CAA de NANCY, 2ème chambre, 31 décembre 2021, 21NC01319, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 2e ch., 31 déc. 2021, n° 21NC01319
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 21NC01319
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, 8 avril 2021, N° 2100720
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044861253

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D… A… a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’annuler d’une part, l’arrêté du 4 avril 2021 par lequel le préfet de l’Aube a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an et d’autre part, l’arrêté du même jour par lequel le préfet de l’Aube l’a assigné à résidence dans ce département pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2100720 du 9 avril 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ces deux arrêtés.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2021, le préfet de l’Aube demande à la cour d’annuler ce jugement du 9 avril 2021 en tant qu’il a fait droit à la demande d’annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an.

Il soutient que :

 – c’est à tort que les premiers juges ont considéré que le sous-préfet de Bar-sur-Aube n’avait pas compétence pour signer la mesure d’interdiction de retour sur le territoire français au motif qu’édictée le dimanche 4 avril 2021, elle n’était pas rendue nécessaire par une situation d’urgence ; cette mesure a été prise dans le cadre d’une procédure de retenue administrative qui est limité à vingt-quatre heures, conformément à l’article L. 611-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; lors de son audition du 4 avril 2021, M. A…, qui s’est déjà soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement prise à son encontre, a déclaré vouloir rester en France et ne pas partir vers son pays d’origine ;

 – la notification de cette mesure ne pouvait pas être reportée au-delà du temps de la retenue administrative afin de respecter l’article R. 511-3 du même code qui dispose qu’elle est notifiée par voie administrative ; il n’était donc pas possible d’attendre le lundi 5 avril 2021 et de lui notifier par voie postale l’arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français ;

La requête a été transmise à M. A… qui n’a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

 – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme Stenger a été entendu au cours de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. A…, ressortissant albanais né le 6 janvier 2001, est entré irrégulièrement en France en 2016. Sa demande d’asile a été rejetée par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 11 avril 2017, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) le 15 février 2018. Il a bénéficié le 12 avril 2019 d’un titre de séjour sur le fondement du 2 bis de l’article L. 313-11 du code de 1'entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile valable jusqu’au 21 mars 2020. La demande de renouvellement, déposée par l’intéressé le 9 janvier 2020, a été refusée par le préfet de 1'Aube par un arrêté du 13 février 2020, assorti d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, dont la légalité a été validée par un jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 21 septembre 2020. Le 3 avril 2021, M. A… a été interpellé pour non-respect du couvre-feu sanitaire et a été placé en retenue administrative. Constatant que ce dernier s’était soustrait à l’exécution de la mesure d’éloignement précitée et qu’il n’avait déposé aucune demande de titre de séjour depuis cette décision, le préfet de l’Aube a pris à son encontre, par deux arrêtés du 4 avril 2021, notifiés le jour même à l’intéressé, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an et une assignation à résidence dans le département pour une durée de six mois. Le préfet de l’Aube relève appel du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 avril 2021 en tant seulement qu’il a annulé l’arrêté du 4 avril 2021 portant interdiction de retour sur le territoire français pour incompétence de l’auteur de l’acte.

Sur le moyen d’annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article L. 611-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, alors applicable : « (…) L’étranger ne peut être retenu que pour le temps strictement exigé par l’examen de son droit de circulation ou de séjour et, le cas échéant, le prononcé et la notification des décisions administratives applicables. La retenue ne peut excéder vingt-quatre heures à compter du début du contrôle mentionné au premier alinéa du présent I. Le procureur de la République peut mettre fin à la retenue à tout moment. (…) ». Aux termes de l’article R. 511-3 du même code, alors en vigueur : « L’interdiction de retour sur le territoire français prononcée en application du sixième alinéa du III de l’article L. 511-1 est notifiée par voie administrative. ».

3. Il est constant que M. B… C…, sous-préfet de Bar-sur-Aube, bénéficie, par un arrêté du préfet de l’Aube du 1er octobre 2020, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de l’Aube, d’une délégation de signature. Aux termes de l’article 4 de cet arrêté, M. C… est compétent, pour l’ensemble du département, lorsqu’il assure le service de permanence, pour prendre toute mesure nécessitée par une situation d’urgence, notamment en matière de police des étrangers.

4. Il ressort des pièces du dossier que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français en litige a été édictée le dimanche 4 avril 2021 alors que M. A… faisait l’objet, suite à son interpellation le 3 avril 2021 à 23 heures 20, d’une procédure de retenue administrative, alors prévue par les dispositions de l’article L. 611-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Selon les termes de cet article, la retenue administrative ne peut excéder vingt-quatre heures à compter du contrôle, soit en l’espèce, une expiration de la retenue de l’intéressé le 4 avril 2021 à 23 heures 20. Or, comme le fait valoir le préfet de l’Aube dans ses écritures, lors de son audition du 4 avril 2021, M. A…, qui s’était déjà soustrait à l’exécution de la précédente mesure d’éloignement prise à son encontre le 13 février 2020, a déclaré vouloir rester en France et ne pas vouloir partir vers son pays d’origine. Dans ces conditions, et alors que la notification de cette décision ne pouvait lui être notifiée que par voie administrative, en application des dispositions de l’article R. 511-3 du code précité, c’est à bon droit que le sous-préfet de Bar-sur-Aube a signé l’arrêté en litige qui était nécessité par une situation d’urgence.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l’Aube est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions susmentionnées, motif retenu de ce que la mesure d’interdiction de retour sur le territoire français n’étant pas nécessitée par l’urgence, le sous-préfet de Bar-sur-Aube n’était pas compétent pour la signer. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens de la demande présentée par M. A… devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Sur les autres moyens relatifs à la légalité de l’arrêté du 4 avril 2021 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an :

6. En premier lieu, aux termes de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « III. ' L’autorité administrative, par une décision motivée, assortit l’obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français, d’une durée maximale de trois ans à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative ne prononce pas d’interdiction de retour. (…) /Lorsque l’étranger ne faisant pas l’objet d’une interdiction de retour s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l’autorité administrative prononce une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative ne prononce pas d’interdiction de retour. (…)/ La durée de l’interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l’interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l’autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (…) ».

7. Il incombe ainsi à l’autorité compétente qui prend une décision d’interdiction de retour d’indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l’étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l’intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l’étranger sur le territoire français, à la nature et à l’ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d’éloignement dont il a fait l’objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l’ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l’intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n’est pas tenue, à peine d’irrégularité, de le préciser expressément.

8. La décision en litige qui vise les dispositions précitées du III de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, indique notamment que M. A… est célibataire et sans enfant en France et se maintient sur le territoire français malgré une précédente mesure d’éloignement. Dans ces conditions, alors même qu’elle ne mentionne pas la durée de présence en France de l’intéressé, la décision contestée comporte l’ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée.

9. En deuxième lieu, l’absence de date sur l’arrêté attaqué, notifié le 4 avril 2021 à l’intéressé qui l’a signé, est sans incidence sur sa légalité. Par suite, le vice de forme allégué doit être écarté.

10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, particulièrement du procès-verbal du 4 avril 2021, rédigé à 11 heures 59, que M. A… a été informé que le préfet de l’Aube envisageait de prendre à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an et qu’il a été invité à faire part de ses observations. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de procédure contradictoire doit être écarté.

11. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que l’arrêté du 13 février 2020 par lequel le préfet de l’Aube a fait obligation à M. A… de quitter le territoire français a été notifié à ce dernier le 19 février 2020. Il n’est pas contesté que M. A… s’est soustrait à l’exécution de cet arrêté, dont la légalité avait été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 21 septembre 2020. Par suite, et conformément aux dispositions précitées du III de l’article L. 511-1 du code précité, le préfet de l’Aube pouvait légalement prendre à l’encontre de l’intéressé une mesure d’interdiction de retour sur le territoire français, nonobstant la circonstance qu’elle soit édictée plus d’un an après la décision d’éloignement du 13 février 2020.

12. En cinquième lieu, M. A… n’apporte aucun élément permettant de prouver que, comme il l’affirme, son père serait revenu en France depuis son éloignement en 2015. Il n’apporte pas non plus, par les pièces produites, des éléments suffisamment probants attestant de son insertion professionnelle dans la société française. Par suite, le requérant n’est pas fondé à soutenir qu’en mentionnant dans l’arrêté en litige que son père réside en Albanie alors qu’il vit en France et qu’il ne bénéficie pas d’une insertion professionnelle en France, le préfet de l’Aube a commis une erreur de fait. Par suite, ce moyen doit être écarté.

13. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l’Aube, pour prononcer la mesure litigieuse, s’est fondé sur la circonstance que M. A…, qui est célibataire et sans enfant, n’a pas déféré à une précédente mesure d’éloignement. En outre, l’intéressé, qui est entré sur le territoire français en 2016 à l’âge de 15 ans après une première entrée sur le territoire français en 2012 avec sa famille avant d’être éloigné vers l’Albanie en 2015, s’est maintenu de manière irrégulière sur le territoire français. Par ailleurs, comme le relève le préfet dans la décision attaquée, les membres de la famille du requérant présents en France ont vocation à être également éloignés vers l’Albanie. Il résulte de ces éléments que le préfet de l’Aube n’a pas, en prononçant à l’encontre de M. A… une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an, commis d’erreur de droit et d’erreur d’appréciation au regard des dispositions précitées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l’Aube est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé l’annulation de l’arrêté du 4 avril 2021 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an.


D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2100720 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 avril 2021 est annulé en tant qu’il a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an.

Article 2 : La demande de M. A… présentée sur ce point devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D… A… et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l’Aube.

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N°21NC01319

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