Cour administrative d'appel de Nantes, 5e chambre, 26 mai 2021, n° 20NT00665

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 5e ch., 26 mai 2021, n° 20NT00665
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 20NT00665
Dispositif : Rejet

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 février 2020, 16 décembre 2020, 25 janvier 2021 et 11 février 2021, la société Eoliennes des Vaslins, représentée par Me Gelas, demande à la cour :

1°) d’annuler l’arrêté du 23 décembre 2019 par lequel le préfet du Cher a refusé de lui délivrer une autorisation unique en vue de la construction et l’exploitation d’un parc composé de cinq éoliennes et de deux postes de livraison, situé sur le territoire de la commune de Venesmes ;

2°) à titre principal, d’accorder l’autorisation sollicitée en l’assortissant, en tant que de besoin, de prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement ;

3°) à titre subsidiaire, d’enjoindre au préfet du Cher, sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer l’autorisation sollicitée dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— l’intervention de l’association « Avenir Venesmes Environnement » n’est pas recevable, dès lors qu’elle ne justifie pas d’un intérêt à intervenir ;

— il n’est pas justifié de la compétence du signataire de la décision contestée ;

— l’arrêté contesté est entaché d’erreur d’appréciation au regard des articles R. 111-27 du code de l’urbanisme et L. 511-1 du code de l’environnement ; le projet s’insère dans un paysage dépourvu d’intérêt et ne porte aucune atteinte significative aux sites et aux paysages environnants ; la circonstance que les éoliennes soient visibles depuis un ou plusieurs monuments historiques, ou entreraient en covisibilité avec eux, n’est pas de nature à établir une atteinte à ces monuments ; le projet ne porte pas atteinte à la conservation ou à la perception du château de Châteauneuf-sur-Cher, de la basilique Notre-Dame-des-Enfants, de la maison de Varennes, de l’église Saint-Pierre de Venesmes, ou du château des Vaslins.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu’aucun des moyens soulevés par la société Eoliennes des Vaslins n’est fondé.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 30 avril 2020, 1er décembre 2020, 6 janvier 2021 et 22 mars 2021 (non communiqué), l’association Avenir Venesmes Environnement, représentée par Me Bonamy, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu’elle est recevable à intervenir et qu’aucun des moyens soulevés par la société Eoliennes des Vaslins n’est fondé.

Un mémoire en défense a été déposé par la ministre de la transition écologique le 23 mars 2021, postérieurement à la clôture de l’instruction ordonnée le 22 mars 2021, et n’a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’environnement ;

— l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

— l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

— le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Frank,

— les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

— et les observations de Me Gelas, représentant la société Eoliennes des Vaslins, et de Me Monamy, représentant l’association Avenir Venesmes Environnement.

Une note en délibéré présentée pour la société Eoliennes des Vaslins a été enregistrée le 5 mai 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Le 9 décembre 2016, la société Eoliennes des Vaslins a déposé auprès du préfet du Cher une demande d’autorisation unique portant sur la construction et l’exploitation d’un parc éolien composé de cinq éoliennes et de deux postes de livraison, sur le territoire de la commune de Venesmes. Cette demande a été complétée le 19 juillet 2017 et le 26 février 2019. Par un arrêté du 23 décembre 2019, le préfet du Cher a rejeté sa demande. La société Eoliennes des Vaslins demande à la cour d’annuler cet arrêté.

Sur l’intervention de l’association Avenir Venesmes Environnement :

2. Il résulte de l’instruction que l’association Avenir Venesmes Environnement, dont le champ d’action géographique couvre le territoire des communes de Venesmes, Châteauneuf-sur-Cher et Montlouis, ainsi que le territoire des communes limitrophes, a pour objet « la défense de l’environnement dans tous ses aspects, notamment aux plans de l’urbanisme, de l’architecture et de la protection des sites bâtis, naturels, des monuments historiques, de la faune et de la flore ». Eu égard, d’une part à son objet statutaire, son champ d’intervention géographique et aux missions qu’elle s’est assignée et, d’autre part, à la nature et la localisation du projet, l’association Avenir Venesmes Environnement justifie d’un intérêt à intervenir au soutien des conclusions de la ministre de la transition écologique tendant au rejet de la requête dirigée contre l’arrêté préfectoral du 23 décembre 2019. Son intervention est, dès lors, recevable.

Sur la légalité du refus d’autorisation :

En ce qui concerne la compétence :

3. Il ressort des pièces du dossier que par arrêté n°2019-104 du 12 février 2019, publié au recueil des actes administratifs du 14 février 2019, la préfète du Cher a donné à Mme Régine Leduc, secrétaire générale de la préfecture et signataire de la décision contestée, délégation à l’effet de signer notamment tous arrêtés, décisions, contrats et conventions, circulaires, rapports, mémoires, correspondances et saisine des juridictions relevant des attributions de l’Etat dans le département du Cher, a` l’exception des déclinatoires de compétences et arrêtés de conflit, des réquisitions de comptable public et des réquisitions de la force armée. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’arrêté attaqué doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne le bien-fondé du refus d’autorisation :

4. Aux termes de l’article L. 181-3 du code de l’environnement : « I. – L’autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu’elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 () ». Aux termes de l’article L. 511-1 du même code : « Sont soumis aux dispositions du présent titre (), les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. () ». Aux termes de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales. ». Il résulte de ces dispositions que lorsqu’il statue sur une demande d’autorisation d’exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement, il appartient au préfet de s’assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l’exigence de conservation des sites, des monuments ainsi que de protection des paysages, prévue par l’article L. 511-1 du code de l’environnement.

5. Pour refuser de délivrer l’autorisation unique sollicitée, le préfet du Cher s’est fondé sur la circonstance que les impacts visuels du projet sont de nature à porter atteinte à la conservation de plusieurs monuments, situés dans un rayon de moins de 5 km du projet, et que les mesures d’atténuation de ces impacts, proposées par la société pétitionnaire, sont insuffisantes.

6. Le projet prévoit l’installation et l’exploitation, sur le territoire de la commune de Venesmes, de cinq éoliennes, dont les pales peuvent atteindre une hauteur totale de 158 mètres, et de deux postes de livraison d’une puissance unitaire maximale de 2,75 mégawatts. L’implantation du parc éolien est envisagée au nord-ouest du centre bourg de la commune, à environ 5 km à l’ouest de la commune de Châteauneuf-sur-Cher. La vallée du Cher se situe à environ 2,5 km à l’est du projet. La commune de Venesmes est inscrite sur la liste des collectivités retenues dans la zone favorable au développement de l’énergie éolienne n°15 « Champagne Berrichonne de Boischaut méridional » du schéma régional éolien annexé au schéma régional « climat air énergies » de la région Centre-Val de Loire, approuvé par arrêté du 29 juin 2012. L’aire d’implantation se situe dans une zone agricole cultivée, sur un plateau assis à environ 170 mètres d’altitude offrant un panorama ouvert qui amplifie les impacts paysagers. Il ne résulte pas de l’instruction que le site du projet bénéficierait d’une quelconque protection en raison de son aspect pittoresque. Ce site, constitué de vastes plaines céréalières, doucement vallonnées et ponctuellement boisées, et composé de quelques fermes et hameaux, ne présente pas d’intérêt significatif.

7. Le projet se situe toutefois au sein d’une aire d’études rapprochée dont les enjeux faunistiques et floristiques sont faibles à forts. Des zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique, et des zones Natura 2000 sont ainsi recensées à proximité du site. Plusieurs immeubles inscrits au tire des monuments historiques, dont le château de Châteauneuf-sur-Cher, la basilique Notre-Dame-des-Enfants, la maison de Varennes et la collégiale Saint-Pierre, sont également situés à moins de 5 km du projet. Le château des Vaslins, « immeuble de caractère » ne faisant cependant pas l’objet d’une protection spécifique, est localisé à 950 mètres du site.

8. Il résulte de l’instruction, et notamment des photomontages produits par le pétitionnaire au sein du volet paysager de l’étude d’impact, que les éoliennes pourront être vues nettement depuis le château de Châteauneuf-sur-Cher, lieu d’exploitation touristique inscrit au titre des monuments historiques, ainsi que depuis ses jardins, sa terrasse et ses abords. Par ailleurs, depuis l’entrée est de la commune de Châteauneuf-sur-Cher, dans l’axe de la route départementale 14, la basilique Notre-Dame-des-Enfants entre dans le même champ de vision que plusieurs éoliennes, lesquelles se situent à 3,7 km du monument protégé. Egalement, l’étude paysagère du projet et ses photomontages font état de covisibilités réelles des aérogénérateurs avec la maison de Varennes, inscrite au titre des monuments historiques et située à 4 km, depuis la route départementale 940, axe routier du département qualifié de majeur par le pétitionnaire. Depuis le jardin de cette maison, l’intégralité du parc éolien est au demeurant nettement visible. La collégiale Saint-Pierre, inscrite au titre des monuments historiques, entre également en covisibilité avec les ouvrages projetés, ainsi qu’avec le château et la basilique de Châteauneuf-sur-Cher, dans un même rapport d’échelle, depuis le sud-est de Venesmes en empruntant la route venant d’Aiguemorte ou l’itinéraire de grande randonnée Berry-Saint-Amandois. L’intégralité des installations surplombera le château des Vaslins, maison de caractère jugée « digne d’intérêt » par l’unité départementale de l’architecture et du patrimoine, lequel a fait l’objet d’une récente restauration, ainsi que son accès. Il ne résulte pas de l’instruction que les mesures visant à créer une haie en bordure de plateforme des postes de livraison, ou en limite du terrain d’implantation du château, permettra de créer un filtre bocager suffisant pour limiter significativement ces vues.

9. Il résulte de l’instruction que les vues mentionnées au point 8, dont certaines sont franches et avec effet de surplomb, impactent significativement la perception visuelle des monuments ou les perspectives offertes depuis ces sites. La seule circonstance que soient situés, à proximité immédiate de l’aire d’implantation du projet, des éléments d’anthropisation tels que les infrastructures liées aux bourgs avoisinants formées par des lignes électriques et des châteaux d’eau, les lignes électriques de haute tension et les axes de déplacements, n’est pas de nature à remettre en cause l’intérêt des sites architecturaux et leur environnement, ni l’atteinte portée par le parc éolien à ce patrimoine culturel et historique. Par suite, eu égard à la consistance du projet, à son implantation et aux éléments naturels qui ne dissimulent que très partiellement la visibilité des machines, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que le préfet du Cher a fait une inexacte application des dispositions précitées des articles du code de l’environnement et de l’urbanisme en refusant de lui délivrer l’autorisation environnementale sollicitée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Eoliennes des Vaslins n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 23 décembre 2019 par lequel le préfet du Cher a refusé de lui délivrer l’autorisation environnementale qu’elle a sollicitée ni à demander à ce que cette autorisation lui soit délivrée.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d’annulation de la requête de la société Eoliennes des Vaslins, n’appelle aucune mesure d’exécution. Par suite, les conclusions à fin d’injonction présentées par la requérante doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société Eoliennes des Vaslins d’une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L’intervention de l’association Avenir Venesmes Environnement est admise.

Article 2 : La requête de la société Eoliennes des Vaslins est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eoliennes des Vaslins, à la ministre de la transition écologique et à l’association Avenir Venesmes Environnement.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Cher.

Délibéré après l’audience du 23 avril 2021, à laquelle siégeaient :

— M. Célérier, président de chambre,

— Mme Buffet, président assesseur,

— M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2021.

Le rapporteur,

A. Frank

Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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