Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 15 avril 2021, n° 18/03430

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 6e ch., 15 avr. 2021, n° 18/03430
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/03430
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 19 juin 2018, N° F17/01310
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 AVRIL 2021

N° RG 18/03430

N° Portalis DBV3-V-B7C-SSD2

AFFAIRE :

SAS CHANEL

C/

Z X

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 juin 2018 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : I

N° RG : F17/01310

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Martine DUPUIS

Me Thomas ROUSSINEAU

Copie numérique adressée à :

Pôle Emploi

le : 16 avril 2021

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE AVRIL DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SAS CHANEL

N° SIRET 542 052 766

[…]

[…]

Représentée par Me Katell DENIEL ALLIOUX de l’AARPI DENTONS EUROPE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0372, substituée par Me BENDAVID Yoël, avocat au barreau de Paris; et Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constituée , avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

APPELANTE

****************

Monsieur Z X

né le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

Représenté par Me Thomas ROUSSINEAU, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0067

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 février 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT

Greffier lors du prononcé : M. Achille TAMPREAU

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Chanel conçoit, fabrique et distribue dans les boutiques mode à l’enseigne Chanel des articles de prêt-à-porter et des accessoires de haut luxe. Elle emploie plus de dix salariés.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 31 janvier 2013, M. Z X, né le […], a été engagé par la société Chanel, à compter du 4 février 2013, en qualité de comptable fournisseur, statut agent de maîtrise, groupe IV, coefficient 250 de la convention collective nationale des industries chimiques et connexes. Il était affecté à la Direction finance basée à Neuilly-sur-Seine.

Il percevait en dernier lieu un salaire de base mensuel de 2 744,99 euros brut, outre une prime d’ancienneté.

Par courrier du 24 mars 2017, M. X a été convoqué à un entretien préalable fixé au 5 avril 2017. Il s’est vu notifier son licenciement pour motif personnel par lettre du 13 avril 2017 ainsi rédigée :

« (…) Pour rappel :

Vous avez été embauché le 4 février 2013 en tant que comptable fournisseur au sein de la société Chanel SAS, Groupe IV, coefficient 250, statut agent de maîtrise.

A ce titre, vos principales missions, telles que rappelées et formalisées par votre responsable dès votre arrivée, sont les suivantes :

- Traiter les factures fournisseurs sur SAP/Module MM

Effectuer et s’assurer de la correcte comptabilisation des factures dans le respect des règles comptables et fiscales (imputations comptables, mentions légales, etc)

Effectuer et s’assurer de la correcte comptabilisation des factures achats stockés (rapprochement facture/commande)

S’assurer de la validation des factures et relancer les services

Appréhender les problématiques suivantes : honoraires/TVA

- Effectuer les travaux de clôture des comptes fournisseurs

Etablir les bordereaux de provisions

Gérer les réceptions non facturées

Apurer les factures pré-saisies

Analyser les acomptes et prélèvements en collaboration avec le service règlement

Etablir les charges constatées d’avance

Effectuer un état de contrôle sur les provisions automatiques

- Réaliser des tableaux d’analyses mensuelles ou hebdomadaires

Tableau de suivi des pré-saisies, état de contrôle de la balance âgée fournisseur, état de contrôle des honoraires, analyse des charges récurrentes

De la même manière, le profil attendu pour mener à bien cette mission avait été décrit comme tel: Rigoureux(e), organisé(e), vous avez un bon relationnel. Vous maîtrisez impérativement SAP, et plus particulièrement le module MM. La pratique courante des outils bureautiques (tableur, traitement de texte, gestion de base de données) est un atout indispensable pour réussir dans cette fonction.

Compte tenu de votre parcours, de votre expérience et de votre profil, nous étions en mesure d’attendre que vous puissiez remplir vos missions efficacement. Or nous constatons que vous ne possédez pas les compétences requises pour tenir votre poste et en assumer de manière satisfaisante les responsabilités et attributions.

Lors de notre entretien, nous avons ainsi abordé ces points avec vous :

1. Une absence de rigueur et de fiabilité dans votre gestion du temps de travail : des règles internes non respectées en matière de temps de travail.

Ce manque de sérieux et de fiabilité en la matière, répété depuis 2014 malgré de nombreux rappels à l’ordre, a entamé la confiance de votre management à votre égard.

Votre statut de technicien agent de maîtrise vous contraint à suivre les règles en vigueur au sein de l’établissement (consultables sur notre site intranet Sy’net).

Vous êtes donc soumis à des horaires fixes et des horaires variables.

L’horaire variable permet à chacun d’organiser son temps de travail en fonction de ses contraintes professionnelles et personnelles, en choisissant chaque jour ses heures d’arrivée et de départ à l’intérieur des plages variables, et en veillant à être à son poste de travail pendant les plages fixes. La pause déjeuner est de 45 minutes minimum.

Pour rappel, la durée du travail est de 36h52mn/semaine et de 7h22 mn/jour. (')

En parallèle, il vous a été remis dès votre intégration au sein de la Maison, le Règlement intérieur de Chanel (remis en mains propres au moment de votre intégration, affiché sur les lieux de travail et consultable sur notre site intranet Sy’net), qui évoque très clairement les règles relatives au temps de travail. (')

Or déjà en 2014, une année seulement environ après votre prise de poste, nous constatons un cumul négatif d’heures sur votre compteur. B Y, supérieur comptabilité fournisseur, votre responsable hiérarchique, vous alerte une première fois à cette occasion et vous demande de bien vouloir faire en sorte de revenir à un compteur positif ou à 0.

Malgré cette mise en garde, votre compteur est à – 6h23 fin 2014, anormalement en baisse sur une période de fin d’année structurellement chargée pour les équipes comptables.

En sus, l’équipe ressources humaines, alertée par B Y, constate que votre base horaire journalière était de 7h vs 7h26, base applicable à l’ensemble des comptables à cette époque, et des collaborateurs techniciens agents de maîtrise du site.

De ce fait, après vous en avoir fait part et suite à régularisation de votre situation, votre cumul négatif sur Gestor.net est de – 163h02, ce qui est très conséquent.

Vous répondez alors à B de lui faire confiance, en vous engageant à régulariser votre situation.

Considérant que nous avions notre part de responsabilité dans la mauvaise base de calcul d’horaire journalier, votre hiérarchie et la direction des ressources humaines décident de repartir à zéro en annulant votre compteur négatif pour épurer cette situation et vous permettre de rebondir sur une situation assainie.

Vous ne réagirez jamais à cette décision, alors que celle-ci visait à vous permettre de repartir sur une situation normalisée et saine.

De la même manière, en 2015, votre hiérarchie a pu dénombrer :

- 6 jours d’absence non anticipée (appel le matin même), non justifiés oralement et régularisés a posteriori par des poses de congés payés ou RTT dans Gestor.net,

- 67 jours arrivés sur votre lieu de travail en dehors des plages horaires autorisées.

Par ailleurs, en février 2016, B Y vous signifie oralement que votre compteur d’heures est en négatif à – 8h. Vous lui répondez alors que vous avez des anomalies à corriger et vous engagez à les réaliser.

Plusieurs jours après, B Y s’aperçoit une fois encore, après un suivi du temps de travail de ses équipes, que vous êtes à – 5h50. B Y vous le notifie alors par email, en date du 23 février 2016. Cependant, cette alerte ne semble suivie d’aucune action de votre part, et votre compteur continuera d’être régulièrement en négatif.

En effet et à nouveau fin 2016 et au premier trimestre 2017, nous constatons que votre compteur est très souvent en négatif, oscillant entre + 1h03 et – 5h50.

En parallèle, il est arrivé aussi de nombreuses fois que vous évoquiez des prises de congés oralement, soyez absent et ne régularisiez vos horaires et absences qu’à votre retour de congés.

Aussi vous est-il demandé, comme à tout autre collaborateur, de poser vos absences en bonne et due forme dans les outils de gestion du temps (Gestor.net jusqu’à fin août 2016 puis MyChanelTime depuis septembre 2016).

Comme nous vous l’avons rappelé au cours de l’entretien, sachez qu’un salarié ne peut pas partir en congé sans autorisation préalable de l’employeur (signature du bon de congés par le N+1 ou accord numérique via outil de gestion des temps).

Vous avez entendu ce point et nous avez dit bien comprendre que votre attitude pouvait être problématique pour votre hiérarchie dans le pilotage de son équipe.

D’autre part, il est également arrivé régulièrement que vous vous absentiez de votre poste de travail à des horaires où vous êtes tenu de vous y trouver, que B Y vous cherche sans vous trouver, s’inquiète de votre absence, vérifie dans Gestor.net si votre badgeage a bien été réalisé, afin de savoir si vous êtes bien revenu de pause déjeuner, par exemple.

L’outil révélant que vous avez badgé et êtes censé être dans le bâtiment, vous mettez votre situation en danger car d’un point de vue sécurité et assurance, la situation n’est pas claire et votre absence non justifiée. D’autant plus que vous nous avez précisé au cours de l’entretien, vous absenter de votre poste de travail régulièrement pour répondre à des appels téléphoniques personnels.

Nous constatons une difficulté à vous soustraire à des règles communes à tous, de gestion du temps de travail. Vous avez également accepté ces remarques, et avez reconnu, au cours de l’entretien, que votre situation n’était ni 'normale’ ni tenable dans le temps.

Nous regrettons qu’aucune alerte ou rappel à l’ordre ne semble vous faire prendre conscience que la situation n’est pas normale et que vous ne respectez pas les règles internes dont vous êtes parfaitement informé.

Lors de notre entretien, vous êtes vous-même convenu que ces dysfonctionnements n’étaient pas acceptables, et vous êtes engagé à ne pas faire perdurer cette situation.

Aujourd’hui, au vu de tous ces événements constatés et de votre absence de réaction pour retrouver des modalités de travail conformes aux règles internes malgré nos alertes, nous doutons fortement de votre capacité à rétablir la situation malgré les engagements que vous avez souhaité prendre pendant l’entretien.

2.Une performance évaluée comme étant 'à améliorer’ en 2016 par votre hiérarchie (et qui n’a pas évolué en fin d’année 2016, contrairement aux engagements oraux pris).

Lors de l’entretien de performance réalisé le 4 avril 2016, vous convenez avec B Y, votre responsable hiérarchique, que vos objectifs métiers ne sont pas réalisés.

A l’écoute de vos remarques et de votre charge de travail (départ prématuré de votre binôme en arrêt maladie), votre hiérarchie avait décidé de retirer le traitement d’un service entier (DDP) d’activités, pour alléger votre charge et le flux de factures.

Or, malgré cet aménagement, convenu avec votre hiérarchie, qui aurait pu vous permettre de gérer vos missions sans difficultés, les chiffres fournis par l’outil de pilotage et suivi des factures nous montrent que le traitement des factures dont vous avez la charge est moins efficace que les autres membres de l’équipe, et ce, de manière constante.

Pour exemple, dans la semaine du 20 mars au 31 mars 2017, votre moyenne de traitement de factures est de 22 factures/jour, alors que la moyenne de l’équipe est de 40 factures/jour.

C D, votre N+2 (responsable de la comptabilité fournisseur) rappelle néanmoins que, bien sûr, un bon collaborateur n’est pas évalué uniquement au nombre de factures traitées/jour, néanmoins, ce constat, assez constant, cumulé aux autres point, sus et sous-cités, met en exergue des difficultés à assurer vos missions.

D’autre part, B Y prend le temps de vous accompagner, en rédigeant notamment des comptes-rendus de points par email, qu’elle vous fait parvenir à l’issue de vos rdv, pour récapituler vos engagements.

Le cas de la proposition de réorganisation du compte 4081100, évoqué lors de notre entretien reflète notamment votre attitude détachée par rapport aux dysfonctionnements évoqués par votre hiérarchie, et que vous ne cherchez pas à rectifier. Son email de septembre 2016 sera resté sans réponse ni action d’aucun ordre de votre part, malgré les relances qui s’en sont suivies.

Il n’y aura pas non plus d’évolution sur l’apurement des provisions achats stockés.

En effet, en sus de votre performance jugée comme étant 'à améliorer', nous déplorons une attitude qui ne correspond pas aux attentes de la Maison vis-à-vis de ses collaborateurs.

Les principes et normes auxquels nous adhérons, et en particulier ceux qui relèvent du comportement des collaborateurs, sont d’une exigence absolue. Chaque collaborateur doit, dans l’exercice de son métier, refléter sans aucun compromis nos valeurs fondamentales d’intégrité, de respect et de responsabilité. Ces valeurs éthiques s’appliquent aussi bien à la façon dont nous pilotons nos activités qu’à notre volonté permanente de nous conformer aux lois et réglementations en vigueur.

D’autre part, vous étiez convenu également que l’engagement (de manière générale) était un comportement clé à développer. Vous vous étiez alors engagé à 'faire preuve de curiosité et d’implication’ et à 'démontrer votre envie de faire évoluer (votre) quotidien'.

En effet, l’appréciation globale de l’année 2015 avait été jugée insuffisante et votre hiérarchie vous en avait fait part lors de l’entretien, en l’inscrivant également sur votre support d’entretien : 'l’implication et la curiosité attendue durant cette année 2015 n’ont pas été à la hauteur, Z fait son travail, mais ne montre pas beaucoup de motivation'.

Et de poursuivre 'j’attends de Z une attitude un peu plus positive et plus d’implication au sein de l’équipe'.

Cette tendance à un manque de coopération dans l’équipe s’était déjà ressentie en 2015, aussi était-il convenu de vous proposer d’assister à la formation 'coopération et performance’ en septembre 2015, afin de vous aider à améliorer cet état d’esprit en équipe et avec votre hiérarchie.

Néanmoins, il y a encore quelques semaines, lors d’un échange avec B Y, vous lui remontez plusieurs points négatifs sur votre collaboration avec votre binôme, avec une attitude de dénigrement qui ne reflète pas un état d’esprit collectif favorisant la réussite d’équipe.

Vous avez également parfois fait preuve d’un comportement inapproprié, quittant des formations avant l’heure de la fin de journée, sans explications.

Enfin, vous aviez fait part dans votre dernier entretien annuel, de votre souhait d’évolution, à moyen terme, dans le domaine commercial.

Fort de cette information, E F, chargée ressources humaines, vous reçoit en septembre 2016 à votre demande, dans le cadre de votre intérêt pour le poste de 'caissier boutique Cambon'. Suite à cet entretien et après avoir fait le lien avec les équipes retail mode, E F a tenté plusieurs fois de vous joindre par email et téléphone, sans que vous ne cherchiez à revenir vers elle afin de poursuivre/clôturer le process.

Cette attitude dilettante et de manque de respect ne nous a pas permis de croire dans le sérieux de votre candidature dans le cadre d’une éventuelle mobilité interne.

Il est d’autant plus regrettable de constater l’ensemble de ces points, sachant que plusieurs initiatives ont été mises en place pour vous permettre de pallier ces difficultés :

1/ Un suivi et une disponibilité managériale étroits, avec votre responsable, qui a veillé à vous accompagner de manière régulière dans l’organisation et la réalisation de votre travail, en acceptant de revoir votre charge de travail, et vous consacrant du temps via des points réguliers, pour vous aider à organiser votre temps de travail et prioriser vos actions.

Vous avez d’ailleurs convenu lors de notre entretien, du professionnalisme de G Y, de son écoute auprès de vous, en affirmant n’avoir 'rien à lui reprocher'.

2/ Des actions de formation continue. Afin d’accompagner votre développement, la Société vous a également permis de bénéficier de plusieurs actions de formation continue au cours des dernières années (…).

Nous avons évoqué l’ensemble de ces points avec vous, vous êtes convenu de la difficulté qu’ils représentaient pour nous dans notre collaboration avec vous.

Fort de ce constat, vous nous avez fait savoir que vous étiez prêt à nous signer une attestation vous engageant à rectifier tous ces dysfonctionnements.

Nous avons entendu cette possibilité. Néanmoins, l’engagement dont vous souhaitez attester est un engagement que vous avez d’ores et déjà pris en signant votre contrat de travail en février 2013 avec Chanel.

En effet, en signant ce contrat de travail, vous vous engagiez à respecter les règles internes, et à tenir votre poste de comptable fournisseur. Cette proposition nous semble donc inappropriée, surtout après les différentes alertes émises pour vous permettre de rendre votre situation plus conforme à nos attentes, dans les domaines évoqués ci-dessus.

C’est pourquoi la situation actuelle évoquée avec vous lors de l’entretien et décrite dans ce courrier rend impossible la poursuite de notre collaboration et nous contraint à vous notifier par la présente votre licenciement pour motif personnel. (…) »

Par requête reçue au greffe le 18 mai 2017, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de contester son licenciement.

Par jugement du 20 juin 2018, le conseil de prud’hommes a :

— dit que le licenciement dont M. X a fait l’objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamné la SAS Chanel à verser à M. X les sommes de :

.31 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

.1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire au visa de l’article 515 du code de procédure civile,

— débouté M. X du surplus de ses demandes,

— débouté la SAS Chanel de sa demande 'reconventionnelle’ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SAS Chanel aux entiers dépens.

La société Chanel a interjeté appel de la décision par déclaration du 31 juillet 2018.

Par conclusions adressées par voie électronique le 12 avril 2019, elle demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

.dit que le licenciement dont M. X a fait l’objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

.condamné la SAS Chanel à verser à M. X les sommes suivantes :

—  31 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

—  1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

.débouté la société Chanel de sa demande 'reconventionnelle’ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

.condamné la SAS Chanel aux entiers dépens,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

.dit n’y avoir lieu à exécution provisoire au visa de l’article 515 du code de procédure civile,

en conséquence,

— condamner M. X à verser à la société Chanel la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. X aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions adressées par voie électronique le 18 janvier 2021, M. X demande à la cour de':

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

.dit et jugé que le licenciement de M. X est sans cause réelle et sérieuse,

.condamné la société Chanel à verser à M. X une somme à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais réformer le jugement quant au quantum de cette somme,

.condamné la société Chanel à verser à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

.condamné la société Chanel aux entiers dépens,

statuant à nouveau et y ajoutant,

— condamner la société Chanel à verser à M. X la somme de 36 202 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner la société Chanel à verser à M. X la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel (article 700 du code de procédure civile),

— condamner la société Chanel à rembourser à Pôle emploi les allocations de chômage allouées à M. X, dans la limite de 6 mois d’allocations (article L. 1235-4 du code du travail),

— condamner la société Chanel aux entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 27 janvier 2021, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 19 février 2021.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS:

Sur le bien-fondé du licenciement,

Aux termes de ses conclusions d’appelante, la société Chanel soutient que le licenciement de M. X repose sur une cause réelle et sérieuse.

L’article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l’existence d’une cause réelle et sérieuse.

L’article L. 1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties. En application de l’article L. 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l’énoncé de faits matériellement vérifiables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.

Il sera également rappelé que pour constituer une cause légitime de rupture, l’insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments objectifs, constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, directement imputable au salarié et non la conséquence d’une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l’employeur.

Il appartient à l’employeur d’établir que l’insuffisance professionnelle reprochée au salarié repose sur des éléments objectifs, précis et imputables à celui-ci.

En l’espèce, aux termes de la lettre de licenciement du 13 avril 2017, qui fixe les limites du litige, il est reproché au salarié d’une part, le non-respect des règles internes relatives au temps de travail et d’autre part, une insuffisance professionnelle.

Sur les griefs relatifs à la gestion par le salarié de son temps de travail,

M. X soulève la prescription des faits antérieurs au 24 janvier 2017 et constate que tous les faits invoqués par l’employeur sont bien antérieurs à cette date. Il fait en outre observer que l’employeur s’abstient de prouver la quasi-totalité des griefs énoncés dans la lettre de licenciement.

Si selon l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, ce texte ne s’oppose toutefois pas à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois dès lors que le comportement fautif du salarié s’est poursuivi dans ce délai.

Or, la société Chanel fait état, depuis 2014 et jusqu’au premier trimestre 2017, de manquements répétés de M. X à ses obligations professionnelles, se traduisant par des retards répétitifs, des absences régularisées seulement a posteriori et sans accord préalable de sa responsable hiérarchique, et ce malgré les nombreux rappels à l’ordre de son employeur. Ces éléments excluent la prescription alléguée.

Au soutien du grief relatif au non-respect des horaires de travail, la société Chanel verse aux débats une attestation de Mme B Y, superviseur comptabilité fournisseur et supérieure hiérarchique de M. X, qui témoigne ainsi : « J’ai à de nombreuses reprises été amenée à échanger avec Monsieur Z X sur son non-respect des règles internes, notamment en matière de temps de travail. J’ai également eu à le rappeler à l’ordre sur ses absences de son poste de travail en pleine journée alors que ce dernier était tenu de respecter les heures de présence, conformément aux règles concernant le personnel Technicien Agent de Maitrise, dont il avait connaissance. J’ai de ce fait été contrainte à de nombreuses reprises de le rappeler à l’ordre concernant ces règles et son compteur d’heures en négatif. Nul changement n’a été malheureusement constaté suite à ces rappels et remarques. »

La cour observe que cette attestation, au demeurant non manuscrite, est rédigée en termes peu circonstanciés et ne vise aucun fait précis et daté, et ce tandis que les nombreux rappels à l’ordre évoqués par Mme Y sont illustrés par un unique courriel adressé à M. X le 23 février 2016 dans lequel sa supérieure hiérarchique lui rappelle seulement que le débit d’heures toléré est limité à 5 heures et que son compte affiche un débit de 5h50.

Les affirmations de la société Chanel selon lesquelles le compteur du salarié était très souvent en négatif ne sont étayées par aucune autre pièce. Dans le même temps, M. X souligne à juste titre que l’employeur reconnaît lui-même dans la lettre de licenciement qu’il avait sa 'part de responsabilité dans la mauvaise base de calcul d’horaire journalier'.

Il n’est pas non plus démontré que le salarié arrivait fréquemment en dehors des plages horaires non autorisées, ni qu’il s’absentait souvent de son poste de travail.

La société Chanel échoue par ailleurs à établir que M. X ne respectait habituellement pas la procédure de validation de ses congés par sa hiérarchie, le courriel de Mme Y du 2 février 2017, par lequel elle se plaint de l’absence d’échange verbal préalable, contenant justement un tableau issu du logiciel de gestion des congés démontrant que le salarié avait bien sollicité ses congés par anticipation.

S’agissant des absences non anticipées qui lui sont reprochées, M. X les explique, sans être utilement contredit par l’appelante, par la nécessité en 2015 de s’occuper pendant six jours de ses enfants malades, par le décès le 11 janvier 2016 de sa mère, dont il communique l’acte de décès, et par un arrêt de travail entre le 1er et le 6 septembre 2016 dont il a informé en son temps la société.

L’ensemble de ces éléments ne permet pas de retenir comme établis les griefs relatifs à la gestion par le salarié de son temps de travail, le conseil de prud’hommes ayant à juste titre relevé que lors des entretiens annuels d’évaluation, l’employeur n’a au demeurant jamais attiré l’attention du salarié sur ce point.

Sur l’insuffisance professionnelle,

La société Chanel reproche également à M. X des performances insuffisantes, notamment en termes de nombre de factures traitées, un manque de motivation et un comportement inapproprié dans l’exercice de ses fonctions.

L’examen des entretiens annuels d’évaluation du salarié révèle que sa responsable hiérarchique a noté pour 2013, que sa performance est globalement conforme aux attentes, que 'Z a fait un travail de qualité face aux difficultés du début d’année. Sa facilité d’adaptation et son professionnalisme font de Z un collaborateur fiable' et pour 2014, que son comportement est apprécié, en particulier sa bonne communication et ses échanges réguliers avec les opérationnels du site, même si une plus grande motivation est attendue de sa part, sans néanmoins plus de précision.

Si l’entretien annuel réalisé le 4 avril 2016 mentionne, comme le souligne l’appelante, que la performance du salarié est à améliorer, il est indiqué dans ce même compte-rendu que sa performance sur l’année 2015 a été jugée 'bonne’ s’agissant des objectifs métier et qu’en ce qui concerne son comportement, il est attendu de sa part plus d’implication et de curiosité. Le manager a ainsi noté que 'Z fait son travail mais ne montre pas beaucoup de motivation' avec cependant la circonstance qu’il a eu 'la responsabilité de gérer l’intégralité du site au départ de son binôme'.

La société Chanel prétend que M. X traitait 22 factures par jour quand la moyenne de l’équipe est de 40 factures par jour, en produisant pour seul justificatif un courriel daté du 3 avril 2017 comportant un tableau de suivi du traitement des factures entre le 20 mars et le 31 mars 2017, sans plus d’explication sur les missions confiées à chaque membre de l’équipe durant cette période, et ce alors que la lettre de licenciement vise explicitement que les tâches assumées par M. X ne se limitaient pas au traitement de factures, qu’au surplus celui-ci fait observer que la période considérée coïncidait avec la mise en place d’un nouveau logiciel de traitement de factures 'Basware’ et que lors d’une réunion d’équipe du 7 mars 2017, Mme Y avait émis l’observation suivante à propos du nombre de factures traitées : 'Pas d’inquiétude, les tendances observées sont cohérentes pour une phase de démarrage'.

En outre, le salarié communique des tableaux statistiques de facturation pour l’année 2016 dont il ressort qu’il a traité sur la fin de l’année un nombre de factures très sensiblement supérieur à celui traité par deux collègues occupant le même poste que lui.

Aucune des pièces versées aux débats par l’employeur ne vient par ailleurs attester du comportement inapproprié qu’aurait eu le salarié.

La cour observe enfin que M. X a bénéficié d’augmentations individuelles de salaire en mars 2014 et en mars 2016 ; qu’il a perçu en outre une prime exceptionnelle en mars 2015 ; que plusieurs clients l’ont félicité pour sa réactivité et son efficacité.

Ces différentes constatations ne permettent pas de caractériser l’insuffisance professionnelle alléguée.

Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu’il a retenu le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement.

Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté depuis le 4 février 2013, de sa perception d’allocations Pôle emploi dans les termes des pièces produites aux débats et des conséquences de la rupture à son égard, les premiers juges méritent également d’être suivis en ce qu’ils ont condamné la société Chanel à verser à M. X la somme de 31 000 euros à titre indemnitaire.

Sur le remboursement des indemnités de chômage,

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné, par infirmation du jugement entrepris, le remboursement par l’employeur à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Sur les dépens de l’instance et les frais irrépétibles,

La société Chanel supportera les dépens en application des dispositions de l’article'696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à M. X une indemnité sur le fondement de l’article'700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, qui sont donc confirmés, et 1'500'euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 20 juin 2018 par le conseil de prud’hommes de Nanterre sauf en ce qu’il a rejeté la demande de remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

ORDONNE le remboursement par la société Chanel à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la suite du licenciement de M. Z X, dans la limite de six mois, et dit qu’une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l’article R. 1235-2 du code du travail ;

CONDAMNE la société Chanel à verser à M. Z X la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Chanel de sa demande de ce chef ;

CONDAMNE la société Chanel aux dépens.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Isabelle Vendryes, présidente, et par Monsieur Achille Tampreau, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 15 avril 2021, n° 18/03430