Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 11 mai 2021, n° 19/03381

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 11 mai 2021, n° 19/03381
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/03381
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Versailles, 15 avril 2019, N° 15/06448
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1re chambre 1re section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 28A

DU 11 MAI 2021

N° RG 19/03381

N° Portalis DBV3-V-B7D-TGAL

AFFAIRE :

Consorts X

C/

Y, Z, A, F C

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Avril 2019 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 15/06448

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— la SCP HADENGUE et Associés,

— la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur H L X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Monsieur B K M X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représentés par Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE et Associés, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 – N° du dossier 1500606

Me Pierre BUISSON, avocat plaidant – barreau de LYON, vestiaire : 140

APPELANTS

****************

Monsieur Y, Z, A, F C

né le […] à […]

de nationalité Française

26, les Nouveaux Horizons

[…]

78997 O CEDEX

représenté par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1961847

Me Barbara CHICK substituant Me Isabelle ROY-MAHIEU de la SCP SCP PIERREPONT & ROY-MAHIEU, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : P0527

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 Mars 2021, Madame Nathalie LAUER, conseiller, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Christel LANGLOIS, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL

Vu le jugement rendu le 16 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Versailles qui a :

— rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action,

— condamné in solidum M. B X et M. H X à payer à M. Y C une somme de 100 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

— ordonné la capitalisation des intérêts,

— condamné in solidum M. B X et M. H X à payer à M. Y C une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. B X et M. H X aux dépens de l’instance,

dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

Vu l’appel de ce jugement interjeté le 9 mai 2019 par MM. B et H X ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 30 septembre 2020 par lesquelles MM. B et H X demandent à la cour de :

Réformant le jugement attaqué,

Vu notamment les articles 2224 du code civil et 122 du code de procédure civile,

juger M. C irrecevable en ses demandes à concurrence de 248 950,86 euros,

Vu notamment l’article 9 du code de procédure civile,

juger M. C mal fondé en ses demandes pour les surplus,

subsidiairement, constatant notamment l’absence d’enrichissement sans cause, débouter M. C de toutes ses demandes,

Vu l’article 41 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881,

prononcer la suppression des passages suivants des premières conclusions d’appel de M. C :

«  La Cour constatera que les Consorts X ont vendu cette maison le 14 octobre 2015 pour un

prix anormalement bas, soit pour la somme de 550 000 euros. Ce qui paraît étrange et de nature à s’interroger sur l’existence d’un éventuel dessous de table.",

« Il est assez aisé de comprendre qu’une partie du prix de vente a dû être négociée de »la main à la main".,

— condamner M. C à payer à MM. B et H X ensemble un euro symbolique de dommages et intérêts,

— condamner M. C à payer à MM. B et H X ensemble 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance et d’appel avec application de l’article 699 du même code au bénéfice de la SCP Hadengue, avocat ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 13 novembre 2020 par lesquelles M. Y C demande à la cour de :

Vu l’article 2234 du code civil,

Vu l’article 1371 ancien du code civil,

Vu la règle d’équité « contra non valentem agere non curit praescriptio »,

Vu l’enrichissement sans cause,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu le jugement du 16 avril 2019 de la 1re chambre du tribunal de grande instance de Versailles,

— dire et juger MM. X recevables mais mal fondés en leur appel,

— débouter MM. X de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

— confirmer le jugement de la 1re chambre du tribunal de grande instance de Versailles du 16 avril 2019 en ce qu’il a :

— rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action soulevée par MM. X,

— condamné in solidum M. B X et M. H X sur le fondement de l’enrichissement sans cause,

— ordonné la capitalisation des intérêts,

— condamné in solidum M. B X et M. H X à payer à M. Y C une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. B X et M. H X aux dépens de l’instance,

— dire et juger M. C recevable et fondé en son appel incident,

Et y faisant droit,

— infirmer le jugement sur le quantum de la condamnation in solidum due par MM. X au bénéfice de M. C au titre de l’enrichissement sans cause en ce qu’il l’a fixée à la somme de 100 000 euros,

Statuant à nouveau,

— dire et juger que le montant de la créance dont M. C est titulaire envers la succession d’I J veuve X s’élève à la somme de 202 098,97 euros (incluant les intérêts et assurance du prêt Barclays) au titre des travaux payés par chèques et en espèces sur l’immeuble sis à […]),

— dire et juger que M. C est bien titulaire d’une créance envers la succession d’I J de 74 700,52 euros au titre des rentes viagères dont il s’est acquitté au titre de l’acquisition de la maison sise à […]), pour partie payées en espèces et en chèques,

— porter le quantum de la condamnation in solidum prononcée à l’encontre de MM. X à la somme totale de 276 799,49 euros sur le fondement de l’enrichissement sans cause, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation des 8 et 15 juillet 2015, avec capitalisation annuelle jusqu’à parfait paiement,

— condamner MM. X in solidum à payer à M. C la somme totale de 276 799,49 euros, avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation des 8 et 15 juillet 2015, avec capitalisation annuelle jusqu’à parfait paiement,

— dire et juger MM. X mal fondés en leur demande de cancellation des conclusions de M. C au visa de l’article 41 alinéa 5 de la Loi du 29 juillet 1881,

— débouter en conséquence MM. X de leur demande de paiement de 1 euro symbolique à titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire,

— porter le quantum de la condamnation in solidum prononcée à l’encontre de MM. X à la somme totale de 176 213,44 euros sur le fondement de l’enrichissement sans cause, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation des 8 et 15 juillet 2015, avec capitalisation annuelle jusqu’à parfait paiement,

— condamner MM. X in solidum à payer à M. Y C la somme totale de 176 213,44 euros, correspondant strictement aux paiements des travaux et des rentes viagères par chèques bancaires et prélèvements ainsi que les règlements effectués au titre des intérêts et assurance du prêt bancaire, et ce avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation des 8 et 15 juillet 2015, avec capitalisation annuelle jusqu’à parfait paiement,

— porter le quantum de la condamnation prononcée in solidum à l’encontre de MM. X au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 7 000 euros,

— condamner in solidum MM. X au paiement de cette somme au profit de M. C,

— condamner in solidum MM. X aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ceux d’appel au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 19 novembre 2020 ;

FAITS ET PROCÉDURE

M. Y C a vécu en concubinage avec I J veuve X de l’année 1979 jusqu’au […], date du décès de cette dernière.

I J était mère de deux enfants, MM. B et H X, issus de son mariage avec K X, son époux prédécédé.

MM. B et H X ont été adoptés par M. C aux termes de deux arrêts rendus par la cour d’appel de Versailles le 20 avril 1998.

Durant leur concubinage, M. C et I J ont effectué plusieurs acquisitions immobilières.

Le 2 décembre 1985, M. C a acquis d’I J la maison dont elle était propriétaire à Thibouville (Eure), pour un prix de 76 224 euros.

Le 3 novembre 1985, I J a acquis seule une maison située […]), moyennant le paiement d’un prix principal de 137 204 euros et d’une rente viagère payable trimestriellement et d’avance jusqu’au décès de la bénéficiaire.

Le 16 juillet 2001, I J a acquis seule un terrain contigu à sa maison moyennant un prix d’acquisition de 30 498,80 euros. D’importants travaux ont également été effectués dans la maison d’Orgerus au cours de la vie en concubinage d’I J et de M. C.

M. C et I J ont également acquis en indivision, le 13 mai 1997, un appartement […].

Décédée le […], I J veuve X laisse pour lui succéder ses deux enfants.

Par acte du 23 juin 2015, MM. B et H X ont assigné M. C devant le tribunal de grande instance de Paris afin de voir ordonner le partage judiciaire de l’indivision les liant sur l’immeuble […].

Par jugement rendu le 17 octobre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :

— ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage du bien indivis,

— constaté que M. C n’était pas conjoint successible,

— rejeté la demande d’attribution préférentielle de l’appartement indivis situé à Paris,

— constaté que l’indivision était titulaire d’une créance au titre de l’indemnité d’occupation due par M. C depuis le […], qu’il reviendrait au notaire de fixer en fonction de la valeur locative de l’immeuble,

— constaté que M. C était titulaire d’une créance de 4 516 euros contre l’indivision au titre de la taxe foncière.

Par acte des 8 et 9 juillet 2015, M. C a assigné MM. B et H X devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins de voir juger :

qu’il est titulaire d’une créance envers I J veuve X d’un montant de 187 367,55 euros au titre des travaux effectués sur l’immeuble d’Orgerus appartenant à I J et financés par ses soins,

qu’il est titulaire d’une créance envers I J veuve X d’un montant de 74 700,52 euros au titre des rentes viagères payées par ses soins pour l’acquisition de l’immeuble d’Orgerus,

réalisée le 3 décembre 1985 par I J,

que la succession d’I J veuve X doit en conséquence lui payer la somme de 268 86,07 euros avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation.

C’est dans ces circonstances qu’a été rendu le jugement entrepris ayant notamment rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action, condamné in solidum, sur le fondement de l’enrichissement sans cause, MM. B et H X à payer à M. C une somme de 100 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision et ordonné la capitalisation des intérêts.

SUR CE , LA COUR,

Moyens des parties

La prescription de certaines demandes de M. C

M. C revendique sur la succession d’I X une créance fondée sur l’enrichissement sans cause de cette dernière représenté par le financement du remboursement des rentes viagères et des factures relatives à des travaux de rénovation et d’agrandissement de cette maison appartenant à sa compagne.

Au soutien de leur appel, MM. X soutiennent que certaines des demandes de M. C sont prescrites, l’impossibilité morale d’agir ne pouvant être invoquée pour contourner la prescription. Ils affirment qu’il ne résulte d’aucune jurisprudence constituée et qu’il est contraire à la loi qu’une prétendue impossibilité morale soit de nature à suspendre la prescription et à en différer le commencement. Ils précisent que la règle suivant laquelle la prescription ne court pas contre celui qui ne peut agir ne peut jouer selon une jurisprudence constante aujourd’hui consacrée par l’article 2234 du code civil qui s’applique en la cause, que si l’empêchement résulte de la loi, de la convention ou de la force majeure. Ils soulignent que le supposé scrupule moral, qui n’est pas extérieur à celui qui l’invoque, alors que l’extériorité était une des conditions de la force majeure à l’époque où M. C aurait dû agir, et qui n’est par définition nullement irrésistible, ne peut pas être regardé comme cas de force majeure. Ils considèrent que la jurisprudence citée par M. C n’est pas pertinente. Ils ajoutent que si le législateur de 2008, rédacteur de l’article 2234 précité, qui se proposait expressément de résumer et de fixer la jurisprudence antérieure, avait entendu qu’une répugnance morale à agir, soit une cause de suspension de la prescription, il l’aurait écrit. Ils prétendent qu’il n’est pas possible de dériver le concept d’impossibilité morale, qui concerne la constitution de la preuve, pour l’appliquer à la prescription. En effet, selon eux, dans le premier cas, la situation n’est pas contentieuse de sorte que l’on conçoit que des considérations de délicatesse ou de bienséance puissent empêcher le créancier de mettre en doute la parole du débiteur en exigeant un écrit ; alors que dans le second cas au contraire, la créance est échue et si le débiteur ne l’honore pas, l’indélicatesse – juridiquement, la faute contractuelle – est de son côté de sorte que plus rien ne justifie alors que le créancier s’abstienne d’agir. Ils soutiennent encore que reconnaître un effet suspensif de prescription à une prétendue impossibilité morale du créancier aurait l’effet inadmissible de rendre le point de départ de la prescription purement potestatif. Enfin, ils estiment que présumer entre concubins une impossibilité morale d’agir suspendant la prescription des actions notamment patrimoniales reviendrait à instituer entre concubins, en dehors de tout cadre légal, une communauté de biens qui ne pourrait être liquidée, par l’exercice des actions ainsi différées, qu’à la rupture du concubinage par séparation ou décès, exactement comme un régime matrimonial, ce qui serait une aberration juridique.

M. C sollicite la confirmation du jugement sur ce point. Il fait valoir que si la suspension de la prescription entre concubins n’est pas, comme entre époux et partenaires, automatique (article 2236 du code civil), elle peut être admise sur le fondement de l’adage contra non valentem,

désormais consacré à l’article 2234 du code civil, dès lors que le juge considère que les liens qui unissaient les concubins étaient tels qu’ils plaçaient le demandeur dans l’impossibilité morale d’agir contre le défendeur avant leur séparation ou avant le décès de ce dernier.

En l’espèce, il invoque la stabilité de son union avec Mme X, concrétisée en outre par l’adoption de ses deux fils, et qui n’a pris fin que par le décès de cette dernière après plus de trente ans de vie commune, laquelle est de nature à convaincre de l’impossibilité morale dans laquelle il se trouvait de réclamer le paiement de sa créance d’enrichissement sans cause.

Il juge fausse l’affirmation des consorts X suivant laquelle « il ne résulte d’aucune jurisprudence constituée, et il est contraire à la loi, qu’une prétendue 'impossibilité morale ' soit de nature à suspendre la prescription et à en différer le commencement ».

Si le nouvel article 2234 du code civil mentionne uniquement l’empêchement qui « résulte de la loi, de la convention ou de la force majeure », il observe qu’il est néanmoins admis que cette disposition, issue de la loi du 17 juin 2008, consacre la jurisprudence antérieurement rendue sur le fondement de l’adage contra non valentem.

Or, au titre des empêchements d’agir résultant de la « force majeure », jurisprudence et doctrine admettaient traditionnellement, non seulement l’impossibilité matérielle mais également l’impossibilité morale, c’est-à-dire l’empêchement d’agir tenant à la situation personnelle et familiale du demandeur.

Il estime tout aussi erroné de soutenir que la suspension de la prescription entre concubins, spécialement pour impossibilité morale, ne serait jamais possible, et ce pour diverses raisons.

Il remarque que sur le plan jurisprudentiel, si la Cour de cassation n’a, semble-t-il, jamais eu l’occasion de se pencher sur cette question, il existe quelques arrêts d’appel qui ont admis le principe de la suspension de la prescription en raison de l’impossibilité morale d’agir entre concubins, notamment un arrêt de la Cour d’appel de Grenoble (26 mai 2014 RG n°11/01894) et un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse (14 octobre 2015 RG n° 13/00354), qui ont admis le report du point de départ de la prescription pour le premier à la séparation des concubins, pour le second au décès du concubin enrichi.

Si les consorts X croient pouvoir invoquer deux arrêts en sens contraire, il estime que pourtant, loin de contester le principe de la suspension de la prescription pour impossibilité morale d’agir, spécialement entre concubins, ces deux décisions en confirment bien l’existence. Il soutient que c’est dans l’appréciation des circonstances de l’espèce, que les quatre arrêts se séparent.

Il en déduit qu’en admettant le report du point de départ de la prescription au jour du décès de Madame X, les juges de première instance n’ont donc méconnu aucune règle de droit mais en ont fait au contraire une juste application, en considérant que le concubinage stable et continu, d’une durée de 33 ans, et qui n’avait pris fin que par le décès de la partenaire, l’avait placé dans l’impossibilité morale de revendiquer sa créance avant le décès de sa compagne.

Appréciation de la cour

L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

L’article 2234 du code civil dispose que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

Les articles 2235, 2236 et 2237 du code civil prévoient des cas d’exclusion ou de suspension du délai de prescription, à savoir respectivement au bénéfice des mineurs non émancipés et des majeurs en tutelle, des époux et partenaires liés par un pacte civil de solidarité et de l’héritier acceptant à concurrence de l’actif net.

La situation des concubins n’étant pas visée par ces dispositions, il convient de rechercher si, en l’espèce, la situation de concubinage a créé un empêchement constitutif de force majeure comme l’allègue M. C.

Toutefois, M. C se borne à invoquer la stabilité et la durée de l’union, sans apporter, au soutien de sa demande, d’autre argument spécifique démontrant en l’espèce qu’il y a eu impossibilité morale d’agir. Or, un tel raisonnement général reviendrait à introduire, par le biais de la force majeure, une cause de suspension de la prescription au profit des concubins alors que cela n’a pas été prévu par les dispositions de l’article 2236 du code civil.

Ainsi, ayant engagé son action fondée sur l’enrichissement sans cause par acte des 8 et 9 juillet 2015, les demandes de M. C se trouvent prescrites pour :

— les remboursements qu’il dit avoir effectués de la rente viagère, le dernier invoqué remontant au 31 mars 1998. Au surplus, M. C ne justifie pas plus devant la cour qu’en première instance du règlement effectif de ces sommes. En effet, « l’état manuscrit du compte de paiement du viager et bordereau de remise d’espèces » (pièce de M. C n° 32) ne saurait tenir lieu de justificatif du règlement effectif de ces sommes alors que de plus les bordereaux de remise d’espèces sont tous rédigés au nom de « E. X ». Il importe peu à cet égard que l’écriture sur ces bordereaux soit celle de M. C ou non. En effet, s’il entendait obtenir le remboursements desdites sommes, il lui appartenait de se ménager une preuve valable de règlement.

La pièce n° 33 de M. C contient un avis de débit de 15 000 Fr. du 4 septembre 1991 d’un compte crédit agricole Île-de-France au nom de M. C, qui ne permet pas de déterminer qui est le bénéficiaire de ce versement. Quant au chèque du 20 août 1991 versé sur le compte de Mme E, crédit-rentière, il est indiqué que le versement est de « E. X ».

La pièce n° 37 de M. C, intitulée à son bordereau de pièces « Bordereau de remise de chèque au profit de la crédit-rentière Mme E et Relevé du compte chèques de Mr Y C N O débit 45.000 francs concernant le paiement de la rente viagère », est en fait un simple tableau informatique dépourvu de tout caractère probant et qui de plus commence au 24 octobre 2001. Cette pièce ne permet donc pas de vérifier le bien fondé de la demande concernant un chèque de 45 000 Fr. qui aurait été émis le 26 août 1997.

En bref, si les demandes concernant les versements au titre de la rente viagère sont prescrites, au surplus elles ne sont pas justifiées.

Les travaux de rénovation et d’agrandissement de la maison d’Orgerus acquittées suivant factures :

o Import Garden du 6 mars 2004, fait en deux fois les 22 janvier et 23 mars 2004 (pièces de M. C n° 4 et 7),

o Christo du 8 avril 2004, (pièce de M. C n° 8) : acquittée en dix règlements dont le dernier est du 12 août 2004,

o Christo du 14 novembre 2004, (pièce de M. C n° 10) : acquittée en huit règlements dont le dernier est du 22 décembre 2004,

o Christo du 7 juillet 2005 (pièce de M. C n° 12) : acquittée en trois règlements par chèque

débité le 24 février 2005 outre un versement en espèces de 23,70 euros,

o Christo du 27 mai 2006 (pièce de M. C n° 14) : acquittée par trois chèques dont le dernier a été débité le 25 octobre 2006 outre un solde en espèces 183,35 euros réglé le 15 novembre 2006,

— les intérêts d’un montant de 16 282,49 euros que M. C dit avoir payés au titre de l’emprunt contracté pour financer le paiement de la facture Import Garden, alors que le prêt a été remboursé par anticipation le 19 août 2011, plus de cinq ans auparavant (pièce de M. C n° 7). Au surplus, c’est à bon droit que le tribunal a retenu que M. C ne pouvait obtenir aucun remboursement à ce titre dès lors que le remboursement devait être limité au montant de l’enrichissement de sorte que, en tout état de cause, cette demande ne serait pas fondée.

Le bien-fondé du surplus des demandes

M. C revendique le remboursement d’une somme de 29 000 euros au vu d’une facture des établissements Christo du 18 septembre 2012 d’un montant de 71 247,02 euros correspondant à des travaux de réfection de la toiture et d’isolation de la maison d’Orgerus. Il dit avoir en effet réglé à ce titre la somme de 10 000 euros le 12 octobre 2013, la somme de 10 000 euros le 18 septembre 2014 et la somme de 9 000 euros le 3 novembre 2014. Il réplique par ailleurs que si le notaire a fait apparaître le versement d’un acompte global de 59 000 euros sans que ne soient mentionnés les divers acomptes versés tant par Mme X que par lui-même, au regard des considérations des consorts X sur le règlement de ces acomptes en espèces, il a sollicité de l’entreprise Christo, dans un souci de transparence, qu’elle précise sur sa facture les acomptes qui ont été versés tant par lui que par Mme X et que c’est donc dans ces conditions que la facture a été rééditée si bien qu’il ne s’agit en rien d’une fausse facture.

Appréciation de la cour

M. C communique en pièce n° 16 une facture n° 28-16-1 du 18 septembre 2012 de la société Christo mentionnant trois acomptes d’un montant total de 29 000 euros correspondant à deux règlements d’espèces de 10 000 euros le 12 octobre 2013 et le 18 septembre 2014 et à un règlement en espèces de 9 000 euros le 3 novembre 2014. Cependant, comme le font justement observer MM. X, cette facture telle qu’elle a été communiquée au notaire chargé de la succession (pièce n° 5 de MM. X) ne porte nulle trace de ces règlements. Cette différence entre deux versions d’un même document est de nature à le priver de tout caractère probant, comme l’a justement retenu le tribunal dans les motifs du jugement déféré, étant observé au demeurant que M. C ne justifie pas des conditions de réédition de cette facture qu’il allègue alors qu’il aurait pu solliciter une attestation en ce sens de la part de la société Christo. Aucun appauvrissement de M. C n’étant caractérisé à cet égard, celui-ci sera débouté du surplus de ses demandes fondées sur l’enrichissement sans cause. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner les autres moyens soulevés par les parties.

La demande de cancellation

Il y a lieu de rappeler que la cour ne statue que sur les dernières écritures des parties. Or, dans ses dernières écritures, M. C a retiré les propos litigieux de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer de ce chef, celui-ci ayant procédé lui-même à la cancellation demandée. MM. X seront donc déboutés de leur demande indemnitaire subséquente.

Les demandes accessoires

Compte tenu du sens du présent arrêt, le jugement déféré sera infirmé sur les dépens ainsi que sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile. En tant que partie perdante et comme telle tenue aux dépens, M. C sera débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de

procédure civile. L’équité ne commande pas de faire applications desdites dispositions au bénéfice de MM. X qui seront également déboutés de leur demande en ce sens.

Les dépens pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Versailles,

Et, statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que les demandes de M. C fondées sur le règlement des rentes viagères et des factures Import Garden du 6 mars 2004, Christo du 8 avril 2004, Christo du 14 novembre 2004, Christo du 7 juillet 2005, Christo du 27 mai 2006, et sur les intérêts d’emprunt pour un montant de 16 282,49 euros sont irrecevables comme prescrites,

DÉBOUTE M. C du surplus de ses demandes,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. C aux entiers dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

— signé par Madame Anne LELIEVRE, conseiller pour le président empêché, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,

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Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 11 mai 2021, n° 19/03381