Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 9 novembre 2023, n° 22/01371

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 5e ch., 9 nov. 2023, n° 22/01371
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 22/01371
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Nanterre, 20 février 2022, N° 19/01400
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 14 novembre 2023
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89E

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 NOVEMBRE 2023

N° RG 22/01371 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VFEW

AFFAIRE :

S.A.S. [4]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Février 2022 par le Pole social du TJ de NANTERRE

N° RG : 19/01400

Copies exécutoires délivrées à :

la SAS BREDON AVOCAT

Me Mylène BARRERE

Copies certifiées conformes délivrées à :

S.A.S. [4]

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. [4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Guillaume BREDON de la SAS BREDON AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1532 substituée par Me Clara CIUBA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0503

APPELANTE

****************

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE

Service du contentieux

[Localité 1]

représentée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2104

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Septembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia DARDELET, Conseillère chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère,

Madame Laëtitia DARDELET, Conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Juliette DUPONT,

EXPOSÉ DU LITIGE

Employé par la société [4] (la société), en qualité de chef de chantier, M. [I] [R] [U] (la victime) a souscrit une déclaration de maladie professionnelle, le 30 août 2017, au titre d’une 'rupture transfixiante du supra-épineux de l’épaule gauche’ que la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne (la caisse), après instruction, a prise en charge au titre de la législation professionnelle, sur le fondement du tableau n° 57 des maladies professionnelles.

L’état de santé de la victime a été déclaré consolidé le 31 décembre 2018 et un taux d’incapacité permanente partielle de 11 % lui a été attribué.

Après rejet de sa contestation par la commission médicale de recours amiable de la caisse, la société a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre, aux fins de contester ce taux.

Le tribunal a ordonné, avant dire droit, le 4 novembre 2020, une expertise médicale confiée au docteur [S], qui a évalué à 8 % le taux d’incapacité permanente partielle de la victime.

Par jugement du 21 février 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre a :

— déclaré recevable le recours formé par la société ;

— rejeté la requête de la société ;

— confirmé le taux de 11 % fixé pour la victime par le service médical de la caisse ;

— confirmé la décision de la caisse du 4 janvier 2019 de fixer un taux d’incapacité permanente partielle de 11 % pour la victime, consolidée au 1er janvier 2019 ;

— condamné la société aux dépens qui incluront les frais d’expertise.

La société a relevé appel de cette décision. Les parties ont été convoquées à l’audience du 27 septembre 2023, date à laquelle elles ont comparu, représentées par leur avocat.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et celui plus complet des prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour d’infirmer le jugement déféré. Elle expose que le taux d’incapacité permanente partielle attribué à la victime a été surévalué, son médecin consultant, le docteur [N], ayant relevé l’existence d’un état pathologique interférent, et l’absence de document médical objectif permettant de considérer que les séquelles retenues par le médecin conseil de la caisse sont en lien direct et certain avec la maladie professionnelle déclarée par la victime. Elle s’appuie sur l’avis de son médecin consultant pour considérer que l’examen clinique de la victime réalisé par le médecin conseil de la caisse est incomplet et n’est pas conforme au barème.

La société demande à la cour de fixer le taux d’incapacité permanente partielle de la victime à 8 %, conformément aux conclusions du docteur [S], le tribunal ayant rejeté son rapport au motif qu’il y aurait un doute sur la neutralité de ce dernier vis-à vis des parties, ce qui relève d’une interprétation subjective du premier juge. Elle demande que les frais de l’expertise ordonnée en première instance soient mis à la charge de la caisse nationale de l’assurance maladie sur le fondement de l’article L. 142-11 du code de la sécurité sociale.

A titre subsidiaire, la société sollicite la mise en oeuvre d’une consultation sur pièces ou d’une mesure d’expertise, aux frais de la caisse nationale de l’assurance maladie.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et celui plus complet des prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions. Elle considère que le taux d’incapacité permanente partielle attribué à la victime est conforme au barème indicatif. Elle expose que le rapport du docteur [S] doit être écarté dans la mesure où il existe un doute sur la partialité de l’expert, ce dernier ayant eu un échange contradictoire avec le médecin consultant de la société uniquement. La caisse s’oppose à la mesure de consultation sollicitée par la société à titre subsidiaire, cette dernière ne produisant aucun élément médical probant à l’appui de sa demande.

Les parties ne formulent aucune demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article L. 434-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, le taux d’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.

En l’espèce, il est constant que la victime a déclaré une maladie professionnelle le 30 août 2017, au titre d’une 'rupture transfixiante du supra-épineux de l’épaule gauche', accompagnée d’un certificat médical initial du même jour, faisant état d’une 'tendinopathie avec rupture transfixiante du sus épineux épaule gauche', prise en charge par la caisse au titre de la législation sur les risques professionnels, sur le fondement du tableau n° 57 des maladies professionnelles.

Le médecin conseil de la caisse retient, à la date de consolidation, des 'séquelles indemnisables d’une rupture de coiffe de l’épaule gauche opérée chez un travailleur manuel droitier consistant en une limitation légère de plusieurs mouvements'.

La commission médicale de recours amiable de la caisse a confirmé le taux d’incapacité permanente partielle de 11 %, considérant que 'le traitement a été médical et chirurgical avec récupération incomplète'. Elle relève 'une perte d’amplitude, discrète amyotrophie, perte de force musculaire'. La commission note que 'les lésions initiales étaient prédictives d’une récupération incomplète (atteinte pluri tendineuse, amyotrophie, involution graisseuse)'.

Elle conclut : 'compte tenu de l’atteinte initiale, de l’examen clinique et de l’incidence professionnelle chez un chef de chantier, le retentissement fonctionnel peut être considéré comme modéré. L’aspect dégénératif de l’articulation acromio-claviculaire justifiant d’être à la partie basse de la fourchette proposée par le barème de référence'.

Le barème indicatif d’invalidité des maladies professionnelles indique, pour les affections rhumatismales :

'8.2 Au terme de son analyse, en tenant compte du taux de base et éventuellement des majorations spécifiques, le médecin portera un jugement global sur le retentissement des séquelles de la maladie sur la capacité de travail du patient et fixera le taux d’IPP en fonction de son importance pour laquelle on peut proposer l’échelle suivante :

— retentissement léger : 0 à 5 % ;

— retentissement modéré : 5 à 15 % ;

— retentissement moyen : 15 à 30 % ;

— retentissement important : 30 à 60 % ;

— retentissement très important : 60 à 90 %'.

En outre, le barème précise que 'dans certains cas où la lésion atteint le membre ou l’organe homologue au membre ou à l’organe lésé ou détruit antérieurement, l’incapacité est en général supérieure à celle d’un sujet ayant un membre ou un organe opposé sain, sans état antérieur'.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la victime souffre également d’une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite, prise en charge par la caisse au titre de la législation sur les risques professionnels, sur le fondement du tableau n° 57 des maladies professionnelles.

Le rapport du médecin-expert désigné par le tribunal, le docteur [S], relève que 'les explorations échographiques ont mis en évidence une rupture bilatérale des coiffes, des rotateurs, plus importante à gauche qu’à droite. Une arthrographie de l’épaule a été réalisée le 26 juillet 2017, en faveur d’une diminution de l’épaisseur du défilé sous acromial avec un aspect irrégulier du revêtement synovial. Un début de dégénérescence est noté en faveur d’une épaule dégénérative'.

Il relève qu’une IRM du 25 octobre 2017 conclut à une 'rupture transfixiante complète du tendon du supra-épineux, associée à une amyotrophie de plus de 50 %, associé à une rupture incomplète du tendon du muscle infra-épineux. Il existe une bursite sous-acromio deltoïdienne avec un épanchement articulaire et un début d’arthrose acromio claviculaire.

Il note une intervention chirurgicale le 9 janvier 2018 consistant en une 'réinsertion du manchon tendineux sus et sous-épineux'.

Il conclut 'après confrontation concernant l’accidenté du travail avec le Dr [N], nous sommes tombés d’accord sur une IPP de 8%'.

Les conclusions du rapport fixant le taux d’incapacité permanente partielle de la victime à 8%, ne peuvent être entérinées dans la mesure où elles paraissent en contradiction avec le contenu des constatations médicales de l’expert et le barème d’invalidité, s’agissant d’un travailleur manuel, âgé de 60 ans, souffrant de pathologies aux deux épaules.

En outre, l’expert ne précise pas les raisons pour lesquelles il retient un taux de 8 %.

La société verse aux débats l’avis de son médecin consultant, le docteur [N], qui estime que 'la gêne fonctionnelle séquellaire est occasionnée par des lésions au niveau des tendons de la coiffe des rotateurs mais également par des signes débutants d’arthrose au niveau scapulo-huméral et acromio-claviculaire -raison pour laquelle la symtomatologie séquellaire douloureuse au niveau de l’épaule non dominante, justifie un taux d’incapacité permanente de 6 %'. Il considère qu’il existe un état pathologique interférent.

Le docteur [N] note que l’examen réalisé par le médecin conseil de la caisse est incomplet dans la mesure où notamment les mouvements en passif n’ont pas été évalués. Il conteste la référence au barème des accidents du travail, s’agissant d’une maladie professionnelle.

La caisse produit l’avis du docteur [X], médecin conseil, qui conteste l’existence d’un état pathologique interférent, considérant que l’interprétation de l’IRM faite par le docteur [N] est contestable dans la mesure où il s’agit d’une 'image radiologique normale pour un homme né en 1958'. Il note que le médecin conseil a examiné les deux épaules et a tenu compte de l’épaule controlatérale également pathologique, pour fixer le taux d’incapacité permanente partielle. Il conteste la comparaison des mesures des deux épaules, telle qu’elle est faite par le docteur [N], ce dernier n’ayant pas tenu compte des pathologies affectant les deux épaules.

L’avis du médecin mandaté par la société n’est pas objectivement étayé et n’est pas de nature à renverser l’avis du médecin conseil de la caisse qui a procédé à l’examen clinique de la victime conformément au barème applicable. En effet, le docteur [N] s’appuie sur les préconisations du barème indicatif des accidents du travail pour considérer que l’examen du médecin conseil serait incomplet alors qu’en l’espèce, ce dernier a correctement évalué les séquelles de la victime selon le barème d’invalidité applicable aux maladies professionnelles.

Au vu de ces éléments, compte tenu du retentissement fonctionnel modéré, de l’âge de la victime à la consolidation (60 ans), de son métier manuel, des pathologies affectant les deux épaules, il apparaît que le taux d’incapacité litigieux doit être fixé à 11 % à la date de consolidation, dans les rapports entre la caisse et la société, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une expertise médicale ou une consultation.

Il sera rappelé qu’en application de l’article L. 142-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, les frais résultant de l’expertise ordonnée en première instance incombent à la Caisse nationale de l’assurance maladie.

Le jugement sera donc confirmé, sauf en ce qu’il a condamné la société aux frais d’expertise.

La société, qui succombe, sera condamnée aux dépens exposés en appel

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la requête de la société [4] et confirmé la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne de fixer le taux d’incapacité permanente partielle de M. [I] [R] [U] à 11 % ;

Y ajoutant,

Fixe à 11 % le taux d’incapacité permanente partielle de M. [I] [R] [U] à la date de consolidation du 31 décembre 2018 ;

Rejette la demande d’expertise médicale ;

INFIRME le jugement en ce qu’il a condamné la société [4] aux frais d’expertise ;

Statuant à nouveau,

Dit que les frais d’expertise seront pris en charge par la Caisse nationale de l’assurance maladie, conformément à l’article L.142-11 du code de la sécurité sociale ;

Condamne la société [4] aux dépens exposés en appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente, et par Madame Juliette DUPONT, Greffière, à laquelle le magistrat signataire a rendu la minute.

La GREFFIÈRE, La PRÉSIDENTE,

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