CAA de NANCY, 2ème chambre, 29 décembre 2023, 23NC01317, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 2e ch. - formation à 3, 29 déc. 2023, n° 23NC01317
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 23NC01317
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nancy, 16 avril 2023, N° 2301085
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 12 janvier 2024
Identifiant Légifrance : CETATEXT000048938623

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E B C a demandé au tribunal administratif de Nancy d’annuler l’arrêté du 10 avril 2023 par lequel le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2301085 du 17 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2023, M. B C, représenté par Me Manla Ahmad, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) d’annuler cet arrêté ;

3°) d’enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir et de prendre les mesures nécessaires à la mise à jour du système d’information Schengen, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

— la première juge n’a pas répondu aux moyens tirés de l’insuffisance de motivation et de défaut d’examen particulier de sa situation ;

— elle n’a pas répondu au moyen tiré d’une erreur de fait ;

Sur la légalité de l’obligation de quitter le territoire français :

— la décision en litige est entachée d’insuffisance de motivation et de défaut d’examen de sa situation personnelle ;

— elle est entachée d’erreurs de fait ;

— elle est entachée d’erreur de droit au regard du 5° de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité du refus de délai de départ volontaire :

— la décision en litige est illégale compte tenu de l’illégalité de l’obligation de quitter le territoire français ;

— la mention de ce qu’il n’est pas en mesure de présenter un document d’identité ou de voyage en cours de validité est entachée d’erreur de fait ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

— la décision en litige est illégale compte tenu de l’illégalité de l’obligation de quitter le territoire français ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est entachée d’erreur de droit et d’erreur manifeste d’appréciation ;

Sur la légalité de l’interdiction de retour sur le territoire français :

— la décision en litige est illégale compte tenu de l’illégalité de l’obligation de quitter le territoire français ;

— elle est entachée d’insuffisance de motivation et de défaut d’examen de sa situation personnelle ;

— elle est entachée d’erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La procédure a été communiquée au préfet de la Marne qui n’a pas produit de mémoire en défense.

M. B C été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme Brodier, première conseillère, a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B C, ressortissant brésilien né le 8 décembre 1990, serait entré sur le territoire français en 2004, à l’âge de 14 ans. Il a alors vécu pendant plusieurs années en Guyane française. En 2019, il a sollicité la délivrance d’un titre de séjour auprès du préfet de la Marne. En dépit d’un avis favorable de la commission du titre de séjour, celui-ci a, par un arrêté du 26 janvier 2021, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Les recours qu’il avait introduits contre cet arrêté ont été rejetés par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 26 juillet 2021 puis par un arrêt de cette cour du 30 novembre 2022. A la suite de son interpellation le 9 avril 2023 pour conduite en état d’ivresse, l’intéressé a fait l’objet d’un arrêté du préfet de la Marne du 10 avril 2023 lui faisant à nouveau obligation de quitter le territoire français, sans délai, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois. M. B C relève appel du jugement du 17 avril 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que, si la première juge a visé le moyen par lequel M. B C soutenait que la décision portant obligation de quitter le territoire français était entachée de défaut d’examen particulier de sa situation, elle n’y a pas répondu alors que ce moyen n’était pas inopérant. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que le défaut de réponse à ce moyen entache d’irrégularité le jugement dans cette mesure et à en demander l’annulation dans son intégralité.

3. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l’évocation, immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. B C devant le tribunal administratif de Nancy tendant à l’annulation de l’arrêté du 10 avril 2023.

Sur le moyen commun aux décisions en litige :

4. Par un arrêté du 4 avril 2022, le préfet de la Marne a donné délégation à Mme D A, sous-préfète d’Epernay, à l’effet de signer, pendant les permanences, toutes les décisions relatives à l’éloignement des étrangers. Il n’est pas contesté que Mme A assurait la permanence du week-end « de Pâques » incluant le lundi 10 avril 2023. Par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté en litige serait entaché de vice d’incompétence de son auteur doit être écarté comme manquant en fait.

Sur la légalité de l’obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, aux termes de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " L’autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu’il se trouve dans les cas suivants : () ; 5° Le comportement de l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l’ordre public ; () « . Aux termes de l’article L. 613-1 du même code : » La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée () ".

6. Il ressort de la décision en litige qu’elle vise les dispositions du 5° de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ainsi que le procès-verbal de l’audition de M. B C du 10 avril 2023, précise qu’il a été entendu pour des faits de conduite en état d’ivresse, conduite malgré une suspension de permis de conduire, outrages sur personne dépositaire de l’autorité publique, rébellion, refus de se soumettre aux analyses et examens en vue d’établir s’il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants et que l’étude de son dossier laisse apparaître qu’il a été condamné à cinq reprises pour un total de quarante-quatre mois d’emprisonnement pour des faits aussi graves que des faits violence ou importation non autorisée de stupéfiants et conclut que son comportement constitue une menace pour l’ordre public. L’arrêté en litige porte également la mention de ce que l’intéressé n’entre dans aucun cas de délivrance d’un titre de séjour de plein droit, qu’il ne peut pas se prévaloir d’une intégration significative en France et que la décision ne contrevient pas aux stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’obligation de quitter le territoire français comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, M. B C n’est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d’insuffisance de motivation.

7. En deuxième lieu, M. B C fait grief au préfet de ne pas avoir tenu compte de ce qu’il avait indiqué, lors de son audition, résider sur le territoire français depuis 2004 et y avoir ses attaches familiales, notamment sa mère en Guyane et sa sœur en métropole qu’il a rejointe en 2017. Il ressort toutefois de la motivation de la décision en litige, dont il a été dit qu’elle était suffisante, que le préfet de la Marne a procédé à l’examen particulier de la situation du requérant sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut d’examen doit être écarté.

8. En troisième lieu, d’une part, si M. B C soutient que sa famille réside en Guyane française et en métropole, cette circonstance n’entache pas d’erreur de fait la mention de la décision en litige tirée de ce qu’il n’est pas dépourvu de famille dans son pays d’origine. D’autre part, et contrairement à ce qu’il soutient, la circonstance qu’il réside sur le territoire français depuis 2004, où il a été scolarisé et a obtenu des diplômes, ne permet pas de considérer que la mention tirée de l’absence d’intégration significative en France serait dépourvue de matérialité. Par suite, le moyen tiré de ce que l’obligation de quitter le territoire français serait entachée d’erreurs de fait ne peut qu’être écarté.

9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B C a été condamné, par un jugement du tribunal correctionnel de Cayenne du 6 octobre 2015, à une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis pour des faits de violence aggravée par deux circonstances suivie d’incapacité n’excédant pas huit jours et de rébellion. Par deux jugements du 26 janvier 2017, le même tribunal l’a condamné d’une part à six mois d’emprisonnement, 300 euros d’amende et une suspension de son permis de conduire pendant un an pour des faits de refus d’obtempérer à une sommation de s’arrêter, mise en danger d’autrui par violation manifestement délibérée d’obligation réglementaire de sécurité ou de prudence et circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance et, d’autre part, à un an d’emprisonnement et interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant cinq ans pour des faits de violence avec usage ou menace d’une arme suivie d’incapacité n’excédant pas huit jours. Une quatrième condamnation a été prononcée à son encontre par un jugement du tribunal correctionnel de Créteil du 28 juin 2017 à une peine d’un an d’emprisonnement et 2 000 euros d’amende douanière pour des faits notamment d’acquisition, d’importation, de transport et de détention non autorisées de stupéfiants. Le tribunal correctionnel de Cayenne prononçait une cinquième condamnation à son encontre le 10 octobre 2017 à une peine de huit mois d’emprisonnement pour violence aggravée par deux circonstances suivie d’incapacité supérieure à huit jours. Contrairement à ce que le requérant soutient, alors même que le plus récent de ces faits remonte à juin 2017, la gravité et la répétition des délits pour lesquels il a été condamné établissent que son comportement constitue une menace pour l’ordre public. Il ressort d’ailleurs du procès-verbal de son audition du 10 avril 2023 qu’il a été placé en garde à vue pour conduite en état d’ivresse malgré une suspension de permis de conduire, outrage sur personnes dépositaires de l’autorité publique, rébellion et refus de se soumettre aux analyses et examens en vue d’établir s’il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants. Par suite, M. B C n’est pas fondé à soutenir qu’en lui faisant obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 5° de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet de la Marne aurait commis une erreur de droit.

10. En cinquième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

11. Il n’est pas contesté que M. B C, qui est entré sur le territoire français à l’âge de 14 ans, y résidait depuis 18 ans à la date de la décision attaquée, l’essentiel de son séjour s’étant déroulé en situation régulière dans le département de la Guyane où séjourne sa mère. Il ne justifie pas en revanche des conditions de son séjour en métropole où il était présent dès 2017 ainsi qu’en atteste sa condamnation par le tribunal correctionnel de Créteil. Si le préfet de la Marne reconnaissait, en janvier 2021, que ses attaches familiales étaient en France, et si la sœur de l’intéressé indique l’héberger depuis septembre 2020, ces éléments ne suffisent pas, compte tenu de la menace à l’ordre public que son comportement constitue, à considérer qu’en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Marne a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. En dernier lieu, et à supposer que M. B C soit isolé dans son pays d’origine, ce qu’il n’établit pas au demeurant, il ressort de ce qui a été dit au point précédent que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n’est pas, en dépit de la durée de son séjour en France, entachée d’erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité du refus de délai de départ volontaire :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B C n’est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire serait illégale compte tenu de l’illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

14. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 612-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " Par dérogation à l’article L. 612-1, l’autorité administrative peut refuser d’accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : [] 3° Il existe un risque que l’étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet « . Aux termes de l’article L. 612-3 du même code : » Le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : () ; 4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ; () ; 8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".

15. Il ressort de la décision de refus de délai de départ volontaire que le risque que M. B C se soustraie à la mesure d’éloignement prise à son encontre a été considéré comme établi, sur le fondement des 4°, 5° et 8° de l’article L. 612-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, compte tenu d’une part, de ce qu’il avait explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la mesure d’éloignement, d’autre part, de ce qu’il n’avait pas déféré à la précédente obligation de quitter le territoire français dont il avait fait l’objet et, enfin, de ce qu’il n’était pas en mesure de présenter un document d’identité ou de voyage en cours de validité. La décision en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d’une insuffisance de motivation ne peut qu’être écarté.

16. En troisième lieu, compte tenu de ce qui vient d’être dit, M. B C ne saurait utilement soutenir qu’il ne constitue pas une menace à l’ordre public, ce motif ne figurant pas parmi les motifs retenus par le préfet de la Marne pour refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.

17. En quatrième lieu, M. B C justifie avoir remis son passeport brésilien en cours de validité aux services de la préfecture de la Marne le 10 avril 2023. Le préfet ne pouvait dès lors pas lui opposer l’absence de présentation d’un document d’identité en cours de validité pour motiver la décision en litige sur le fondement du 8° de l’article L. 612-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

18. Toutefois, les motifs de la décision en litige tirés de ce que M. B C a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la mesure d’éloignement et de ce qu’il n’a pas déféré à la précédente obligation de quitter le territoire français dont il avait fait l’objet suffisent à caractériser le risque de fuite que représente l’intéressé. Le préfet de la Marne aurait pris la même décision à l’encontre du requérant s’il ne s’était pas fondé sur le motif, entaché d’erreur de fait, tiré de l’absence de garanties de représentation prévu au 8° de l’article L. 612-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précité. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Marne a fait une inexacte application des dispositions précitées doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

19. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B C n’est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale compte tenu de l’illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

20. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige qu’elle comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d’une insuffisance de motivation doit être écarté.

21. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

22. M. B C ne fait état d’aucune crainte en cas de retour dans son pays d’origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne peut qu’être écarté.

23. En quatrième lieu, si M. B C se prévaut de ses attaches personnelles et familiales en France, il ne justifie pas ne plus avoir de telles attaches dans son pays d’origine, où il a vécu jusque l’âge de 14 ans. A supposer même qu’il n’ait plus d’attaches avec le Brésil que par le seul lien de nationalité, cette circonstance ne permet pas d’établir, dans les conditions de l’espèce, que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

24. En dernier lieu, les moyens tirés de l’erreur de droit et de l’erreur manifeste d’appréciation dont serait entachée la décision en litige doivent, pour les mêmes motifs qu’énoncés précédemment, être écartés.

Sur l’interdiction de retour sur le territoire français :

25. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B C n’est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait illégale compte tenu de l’illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

26. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 612-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger, l’autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative n’édicte pas d’interdiction de retour. / () ». Aux termes de l’article L. 612-10 du même code : « Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l’autorité administrative tient compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / () ».

27. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français a été prise sur le fondement de l’article L. 612-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet de la Marne ayant préalablement refusé d’accorder à M. B C un délai de départ volontaire. Pour motiver la durée de trente-six mois de la mesure en litige, le préfet a tenu compte de l’absence d’intégration significative de l’intéressé en France, du fait qu’il s’était soustrait à une précédente mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que sa présence constitue sur le territoire français. Le préfet, qui n’a pas retenu les critères de la durée du séjour et de la nature et de l’intensité des liens sur le territoire, n’étaient pas tenus d’en faire état expressément. Par suite, M. B C n’est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d’insuffisance de motivation. Le moyen tiré d’un défaut d’examen de la situation de l’intéressé doit, pour les mêmes motifs, être écarté.

28. En troisième lieu, si M. B C se prévaut d’une durée de séjour de dix-huit années sur le territoire français et de la présence de sa mère en Guyane et de sa sœur en métropole, ces éléments ne suffisent pas à caractériser, compte tenu notamment de la menace à l’ordre public qu’il représente, des circonstances humanitaires justifiant que le préfet de la Marne n’adopte pas d’interdiction de retour sur le territoire français à son encontre. Par suite, le moyen tiré de l’erreur de droit dont serait entachée la décision en litige doit être écarté.

29. En quatrième lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment relativement à la menace pour l’ordre public que M. B C représente, et alors même que sa mère et sa sœur résident sur le territoire français, le préfet de la Marne n’a pas fait une inexacte application des dispositions de l’article L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois.

30. En dernier lieu, la circonstance que M. B C n’aurait pas de perspective de poursuite de sa vie privée et familiale au Brésil est sans incidence sur la décision de lui faire interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois. Par ailleurs et, pour les mêmes motifs qu’énoncés précédemment, la décision en litige n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur la situation de l’intéressé.

31. Il résulte de tout ce qui précède que M. B C est seulement fondé à demander l’annulation du jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy du 17 avril 2023. Le surplus des conclusions de sa requête doit être rejeté, y compris les conclusions à fin d’injonction et, dans les circonstances de l’espèce, celles tendant à l’application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy du 17 avril 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B C tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de la Marne du 10 avril 2023 est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E B C, à Me Manla Ahmad et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l’audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

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