Cour administrative d'appel de Paris, 19 décembre 2002, n° 98PA03302, 98PA03332

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 19 déc. 2002, n° 98PA03302, 98PA03332
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 98PA03302, 98PA03332
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 8 décembre 1997

Texte intégral

M. A.

N°s 98PA03302 et 98PA03332 REPUBLIQUE FRANCAISE

------------------ SOCIETE B et autres SOCIETE D’ECONOMIE MIXTE DE ROSNY-SOUS-BOIS

----------------- M. MERLOZ Président AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

----------------- M. ALFONSI Rapporteur

----------------- M. A Commissaire du gouvernement

----------------- Séance du 5 décembre 2002 Lecture du 19 décembre 2002

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS

( 4ème chambre B)

VU (I) la requête, enregistrée au greffe le 18 septembre 1998 sous le n° 98PA03302, présentée pour la SOCIETE B, dont le siège est 81, […], […], […], Me Y, demeurant […], agissant en qualité d’administrateur judiciaire de la SOCIETE B, et Me C D, demeurant […], agissant en qualité de représentant des créanciers, par Me GODARD, avocat au barreau de Paris ; la SOCIETE B, Me Y et Me D demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 9 décembre 1997 en tant que ledit jugement premièrement a rejeté sa demande tendant à ce que la société d’Economie mixte de Rosny-sous-Bois (SEMRO) soit condamnée à lui verser une somme de 68.000F hors taxes retenue au titre de pénalités de retard, deuxièmement a fixé le point de départ des intérêts moratoires lui restant dus sur la situation n° 20, sur le décompte général définitif ainsi que sur les sommes de 3.909,60 F et de 163.371,50 F à des dates qu’elle conteste et troisièmement a condamné la SEMRO à lui verser une somme de 5.000 F, qu’elle estime insuffisante, au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Classement CNIJ : 39-08-04-01-01 C+ 39-05-05-02


2 N°s 98PA03302 et 98PA03332

2°) de condamner la SEMRO, d’une part, à leur verser la somme de 68.000 F hors taxes au titre des pénalités de retard, d’autre part, de liquider en premier lieu à 15.664,60 F et 33.665,42 F les intérêts moratoires dus au titre de la situation n°

20 sur les sommes de 148.238,90 F du 8 juin 1989 au 14 février 1990 et de

712.134,40 F du 2 novembre 1989 au 14 février 1990 et, en second lieu à 66.804,07 F et 67.251,71 F les intérêts moratoires dus au titre des deux versions du décompte définitif et, enfin, de porter à 50.000 F la somme mise à la charge de la SEMRO au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

3°) de condamner la SEMRO à leur verser la somme de 10.000 F au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Ils soutiennent que la cour ne doit pas la renvoyer devant la SEMRO pour la liquidation des sommes qui lui sont dues mais statuer sur leur montant, après avoir éventuellement ordonné une mesure d’instruction ; qu’un accord était intervenu entre les parties le 29 juillet 1989 pour ramener le montant des pénalités de retard encourues par l’entreprise de 168.000 F à 100.000 F ; que cet accord ne comportait pas de contrepartie concernant la réduction des intérêts moratoires dus par la SEMRO ; que cet accord de principe liait la SEMRO qui l’a communiqué à l’entreprise ; que la situation n° 20 a fait l’objet de quatre versions successives et le tribunal a retenu la date la plus tardive alors que cette situation porte sur des travaux qui sont bien de février 1989 ; qu’il convient de calculer les intérêts moratoires à retenir pour cette situation de deux façons différentes : pour la deuxième version, réglée à hauteur de

148.238,98 F le 4 juin 1990, du 8 juin 1989 au 14 février 1990 plus quinze jours soit

266 jours, soit 45 jours après la version n° 2 et, pour la troisième version, réglée à hauteur de 860.373,38 F le même jour, du 2 novembre 1989 au 14 février 1990 plus quinze jours soit 119 jours sur la différence entre la situation n° 2 et la situation n° 3,

c’est-à-dire 860.373,38 F moins 148.238,98 F ; que trois versions du décompte général ont été établies à la demande de la SEMRO ; que la somme globale du décompte définitif doit être assortie d’intérêts moratoires à compter non pas du 11 mars 1990 comme l’ont décidé les premiers juges mais à compter du 16 octobre 1989 sur la somme de 532.158,15 F pour la version initiale, du 17 janvier 1990 sur la somme de

225.804,19 F pour le complément apparaissant sur la version n° 2 et du 11 mars 1990 pour le surplus apparaissant dans la dernière version ; que les différentes versions de la situation n° 20 et du DGD sont imputables à la carence de la maîtrise d’œuvre dans la vérification des décomptes ; que les frais irrépétibles exposés en première instance sont très importants et doivent être portés à 50.000F ;

VU (II) la requête, enregistrée au greffe le 4 décembre 1998 sous le

n° 98PA03332, présentée pour la SOCIETE D’ECONOMIE MIXTE DE ROSNY-

SOUS-BOIS (SEMRO), dont le siège est […], […]


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93110 Rosny-sous-Bois, par Me LARTIGUE, avocat au barreau de Paris ; la SEMRO demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 9 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris, a renvoyé la société B, Me Y et Me D devant la SEMRO afin qu’il soit procédé à la liquidation des intérêts moratoires et de la majoration de ces intérêts selon les bases définies par l’article 3 dudit jugement ;

2°) de fixer les bases de liquidation des intérêts moratoires dus par elle à la société B sur les seules sommes payées avec retard qui se rapportent à des travaux n’ayant pas été sous-traités en retenant le taux résultant de l’arrêté ministériel du 31 mai 1997 et en faisant application des stipulations de l’article 3.3.7. du cahier des clauses administratives particulières du marché ;

3°) de condamner Me Y et Me D à lui verser la somme de 10.000 F au titre des frais irrépétibles exposés ;

Elle soutient que sa proposition de ramener forfaitairement les pénalités de retard à 100.000 F était devenue caduque ; que, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, l’article 3.3.7 du cahier des clauses administratives particulières du marché n’a pas constitué une dérogation à l’article 13.23 du cahier des clauses administratives générales ; qu’en effet, il définit les modalités complémentaires de règlement des comptes exigées par l’article 353 du code des marchés publics, lequel prévoit que le marché fixe les termes périodiques ou le terme final ; que le marché fixe seulement ce terme périodique au 15 du mois ; que le cahier des clauses administratives générales travaux lui-même prévoit à l’article 13bis l’information du comptable concernant la transmission de la demande d’acompte au maître d’œuvre pour lui faire prendre date certaine ; que l’article 3.3.7 du cahier des clauses administratives particulières n’étant pas dérogatoire ne pouvait par conséquent être réputé non écrite faute d’avoir été récapitulé comme telle dans le dernier article du cahier des clauses administratives particulières ; que le taux de 14,5 appliqué par le tribunal est le taux des obligations cautionnées sans majoration résultant de l’arrêté du 6 mai 1988 ; que le taux des intérêts moratoires applicable était en vertu de l’arrêté du 17 janvier 1991 modifié par l’arrêté du 17 décembre 1993, le taux légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir majoré de deux points ; que les intérêts moratoires sont désormais calculés sur le montant des sommes toutes taxes comprises payées en retard mais ne sont plus soumis à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l’arrêté du 31 mai 1997 ; que la question se pose dès lors de savoir si le taux de 14,5 % était applicable ou si le tribunal ne devait pas appliquer même d’office le taux découlant de la réglementation actuelle soit le taux légal majoré de deux points ; qu’aucuns des sous-traitants qui disposent pourtant d’une action en paiement direct, ne s’est associé aux demandes de l’entreprise B ; que les intérêts moratoires ne pouvaient être calculés sur des sommes correspondant à la partie sous-traitée du


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marché, les intérêts sur ces sommes constituant pour le titulaire du marché un enrichissement sans cause ;

VU le jugement attaqué ;

VU le mémoire, enregistré le 24 décembre 1998, par lequel Me Y informe la cour qu’il agit désormais en qualité de commissaire à l’exécution du plan ;

VU le mémoire, enregistré le 24 janvier 2000, présenté pour la SOCIETE D’ECONOMIE MIXTE DE ROSNY-SOUS-BOIS (SEMRO) ; la SEMRO demande à la cour de faire droit aux conclusions de sa requête et de rejeter la requête de la SOCIETE B, Me Y et Me D ; elle soutient qu’il n’y a pas eu d’accord sur la forfaitisation des pénalités et que la télécopie du 29 juillet 1989 n’avait pas de valeur contractuelle entre les parties ; que les différentes versions de la situation n° 20 étaient contradictoires et entachées d’erreurs comptables et que la situation déposée le 24 janvier 1990 ne pouvait faire courir des intérêts avant cette date augmentée du délai contractuel, soit à compter du 11 mars 1990 ; qu’elle n’a été en mesure d’établir une situation n° 21 emportant décompte définitif que le 3 août 1990 ; qu’un projet incomplet de décompte général ne constitue pas un document recevable par le maître d’ouvrage comme décompte définitif ; que le mandatement du solde devait intervenir en vertu du cahier des clauses administratives particulières au plus tard à la fin du deuxième mois suivant celui de la notification du décompte général au concepteur ; que le décompte général définitif a été notifié à la SEMRO le 16 août1990 ; que les intérêts moratoires devaient être calculés selon le délai de rigueur contractuel à compter de cette date ; qu’il y avait lieu d’appliquer le taux d’intérêt légal majoré de deux points en vertu de l’arrêté ministériel du 17 décembre 1993 ; que les frais de la mesure d’instruction à laquelle elle ne s’oppose pas devraient être avancés par les demandeurs ; qu’en revanche, leur demande au titre des frais irrépétibles est mal venue ;

VU le mémoire, enregistré le 3 avril 2000, présenté pour la SOCIETE B, Me Y et Me D ; la SOCIETE B, Me Y et Me D demandent à la cour de faire droit aux conclusions de leur requête et de rejeter la requête de la SEMRO ; ils soutiennent qu’il appartenait au maître d’œuvre de corriger le cas échéant la situation n° 20 dont il a demandé de nouvelles versions ;

VU le mémoire, enregistré le 16 octobre 2000, présenté pour la SOCIETE D’ECONOMIE MIXTE DE ROSNY-SOUS-BOIS (SEMRO) ; la SEMRO demande à la cour de faire droit aux conclusions de sa requête et de rejeter la requête de la SOCIETE B, Me Y et Me D ; elle soutient que seule la quatrième version de la situation n° 20 a été signée par le maître d’œuvre ; que l’entreprise a présenté le 6 août 1990 une situation n° 21 correspondant au mois


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d’exécution des travaux mars 1989 qui a été réglée le 13 août et a soldé le marché moins les retenues faites par la maîtrise d’œuvre au titre des réserves ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code des marchés publics ;

VU l’arrêté du 17 janvier 1991 modifié par les arrêtés du 17 décembre 1993 et du 31 mai 1997 ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été averties du jour de l’audience ;

Après avoir en tendu au cours de l’audience publique du 5 décembre 2002 :

- le rapport de M. ALFONSI, premier conseiller,

- et les conclusions de M. A, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, suivant marché conclu le 17 avril 1987, la SOCIETE D’ECONOMIE MIXTE DE ROSNY-SOUS-BOIS (SEMRO) a chargé la SOCIETE B de réaliser une résidence de quatre-vingt logements pour personnes âgées ; que, par le jugement attaqué, rendu le 6 décembre 1997 sur la demande de la SOCIETE B, de Me Y et Me D agissant respectivement en qualité d’administrateur judiciaire et de représentant des créanciers de cette société, le tribunal administratif de Paris a renvoyé la SOCIETE B, Me Y et Me D devant la SEMRO afin qu’il soit procédé à la liquidation des intérêts moratoires et de la majoration de ces intérêts selon les bases définies par son article 3 ; que les deux requêtes susvisées présentées, d’une part, par la SOCIETE B, Me BONDDROIT et Me D et d’autre part, par la SEMRO étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que les dispositions de l’arrêté ministériel du 31 mai 1997 relatif aux intérêts moratoires dus au titre des marchés publics, dont il résulte que le taux des intérêts mandatés à compter du 1er janvier 1997 et qui se rapportent à des marchés dont la procédure de passation a été lancée avant le 19 décembre 1993 est le taux légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir majoré de deux points ne présentent pas un caractère d’ordre public ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la SEMRO, les premiers juges n’ont pas commis d’irrégularité en s’abstenant de faire d’office application de ces dispositions ;


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Considérant qu’il n’est pas établi par les requérants que l’état de l’instruction devant le tribunal administratif permettait aux premiers juges de procéder à la liquidation des intérêts moratoires dus à la société B et de la majoration de ces intérêts ; que, par suite, en renvoyant la SOCIETE B, Me Y et Me D devant la SEMRO pour qu’il soit procédé à cette liquidation suivant les bases qu’il a définies, le tribunal administratif de Paris n’a pas davantage entaché son jugement d’irrégularité ;

Au fond :

Sur les conclusions de la SEMRO :

Considérant qu’aux termes de l’article 318 du code des marchés publics alors applicable : « Les cahiers des charges déterminent les conditions dans lesquelles les marchés sont exécutés. Ils comprennent des documents généraux et des documents particuliers./ Les documents généraux sont : Les cahiers des clauses administratives générales qui fixent les dispositions administratives générales à toute une catégorie de marchés (…)./ Les documents particuliers sont: Les cahiers des clauses administratives particulières propres à chaque marché(…)./Les documents particuliers comportent l’indication des documents généraux auxquels ils dérogent éventuellement » ; que suivant les stipulations de l’article 3-11 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux : « Les pièces constitutives du marché comprennent : – l’acte d’engagement ; – le cahier des clauses administratives particulières ; (…) – le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux » ; qu’aux termes de l’article 3.12 de ce document : « En cas de contradiction ou de différence entre les pièces constitutives du marché, ces pièces prévalent dans l’ordre où elles sont énumérées ci-dessus./ Toutefois, toute dérogation aux dispositions des CCTG ou du cahier des clauses administratives générales qui n’est pas clairement définie et, en outre, récapitulée comme telle dans le dernier article du cahier des clauses administratives particulières est réputée non écrite. Ne constitue pas une dérogation aux CCTG ou au cahier des clauses administratives générales l’adoption, sur un point déterminé, de stipulations différentes de celles qu’indiquent ces cahiers lorsque sur ce point, ceux-ci prévoient expressément la possibilité pour les marchés de contenir des stipulations différentes» ;

Considérant que si, selon les stipulations du premier alinéa de l’article 13.23 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux auquel se réfère le marché litigieux , le mandatement de l’acompte doit intervenir quarante–cinq jours au plus tard après la date à laquelle le projet de décompte est remis par l’entrepreneur au maître d’œuvre, l’article 3.3.7 du cahier des clauses particulières de ce marché relatif à la présentation des décomptes mensuels comporte, pour l’application de l’article 13.23 du cahier des clauses administratives générales, les stipulations particulières suivantes : « Si le projet de décompte mensuel


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afférent aux prestations du mois m est transmis au maître d’œuvre avant le 15 du mois

m+1, le mandatement devra intervenir au plus tard le dernier jour du mois m+2. / Si ledit projet de décompte est transmis après le 15 du mois m+1, il pourra subir un décalage de mandatement d’un mois (dernier jour de m+3) à condition d’être transmis avant le 15 de m+2 sans donner droit aux intérêts moratoires »; que ces stipulations particulières, qui fixent des termes périodiques à partir desquels court le délai de quarante cinq jours pour le mandatement des acomptes, ne sont pas contraires aux stipulations de l’article 353 du code des marchés publics dans la rédaction que lui avait donnée le décret n° 85-1143 du 30 octobre 1985, en vigueur à la date à laquelle le marché a été conclu dès lors que, suivant ledit article ce délai ne court à partir de la réception de la demande du titulaire, appuyée des justifications nécessaires, que dans le cas où le marché n’a pas fixé de tels termes ; qu’en admettant même que ces stipulations clairement définies par le cahier des clauses administratives particulières, qui ont pour objet d’aménager le délai de quarante-cinq jours prévu par le marché pour le mandatement des acomptes en précisant son point de départ, puissent être regardées comme une dérogation aux prescriptions de l’article 13.23 du cahier des clauses administratives générales, la seule circonstance que cette dérogation n’aurait pas été récapitulée comme telle dans le dernier article du cahier des clauses administratives particulières ne permettait pas de la regarder comme dépourvue de validité par application du dernier alinéa de l’article 3.12 du cahier des clauses administratives générales, alors que les dispositions susvisées de l’article 318 du code des marchés publics ne prévoient aucune obligation d’indiquer, à peine de nullité, les documents généraux auxquels dérogent éventuellement les documents particuliers ; que, par suite, en estimant que les dispositions de l’article 3.3.7 du cahier des clauses administratives particulières devaient être réputées non écrites , et en appliquant les seules dispositions de l’article 13-23 du cahier des clauses administratives générales pour définir les périodes à prendre en considération pour la liquidation des intérêts moratoires contractuels dus à la société B sur les situations n° 13, 17, 18 et 19, les premiers juges ont commis une erreur de droit ; que, dans ces conditions, la

SEMRO est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a respectivement fixé à vingt-neuf jours, cent-dix jours, cent- vingt-et-un jours et soixante-quatre jours les retard de paiement ouvrant droit au versement d’intérêts moratoires sur le montant de chacune de ces situations ;

Considérant toutefois qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel d’examiner les moyens soulevés par la SOCIETE

B, Me Y et Me D devant le tribunal administratif de

Paris ;

En ce qui concerne les bases de liquidation des intérêts moratoires contractuels :

Considérant, d’une part, que suivant le cinquième alinéa de l’article 353 du code des marchés publics, « le défaut de mandatement dans le délai prévu aux


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alinéas précédents fait courir de plein droit et sans autre formalité au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant des intérêts moratoires qui sont calculés conformément aux dispositions de l’article 357, à partir du jour suivant l’expiration dudit délai jusqu’au quinzième jour inclus suivant la date de mandatement du principal » ; qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 357 : « Le défaut de mandatement de tout ou partie des intérêts moratoires lors du mandatement du principal entraîne une majoration de

2 p. 100 du montant de ces intérêts par mois de retard. Le retard auquel s’applique le pourcentage de majoration est calculé par mois entiers décomptés de quantième à quantième. Toute période inférieure à un mois est comptée pour un mois entier » ; que, d’autre part, aux termes de l’article 353 du code des marchés publics : « La collectivité ou l’établissement contractant est tenu de procéder au mandatement des acomptes et du solde dans un délai qui ne peut dépasser quarante-cinq jours… » ; qu’en vertu de l’article 355 du même code, ces dispositions s’appliquent aux sous- traitants acceptés et dont les conditions de paiement ont été agréées ; que suivant l’article 359 ter, les mandatements à faire aux sous-traitants sont effectués sur la base des pièces justificatives revêtues de l’acceptation du titulaire ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’entreprise B a transmis à l’appui des décomptes adressés à la SEMRO les pièces justificatives des travaux exécutés par ses sous-traitants sans opposer de refus motivé au paiement direct de ces derniers ; que, par suite, l’entreprise requérante ne peut prétendre au versement d’intérêts moratoires que sur la part des états d’acompte correspondant aux sommes lui revenant, à l’exclusion de celles à payer aux sous-traitants et non mandatées dans les délais prévu par les stipulations du marché ;

Considérant tout d’abord que la situation n° 13 portant décompte des travaux exécutés pendant le mois de juillet 1988 a été reçue le 29 août 1988 ; qu’en vertu des stipulations de l’article 3.3.7 du cahier des clauses administratives particulières, le mandatement de cette situation devait intervenir au plus tard le

31 octobre 1988 ; qu’elle a fait l’objet d’un mandatement dès le 27 octobre 1988 ; qu’ainsi, les intérêts moratoires n’ont pas couru ; qu’en revanche, la situation n° 17 portant décompte des travaux exécutés pendant le mois de novembre 1998 ayant été reçue par le maître d’œuvre le 20 décembre 1988, le mandatement de cette situation devait intervenir au plus tard le 31 mars 1989 ; que si la part des travaux exécutés par les sous-traitants leur a été réglée dans ce délai, la part revenant à l’entreprise B, d’un montant de 1.093.871,86 F toutes taxes comprises a été mandatée le 9 mai seulement ; que la situation n° 18 afférente au mois de décembre 1988 a été reçue le 27 janvier 1989 et devait par suite être mandatée le 31 mars 1989 au plus tard ; qu’elle a été mandatée, suivant la SOCIETE B, le 27 juin 1989 pour la part de 379.987,27 F revenant à l’entreprise principale, les sous-traitants ayant pour leur part été réglés le 11 avril 1989 ; qu’enfin, la situation n° 19 relative au mois de janvier 1989 ayant été reçue par le maître d’œuvre le 24 avril 1989 devait être mandatée le 30 juin 1989 au plus tard et ne l’a été que le 27 juillet 1989 pour le montant de 1.000.626,61 F revenant à l’entreprise principale ; que, dans ces


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conditions, des intérêts moratoires contractuels ont couru au profit de l’entreprise requérante respectivement pour la période comprise entre le 1er avril 1989 et le 24 mai 1989 sur la somme de 1.093.871,86 F, pour la période comprise entre le

1er avril 1989 et le 12 juillet 1989 sur la somme de 379.987,27 F, et, pour la période comprise entre le 1er juillet 1989 et le 11 août 1989 sur la somme de 1.000.626,61 F ; qu’il y a lieu d’appliquer aux intérêts moratoires ainsi décomptés la majoration de

2% par mois de retard calculée sur le montant de ces intérêts prévue par les dispositions susmentionnées de l’article 357 du code des marchés publics ;

En ce qui concerne le taux des intérêts moratoires contractuels :

Considérant qu’en vertu de l’article 181 du code des marchés publics en vigueur à la date du 7 avril 1987 à laquelle le marché litigieux a été conclu et auquel renvoie l’article 357 du même code, le taux et les modalités de calcul prévus aux articles 178, 179, 185 et 186 quater sont fixés par arrêté des ministres chargés de l’économie et du budget, compte tenu de l’évolution du taux d’intérêt des obligations cautionnées ; que, toutefois, aux termes de l’article 50 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1996 : « Le taux des intérêts moratoires applicables aux marchés régis par le code des marchés publics dont la procédure de passation a été lancée avant le 19 décembre 1993 est fixé par voie réglementaire, en tenant compte de l’évolution moyenne des taux d’intérêts applicables de façon usuelle pour le financement à court terme des entreprises. La présente disposition s’applique aux intérêts moratoires non encore mandatés à la date d’entrée en vigueur de la présente loi » ; qu’en l’absence de stipulation contractuelle contraire, le régime des intérêts moratoires applicables au marché litigieux est celui régi par les dispositions réglementaires précitées du code des marchés publics ; que si le décompte général du marché notifié par la personne responsable du marché à l’entreprise comportait des intérêts moratoires contractuels calculés au taux de 14,5 %, ce décompte général n’est pas devenu définitif ; que, par suite, la SEMRO est fondée à soutenir pour la première fois en appel que le taux applicable aux intérêts moratoires dus par elle à la SOCIETE B et non encore mandatés à la date du 1er janvier 1997 doit être ramené au taux d’intérêt légal en vigueur à la date à laquelle ces intérêts ont commencé à courir majoré de deux points, conformément aux dispositions de l’arrêté du 31 mai 1997 pris pour l’application des dispositions législatives susmentionnées ; qu’ainsi, les intérêts moratoires qui ont couru au profit de la SOCIETE B sur les situations n° 17, 18 et 19 sont dus au taux de 9,5 % taux d’intérêt légal applicable jusqu’au 7 septembre 1989 majoré de deux points soit au taux de 11,5 % ;


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Sur les conclusions de la SOCIETE B :

En ce qui concerne le montant des pénalités de retard encourues par la SOCIETE B :

Considérant que la SOCIETE B, Me Y et Me D soutiennent qu’un accord de principe était intervenu avec la SEMRO au cours de la réunion qui s’est tenue le 6 juillet 1989 pour ramener forfaitairement de 168.000 F à la somme de 100.000 F les pénalités de retard encourues par l’entreprise ; que, toutefois, ni la télécopie mentionnant cette somme forfaitaire, adressée le 26 juillet 1989 par la SEMRO à la suite de ladite réunion à l’économiste chargé de la vérification des décomptes au sein du groupement de maîtrise d’œuvre ni aucune autre pièce produite au dossier ne présentaient le caractère d’un document de valeur contractuelle créant des obligations à l’égard de la SOCIETE B ; que, dès lors, la SOCIETE B, Me Y et Me D ne peuvent utilement se prévaloir d’aucune transaction ayant acquis un caractère contractuel pour demander la réduction du montant des pénalités de retard à concurrence de la somme de 68.000 F hors taxes, ni, par suite, la condamnation de la SEMRO à leur verser ladite somme ;

En ce qui concerne les droits de l’entreprise au versement d’intérêts moratoires contractuels sur l’acompte mensuel n° 20 et le solde du marché :

Considérant, en premier lieu, que suivant l’article 13.23 du cahier des clauses administratives générales, si la personne responsable du marché est empêchée, du fait du titulaire ou de l’un de ses sous-traitants, de procéder à une opération nécessaire au mandatement, le délai de mandatement est suspendu pour une période égale au retard qui en est résulté ; qu’aux termes de l’article 13-51 : « Lorsqu’un sous- traitant est payé directement, l’entrepreneur ou le mandataire joint au projet de décompte une attestation indiquant la somme à prélever sur celles qui lui sont dues (…) pour la partie de la prestation exécutée et que la personne responsable du marché devra faire régler à ce sous-traitant (…) Le montant total des mandatements effectués au profit d’un sous-traitant, ramené aux conditions du mois d’établissement des prix du marché ne peut excéder le montant à sous-traiter qui est stipulé dans le marché ou, en dernier lieu l’avenant ou l’acte spécial » ; qu’il résulte de l’instruction qu’après avoir rectifié de sa propre initiative la situation de travaux n° 20 établie le 31 mars 1989, l’entreprise B a remis au maître d’œuvre le 24 avril 1989 une situation n° 20 rectifiée relative aux travaux exécutés au mois de mars 1989, alors que cette situation de travaux devait être établie sur la base du décompte des travaux exécutés pendant le mois de février 1989 ; que si l’entreprise a déposé le 20 septembre 1989 une nouvelle version de cette situation, il résulte de l’instruction que le montant des mandatements à effectuer au profit des sous-traitants excédait le montant à sous- traiter stipulé par les pièces du marché ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la personne responsable du marché s’est trouvée empêchée de procéder


11 N°s 98PA03302 et 98PA03332

au mandatement des sommes dues à l’entreprise titulaire du marché et à ses sous- traitants jusqu’à la date du 24 janvier 1990 à laquelle la SOCIETE B a présenté une version de l’acompte mensuel n°20 établie au titre du mois de février 1989 modifiant la répartition des sommes à verser respectivement à l’entreprise principale et à ses sous-traitants admis au paiement direct; que l’entreprise B a été réglée de cet état d’acompte mensuel le 14 février 1990 ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que des intérêts moratoires contractuels ont couru avant cette date sur le montant de cet acompte ;

Considérant, en second lieu, que les stipulations de l’article 10 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché d’architecture et d’ingénierie conclu avec le groupement de concepteurs chargé de la maîtrise d’œuvre de l’opération et invoquées en défense par la SEMRO sont étrangères au marché de travaux en litige ; qu’en vertu de l’article 13-42 du cahier des clauses administratives générales, applicable au marché litigieux, « le décompte général signé par la personne responsable du marché doit être notifié à l’entrepreneur par ordre de service (…) quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final… » ; qu’aux termes des stipulations de l’article 13-43 du même document : « Le mandatement du solde doit intervenir dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général pour les marchés dont le délai contractuel d’exécution est inférieur à six mois. Ce délai est de deux mois pour les marchés dont le délai contractuel d’exécution est supérieur à six mois » ; que s’il résulte de ces stipulations que les intérêts moratoires sur le montant du solde du marché courent à l’expiration du délai de quarante-cinq jours compté à partir de la date à laquelle le décompte général aurait du au plus tard être notifié à l’entreprise, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, qu’en l’espèce, le décompte général et définitif ne pouvait être notifié à la SOCIETE B avant la date du 24 janvier 1990 à laquelle elle a remis au maître d’oeuvre un état d’acompte mensuel des travaux du mois de février 1989 permettant de procéder aux opérations de mandatement de cet acompte ; qu’il suit de là que la SOCIETE

B, Me Y et Me D ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a refusé de leur accorder des intérêts moratoires contractuels sur le solde du marché pour la période antérieure au 11 mars 1990 ;

En ce qui concerne les frais exposés en première instance par la

SOCIETE B, Me Y et Me D et non compris dans les dépens :

Considérant qu’en limitant à 5.000 F la somme que, sur le fondement de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel alors en vigueur, la SEMRO a été condamnée à verser à la SOCIETE B, ainsi qu’à Me Y et Me D au titre des frais exposés par eux à l’occasion de la première instance, les premiers juges ont fait une exacte application des circonstances de l’espèce ;


12 N°s 98PA03302 et 98PA03332

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que la SEMRO, qui n’est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, soit condamnée à payer à la SOCIETE B, Me Y et Me D la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu, en application de ces dispositions, de condamner la SOCIETE B, Me Y et Me D à payer à la SEMRO les somme qu’elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La SOCIETE B, Me Y et Me D sont renvoyés devant la SEMRO afin qu’il soit procédé le cas échéant, à la liquidation des intérêts moratoires contractuels restants dus à la SOCIETE B au taux de 11,5% en premier lieu, sur la somme de 1.093.871,86 F pour la période comprise entre le 1er avril 1989 et le 24 mai 1989 inclus au titre de la situation n° 17, en deuxième lieu, sur la somme de 379.987,27 F pour la période comprise entre le 1er avril 1989 et le 12 juillet 1989 inclus au titre de la situation n° 18, et, en troisième lieu sur la somme de 1.000.626,61 F pour la période comprise entre le 1er juillet 1989 et le 11 août 1989 inclus au titre de la situation n° 19 ainsi qu’à la liquidation d’une majoration de 2% par mois de retard calculée sur le montant des intérêts moratoires ainsi décomptés.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 9 décembre 1997 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête n° 98PA03302 présentée par la SOCIETE B, Me Y et Me D est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de la SEMRO tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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Cour administrative d'appel de Paris, 19 décembre 2002, n° 98PA03302, 98PA03332