CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 30 décembre 2022, 20MA01340, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 7e ch. - formation à 3, 30 déc. 2022, n° 20MA01340
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 20MA01340
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Marseille, 21 janvier 2020, N° 1701528
Dispositif : Avant dire-droit
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000046888712

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association Agir pour la Crau, l’association Nature et citoyenneté Crau Camargue Alpilles et l’association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône ont demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 mars 2016 imposant des prescriptions complémentaires à la société CT LOG International pour l’exploitation de son entrepôt logistique dénommé S2 situé sur le territoire de la commune de Saint-Martin-de-Crau.

Par un jugement n° 1701528 du 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 mars 2020 et un mémoire enregistré le 23 novembre 2022, la société CT LOG International, représentée par Me Ladouari, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille et de rejeter la requête présentée par ces associations ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer jusqu’à ce qu’il soit procédé à la transmission d’un arrêté de régularisation, dans un délai qui ne pourra être inférieur à douze mois et de l’autoriser à titre provisoire à exploiter son entrepôt pendant cette période ;

3°) de mettre à la charge de chacune des associations la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— plusieurs mémoires produits devant le tribunal après la clôture de l’instruction comportaient des éléments nouveaux, ce qui aurait dû conduire à une réouverture de l’instruction ;

— le jugement est insuffisamment motivé ;

— le tribunal a écarté et ignoré à tort les nouvelles règles d’urbanisme opposables sur le secteur 15 qui étaient de nature à régulariser l’autorisation ;

— l’étude environnementale présente au dossier est suffisante ;

— il n’existe pas d’atteinte aux intérêts visés par l’article L. 511-1 du code de l’environnement ;

— il n’existe pas d’atteinte significative du projet quant aux objectifs de conservation des sites Natura 2000 ;

— la zone nodale tend progressivement à disparaître ;

— il n’était pas nécessaire d’obtenir une dérogation au régime de protection des espèces protégées ; en tout état de cause, un tel vice est susceptible d’être régularisé.

Par des mémoires enregistrés les 6 mai et le 14 novembre 2022, l’association Agir pour la Crau, l’association Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles et l’association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, représentées par Me Victoria, concluent au rejet de la requête de la société CT LOG International et demandent à la Cour de mettre à la charge de la société CT LOG International le versement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

— les moyens soulevés par la société CT LOG International ne sont pas fondés ;

— l’avis émis par l’autorité environnementale est irrégulier ;

— l’arrêté en litige n’est assorti d’aucune dérogation au régime de protection des espèces protégées au titre de l’article L. 411-2 du code de l’environnement ; une telle dérogation serait en tout état de cause illégale, ce qui s’oppose à toute possibilité de régularisation.

Par un mémoire enregistré le 9 mai 2022, la ministre de la transition écologique conclut à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille.

Elle soutient que :

— le tribunal n’a pas tenu compte des révisions apportées, le 27 juin 2019, au PLU de la commune de Saint-Martin-de-Crau ;

— en jugeant que le projet devait être regardé comme portant aux intérêts protégés par l’article L. 511-1 du code de l’environnement des atteintes qu’aucune prescription additionnelle ne permettrait d’éviter, sans préciser la teneur de ces atteintes, ni caractériser en quoi les prescriptions prévues par les arrêtés pris sur le fondement de l’article L. 411-2 du même code, complétées le cas échéant par des prescriptions supplémentaires, seraient insuffisantes pour les prévenir, le tribunal a commis une erreur de droit ;

— le préfet des Bouches-du-Rhône pouvait prendre en compte les engagements pris par la société pétitionnaire dans son dossier de demande d’autorisation pour apprécier les atteintes portées par le projet aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

— le code de l’environnement ;

— l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. B,

— les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

— et les observations de Me Daïmallah, représentant la société CT LOG International, et de Me Victoria, représentant les associations intimées.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté 2012-410 en date du 19 juin 2014, le préfet des Bouches-du-Rhône a autorisé la SCI Boussard Sud à exploiter deux entrepôts logistiques, dit S1 et S2, situés zone industrielle Bois de Leuze au lieu-dit A de Leuze, sur le territoire de la commune de Saint-Martin-de-Crau. En juin 2015, la SCI Boussard Sud a cédé l’exploitation du bâtiment S2 à la société CT LOG International. En conséquence, le préfet des Bouches-du-Rhône a pris deux nouveaux arrêtés, un arrêté 2016-8PC en date du 3 mars 2016 délivré à la société CT LOG International pour exploitation de l’entrepôt S2, à usage de stockage de matières, produits ou substances combustibles en entrepôts couverts d’une capacité maximale de 193 401 mètres cubes, et un arrêté 2016-7PC en date du 22 février 2016 délivré à la SCI Boussard Sud pour l’exploitation de l’entrepôt S1. A la demande des associations Agir pour la Crau, Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles (NACICCA) et France Nature Environnement Bouches-du-Rhône (FNE 13), par jugements du 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé les arrêtés du 19 juin 2014, 22 février 2016 et 3 mars 2016. La société CT LOG International relève appel du jugement n° 1701528 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l’arrêté 2016-8PC du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 3 mars 2016.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans l’intérêt d’une bonne justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l’instruction, qu’il dirige, lorsqu’il est saisi d’une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S’il décide d’en tenir compte, il rouvre l’instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu’il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d’irrégularité de sa décision.

3. En l’espèce, il résulte de l’instruction que les premiers juges n’ont pas communiqué un mémoire de la société CT LOG International, enregistré au greffe le 13 septembre 2019, soit plus de 4 mois avant le jugement du 22 janvier 2020, alors qu’il faisait état de la révision du plan local d’urbanisme de la commune de Saint-Martin de Crau. Cette circonstance étant susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire, la société CT LOG International est fondée à soutenir que le jugement contesté était irrégulier pour ce motif. Par suite, ce jugement doit être annulé.

4. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société CT LOG International devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

5. En premier lieu, il ressort des statuts versés au dossier que l’association Agir pour la Crau a pour objet : « La défense de l’environnement, du cadre de vie, de l’urbanisme, du patrimoine immobilier et économique et la protection des espaces naturels et agricoles de la Commune de Saint-Martin-de-Crau et des Communes limitrophes (Arles, Aureille, Eyguières, Fos-sur-Mer, Istres, Maussane, Miramas, Mouriès, Paradou et Salon-de-Provence). A cette fin, l’association peut recourir à toute action, y compris en justice, tendant à la réalisation de son objet social ou à la défense de ses membres. ». L’association Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles a pour but de « veiller, protéger, défendre et valoriser le patrimoine naturel et sa biodiversité des départements des Bouches-du-Rhône et du Gard, et des territoires marins au droit de ces départements, notamment dans le cadre d’atteintes irréversibles et de défendre la qualité de vie liée à l’environnement des habitants et usagers des départements des Bouches du-Rhône et du Gard. » Enfin, l’association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône s’est fixée comme buts de : « Protéger, conserver, restaurer et améliorer les espèces animales et végétales et d’une manière générale, agir dans les domaines de l’environnement et de la santé publique, de l’aménagement harmonieux et équilibré du territoire, des transports et de la mobilité durable, de l’urbanisme ». Il est par ailleurs ajouté qu’elle « exerce son action sur le Département des Bouches-du-Rhône ». L’exploitation de l’installation en litige, sur le territoire de la commune de Saint-Martin-de-Crau, dans le département des Bouches-du-Rhône, est susceptible de porter atteinte aux intérêts que ces associations sont conduites à défendre aux termes de leurs statuts. Dans ces conditions, ces associations justifient de leur intérêt à agir à l’encontre de l’arrêté contesté. Leurs demandes présentées devant le tribunal étaient, par suite, recevables.

6. En deuxième lieu, il ressort de l’article 9 des statuts de l’association FNE 13 que « Le président représente FNE Bouches-du-Rhône dans tous les actes de la vie civile. Il ordonne les dépenses. Il peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs à un autre membre du Conseil. Le Conseil d’Administration est compétent pour autoriser l’association à agir en justice et transiger, tant en défense qu’en demande. Il mandate à cette fin le président ou un administrateur ou éventuellement un avocat. En cas d’urgence, le Bureau pourra décider après avis des membres du Conseil d’Administration consultés par tous moyens de communication, il en rend compte au prochain Conseil d’Administration ». Conformément à ces dispositions, le conseil d’administration a autorisé l’association à introduire un recours à l’encontre de l’arrêté en litige devant le tribunal, par une délibération du 21 mars 2017.

7. Il ressort également de l’article 9 des statuts de l’association Agir pour la Crau que « L’association est dirigée de façon collégiale par un Conseil d’Administration composé de 3 à 5 membres actifs de l’association, élus pour 2 ans par l’assemblée générale » et que l’article 11 des mêmes statuts prévoit que « Le conseil d’administration a compétence pour tous les actes d’administration de l’association et notamment : () Décider d’ester devant les juridictions et mandater à cette fin un représentant ou tout adhérent de l’association jouissant du plein exercice de ses droits civils. ». Par délibération en date du 30 août 2018, le conseil d’administration a autorisé l’association à introduire le présent recours.

8. Enfin, l’article 10 des statuts de l’association NACICCA prévoit que « L’association est dirigée par un Conseil d’Administration composé de 10 à 20 membres actifs de l’association, élus pour 2 ans par l’assemblée générale () Le conseil d’administration a compétence pour tous les actes d’administration de l’Association et notamment : () – décider d’ester devant les juridictions et mandater à cette fin un représentant ou tout adhérent de l’Association jouissant du plein exercice de ses droits civils. Le C.A. dispose de tous les pouvoirs pour gérer, diriger et administrer l’association en toutes circonstances, sous réserves des pouvoirs expressément et statutairement réservés à l’assemblée générale. Le C.A. est compétent pour engager toute action en justice au nom de l’association, de signer tout recours ou contrat en son nom et de la représenter à l’audience des juridictions saisies. ». Par délibération en date du 16 octobre 2018, le conseil d’administration de ladite association a autorisé l’association à introduire un recours contre l’arrêté contesté.

9. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir tiré du défaut de qualité pour agir des trois associations requérantes doit être rejetée.

10. En dernier lieu, l’arrêté préfectoral contesté, n° 2016-8PC, délivré à la société CT LOG International et autorisant l’exploitation du bâtiment S2, a été pris le 3 mars 2016, et a fait l’objet d’une publication suffisante et régulière, le 10 mars 2016, dans deux journaux diffusés dans le département. La demande de première instance a été enregistrée le 3 mars 2017, dans le délai de recours d’un an prévu par les dispositions l’article R. 514-3-1 du code de l’environnement dans sa version en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation litigieuse. Si les défendeurs soutiennent que le délai de recours à l’encontre de cet arrêté préfectoral aurait été réduit à quatre mois, du fait de l’entrée en vigueur à compter du 1er mars 2017 de la nouvelle rédaction dudit article R. 514-3-1 du code de l’environnement, soit, en l’espèce, un délai de recours s’achevant au plus tard le 10 juillet 2016, il ne résulte pas de la nouvelle rédaction des dispositions de l’article R. 514-3-1 du code de l’environnement en vigueur à compter du 1er mars 2017 qu’elles auraient une portée rétroactive et viseraient à priver les associations requérantes de leur droit au recours. La fin de non-recevoir tirée du caractère tardif de la requête doit être rejetée.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur le droit applicable et l’office du juge :

11. Les dispositions de l’ordonnance du 26 janvier 2017 susvisée relative à l’autorisation environnementale et codifiées aux articles L. 181-1 et suivants du code de l’environnement, instituent une autorisation environnementale dont l’objet est de permettre qu’une décision unique tienne lieu de plusieurs décisions auparavant distinctes dans les conditions qu’elles précisent.

12. L’article 15 de cette ordonnance précise les conditions d’entrée en vigueur de ces dispositions : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l’ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l’article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d’autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement, ou de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l’ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; () / Les dispositions du présent article sont précisées et, le cas échéant, complétées par décret en Conseil d’Etat ".

13. En vertu de l’article L. 181-17 du code de l’environnement, issu de l’article 1er de l’ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l’autorisation environnementale est soumise, comme l’autorisation unique l’était avant elle ainsi que les autres autorisations mentionnées au 1° de l’article 15 de cette même ordonnance, à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d’apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation et celui des règles de fond régissant l’installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d’urbanisme qui s’apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l’autorisation.

Sur la légalité de l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 mars 2016 :

14. En premier lieu, l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 a pour objet de garantir qu’une autorité compétente et objective en matière d’environnement soit en mesure de rendre un avis sur l’évaluation environnementale des projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l’interprétation de l’article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l’Union européenne par son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l’affaire C-474/10, il résulte clairement des dispositions de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l’entité administrative concernée dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.

15. Lorsque le préfet de région est l’autorité compétente pour autoriser le projet, en particulier lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, si la mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), définie par le décret n° 2015-1229 du 2 octobre 2015 et les articles R. 122-21 et R. 122-25 du code de l’environnement, peut être regardée comme disposant, à son égard, d’une autonomie réelle lui permettant de rendre un avis environnemental dans des conditions répondant aux exigences résultant de la directive, il n’en va pas de même des services placés sous son autorité hiérarchique, comme en particulier la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).

16. Les exigences de la directive, tenant à ce que l’entité administrative appelée à rendre l’avis environnemental sur le projet dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, ne peuvent être regardées comme satisfaites lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la DREAL et que l’avis environnemental émis par le préfet de région a été préparé par la même direction, à moins que l’avis n’ait été préparé, au sein de cette direction, par le service mentionné à l’article R. 122-21 du code de l’environnement qui a spécialement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales.

17. Il résulte de l’instruction que, d’une part, le projet en litige a été instruit pour le préfet des Bouches-du-Rhône par le service de l’unité interdépartementale des Bouches-du-Rhône de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement PACA et que, d’autre part, l’avis environnemental du 5 juillet 2013 émis par le préfet de région a été préparé par l’unité territoriale des Bouches-du-Rhône la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement PACA, subdivision de Martigues.

18. Dans ces conditions, cet avis n’a pas été rendu par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à l’égard de l’auteur de l’arrêté contesté. Par suite, les exigences découlant des dispositions précitées de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 ont été méconnues. Cet avis environnemental a été ainsi rendu dans des conditions irrégulières de nature à affecter la légalité de l’arrêté du 3 mars 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône.

19. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 512-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 26 janvier 2017, applicable en l’espèce : « Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1. / L’autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. ». Par ailleurs, aux termes de l’article L. 181-3 du même code, créé par la même ordonnance, dont les dispositions ont été rendues applicables aux autorisations d’exploiter délivrées avant son entrée en vigueur en vertu des dispositions de l’article 15 de l’ordonnance du 26 janvier 2017 : " I. – L’autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu’elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. / II. – L’autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu’elle comporte assurent également : / () 4° Le respect des conditions, fixées au 4° de l’article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l’autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation ; / () ".

20. Aux termes du I de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, « lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats », sont notamment interdites la destruction et la perturbation intentionnelle des espèces animales protégées, la destruction de végétaux protégés ainsi que la destruction, l’altération ou la dégradation de leurs habitats. Toutefois, le I de l’article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d’Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : () / c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ; () ".

21. Il résulte de ces dispositions qu’un projet d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

22. En l’espèce, des dérogations ont été accordées, pendant la durée des travaux d’aménagement des plates-formes logistiques, pour la destruction de plusieurs espèces protégées, l’Outarde canepetière et trois autres espèces d’oiseaux (l’œdicnème criard, le cochevis huppé et le bruant proyer), une espèce de mammifère (la pipistrelle pygmée) et une espèce de reptile (le lézard ocellé), valables jusqu’au 31 décembre 2015 n’étaient plus en vigueur à la date de l’arrêté contesté, soit le 3 mars 2016. Or, dès lors que l’exploitation du site d’implantation du projet entraînait nécessairement la destruction, l’altération et la dégradation d’habitats d’espèces protégées ainsi que la destruction et la perturbation intentionnelle de spécimens d’espèces animales protégées au titre de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, le préfet des Bouches-du-Rhône ne pouvait l’autoriser qu’à la condition que les dérogations à l’interdiction de destruction d’espèces animales non domestiques et de leurs habitats prévues à l’article L. 411-2 du code de l’environnement demeurent en vigueur. Par suite, la décision contestée est illégale en tant qu’elle n’incorpore pas de dérogation pour ces espèces.

23. Il résulte de ce qui précède qu’un tel motif ne vicie toutefois l’autorisation en litige qu’en tant qu’elle n’incorpore pas cette dérogation, qui est divisible du reste de l’autorisation et ne justifie donc pas son annulation dans son ensemble.

24. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 414-4 du code de l’environnement : « I. – Lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après » Evaluation des incidences Natura 2000 " : () 2° Les programmes ou projets d’activités, de travaux, d’aménagements, d’ouvrages ou d’installations ; (). ".

25. Les associations intimées soutiennent que l’étude environnementale relative à l’évaluation des incidences du projet sur le site Natura 2000 jointe au dossier de demande d’autorisation d’exploitation souffrirait d’insuffisances graves qui ont pu induire en erreur le préfet des Bouches-du-Rhône. Toutefois, l’étude d’impact comporte une évaluation des incidences sur le réseau Natura 2000. Cette étude, qui s’appuie sur l’état du site existant après réalisation des travaux sur le fondement des précédentes autorisations, relève que l’emprise du projet n’est pas situé dans le périmètre d’une zone Natura 2000, mais prend en compte plusieurs zones classées Natura 2000, situées à proximité, la zone spéciale de conservation (ZSC) « Crau sèche – Crau centrale » (FR9301595) partiellement contigüe à la zone d’emprise du projet, la zone de protection spéciale (ZPS) « Crau » (FR9310064), située à moins de 300 m du projet , la ZPS « Marais de la Vallée des Baux et marais d’Arles » (FR9301596), située à moins de 2 km du projet, enfin la ZPS « Marais entre Crau et grand Rhône » (FR9312001), située à plus de 1 km du projet. Cette évaluation des incidences sur le réseau Natura 2000 a été complétée par un additif, réalisé le 11 février 2013. Après analyse de l’état du site, prospections des habitats naturels, de la flore et de la faune, et évaluation des atteintes résiduelles sur les espèces présentes dans chaque site Natura 2000, l’étude retient que le projet ne génère pas d’incidence notable dommageables sur les espèces d’intérêt communautaire qui ont justifié la désignation de ces zones, sous réserve de l’application des mesures d’atténuation. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l’étude d’impact souffrirait d’insuffisances de nature à nuire à l’information du public s’agissant des incidences du projet sur les sites Natura 2000 concernés doit être écarté. Par ailleurs, il ne résulte pas de l’instruction que les autorisations délivrées seraient susceptibles de porter atteinte de façon notable à l’état de conservation de sites protégés par les dispositions de l’article L. 414-1 du code de l’environnement.

26. En quatrième lieu, si les associations intimées se plaignent de ce que les effets cumulés du projet avec les autres installations existantes n’auraient pas été suffisamment traités dans l’étude environnementale, il ressort toutefois de l’étude d’évaluation que les autres projets existants à la date de la délivrance de l’arrêté litigieux ont été cités et pris en compte dans l’évaluation des incidences, notamment un parc de neuf éoliennes, l’exploitation d’une carrière, la création passée et à venir de nombreux entrepôts, la création d’une plateforme logistique à l’Ouest de la zone d’emprise des éoliennes, une plantation de vergers en bordure Ouest de la zone d’étude et des infrastructures linéaires constituées sur routes nationales 568 à l’Ouest et 113 au Nord ainsi que la voie de chemin de fer située en bordure Nord du projet formant des obstacles nombreux aux espèces animales. Par suite, le moyen invoqué manque en fait.

27. En cinquième lieu, les associations soutiennent que l’arrêté du 3 mars 2016 serait entaché d’illégalité au motif que l’activité exercée dans le cadre de l’autorisation critiquée serait incompatible avec le caractère de zone nodale terrestre de la zone. Il résulte toutefois de l’instruction que le nouveau plan local d’urbanisme de la commune de Saint-Martin-de- Crau n’a pas interdit toute construction dans les zones nodales terrestres où, par ailleurs se trouvaient déjà depuis de nombreuses années des installations logistiques, des éoliennes, des carrières, des voies routières et ferrées, des aires de stationnement et des activités chimiques. Il résulte également de l’instruction, et notamment des cartes du document d’urbanisme que le terrain d’assiette de l’entrepôt de la société appelante n’est situé, ni dans la trame verte « à préserver », ni dans un corridor écologique ou agricole. Par suite, le moyen tiré de l’incompatibilité de l’activité autorisée avec le caractère de zone nodale terrestre du secteur concerné prévu par l’article 7 des dispositions générales du PLU doit être écarté.

28. En sixième lieu, les associations font valoir que la décision litigieuse ne contient aucune prescription visant à éviter, réduire ou compenser les impacts du projet sur le climat, tels que des objectifs de report modal vers le rail, alors que la réalisation du projet est susceptible de générer, directement ou indirectement, des émissions de gaz à effet de serre, notamment compte tenu du trafic routier induit par le projet. Or, d’une part, l’autorisation prévoit en ses articles 3.1.1 et suivants des prescriptions visant à prévenir et limiter la pollution atmosphérique, notamment par la mise en œuvre de technologies propres, l’obligation faite d’arrêter le moteur des véhicules au stationnement (article 3.2.5). D’autre part, le site se situe à proximité d’axes routiers et autoroutiers déjà très fréquentés. Il résulte également de l’instruction que le trafic et donc les émissions supplémentaires générés par le projet n’apparaissent pas significatifs, rapportés au trafic global de la zone.

29. En dernier lieu, aux termes de l’article L. 511-1 du code de l’environnement : « Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d’une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ». Par ailleurs, aux termes de l’article L. 181-3 du même code, créé par la même ordonnance, dont les dispositions ont été rendues applicables aux autorisations d’exploiter délivrées avant son entrée en vigueur en vertu des dispositions de l’article 15 de l’ordonnance du 26 janvier 2017 : « I. – L’autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu’elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. () ».

30. En l’espèce, dès lors que les conditions d’octroi de la dérogation délivrée au titre de l’article L. 411-2 du code de l’environnement contribuent à l’objectif de protection de la nature mentionné à son article L. 511 1 du même code, et en l’absence de délivrance d’une telle dérogation, la Cour n’est pas en mesure d’apprécier la conformité du projet à l’article L. 511-1 du code de l’environnement. Il y a dès lors lieu pour la Cour de réserver la réponse au moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, lequel demeure susceptible d’être écarté ou accueilli après l’éventuelle régularisation de l’autorisation en litige.

31. Il résulte de tout ce qui précède que l’arrêté en litige est entaché d’illégalité en raison seulement de l’irrégularité qui affecte l’avis de l’autorité environnementale et de l’absence de dérogation au régime de protection des espèces protégées.

Sur l’application des dispositions du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement :

32. Aux termes du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : 1° Qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demander à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité ; 2° Qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".

33.Les dispositions précitées du 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement permettent au juge, même pour la première fois en appel, lorsqu’il constate un vice qui entache la légalité de l’autorisation environnementale attaquée mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un jugement avant dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Cette faculté relève d’un pouvoir propre du juge qui n’est pas subordonné à la présentation de conclusion en ce sens. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l’intervention d’une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée. Un vice de procédure, dont l’existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l’illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d’autres modalités qu’il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.

34. D’une part, le vice affectant l’avis de l’autorité environnementale peut être régularisé par la consultation, s’agissant du projet présenté par la société CT LOG International, d’une autorité environnementale présentant les garanties d’impartialité requises. Pour que cette régularisation puisse être effectuée, ce nouvel avis devra être rendu dans les conditions définies aux articles R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du code de l’environnement, applicables à la date de l’émission de cet avis ou de la constatation de l’expiration du délai requis pour qu’il soit rendu, par la mission régionale de l’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable compétente pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

35. Lorsque ce nouvel avis aura été rendu, ou lorsqu’il sera constaté que la MRAE du CGEDD compétente pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur n’a pas émis d’observations dans le délai qui lui est imparti par les dispositions du code de l’environnement mentionnées au point précédent, ce nouvel avis ou l’information relative à l’absence d’observations émises par la MRAE sera mis en ligne sur un site internet suffisamment accessible et ayant une notoriété suffisante, tels que le site de la préfecture de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ou celui de la préfecture des Bouches-du-Rhône, de manière à ce qu’une information suffisante du public soit assurée et que celui-ci ait la possibilité, par des cadres définis et pouvant accepter un nombre suffisant de caractères, de présenter ses observations et propositions. L’accessibilité de cet avis implique également qu’il soit renvoyé à son contenu intégral par un lien hypertexte figurant sur la page d’accueil du site en cause.

36. Le préfet des Bouches-du-Rhône pourra alors décider de procéder à l’édiction d’un arrêté modificatif régularisant le vice initial lié à l’irrégularité retenue par la Cour. Le préfet pourra procéder de manière identique en cas d’absence d’observations de l’autorité environnementale émises dans le délai requis par les dispositions du code de l’environnement précitées.

37. Dans l’hypothèse où, à l’inverse, le nouvel avis émis par la MRAE diffèrerait substantiellement de celui qui a déjà été émis, une enquête publique complémentaire devra être organisée à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l’environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l’avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d’éventuels vices révélés par le nouvel avis. Au vu des résultats de cette nouvelle enquête organisée comme indiqué précédemment, le préfet des Bouches-du-Rhône pourra décider de procéder à l’édiction d’un arrêté modificatif.

38. Dans l’hypothèse où le préfet devrait organiser une simple procédure de consultation publique du nouvel avis émis par la MRAE avant de décider de prendre un arrêté de régularisation, il sera sursis à statuer sur la présente requête, pendant un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu’à ce que le préfet des Bouches-du-Rhône ait transmis à la Cour l’arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure.

39. Dans l’hypothèse où le préfet devrait organiser une nouvelle enquête publique, il sera sursis à statuer sur la présente requête, pendant un délai de douze mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu’à ce que le préfet des Bouches-du-Rhône ait transmis à la Cour l’arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure d’enquête publique.

40. D’autre part, l’absence de dérogation au régime de protection des espèces protégées prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement est également une irrégularité régularisable par la délivrance de cette autorisation par le préfet des Bouches-du-Rhône.

Sur l’éventuelle suspension de l’exécution de l’autorisation :

41. Aux termes du II de l’article L. 181-18 du code de l’environnement : « En cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l’autorisation environnementale, le juge détermine s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties de l’autorisation non viciées ».

42. Il résulte de ces dispositions que lorsque le juge prononce l’annulation d’une partie divisible de l’autorisation, il peut suspendre l’exécution des parties non annulées dans l’attente de la nouvelle décision que l’administration devra prendre sur la partie annulée. Il en résulte également, d’une part, que le juge qui sursoit à statuer pour permettre la régularisation de l’autorisation a la faculté de suspendre l’exécution de celle-ci et, d’autre part, que lorsque le vice qui motive le sursis ne concerne qu’une partie divisible de l’autorisation, cette faculté concerne à la fois cette partie et les parties non viciées. Par ailleurs, lorsqu’il prononce l’annulation, totale ou partielle, d’une autorisation environnementale, le juge de pleine juridiction des autorisations environnementales a toujours la faculté, au titre de son office, d’autoriser lui-même, à titre provisoire, et le cas échéant sous réserve de prescriptions complémentaires qu’il fixe lui-même et pour un délai qu’il détermine, la poursuite de l’exploitation, des activités ou des travaux en cause dans l’attente de la délivrance d’une nouvelle autorisation par l’autorité administrative. Les dispositions de l’article L. 181-18 du code de l’environnement n’ont ni pour objet ni pour effet de lui retirer ce pouvoir. Dans tous les cas, que ce soit pour suspendre l’exécution de l’autorisation attaquée ou pour délivrer une autorisation provisoire, il appartient au juge de prendre en compte, pour déterminer l’opportunité de telles mesures, l’ensemble des éléments de l’espèce, notamment la nature et la portée de l’illégalité en cause, les considérations d’ordre économique et social ou tout autre motif d’intérêt général pouvant justifier la poursuite de l’exploitation, des activités ou des travaux et l’atteinte éventuellement causée par ceux-ci aux intérêts mentionnés aux articles L. 181-3 et L. 181-4 du code l’environnement ou à d’autres intérêts publics et privés.

43. Dans les circonstances de l’espèce, eu égard aux considérations d’ordre économique et social, il n’y a pas lieu de faire usage de la faculté prévue par les dispositions précitées de suspendre l’exécution de l’autorisation délivrée à l’exploitant.

D É C I D E

Article 1er : Le jugement n° 1701528 du tribunal administratif de Marseille du 22 janvier 2020 est annulé.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête n° 20MA01340 jusqu’à ce que le préfet des Bouches-du-Rhône ait procédé, le cas échéant, à la transmission d’un arrêté de régularisation, édicté après le respect des différentes modalités définies aux points 34 à 40 du présent arrêt et jusqu’à l’expiration d’un délai de quatre ou douze mois selon que l’avis régulier de l’autorité environnementale nécessite ou non une enquête publique complémentaire.

Article 3 : Le préfet des Bouches-du-Rhône fournira à la Cour (greffe de la 7ème chambre), au fur et à mesure de leur accomplissement, les actes entrepris en vue de la régularisation prévue à l’article précédent.

Article 4 : Tous droits et conclusions des parties, sur lesquels il n’a pas été statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu’à la fin de l’instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société CT LOG International, à l’association Agir pour la Crau, à l’association Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles, à l’association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l’audience du 2 décembre 2022, où siégeaient :

— Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

— M. Prieto, premier conseiller,

— Mme Marchessaux, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 décembre 2022. fa

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CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 30 décembre 2022, 20MA01340, Inédit au recueil Lebon