CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 31 décembre 2021, 21MA00481

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Un ressortissant étranger qui justifie avoir déposé plainte contre la personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre des faits relevant de l’article 225-4-1 du code pénal a droit à la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale »….Cas d’un demandeur de titre de séjour ayant déposé une plainte dirigée contre des ressortissants étrangers et concernant des faits exclusivement commis hors du territoire de la République….Dans ce cas, la loi pénale française ne s’appliquant pas aux faits dont l’intéressé se plaint, il ne peut dès lors pas être regardé comme accusant une personne d’avoir commis à son encontre l’infraction prévue à l’article 225-4-1 du code pénal. Il ne remplit par conséquent pas les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire prévue à l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile alors en vigueur, aujourd’hui repris en substance à l’article L. 425-1.

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 2e ch., 31 déc. 2021, n° 21MA00481
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 21MA00481
Importance : Intérêt jurisprudentiel signalé
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Marseille, 2 février 2021
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044890408

Sur les parties

Texte intégral

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

 – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – le code pénal ;

 – le code de procédure pénale ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

La présidente de la cour a désigné Mme Massé-Degois, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus à l’audience publique :

— le rapport de M. Mahmouti,

 – et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La préfète des Alpes-de-Haute-Provence relève appel du jugement du 7 janvier 2021, tel que modifié par l’ordonnance n° 2007111 en rectification matérielle du 3 février 2021, par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l’arrêté du 5 août 2020 refusant à Mme A…, ressortissante nigériane, la délivrance d’un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination.

2. D’une part, aux termes de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction applicable au litige : « Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale « est délivrée à l’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l’article L. 313-2 n’est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. / En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident est délivrée de plein droit à l’étranger ayant déposé plainte ou témoigné. ».

3. Aux termes de l’article 225-4-1 du code pénal : " I. – La traite des êtres humains est le fait de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger ou de l’accueillir à des fins d’exploitation dans l’une des circonstances suivantes : 1° Soit avec l’emploi de menace, de contrainte, de violence ou de manœuvre dolosive visant la victime, sa famille ou une personne en relation habituelle avec la victime ; 2° Soit par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de cette personne ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ; 3° Soit par abus d’une situation de vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, apparente ou connue de son auteur ; 4° Soit en échange ou par l’octroi d’une rémunération ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage. / L’exploitation mentionnée au premier alinéa du présent I est le fait de mettre la victime à sa disposition ou à la disposition d’un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre la victime des infractions de proxénétisme, d’agression ou d’atteintes sexuelles, de réduction en esclavage, de soumission à du travail ou à des services forcés, de réduction en servitude, de prélèvement de l’un de ses organes, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre la victime à commettre tout crime ou délit. / La traite des êtres humains est punie de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende. / II. – La traite des êtres humains à l’égard d’un mineur est constituée même si elle n’est commise dans aucune des circonstances prévues aux 1° à 4° du I. / Elle est punie de dix ans d’emprisonnement et de 1 500 000 € d’amende. "

4. Il résulte de ces dispositions qu’un étranger qui justifie avoir déposé plainte contre la personne qu’il accuse d’avoir commis des faits relevant de l’article 225-4-1 cité au point précédent a droit à la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».

5. D’autre part, le code de procédure pénale prévoit, à ses articles 689 et suivants, que les auteurs d’infractions commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises soit lorsque la loi française est applicable, soit lorsqu’une convention internationale ou un acte pris en application du traité instituant les Communautés européennes donne compétence aux juridictions françaises pour connaître de l’infraction.

6. Aux termes de l’article 113-2 du code pénal : « La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République. (…) ». Les articles 113-6 et suivants de ce même code énumèrent les cas dans lesquels, par exception, la loi pénale française s’applique aux infractions commises hors du territoire de la République. A son article 225-4-8, il dispose : « Lorsque les infractions prévues aux articles 225-4-1 et 225-4-2 sont commises hors du territoire de la République par un Français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 et la seconde phrase de l’article 113-8 n’est pas applicable. ». La traite des êtres humains, réprimée par les articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ne figure pas parmi les exceptions limitativement énumérées aux articles 689-1 à 689-14, ni à celles énumérées aux articles 113-6 et suivants du code pénal.

7. En l’espèce, le 3 mai 2019, Mme A… a déposé plainte auprès des services de police de Digne-les-Bains contre des personnes qu’elle accuse d’avoir commis à son encontre des faits de traite des êtres humains. Il ressort des pièces du dossier que cette plainte concerne des faits exclusivement commis hors du territoire de la République et qu’elle est dirigée contre des ressortissants étrangers. La loi pénale française ne s’appliquait par conséquent pas aux faits dont se plaignait Mme A… et celle-ci ne pouvait dès lors pas être regardée comme accusant une personne d’avoir commis à son encontre l’infraction prévue à l’article 225-4-1 du code pénal. Au surplus il ressort des pièces du dossier que les services de police nationale ont, le 3 juillet 2019, au visa du parquet de Digne-les-Bains, transmis la procédure au CCPD de Vintimille, en Italie. Une telle transmission caractérise l’achèvement de la procédure pénale au sens des dispositions précitées de l’article L. 316-1. Par conséquent, la procédure pénale française était déjà achevée tant à la date du dépôt de la demande de titre de séjour de Mme A…, le 3 janvier 2020, qu’à la date de la décision attaquée, le 5 août suivant. Il suit de là qu’à la date du refus de séjour en litige, Mme A… ne remplissait pas les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire prévue à l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile alors en vigueur. La préfète des Alpes-de-Haute-Provence est ainsi fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué du 7 janvier 2021 rectifié par une ordonnance du 3 février 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé l’arrêté du 5 août 2020. Il y a lieu, dès lors, d’annuler le jugement n° 2007111 du 7 janvier 2021, tel que modifié par l’ordonnance n° 2007111 en rectification matérielle du 3 février 2021, du tribunal administratif de Marseille.

8. Il appartient toutefois à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par Mme A… devant le tribunal administratif de Marseille.

9. En premier lieu, l’arrêté contesté est signé par M. Amaury Decludt, secrétaire général de la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence, sous-préfet de l’arrondissement de Dignes-les-Bains, qui bénéficiait à cet effet d’une délégation de signature accordée par arrêté n° 2020-062-010 du préfet des Alpes de Haute-Provence du 2 mars 2020, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour. Le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’arrêté doit être écarté.

10. En second lieu, d’une part, il est constant que la demande d’asile de Mme A… a été rejetée tant par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d’asile ainsi que sa demande de réexamen comme en atteste le relevé de situation asile Télémofpra versé aux débats. En se bornant à se prévaloir de rapports généraux sur la situation des femmes nigérianes victimes de la traite des êtres humains, l’intéressée n’apporte aucun élément suffisant et individualisé de nature à établir qu’elle serait exposée à des risques graves ou des traitements inhumains en cas de retour dans son pays d’origine. D’autre part, Mme A… n’apporte pas davantage d’élément de nature à établir la réalité des risques encourus par sa fille en cas de retour au Nigéria du fait de la menace d’excision pesant sur celle-ci en se bornant à produire un certificat médical en date du 25 février 2020 attestant de sa propre excision. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 19 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent être écartés.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme A… n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 5 août 2020 par lequel le préfet des Alpes de Haute-Provence a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ni à obtenir une quelconque somme au titre des dispositions combinées des articles L. 761- 1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2007111 du 7 janvier 2021, tel que modifié par l’ordonnance n° 2007111 en rectification matérielle du 3 février 2021, du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A… devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B… A…, à Me Gilbert et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète des Alpes-de-Haute-Provence et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains.

Délibéré après l’audience du 17 décembre 2021 où siégeaient :

— Mme Massé-Degois, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative,

 – Mme Ciréfice, présidente-assesseure,

 – M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2021.

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N° 21MA00481

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