Cour administrative d'appel de Nantes, 20 décembre 2013, n° 11NT02083

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 20 déc. 2013, n° 11NT02083
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 11NT02083
Sur renvoi de : Conseil d'État, 18 juillet 2011, N° 308544

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE NANTES

N° 11NT02083


COMMUNE DE TRELAZE

_____________

Mme Aubert

Rapporteur

_____________

M. Gauthier

Rapporteur public

_____________

Audience du 2 décembre 2013

Lecture du 20 décembre 2013

_____________

C

RÉpublique française

AU NOM DU PEUPLE français

La Cour administrative d’appel de Nantes

(4e chambre)

Vu la décision n° 308544 du 19 juillet 2011, enregistrée au greffe de la cour le 28 juillet 2011, par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux, saisi d’un pourvoi présenté par la commune de Trélazé, a annulé l’arrêt n° 0501941 du 24 avril 2007 par lequel la cour a rejeté l’appel formé contre le jugement du 7 octobre 2005 du tribunal administratif de Nantes annulant, à la demande de M. Michel Godicheau, les délibérations n° 6, 7 et 8 du 15 octobre 2002 par lesquelles le conseil municipal a décidé l’acquisition et la restauration d’un orgue pour l’installer dans l’église communale Saint-Pierre et la délibération du 29 octobre 2002 par laquelle le conseil municipal a autorisé le maire à signer l’acte d’acquisition de cet orgue ;

Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2005, présentée pour la commune de TrélazéX, représentée par son maire en exercice, par Me Denis ; la commune de Trélazé demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 7 octobre 2005 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. Michel Godicheau, les délibérations n° 6, 7 et 8 du 15 octobre 2002 par lesquelles le conseil municipal a décidé l’acquisition et la restauration d’un orgue pour l’installer dans l’église communale Saint-Pierre et la délibération du 29 octobre 2002 par laquelle le conseil municipal a autorisé le maire à signer l’acte d’acquisition de cet orgue ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Godicheau ;

3°) de mettre à la charge de M. Godicheau la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

— l’orgue dont elle a fait l’acquisition n’a pas vocation à être utilisé dans le cadre de

cérémonies religieuses mais seulement pour des manifestations culturelles ;

— il constitue un meuble pouvant être déplacé et ne deviendra pas un immeuble par destination ;

— elle détient la clef permettant d’y accéder et a ainsi connaissance de l’utilisation qui en est faite ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2006, présenté pour M. Godicheau, par Me Guyon, qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de la commune le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

— ayant été placé dans un immeuble affecté au culte, l’orgue est un bien dont l’usage est réglé par l’autorité religieuse ;

— n’ayant pas vocation à être fréquemment déplacé, il deviendra un immeuble par destination ;

— s’il est prévu de l’utiliser dans le cadre de manifestations culturelles, son installation a donné lieu à une inauguration à laquelle l’évêque d’Angers a participé ; son utilisation liturgique est sans doute effective ;

— des édifices cultuels situés sur le territoire de la commune appartenant à d’autres communautés religieuses n’ont pas bénéficié d’un tel équipement ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 7 janvier 2013, présenté pour la commune de Trélazé, qui demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 7 octobre 2005 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. Michel Godicheau, les délibérations n° 6, 7 et 8 du 15 octobre 2002 par lesquelles le conseil municipal a décidé l’acquisition et la restauration d’un orgue pour l’installer dans l’église communale Saint-Pierre et la délibération du 29 octobre 2002 par laquelle le conseil municipal a autorisé le maire à signer l’acte d’acquisition de cet orgue ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Godicheau ;

3°) de mettre à la charge de M. Godicheau la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle ajoute qu’à la suite de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat, une convention a formalisé les engagements pris avec la paroisse ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 novembre 2013, présenté pour M. Godicheau, par Me Guyon ; M. Godicheau demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Trélazé ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Trélazé la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

— aucune convention relative à l’utilisation de l’orgue n’avait été conclue à la date des délibérations contestées ;

— la convention signée le 2 novembre 2012 entre le maire de la commune et le curé de la paroisse est entachée d’irrégularités ;

— la convention prévoit la possibilité d’une utilisation religieuse de l’orgue que la commune n’avait pas envisagée lorsque l’instrument a été installé dans l’église ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ;

Vu la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 décembre 2013 :

— le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;

— les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

— les observations de Me Le Taillanter, avocat de la commune de Trélazé ;

— et les observations de Me Guyon, avocat de M. Godicheau ;

1. Considérant que, par trois délibérations de son conseil municipal du 15 octobre 2002, la commune de Trélazé a décidé d’acquérir et de faire restaurer un orgue en vue de l’installer dans l’église Saint-Pierre, dont elle est propriétaire, puis a, par une délibération du 29 octobre 2002, autorisé son maire à signer l’acte d’acquisition de l’instrument ; que, par un jugement du 7 octobre 2005, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. Godicheau, contribuable de la commune, ces quatre délibérations ; que, par un arrêt du 24 avril 2007, la cour de céans a rejeté le recours formé par la commune de Trélazé à l’encontre du jugement ; que par la décision n° 308544 du 19 juillet 2011, le Conseil d’Etat statuant au contentieux, saisi d’un pourvoi présenté par la commune, a annulé l’arrêt de la cour du 24 avril 2007 ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public » ; qu’aux termes de l’article 2 de la même loi : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes (…). » ; qu’aux termes de l’article 13 de cette même loi : « Les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II. (…) L’Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi. » ; qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 19 de la même loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice du culte « ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques. » ; qu’enfin, aux termes du premier alinéa de l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes : « A défaut d’associations cultuelles, les édifices affectés à l’exercice du culte, ainsi que les meubles les garnissant, continueront, sauf désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 décembre 1905, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion. » ;

3. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 que les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d’entretien et de conservation des édifices servant à l’exercice public d’un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l’Etat ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d’édifices cultuels et qu’il leur est interdit d’apporter une aide à l’exercice du culte ; que, par ailleurs, les dispositions de l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907 garantissent, même en l’absence d’associations cultuelles, un droit de jouissance exclusive, libre et gratuite des édifices cultuels qui appartiennent à des collectivités publiques, au profit des fidèles et des ministres du culte, ces derniers étant chargés de régler l’usage de ces édifices, de manière à assurer aux fidèles la pratique de leur religion ;

4. Considérant, toutefois, que ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu’une commune qui a acquis, afin notamment de développer l’enseignement artistique et d’organiser des manifestations culturelles dans un but d’intérêt public communal, un orgue ou tout autre objet comparable, convienne avec l’affectataire d’un édifice cultuel dont elle est propriétaire ou, lorsque l’édifice n’est pas dans son patrimoine, avec son propriétaire, que cet orgue sera installé dans cet édifice et y sera utilisé par elle dans le cadre de sa politique culturelle et éducative et, le cas échéant, par le desservant, pour accompagner l’exercice du culte ; qu’à cette fin, il y a lieu que des engagements soient pris afin de garantir une utilisation de l’orgue par la commune conforme à ses besoins et une participation de l’affectataire ou du propriétaire de l’édifice, dont le montant soit proportionné à l’utilisation qu’il pourra faire de l’orgue afin d’exclure toute libéralité et, par suite, toute aide au culte ; que ces engagements qui peuvent notamment prendre la forme d’une convention peuvent également comporter des dispositions sur leur actualisation ou leur révision, sur les modalités de règlements d’éventuels différends ainsi que sur les conditions dans lesquelles il peut être mis un terme à leur exécution et, le cas échéant, à l’installation de l’orgue à l’intérieur de l’édifice cultuel ;

5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’orgue a été acquis par la commune de Trélazé afin de développer l’enseignement artistique dispensé par son école intercommunale de musique et d’organiser des concerts de musique classique ou contemporaine, notamment dans le cadre de festivals, et qu’il a été installé dans l’église Saint-Pierre avec l’accord de la paroisse ; que si la convention stipulant le versement d’une participation annuelle de cent euros en contrepartie de l’utilisation de l’instrument à des fins liturgiques ou cultuelles n’a été signée qu’en novembre 2012, il ressort du dossier qu’un accord verbal sur l’installation et l’utilisation de l’instrument existait avant d’être formalisé dans la convention précitée ; que M. Godicheau n’apporte aucun élément de nature à établir qu’au cours des huit années qui se sont écoulées entre l’inauguration de l’orgue, le 11 septembre 2004, et la signature de la convention, l’instrument a été utilisé à l’initiative de l’affectataire dans le cadre de cérémonies religieuses, alors qu’il n’est pas contesté que la paroisse ne dispose pas d’un organiste ; que, dans ces conditions, son installation dans l’église ne constitue pas une libéralité, ni par suite une aide au culte contraire en tant que telle aux dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de Trélazé est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Nantes s’est fondé sur la méconnaissance de la loi du 9 décembre 1905 pour annuler les trois délibérations du 15 octobre 2002 et la délibération du 29 octobre 2002 ;

7. Considérant toutefois qu’il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens invoqués par M. Godicheau tant en première instance qu’en appel ;

8. Considérant que les irrégularités invoquées de la convention signée en novembre 2012 sont sans incidence sur l’appréciation par le juge de l’affectation initiale de l’orgue ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point 4 que cette convention a pu légalement modifier les conditions d’utilisation de l’instrument en prévoyant la possibilité, à l’avenir, de l’utiliser ponctuellement à des fins liturgiques ou cultuelles en contrepartie du versement d’une participation annuelle de cent euros ;

9. Considérant que si M. Godicheau fait valoir qu’il existe sur le territoire de la commune des édifices cultuels appartenant à d’autres communautés religieuses qui n’ont pas bénéficié d’un traitement comparable, il n’apporte aucun élément de nature à établir que l’orgue aurait pu être placé dans un autre bâtiment, dans des conditions acoustiques équivalentes à celles que présente l’église Saint-Pierre ; que le moyen tiré de la rupture d’égalité de traitement entre les communautés religieuses doit, dès lors, être écarté ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune de Trélazé est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé les trois délibérations de son conseil municipal du 15 octobre 2002 et sa délibération du 29 octobre 2002 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Trélazé, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par M. Godicheau sur le fondement de ces dispositions ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de M. Godicheau la somme que la commune de Trélazé demande sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 octobre 2005 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Godicheau devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions des parties tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel Godicheau et à la commune de Trélazé.

Délibéré après l’audience du 2 décembre 2013 à laquelle siégeaient :

— M. Lainé, président de chambre,

— Mme Aubert, président-assesseur,

— M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2013.

Le rapporteur, Le président,

S. AUBERT L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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