CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 30 décembre 2019, 17BX02738 19BX02241, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 2e ch., 30 déc. 2019, n° 17BX02738 19BX02241
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 17BX02738 19BX02241
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Poitiers, 2 avril 2019, N° 1702343
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000039728655

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I°) Par une première demande enregistrée le 30 avril 2015, Mme C… H… a sollicité du tribunal administratif de Poitiers l’annulation de la décision du 18 mars 2015 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers a prononcé son licenciement à compter du 21 mai 2015 et qu’il soit fait injonction au CHU de Poitiers de la réintégrer dans ses fonctions, de régulariser les cotisations sociales afférentes à la période au cours de laquelle elle a été évincée et de supprimer dans son dossier administratif les éléments et pièces ayant motivé le licenciement, dans le délai de 15 jours suivant la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1501109 du 28 juin 2017, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 18 mars 2015 prononçant le licenciement de Mme H… et a enjoint au CHU de Poitiers de réintégrer l’intéressée en qualité d’agent sous contrat à durée indéterminée et de régulariser les cotisations sociales afférentes à sa période d’éviction dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement.

II°) Par une seconde demande enregistrée le 12 octobre 2017, Mme H… a sollicité du tribunal administratif de Poitiers l’annulation de la décision du 27 juillet 2017 par laquelle le directeur général du CHU de Poitiers a prononcé son licenciement et qu’il soit enjoint au directeur général du CHU de Poitiers de la réintégrer rétroactivement et de régulariser les cotisations sociales correspondant à la période de son éviction illégale dans un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1702343 du 3 avril 2019, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 27 juillet 2017 du directeur général du CHU de Poitiers en tant seulement qu’elle a produit ses effets avant le 16 octobre 2017 et a enjoint au directeur général du CHU de Poitiers de réintégrer Mme H… du 21 mai 2015 au 15 octobre 2017, dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête n° 17BX02738 et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 10 août 2017 et 15 mars 2019, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers, représenté par la SCP KPL avocats, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 juin 2017 ;

2°) de rejeter la demande de Mme H… tendant à l’annulation de la décision du 18 mars 2015 ;

3°) de mettre à la charge de Mme H… le paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – c’est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision du 18 mars 2015 dès lors qu’il est en mesure de justifier que Mme D…, directeur des ressources humaines du CHU, disposait d’une décision de délégation régulièrement publiée, de la part du directeur général de l’établissement, aux fins de signer toutes décisions relatives à la gestion du personnel non médical. Ce n’est que par une erreur purement matérielle qu’a été produite, en première instance, la décision du même jour portant délégation de signature à Mme D… pendant les périodes de garde administrative. Dans le cadre de l’effet dévolutif, la cour devra alors écarter l’ensemble des moyens avancés en première instance par Mme H… qui ne sont pas fondés ;

 – ainsi, la décision du 18 mars 2015 était suffisamment motivée en droit et en fait. L’intéressée ne peut, au surplus, utilement se prévaloir de la méconnaissance alléguée des dispositions réglementaires relatives à la prise en compte de ses droits à congés qui est, en toute hypothèse, sans effet sur la légalité de la décision attaquée ; au demeurant, l’établissement a accepté de lui rémunérer les jours de congés non pris ; enfin, le délai de préavis de deux mois avant son licenciement est conforme aux dispositions de l’article 42 du décret du 6 février 1991 applicables aux agents contractuels ayant plus de deux ans d’ancienneté ;

 – la décision en litige n’a pas été adoptée à l’issue d’une procédure irrégulière dès lors que, d’une part, Mme H… a été régulièrement convoquée à un entretien préalable, qui s’est tenu le 10 mars 2015, en application des dispositions de l’article 44 du décret du 6 février 1991 et, d’autre part, son licenciement n’est intervenu qu’à l’issue de cet entretien, le 18 mars 2015 ; elle a pu faire valoir ses observations lors de ce même entretien et a elle-même indiqué, dans sa lettre antérieure du 23 février 2015, avoir été informée des faits qui lui étaient reprochés. Aucune disposition n’imposait, de surcroît, que lui soit notifiée la possibilité de faire part de ses observations à la suite de l’entretien préalable ;

 – la décision contestée n’est pas entachée d’une erreur de droit dès lors que sa date d’effet tient compte du délai de préavis et du fait que les congés non pris par l’intéressée lui seront rémunérés ; elle n’est pas non plus entachée d’une erreur de droit dans la mesure où les manquements reprochés tenant à une inaptitude à exercer ses tâches professionnelles et dans la prise en charge de patients, de nature à perturber l’organisation du service, relèvent de l’insuffisance professionnelle et non de fautes disciplinaires ;

 – elle n’est pas davantage entachée d’une erreur de fait ou d’appréciation dans la mesure où la mesure prise repose sur des faits matériellement exacts quant à la manière de servir de l’intimée et au constat de l’insuffisance professionnelle dont elle a fait preuve. Plusieurs rapports des cadres du service de réanimation où elle était affectée, après qu’elle a pourtant bénéficié d’un encadrement de cinq semaines lors de sa prise de poste puis d’un tutorat prolongé, font état de manquements professionnels graves, notamment les rapports circonstanciés des 31 octobre 2014 et 4 février 2015, ce dernier rapport étant cosigné par le chef de clinique et l’interne du service de réanimation médicale. Les faits reprochés tenant à des manquements graves et réitérés dans l’exécution des tâches qui lui étaient confiées et à la qualité médiocre des prestations fournies, sans aucune amélioration, entrainant une perturbation importante du fonctionnement du service, caractérisaient une insuffisance professionnelle avérée. L’incident majeur survenu le 4 février 2015 confirme son incapacité à gérer des situations d’urgence médicale et à apporter les soins appropriés à l’état du patient. Mme H… n’a d’ailleurs jamais contesté les faits ainsi reprochés, se bornant à tenter d’en minimiser la portée sans toutefois en mesurer la gravité. Elle n’apporte aucun élément justificatif à l’appui de sa contestation nouvelle de certains des faits reprochés dans le rapport du 31 octobre 2014, qu’elle avait auparavant tenté de relativiser, sans les nier, en les imputant à une mauvaise organisation du service. Elle ne saurait davantage se prévaloir de ce que son affectation en service de réanimation lui aurait été « imposée » alors qu’elle avait sollicité une affectation dans ce pôle médical d’urgences-réanimation, à son retour de congé parental, et n’a jamais sollicité de changement d’unité ou de service au cours de cette période. La circonstance qu’avant son congé de maternité et son congé parental de 2014, elle avait fait l’objet d’appréciations satisfaisantes dans ses précédentes fonctions au service des urgences, en 2012 et 2013, ne fait pas obstacle à ce qu’une insuffisance professionnelle puisse être révélée par des faits postérieurs. La circonstance supplémentaire qu’elle a été ultérieurement recrutée en contrat à durée déterminée par le centre hospitalier de Montmorillon, qui est désormais placé sous direction commune avec le CHU de Poitiers, est inopérante à l’encontre de la décision litigieuse, alors qu’au demeurant, cet établissement était encore autonome et que Mme H… a manifestement omis de préciser, lors de ce recrutement, les motifs ayant présidé à la fin de son contrat au CHU de Poitiers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2017, Mme H…, représentée par Me F…, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l’annulation de la décision du 18 mars 2015 et à ce qu’il soit enjoint au CHU de Poitiers de la réintégrer dans ses fonctions, de régulariser les cotisations sociales afférentes à la période au cours de laquelle elle a été évincée, dans le délai de 30 jours suivant la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, en toute hypothèse, à ce que soit mis à la charge du CHU de Poitiers le paiement d’une somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

 – la décision portant délégation de signature au directeur des ressources humaines du CHU de Poitiers, qui constitue un acte réglementaire, devait faire l’objet des mesures de publicité prévues par l’article R. 6143-38 du code de la santé publique et notamment d’un affichage sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet et aisément consultables par les personnels et les usagers. En l’espèce, l’établissement n’apporte pas la preuve du respect de ces formalités et d’une publicité suffisante. En outre, la délégation accordée portant sur les décisions relatives à la cessation d’activité du personnel non médical de l’établissement ne la concerne pas dès lors qu’en tant qu’infirmière, elle ne peut être regardée comme faisant partie du personnel non médical ;

 – en toute hypothèse, les autres moyens qu’elle avait soulevés en première instance sont sérieux et, dans l’hypothèse où le moyen retenu par les premiers juges serait censuré, elle entend, dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, se prévaloir de l’ensemble des moyens soulevés en première instance tenant au vice de forme de la décision qui n’a pas tenu compte de ses droits à congés annuels (méconnaissance de l’article 42 du décret n° 88-145 du 15 février 1988), au vice de procédure dès lors que le licenciement était déjà décidé avant l’entretien préalable (méconnaissance de l’article 44 du décret n°91-155 du 6 février 1991), à l’erreur de fait dès lors que les motifs factuels retenus sont erronés et ne relèvent pas d’une insuffisance professionnelle, à l’erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où il n’a pas été envisagé de l’affecter dans un autre service, où il n’a pas été tenu compte de ses services antérieurs et de la brève durée de son affectation en service de réanimation, où l’accident du 4 février 2015 a été exagéré et dénaturé et où ses activités antérieures ont donné toute satisfaction, enfin à l’erreur de droit quant à la date effective du licenciement ;

 – en outre, la décision en litige est irrégulière dès lors que la lettre de convocation à l’entretien préalable ne mentionne pas les motifs de la mesure de licenciement envisagée et que l’établissement ne justifie pas les lui avoir communiqués lors de cet entretien. La décision méconnaît donc les dispositions de l’article 43 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 et celles de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration ainsi que le principe général des droits de la défense ;

 – cette décision est également irrégulière dans la mesure où elle n’a jamais été informée de la possibilité de faire valoir ses observations écrites ou orales avant l’édiction de la décision contestée ;

 – elle est entachée d’erreurs de fait dès lors que le CHU a considéré, à tort, qu’elle ne présentait pas les qualités professionnelles requises pour l’exercice de ses fonctions ; les faits reprochés ne portent que sur une période d’exercice de fonctions de moins de six semaines et ne sauraient relever que de carences ponctuelles ; elle a, d’ailleurs, retrouvé un emploi dès le mois d’août 2015 au centre hospitalier de Montmorillon, dont la direction est commune à celle du CHU de Poitiers ;

 – elle est entachée d’une erreur de droit et de qualification juridique des faits, dès lors qu’ayant été analysés comme des fautes d’ordre disciplinaire, ils ne pouvaient justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle ;

 – les faits reprochés sont matériellement inexacts s’agissant de l’utilisation d’un pousse-seringue, d’une pompe à morphine, de la réalisation des transmissions écrites ou encore de l’intervention à ses côtés d’une infirmière dite de « coupure » ce qui était conforme aux dispositions de l’article D. 6124-32 du code de la santé publique.

Par une ordonnance du 13 août 2019, la clôture de l’instruction a été fixée au 14 octobre 2019.

II°) Par une requête n° 19BX02241 et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 29 mai et 31 octobre 2019, Mme H…, représentée par Me B…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 avril 2019 en tant qu’il a considéré que le directeur général du CHU de Poitiers n’a pas commis d’erreur de droit, de fait ou d’appréciation en prononçant, par une décision du 27 juillet 2017, son licenciement pour insuffisance professionnelle ;

2°) d’annuler la décision du 27 juillet 2017 par laquelle le directeur général du CHU de Poitiers a prononcé son licenciement ;

3°) d’enjoindre au CHU de Poitiers de procéder à sa réintégration rétroactive et de régulariser les cotisations sociales afférentes à la période d’éviction illégale, dans un délai de 30 jours à compter de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du CHU de Poitiers une somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – c’est à tort que le tribunal a estimé que le CHU de Poitiers pouvait prendre une nouvelle décision de licenciement, à la suite du jugement du 28 juin 2017 et à raison des mêmes faits, sans la faire précéder d’une nouvelle procédure préalable ; elle n’a ainsi pas été informée de l’engagement d’une nouvelle procédure de licenciement, elle a été privée de la possibilité de consulter son dossier et aucun entretien n’a été organisé de sorte que le principe général des droits de la défense et les dispositions des articles 2-1, 41-2, 41-6 et 43 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 ont été méconnus ;

 – en tout état de cause, elle a été privée de certaines garanties dès lors que la procédure initialement engagée en 2015 était elle-même irrégulière : elle n’a jamais été informée de la possibilité de faire valoir ses observations préalablement à l’édiction de la décision contestée ; le CHU a omis de consulter la commission consultative paritaire prévue à l’article 2-1 du décret du 6 février 1991 avant de procéder à son licenciement alors que cet avis aurait pu influer sur le sens de la décision prise ; le licenciement avait été acté avant l’entretien préalable du 10 mars 2015 ;

 – la décision est entachée d’une erreur de droit dès lors que des faits de nature disciplinaire ne peuvent fonder un licenciement pour insuffisance professionnelle ;

 – elle repose sur des faits matériellement inexacts ou qui ont été présentés de manière erronée et amplifiée, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif : les carences en matière d’accomplissement des actes infirmiers élémentaires ou basiques et les insuffisances relatives aux acquis élémentaires de formation qui lui sont reprochées ne sont pas établies et sont contredites par ses évaluations pendant sa formation initiale à l’institut de formation en soins infirmiers (IFSI) et par ses premières évaluations professionnelles ; elle a d’ailleurs retrouvé un emploi à l’issue de son licenciement au sein du centre hospitalier de Montmorillon puis dans un service de réanimation au centre hospitalier de Roanne où elle a donné toute satisfaction. Les faits reprochés relatifs à la mauvaise utilisation d’un pousse-seringue, d’une pompe à morphine et des transmissions écrites ne sont pas établis et sont contredits par plusieurs attestations de médecins du service des urgences du CHU. Il ne saurait être mis en exergue la présence d’une infirmière dite de coupure à ses côtés dès lors qu’il s’agissait de la simple application de la règlementation en termes de ratio d’effectif infirmier en service de réanimation. La formation en service de réanimation pour une nouvelle infirmière aurait dû être de 8 semaines et non de 5 semaines, selon les recommandations de la société française d’anesthésie réanimation ;

 – la décision en litige est entachée d’une erreur « manifeste » d’appréciation dès lors que le licenciement pour insuffisance professionnelle ne pouvait reposer sur une carence ponctuelle ou sur une période aussi brève alors qu’elle disposait, par ailleurs, d’excellents évaluations dans ses précédentes fonctions au sein de l’établissement. Il était loisible au CHU soit d’approfondir sa formation, soit de l’affecter sur un autre poste, comme elle le demandait, afin qu’elle puisse prouver ses capacités. Au demeurant, elle a pu être finalement recrutée au service des urgences du centre hospitalier de Montmorillon, dépendant du CHU de Poitiers et s’était vu proposer une nouvelle affectation dans le cadre de son préavis.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 octobre 2019, le CHU de Poitiers, représenté par la SCP KPL avocats, conclut au rejet de la requête de Mme H… et à ce que soit mis à la charge de l’intéressée le paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 octobre 2019, la clôture de l’instruction a été reportée au 4 novembre 2019 dans cette seconde affaire.

Par une lettre du 3 décembre 2019, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de relever d’office le moyen d’ordre public tiré de l’incompétence du signataire de la décision du 27 juillet 2017, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

 – le code des relations entre le public et l’administration ;

 – le code de la santé publique ;

 – la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;

 – la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;

 – la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

 – le décret n° 88-145 du 15 février 1988, modifié, pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ;

 – le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989, modifié, relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;

 – le décret n° 91-155 du 6 février 1991, modifié, portant dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements publics de santé ;

 – le décret n° 2015-1434 du 5 novembre 2015 portant diverses dispositions relatives aux agents non titulaires de la fonction publique hospitalière ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. A… ;

 – les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public ;

 – et les observations de Me E…, représentant le CHU de Poitiers.

Considérant ce qui suit :

1. Mme H…, infirmière diplômée d’Etat, a été recrutée le 26 novembre 2012 par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée et affectée au service des urgences pour adultes faisant partie du pôle « Urgences, SAMU, SMUR, Réanimations » (USSAR) de l’établissement. Après avoir bénéficié d’un congé de maternité du 2 janvier au 31 mai 2014 puis de congés non rémunérés du 1er juin au 31 août 2014 afin d’élever sa fille, l’intéressée a été réintégrée le 1er septembre 2014 et affectée au sein des unités de réanimation chirurgicale et médicale du pôle USSAR. Par une décision du 18 mars 2015, la directrice des ressources humaines du CHU de Poitiers a prononcé son licenciement, à compter du 21 mai 2015, pour insuffisance professionnelle. Par un jugement n° 1501109 du 28 juin 2017, dont le CHU de Poitiers relève appel par une requête enregistrée sous le n° 17BX02738, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision et a enjoint au CHU de Poitiers de réintégrer l’intéressée en qualité d’agent sous contrat à durée indéterminée et de régulariser les cotisations sociales afférentes à sa période d’éviction, dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement. Le directeur général du CHU de Poitiers a, ensuite, de nouveau prononcé le licenciement de Mme H… pour insuffisance professionnelle, par une seconde décision du 27 juillet 2017. Par un jugement n° 1702343 du 3 avril 2019, dont Mme H… relève appel par une requête enregistrée sous le n° 19BX02241, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette dernière décision en tant seulement qu’elle a produit ses effets avant le 16 octobre 2017 et a enjoint au directeur du CHU de Poitiers de réintégrer Mme H… du 21 mai 2015 au 15 octobre 2017, dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement.

2. Les affaires n° 17BX02738 et 19BX02241 ont trait à la situation d’un même agent public, sont relatives à deux décisions successives ayant prononcé son licenciement et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu, par suite, de les joindre en vue de statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité de la décision du 18 mars 2015 prononçant le licenciement de Mme H… à compter du 21 mai 2015 :

3. Aux termes de l’article D. 6143-33 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : « Dans le cadre de ses compétences définies à l’article L. 6143-7, le directeur d’un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature ». En application de l’article D. 6143-35 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-1765 du 30 décembre 2009 relatif au directeur et aux membres du directoire des établissements publics de santé, les délégations de signature « sont notifiées aux intéressés et publiées par tout moyen les rendant consultables ». L’article R. 6143-38 du code de la santé publique, qui s’applique sans préjudice des obligations de publication prévues par d’autres dispositions du même code, prévoyait, dans sa rédaction alors applicable issue du décret n° 2010-344 du 31 mars 2010, que les décisions réglementaires des directeurs des établissements publics de santé « sont affichées sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet et aisément consultables par les personnels et les usagers. Lorsque ces décisions ou délibérations font grief à d’autres personnes que les usagers et les personnels, elles sont, en outre, publiées au bulletin des actes administratifs de la préfecture du département dans lequel l’établissement a son siège (…) ».

4. Pour annuler la décision du directeur des ressources humaines du CHU de Poitiers en date du 18 mars 2015 prononçant le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme H…, les premiers juges ont considéré que cette décision avait été prise par une autorité administrative incompétente au motif que la décision n° 14-061 du 19 mai 2014 du directeur général de l’établissement, produite en première instance et donnant délégation de signature à Mme C… D…, directeur des ressources humaines du CHU, ne concernait que les périodes de garde administrative et qu’aucune disposition de cet acte n’autorisait Mme D… à signer les décisions prononçant le licenciement pour insuffisance professionnelle des agents du centre hospitalier.

5. Si, à l’appui de sa requête d’appel, le CHU de Poitiers produit désormais la décision n° 14-057 du 16 mai 2014 par laquelle le directeur général de l’établissement a donné délégation à Mme C… D… aux fins de signer, notamment, « toutes décisions relevant de la gestion du personnel non médical », dont le personnel infirmier fait partie, il ne ressort pas des pièces du dossier et n’est d’ailleurs pas soutenu, ainsi que le relève l’intimée, que cette décision aurait fait l’objet d’un affichage sur des panneaux spécialement aménagés et aisément consultables par les personnels et les usagers de l’hôpital. A cet égard, si le CHU fait valoir que la décision de délégation en litige a fait l’objet d’une publication sur le site « intranet » et sur le site « internet » de l’établissement, il résulte des dispositions précitées alors applicables de l’article R. 6143-38 du code de la santé publique, lequel fixe le régime de publicité des actes des établissements de santé, que, pour être exécutoires, les décisions portant délégation de signature, qui revêtent un caractère réglementaire, devaient faire l’objet d’un affichage dans les conditions précédemment rappelées. Les dispositions également précitées de l’article D. 6143-35 du code de la santé publique ne dérogent pas à l’article R. 6143-38 du même code, qui s’applique sans préjudice des obligations de publication prévues par d’autres dispositions de ce même code. Enfin, la publication sur le site internet de l’établissement, si elle est désormais prévue par les dispositions de l’article R. 6143-38 du code de la santé publique dans sa rédaction en vigueur à partir du 23 août 2019, ne pouvait, à la date d’édiction de l’acte en litige, suppléer à l’affichage tel qu’il était alors règlementairement exigé.

6. Dans ces conditions, l’administration n’établissant pas l’effectivité d’une publication régulière de la décision n° 14-057 du 16 mai 2014 portant délégation de signature consentie au directeur des ressources humaines de l’établissement avant que celui-ci ne prenne la décision litigieuse du 18 mars 2015, le CHU de Poitiers n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 28 juin 2017, les premiers juges ont estimé que cette décision était entachée d’incompétence de son auteur et l’ont, pour ce motif d’ordre public, annulée.

Sur la légalité de la décision du 27 juillet 2017 prononçant le licenciement de Mme H… :

7. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été signée, pour le directeur général du CHU et par délégation, par Mme C… D…, directeur des ressources humaines de l’établissement hospitalo-universitaire. Si ce dernier a produit en première instance la décision n° 16-247 du 10 mars 2016 par laquelle le directeur général de l’établissement a donné délégation à Mme C… D… aux fins de signer, notamment, « toutes décisions relevant de la gestion du personnel non médical », il ne ressort pas des pièces du dossier et n’est pas davantage soutenu que cette décision a fait l’objet d’un affichage sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet et aisément consultables par les personnels et les usagers de l’hôpital. L’article 7 de cette décision mentionne d’ailleurs uniquement qu’elle « sera publiée par tout moyen la rendant consultable ». A cet égard, si le CHU atteste, par un certificat établi par sa directrice générale adjointe du 28 juillet 2017, que l’ensemble des décisions portant délégation de signature font l’objet d’une publication sur le « portail intranet » et sur le site « internet » de l’établissement, il résulte des dispositions précitées alors applicables de l’article R. 6143-38 du code de la santé publique, ainsi qu’il a été dit plus haut, que pour être exécutoires, les décisions portant délégation de signature, qui revêtent un caractère réglementaire, devaient faire l’objet d’un affichage dans les conditions rappelées aux points 3 et 5 du présent arrêt. Les dispositions également précitées de l’article D. 6143-35 du code de la santé publique ne dérogent pas à l’article R. 6143-38 du même code, qui s’applique sans préjudice des obligations de publication prévues par d’autres dispositions de ce même code. Enfin, et pour les mêmes motifs que précédemment, si la publication sur le site internet de l’établissement est désormais prévue par les dispositions de l’article R. 6143-38 du code de la santé publique dans sa rédaction entrée en vigueur à partir du 23 août 2019, elle ne pouvait, à la date d’édiction de l’acte en litige, suppléer à l’affichage tel qu’il était alors règlementairement exigé. Il suit de là que le directeur des ressources humaines du CHU de Poitiers n’était pas compétent pour signer la décision contestée.

8. Dans ces conditions, et ainsi que la cour l’a relevé d’office, l’administration n’établissant pas l’effectivité d’un affichage régulier de la décision n° 16-247 du 10 mai 2016 portant délégation de signature consentie au directeur des ressources humaines de l’établissement avant que celui-ci ne prenne la décision litigieuse du 27 juillet 2017, c’est à tort que les premiers juges ont estimé que le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte en litige devait être écarté. Dès lors, statuant par la voie de l’effet dévolutif, il y a lieu, pour la cour, sans qu’il besoin d’examiner les moyens de la requête, d’annuler compte tenu du motif d’ordre public qui vient d’être exposé tenant à l’incompétence du signataire de l’acte attaqué, la décision du 27 juillet 2017 par laquelle le directeur des ressources humaines du CHU de Poitiers a prononcé le licenciement de Mme H… et, par suite, le jugement du 3 avril 2019 qui n’a annulé cette décision qu’en tant qu’elle portait effet rétroactif.

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

9. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. (…) ».

10. Pour le motif d’ordre public précédemment indiqué tiré de l’incompétence de l’auteur des actes en litige, le présent arrêt, d’une part, confirme l’annulation prononcée par les premiers juges le 28 juin 2017 de la décision du 18 mars 2015 portant licenciement de Mme H… à compter du 21 mai 2015 et, d’autre part, annule la décision du 27 juillet 2017 par laquelle le CHU de Poitiers a prononcé à nouveau le licenciement de Mme H…. Dès lors que le CHU de Poitiers n’établit ni ne soutient avoir exécuté les mesures contenues dans le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 juin 2017, non plus d’ailleurs que celles contenues dans le jugement du 3 avril 2019, alors que l’appel des parties n’avait pas d’effet suspensif du caractère immédiatement exécutoire de ces jugements, il y a lieu d’enjoindre au CHU de Poitiers, qui ne peut prononcer de nouvelle mesure de licenciement à portée rétroactive, de réintégrer Mme H… en qualité d’agent sous contrat à durée indéterminée à compter du 21 mai 2015, avec toutes conséquences de droit et, notamment, de régulariser les cotisations sociales afférentes à sa période d’éviction, ceci dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les frais exposés par les parties à l’occasion des deux litiges :

11. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme H…, qui n’est pas la partie perdante dans ces deux instances, les frais que le CHU de Poitiers a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du CHU de Poitiers le paiement à Mme H… d’une somme globale de 3 000 euros sur ce même fondement.


DÉCIDE :


Article 1er : La requête du CHU de Poitiers, enregistrée sous le n° 17BX02738, est rejetée.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 avril 2019 et la décision du 27 juillet 2017 par laquelle le directeur des ressources humaines du CHU de Poitiers a prononcé le licenciement de Mme H… sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au CHU de Poitiers de réintégrer Mme H… en qualité d’agent sous contrat à durée indéterminée à compter du 21 mai 2015, avec toutes conséquences de droit, et de régulariser les cotisations sociales afférentes à sa période d’éviction, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le CHU de Poitiers versera à Mme H… une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme H… et les conclusions du centre hospitalier universitaire de Poitiers présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Poitiers et à Mme C… G…, épouse H….


Délibéré après l’audience du 17 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
M. Thierry A…, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 décembre 2019.


Le rapporteur,

Thierry A… Le président,

Catherine Girault

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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No 17BX02738, 19BX02241

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CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 30 décembre 2019, 17BX02738 19BX02241, Inédit au recueil Lebon