de 'rassemblements sur le trottoir’ (pièces n° 57, 76, 77, 82, 83, 86, 87, 89, 90, 92 de l’intimé) mentionnent de leur fait 'des nuisances pour la copropriété', sans pointer en quoi consisteraient précisément ces nuisances ni d’où elles seraient subies, étant relevé qu’aucun témoignage ne fait état de bruits entendus depuis un appartement privatif, de difficulté pour accéder à l’immeuble et pour circuler dans les parties communes.

Le syndicat des copropriétaires fait encore valoir qu’il produit des attestations complémentaires de nombreux copropriétaires qui ont attesté avoir subi des nuisances sonores depuis l’ouverture du local en septembre 2019, jusqu’au premier confinement lié à l’épidémie de covid-19, puis que ces nuisances ont été moins régulières depuis l’ordonnance dont appel, mais que les troubles anormaux de voisinage ont repris à partir de septembre 2020.

Toutefois, il doit être constaté que nombre de ces attestations sont stéréotypées et ne font pas état de gênes précises et personnelles, dans les parties communes, provoquées par la fréquentation des locaux de l’association Heikhal Chelomo.

Plusieurs copropriétaires déplorent que des rassemblements aient à nouveau eu lieu aux mois d’octobre et novembre 2020, en contradiction avec les termes de l’ordonnance critiquée, mais n’indiquent pas en quoi et dans quelle mesure les attroupements et allées-et-venues dénoncés leur causeraient personnellement un trouble.

Certains évoquent le caractère anxiogène de la présence des forces de l’ordre devant les locaux de l’association, mais un tel élément ne peut être imputé aux appelantes elles-mêmes, la protection des lieux de culte ressortant de l’ordre public.

En outre, il sera souligné que les appelantes versent également de leur côté 15 attestations émanant de copropriétaires (pièces n° 8, 9, 19 à 26, 31, 34, 36 à 38) témoignant n’avoir jamais subi de nuisance sonores du fait de l’activité exercée dans les lots n° 501 et 502.

Enfin, il n’y a pas lieu d’examiner l’existence ou pas d’un trouble lorsque l’association Heikhal Chelomo exerçait son activité au sein du lot n° 81 dont il est acquis au débat que s’il se situe dans la même copropriété, mais ne présente ni la même configuration, ni la même localisation au sein de l’ensemble immobilier que les locaux actuellement occupés par l’association, ce qui ôterait raison à toute comparaison.

En conclusion de ce qui précède, il convient de considérer que le syndicat des copropriétaires ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un trouble manifestement illicite eu égard à la destination des locaux, aux travaux effectués ou aux troubles de voisinage allégués, de sorte qu’il n’y a pas lieu à ordonner la fermeture au public des locaux litigieux ni leur remise en état à leur usage originaire de magasins. L’ordonnance critiquée sera confirmée en ce qu’elle a jugé en ce sens.

Toutefois, le syndicat des copropriétaires ajoute que les appelantes ne peuvent pas se prévaloir de la qualité d’ERP, impliquant des obligations strictes notamment en matière de sécurité.

Si ne figure pas dans les pièces communiquées à la cour la page 81 du règlement de copropriété relatif à la sécurité de l’immeuble auquel se réfère l’intimé, il ressort néanmoins des dispositions de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 qu’il incombe au syndic de pourvoir à la conservation de l’immeuble, à sa garde et à son entretien, ces obligations incluant la sécurité des occupants de l’immeuble.

Au cas présent, il résulte d’un courriel 2 octobre 2019 émanant d’un représentant du maire de Levallois-Perret que lors de l’instruction de la demande 'l’utilisation future de ce local comme centre de culte et d’études cultuelles, a bien été précisée et la Direction de la Prévention des Risques Sanitaires et Environnementaux (DPRSE) a naturellement été saisie, conformément à la procédure. La DPRSE veille en effet à ce que les normes de sécurité, notamment incendie, soient respectées lors du changement de destination d’un local, comme tel est le cas ici. Il ressort que la demande et les travaux prévus étaient conformes aux exigences et obligations en la matière.'

Malgré ces indications, il n’en demeure pas moins que les appelantes, qui allèguent avoir déposé une demande de permis de construire afin d’obtenir la qualification d’établissement recevant du public, ne justifient pas détenir une telle autorisation qui a pour vocation de s’assurer que toutes les normes de sécurité sont respectées par l’exploitant de l’établissement.

Cette absence d’autorisation constitue un manquement portant atteinte au syndicat des copropriétaires lequel ne peut en l’état être assuré du respect des normes de sécurité des locaux dans lequel l’association Heikhal Chelomo exerce son activité.

En conséquence, le trouble manifestement illicite étant établi à cet égard, il sera interdit à l’association Heikhal Chelomo de recevoir du public jusqu’à la communication au syndicat des copropriétaires de l’obtention de l’autorisation lui permettant de recevoir du public comme il sera dit au dispositif du présent arrêt.

Il découle de tout ce qui précède qu’à l’exception du trouble résultant de l’absence d’habilitation pour un EPR, le syndicat des copropriétaires échoue à rapporter la preuve du caractère manifeste des autres troubles allégués et de leur illicéité, de sorte qu’il sera dit n’y avoir lieu à référé sur les autres demandes du syndicat des copropriétaires.

L’ordonnance entreprise sera infirmée quant au libellé de l’interdiction d’exercice prononcée, laquelle interdiction sera prononcée pour un temps déterminé, à savoir jusqu’à la production par les appelantes à l’intimé d’un document contenant autorisation d’ouvrir en qualité d’ERP.

Il convient par ailleurs de conserver l’astreinte à 1 500 euros, qui sera due en cas de violation de l’interdiction par jour d’ouverture constaté, passé un délai de 8 jours suivant le prononcé du présent arrêt.

Le juge de l’exécution étant le juge naturel de la liquidation de l’astreinte, il n’y a pas lieu à s’en réserver l’exercice. La demande du syndicat des copropriétaires à cet égard sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Compte tenu du sens de la présente décision, l’ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Succombant essentiellement, les appelantes ne sauraient prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Elles devront en outre supporter in solidum (à défaut de solidarité légale ou conventionnelle entre elles) les dépens d’appel lesquels sont limitativement énumérés par l’article 695 du code de procédure civile.

Il est en outre inéquitable de laisser au syndicat des copropriétaires la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. Les appelantes seront en conséquence condamnées in solidum à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Rejette la demande de la SCI ECL Immobilier et de l’association Heikhal Chemolo aux fins de voir écarter des débats les pièces relatives au lot n° 81,

Infirme l’ordonnance rendue le 25 mars 2020, sauf en ce qu’elle a statué sur les dépens et les frais irrépétibles,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fait interdiction à la SCI ECL Immobilier et à l’association Heikhal Chemolo d’exercer dans les lots n° 501 et 502 de l’ensemble immobilier situé 35, 37, […], 143, […], 100, 102, 104, 106 rue Edouard Vaillant à Levallois-Perret toute activité comportant la réception de public jusqu’à la communication au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis […] à Levallois-Perret d’un document valant autorisation d’exercer en tant qu’établissement destiné à recevoir du public et ce, sous astreinte de 1 500 euros par jour d’ouverture constaté, qui commencera à courir à compter d’un délai de 8 jours passé le prononcé du présent arrêt,

Dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis […] à Levallois-Perret,

Condamne in solidum la SCI ECL Immobilier et l’association Heikhal Chemolo à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis […] à Levallois-Perret la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Dit que la SCI ECL Immobilier et l’association Heikhal Chemolo supporteront in solidum les dépens d’appel.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Nicolette GUILLAUME, Président et par Madame CHERCHEVE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 4 février 2021, n° 20/02367