CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 16 décembre 2022, 22BX01093, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 3e ch. (formation à 3), 16 déc. 2022, n° 22BX01093
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 22BX01093
Importance : Inédit au recueil Lebon
Décision précédente : Tribunal administratif de Bordeaux, 2 mars 2022, N° 2106567
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000046752279

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C G a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler l’arrêté du 24 novembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit tout retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2106567 du 3 mars 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 15 avril 2022 et le 25 mai 2022, M. G, représenté par Me Saint-Martin, demande à la cour :

1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d’annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux du 3 mars 2022 ;

3°) d’annuler l’arrêté du 24 novembre 2021 de la préfète de la Gironde ;

4°) d’enjoindre à la préfète de la Gironde de réexaminer sa situation dans le délai de trente jours et de lui délivrer, dans l’attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de procéder sans délai à l’effacement de son inscription au fichier du système d’information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— l’arrêté contesté a été pris à l’issue d’une procédure irrégulière, en méconnaissance de son droit d’être entendu préalablement à l’adoption d’une mesure individuelle l’affectant défavorablement, garanti par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; ce vice de procédure l’a privé d’une garantie dès lors qu’il était en droit de prétendre à la régularisation de sa situation car il justifie de considérations humanitaires et exceptionnelles ;

— cet arrêté est entaché d’une insuffisance de motivation traduisant un défaut d’examen de sa situation personnelle ;

— l’arrêté contesté porte atteinte à l’intérêt supérieur de ses enfants et méconnaît les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

— il a été édicté en méconnaissance de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dès lors que l’attaque dont il a été la victime est avérée ; il reste handicapé de la main gauche du fait de cette attaque ; le préfet n’a pas pris en compte la situation de sa fille B, car tout renvoi au Nigéria ou en Sierra Léone, pays dont est originaire la mère, exposerait sa fille à un risque d’excision, pays où cette pratique est courante ; la mère d’Excel a été elle-même victime d’excision de type 1 ;

—  l’arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, dès lors qu’il a reconstruit sa vie en France, auprès de sa compagne, Mme F, ressortissante sierra léonaise, avec laquelle il a deux enfants mineurs, nés le 2 février 2019 et le 21 juillet 2021 ; son fils cadet souffre de problèmes de santé nécessitant un suivi médical ;

— il est entaché d’erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête de M. G, en s’en remettant expressément à ses écritures de première instance.

M. G a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

—  la convention relative aux droits de l’enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme A E a été entendu au cours de l’audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. G, ressortissant de nationalité nigériane né le 18 décembre 1992, a déclaré être entré en France le 27 janvier 2017. Il a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français par un arrêté de la préfète de la Gironde du 20 juillet 2020 à la suite du rejet de sa demande d’asile, contre lequel a été formé un recours rejeté par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 décembre 2020, devenu définitif. Sa demande de réexamen de sa demande d’asile a été rejetée par décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides du 17 mai 2021. Par un arrêté du 24 novembre 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour au titre de l’asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. G relève appel du jugement du 3 mars 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « Dans les cas d’urgence, sous réserve de l’appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d’office, l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d’aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ».

3. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du bureau d’aide juridictionnelle du 19 mai 2022, M. G a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale. Par suite, les conclusions tendant à ce que soit prononcée l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle du requérant sont devenues sans objet. Il n’y a plus lieu d’y statuer.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

4. En premier lieu, M. G reprend en appel les moyens déjà soulevés en première instance tirés du caractère insuffisamment motivé de l’arrêté contesté au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration et du défaut d’examen réel et sérieux de sa situation personnelle et familiale. Il ne se prévaut devant la cour d’aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l’argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d’écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

5. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : « Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union » ; qu’aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / – le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; () ". Une atteinte au droit d’être entendu n’est susceptible d’affecter la régularité de la procédure à l’issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision. Le requérant, qui se borne à soutenir que son droit d’être entendu a été méconnu, ne précise pas en quoi il disposait d’informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu’il a été empêché de porter à la connaissance de l’administration avant que ne soit prise la décision contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à cette décision. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait l’article 41 de la Charte de l’Union européenne et le principe général des droits de la défense qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l’Union européenne, ne peut qu’être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ».

7. M. G fait valoir qu’il est entré en France depuis cinq ans, qu’il y a rencontré sa compagne, ressortissante sierra-léonaise, avec laquelle il a deux enfants nés le 2 février 2019 et le 21 juillet 2021, que son fils D souffre de bronchiolite dont le suivi nécessite sa présence en France, et qu’il n’entretient plus aucun lien dans son pays d’origine. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. G est entré irrégulièrement en France et n’a été autorisé à y séjourner que le temps de l’examen de sa demande d’asile qui a été définitivement rejetée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides le 17 mai 2021 et qu’il s’y est maintenu irrégulièrement en dépit d’une mesure d’éloignement prise à son encontre. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l’état de santé de son fils D nécessiterait sa présence en France. Enfin, s’il soutient qu’il ne peut retourner dans son pays d’origine, le Nigéria, sans crainte pour sa sécurité et celle de sa famille en raison de menaces qui pèsent sur lui, ainsi qu’en raison des risques d’excision auquel serait exposée sa fille, il ne produit toutefois aucun élément de nature à établir qu’ils encourraient de tels risques, nonobstant la circonstance que, le 21 janvier 2022, une demande d’asile a été déposée par la mère au nom de sa fille. Surtout, si le requérant produit en appel le témoignage non circonstancié qu’il serait hébergé depuis mai 2021 par la mère de ses enfants, et une attestation non signée sensée émaner de la directrice d’un multi-accueil périscolaire indiquant que les deux parents y accompagnent leurs enfants, toutefois, outre qu’à la date de l’arrêté contesté, M. G avait déclaré être hébergé dans une structure d’accueil pour demandeurs d’asile, ces seuls éléments ne sont pas de nature à démontrer qu’il prendrait effectivement en charge l’entretien et l’éducation de ses enfants, qui vivent avec leur mère. Il ne fait valoir par ailleurs aucune insertion particulière dans la société française. Dès lors, l’arrêté du 24 novembre 2021 contesté n’a pas été pris en méconnaissance des stipulations précitées de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et n’est pas davantage entaché d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l’intéressé.

8. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait d’institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Il résulte de ces stipulations que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, l’autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. M. G soutient que l’arrêté contesté aurait pour effet de le séparer de ses enfants, compte tenu de la nationalité sierra-léonaise de leur mère, et que l’intérêt supérieur de sa fille serait méconnu en cas de retour au Nigéria ou en Sierra Léone, compte tenu du risque pour elle de subir une excision. Toutefois, ainsi qu’il a été dit au point 7, il n’est pas démontré que le requérant participe effectivement à l’entretien et à l’éducation de ses enfants, qui vivent avec leur mère. Il s’ensuit que le moyen tiré de ce que l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant aurait été méconnu doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l’article L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « () Un étranger ne peut être éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu’il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ». Aux termes de l’article 3 de cette convention : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ».

11. M. G explique qu’un retour dans son pays d’origine exposerait sa fille, née en France, à un risque d’excision. Toutefois, la demande d’asile du requérant a été définitivement rejetée. S’il établit en appel que la demande d’asile présentée pour sa fille est actuellement pendante devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, cette demande, enregistrée le 21 janvier 2022, est postérieure à l’arrêté contesté. S’il fait état du risque de prévalence des mutilations génitales féminines qui varient entre 25 % et 75 % chez les femmes respectivement au Nigéria et en Sierra Léone, et que la mère de ses enfants a subi une excision de type 1, cette dernière, qui réside en France de manière irrégulière et qui s’est maintenue en dépit d’une mesure d’éloignement prise à son encontre le 4 juillet 2011, a vu sa demande d’asile rejetée par une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 mai 2009, confirmée par la Cour nationale du droit d’asile le 31 janvier 2011, et a également fait l’objet d’un refus de titre de séjour et d’une obligation de quitter le territoire français le 14 septembre 2021. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l’article L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. G n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte et celles tendant à l’application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, ne peuvent qu’être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. G tendant au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. G est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C G et au ministre de l’intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l’audience du 6 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 décembre 2022.

La rapporteure,

Agnès ELe président,

Didier ARTUSLa greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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