CAA de PARIS, 1ère chambre, 29 décembre 2017, 15PA02157, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 1re ch., 29 déc. 2017, n° 15PA02157
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 15PA02157
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 26 mars 2015, N° 1403714
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036378261

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Moovment a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 2 516 769,90 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de la délivrance le 23 septembre 2011 d’un permis de construire pour la réhabilitation d’un bâtiment à usage commercial sis 14 rue Saint-Merri et 3 rue Pierre-au Lard (4e arrondissement), ultérieurement annulé par jugement du tribunal administratif de Paris.

Par un jugement n° 1403714 du 27 mars 2015, le tribunal administratif de Paris a condamné la Ville de Paris à verser à la société Moovment la somme de 23 752,70 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 mai 2015 et des mémoires enregistrés les 17 juillet 2015, 14 octobre 2016, 11 octobre 2017 et 2 novembre 2017, la société Moovment, représentée par Me B…, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement n° 1403714 du 27 mars 2015 du tribunal administratif de Paris en tant qu’il a limité à la somme de 23 752,70 euros le montant du préjudice dont elle demande l’indemnisation, et de porter ce montant à la somme de 2 971 198,56 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable adressée à l’administration, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

2°) de mettre à la charge de la ville de Paris le versement d’une somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le jugement est insuffisamment motivé, en violation de l’article L. 9 du code de justice administrative ;

 – la délivrance d’un permis de construire illégal constitue un acte fautif qui appelle la réparation intégrale des préjudices qui en ont résulté ; elle n’a commis aucune faute de nature à atténuer la responsabilité de la ville de Paris ;

 – le tribunal a abusivement limité la période de responsabilité alors que l’annulation du permis de construire a causé sa mise en redressement judiciaire ;

 – les préjudices qu’elle a subis sont les suivants : 192 670,65 euros au titre des frais bancaires, 69 166,92 euros au titre des frais d’études et de constitution du dossier de demande du permis de construire, 881 443,42 euros au titre des dépenses de travaux engagés, 49 978,22 euros au titre des frais de communication et de publicité, 12 000 euros au titre des frais de personnel, 165 980 euros au titre de la conclusion du bail et des loyers versés, 79 385,89 euros au titre des frais administratifs et de gestion, 1 291 680 euros au titre du manque à gagner, 50 000 euros au titre du préjudice moral et d’image, 178 893,46 euros au titre du préjudice résultant de la procédure de mise en redressement judiciaire.

Par des mémoires en défense enregistrés le 29 mars 2016 et le 31 octobre 2017, la ville de Paris, représentée par Me Phelip, conclut :

1°) par la voie de l’appel incident, à la réformation du jugement n° 1403714 du 27 mars 2015 du tribunal administratif de Paris afin de fixer à la moitié, au lieu des deux tiers, sa part de responsabilité dans la survenue du préjudice, et en modifiant en conséquence le montant des sommes allouées à la société Moovment ;

2°) au rejet de l’ensemble des conclusions de la requête de la société Moovment :

3°) à ce qu’il soit mis le versement de la somme de 5 000 euros à la charge de la société Moovment en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

 – la part d’atténuation de sa responsabilité doit être portée à 50 % eu égard aux fautes commises par la victime, en sa qualité de professionnelle du secteur ;

 – la requérante ne justifie pas du montant des préjudices qu’elle invoque, qui d’ailleurs ne trouvent pas leur origine dans l’annulation du permis de construire en cause, mais dans la seule imprudence de la victime.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’urbanisme ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Diémert,

 – les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

 – les observations de Me Nicolas, avocat de la société Moovment, et Me Phelip, avocat de la ville de Paris.

Une note en délibéré, présentée pour la société Moovment, a été enregistrée le 26 décembre 2017.

1. Considérant que la société Moovment, qui exploite le restaurant Le Who’s au 14 rue Saint-Merri, a pris à bail un local commercial situé dans l’immeuble mitoyen 14 rue

Saint-Merri /1-3 rue Pierre-au-Lard, autrefois utilisé comme galerie d’art, qu’elle a entrepris de réaménager pour y développer une activité de bar-club ; qu’elle a déposé à cette fin le 2 mars 2011 une demande de permis de construire ; que le permis de construire tacite né le 2 septembre 2011 a été confirmé par le permis de construire explicite délivré par le maire de Paris le 23 septembre 2011 ; que l’exécution du permis tacite du 2 septembre 2011 a été suspendue par le juge des référés du tribunal administratif de Paris le 2 décembre 2011 ; que ce permis tacite, ensemble le permis explicite du 23 septembre 2011, ont été annulés par un jugement de ce tribunal administratif en date du 31 décembre 2012 ;

2. Considérant que la société Moovment a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser une indemnité de 2 500 000 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de la délivrance de ces permis de construire illégaux ; que, par un jugement du 27 mars 2015, ce tribunal a retenu la responsabilité pour faute de la ville de Paris, en l’atténuant à hauteur du tiers en raison de la faute de la victime, et a condamné la ville de Paris à verser à la société Moovment la somme de 23 752,70 euros ; que la société relève appel de ce jugement devant la Cour et demande, dans le dernier état de ses écritures, la condamnation de la ville de Paris à l’indemniser à hauteur d’un montant de 2 971 198,56 euros, assorti des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable adressée à l’administration, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ; que, par la voie de l’appel incident, la ville de Paris demande que l’indemnité qu’elle a été condamnée à verser soit diminuée ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés » ;

4. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le tribunal administratif de Paris a suffisamment explicité les motifs pour lesquels il estimait que la responsabilité de la ville de Paris était atténuée par celle de la société Moovment et que la période de responsabilité ne s’étendait que de la délivrance du permis de construire illégal à sa suspension ; que le moyen tiré de l’irrégularité du jugement du fait de son insuffisante motivation doit être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur la responsabilité :

5. Considérant que la délivrance d’un permis de construire irrégulier constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune envers le bénéficiaire de ce permis ; que toutefois cette responsabilité est susceptible d’être atténuée par les fautes qu’a pu commettre le demandeur en présentant sa demande ;

6. Considérant que, pour annuler, par son jugement du 31 décembre 2012, les permis de construire tacite et explicite délivrés en septembre 2011 par la ville de Paris à la société Moovment, le tribunal administratif de Paris a estimé que le café-bar ne serait pas accessible aux engins de secours dans les conditions de sécurité prévues par les articles CO1, CO2 et CO4 du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public et que ni la ville de Paris ni le pétitionnaire ne justifiaient que des atténuations à ces prescriptions auraient été consenties, faute de produire tant l’avis conforme de la commission interdépartementale de la protection civile requis dans un tel cas par l’article R. 123-13 du code de la construction et de l’habitation que les demandes écrites comportant des justifications aux atténuations sollicitées et les mesures nécessaires pour les compenser qui auraient dû précéder un tel avis ; que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé qu’en présentant un dossier de demande de permis de construire incomplet, la société Moovment a commis une faute de nature à diminuer d’un tiers la responsabilité de la ville de Paris ; que, toutefois, l’annulation du permis de construire n’est pas justifiée par le caractère incomplet du dossier mais par la méconnaissance des règles de sécurité applicables aux établissements recevant du public ; que, dans les circonstances de l’espèce, eu égard notamment à la complexité de la réglementation applicable, il ne résulte pas de l’instruction que la société Moovment ne pouvait ignorer le caractère irrégulier de son projet, qui a d’ailleurs reçu le 28 avril 2011 un avis favorable de la délégation permanente de la commission de sécurité de la préfecture de police, et ce nonobstant sa qualité de professionnelle de l’organisation d’évènements et de spectacles de la nuit ; que, par suite, elle n’a pas commis de faute de nature à atténuer la responsabilité encourue par la ville de Paris pour avoir irrégulièrement autorisé la construction du café-bar ; que, par suite, elle est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif lui a imputé une part de responsabilité dans la survenue du dommage résultant de la délivrance de ce permis de construire illégal ;

Sur l’indemnisation du préjudice :

7. Considérant que la société Moovment ne peut prétendre qu’à l’indemnisation des dépenses vainement engagées entre le 2 septembre 2011, date à laquelle est né le permis de construire tacite, et la date de notification de l’ordonnance du 2 décembre 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu l’exécution de cette autorisation ; qu’elle n’est pas fondée en revanche à solliciter l’indemnisation des préjudices qui ne résultent pas de manière directe et certaine de la délivrance du permis de construire illégal ; qu’en particulier, elle ne saurait prétendre à l’indemnisation des préjudices résultant de l’impossibilité de concrétiser son projet de transformation de l’immeuble, dès lors que cette impossibilité ne résulte pas de la décision fautive du maire de Paris mais de l’illégalité de ce projet, non conforme aux prescriptions du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public ;

En ce qui concerne les frais bancaires :

8. Considérant qu’il ressort des justificatifs produits que les charges d’emprunt et les frais de courtier pour l’obtention du crédit ont été souscrits avant l’obtention du permis de construire illégal ; que cette ouverture de crédit, qui visait à financer un premier projet pour lequel le maire de Paris a refusé de délivrer un permis de construire le 10 janvier 2011, n’est pas la conséquence de la délivrance irrégulière du permis du 2 septembre 2011 ; qu’elle ne saurait donner lieu à indemnisation ;

En ce qui concerne les frais d’études et de constitution du dossier de demande de permis de construire et les frais d’affichage :

9. Considérant que les frais d’études et de constitution du dossier de permis de construire, qu’il s’agisse de la rémunération des architectes, des bureaux d’études ou des frais d’impression des plans, sont antérieurs à la délivrance du permis irrégulier et auraient été engagés alors même que la ville de Paris aurait, comme elle le devait, opposé un refus à la demande ; qu’ils ne peuvent dès lors être indemnisés ; que les premiers juges ont à juste titre accordé à l’appelante l’indemnisation des frais d’affichage du permis de construire, qui comprennent la confection du panneau soit 110,30 euros et les cinq constats d’huissier intervenus entre le 2 septembre 2011 et la date de notification de l’ordonnance de référé du 2 décembre 2011, pour 1 250 euros, soit la somme totale de 1 360,30 euros ; que si la société Moovment fait valoir qu’elle a exposé le 22 décembre 2011 le coût d’un sixième constat d’huissier, soit 250 euros, elle ne démontre pas que ce constat était nécessaire à la préservation de ses droits postérieurement à la suspension du permis de construire ; que les frais engagés, postérieurement à l’annulation le 31 décembre 2012 du permis de construire irrégulier, pour la constitution d’un nouveau dossier de demande de permis de construire ne sont pas en lien avec la faute qu’a commise la ville de Paris en septembre 2011 en délivrant un permis illégal mais résultent de la non-conformité du projet initial de la société Moovment aux règles applicables ; qu’ils ne peuvent donc faire l’objet d’une indemnisation ;

En ce qui concerne les dépenses d’exécution des travaux et de remise en état des lieux :

10. Considérant que les premiers juges ont retenu une indemnisation d’un montant total de 30 734,57 euros correspondant à des travaux d’électricité, de dépose de doublages thermiques et de murs et d’évacuation des gravats facturés entre le 22 septembre et le 18 octobre 2011 ; que, contrairement à ce que soutient la ville de Paris, la société Moovment n’a pas commis d’imprudence fautive en commençant ces travaux sans attendre le jugement des recours déposés contre le permis de construire qu’elle venait d’obtenir ; que la société ne démontre pas qu’elle a exposé, au titre de la facture du 13 octobre 2011 de la société AMB, des dépenses supérieures aux 13 970,36 euros retenus par les premiers juges et qu’elle a réglés par chèque selon les mentions portées sur cette facture ; que les autres travaux dont justifie la société Moovment par la production de nombreuses factures ont été réalisés en septembre 2010, novembre 2010, décembre 2010 ou avril 2011 et ne peuvent donc être en lien avec la délivrance du permis de construire en septembre 2011 ; qu’enfin, si la société produit en appel un devis de 374 274,80 euros dressé le 15 avril 2016 et intitulé « réfection de locaux conformes à l’existant bureau et galerie d’art », elle ne démontre nullement que ces travaux seraient les travaux nécessaires pour la remise des lieux dans leur état antérieur à la délivrance du permis de construire délivré en septembre 2011 et annulé par la suite ; que les conclusions présentées par l’appelante tendant à ce que la Cour porte le montant de l’indemnisation de ce chef de préjudice à 881 443,42 euros doivent donc être écartées ;

En ce qui concerne les frais de communication et de publicité liés au projet :

11. Considérant que le tribunal administratif, après avoir jugé que la société Moovment est fondée à demander l’indemnisation des frais de communication et de publicité engagés pendant la période de responsabilité de la ville destinés à faire connaitre l’établissement, pour autant que ces frais soient justifiés, lui a accordé au titre de ce chef de préjudice une indemnisation d’un montant total de 3 534,18 euros correspondant à cinq factures, dès lors que, eu égard à leur objet et leur montant modeste, ces dépenses ne révèlent pas, contrairement à ce que soutient la ville, une imprudence qui priverait la requérante de son droit à indemnisation ; qu’en revanche, les premiers juges ont écarté les autres demandes d’indemnisation au titre du même chef de préjudice, en estimant que les autres factures, soit sont trop imprécises pour qu’il soit possible de déterminer le contenu des dépenses auxquelles elles se rapportent, soit correspondent à des dépenses engagées en dehors de la période de responsabilité de la ville et ne sont donc pas la conséquence de la délivrance des permis de construire irréguliers, soit semblent avoir servi à la promotion du restaurant Le Who’s, soit correspondent au financement d’une campagne destinée à contrebattre l’argumentation des opposants au projet ; que, devant la Cour, l’appelante ne démontre pas plus qu’en première instance que la facture Noche Prod de 478,18 euros correspond à une insertion dans la presse en lien avec le permis de construire irrégulier, faute de produire copie de la publicité insérée ; que les frais engagés mensuellement auprès de l’agence de communication « l’agence verte » pour « maintenir les liens avec les journalistes » ou fournir un « conseil stratégique en cas de mobilisation des associations » sont sans lien direct avec la délivrance du permis de construire illégal ; qu’à supposer que les frais, d’un montant de 7 176 euros pour la partie communication et d’un montant total de 9 313,61 euros pour la partie sonorisation, éclairage et décor, qui ont été facturés en octobre 2011 pour l’organisation d’une soirée de « remerciements » résultent comme soutenu de la délivrance du permis de construire, il n’est pas démontré que ces dépenses auraient été engagés en vain dès lors qu’il n’est pas soutenu que les prestations en cause auraient été réglées pour une soirée qui ne s’est pas tenue ; que la fourniture de prestations téléphoniques ou les frais de communication engagés avant la délivrance du permis de construire illégal sont sans lien avec la délivrance fautive de celui-ci ;

En ce qui concerne les frais de personnel :

12. Considérant que si la société Moovment soutient avoir supporté des frais pour le licenciement d’un membre de son personnel recruté pour l’exploitation du nouveau bar club et demande à ce titre d’être indemnisée à hauteur de 12 000 euros, il résulte de l’instruction que la personne licenciée a été recrutée en 2008, soit à une date bien antérieure à la délivrance du permis annulé, si bien que la nécessité de la licencier ne résulte pas de l’illégalité commise par la ville en délivrant le permis de construire mais de l’absence de conformité du projet de la société aux règles d’urbanisme ; qu’il s’ensuit qu’elle n’est pas fondée à demander à être indemnisée de ce chef de préjudice ;

En ce qui concerne la conclusion du bail et des loyers versés :

13. Considérant que si la société Moovment soutient avoir engagé des frais au titre de la conclusion du bail et des loyers versés et demande à ce titre à être indemnisée à hauteur de 165 980 euros, il est constant que le bail a été conclu dès le 1er juin 2009 antérieurement au permis illégalement délivré si bien que les frais de bail, les charges de copropriété et les loyers de l’immeuble, qui étaient dus que le permis soit délivré ou non, sont sans lien avec la délivrance illégale du permis de construire et n’entrent pas au nombre des préjudices indemnisables ;

En ce qui concerne les frais administratifs et de gestion :

14. Considérant que si la société Moovment réclame une indemnisation à hauteur de la somme de 79 385,89 euros au titre de ce chef de préjudice, il ne résulte pas de l’instruction que les frais administratifs et de gestion exposés durant la période allant de janvier 2011 à novembre 2012, ainsi que la conclusion le 1er septembre 2011 d’un contrat portant sur une mission d’analyse stratégique et d’audit du groupe, présentent avec la délivrance du permis de construire irrégulier un lien suffisamment direct pour donner lieu à indemnisation ;

En ce qui concerne le manque à gagner :

15. Considérant que la société Moovment demande l’indemnisation, à hauteur de la somme de 1 291 680 euros, du manque à gagner résultant de la perte des bénéfices qu’elle aurait dû percevoir si elle avait pu mener à bien son projet ; que, toutefois, la perte de bénéfices dont la société requérante fait état ne résulte pas de la délivrance irrégulière du permis de construire, mais de l’impossibilité dans laquelle elle s’est trouvée de concrétiser son projet d’ouverture d’établissement ; que cette impossibilité résultant de l’incompatibilité entre la demande qu’elle avait présentée et les exigences de sécurité et non d’une faute de l’administration, elle n’est pas fondée à demander une indemnisation à ce titre ;

En ce qui concerne du préjudice moral et d’image :

16. Considérant que la société Moovment demande l’indemnisation, à hauteur de la somme de 50 000 euros, du préjudice moral et d’image que lui aurait causé l’attitude des autorités de la ville de Paris à l’égard de son projet ;

17. Considérant que si la société requérante soutient avoir fait l’objet d’une campagne de dénigrement de la part du maire du IVème arrondissement, il ne ressort pas de l’instruction que, notamment, les propos, au demeurant sur un ton modéré, tenus par cette élue à l’occasion de la réunion du conseil d’arrondissement du 6 décembre 2010, à l’occasion de laquelle elle a exprimé ses préoccupations à l’égard du projet de l’appelante, auraient excédé la liberté d’expression et de critique dont dispose un élu relativement à une affaire suscitant des oppositions dans le voisinage immédiat de l’implantation de l’établissement de nuit envisagé ; qu’en tout état de cause, la faute ainsi reprochée à la ville de Paris est sans lien avec la délivrance du permis de construire irrégulier ; qu’il ne ressort pas davantage de l’instruction que la ville de Paris aurait organisé la divulgation vers la presse d’informations à connotation négative sur l’appelante ;

En ce qui concerne la procédure de mise en redressement judiciaire :

18. Considérant que la société Moovment demande l’indemnisation, à hauteur de la somme de 178 893 euros, du préjudice qu’elle estime avoir subi en raison de sa mise en redressement judiciaire, dont elle impute la survenue à l’abandon de son projet, consécutif à l’annulation du permis de construire irrégulier ; que, toutefois, à supposer que le redressement judiciaire présente un lien de causalité avec l’annulation dudit permis, survenue quatre ans auparavant, l’abandon du projet ne résulte pas de la faute commise par la ville de Paris en délivrant un permis de construire illégal mais de l’absence de conformité du projet de la société aux règles d’urbanisme ; que l’appelante, qui en outre ne justifie pas du montant par elle réclamé au titre de l’indemnisation du préjudice qu’elle invoque, n’est donc pas fondée à en demander réparation à la ville de Paris ;

19. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le préjudice indemnisable total subi par la société Moovment du fait de la décision illégale de la ville de Paris s’élève, comme l’ont retenu les premiers juges, à la somme totale de 35 629,05 euros ; que la société Moovment est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a retenu qu’elle avait commis une faute exonératoire et a laissé à sa charge une partie de ce préjudice ; qu’en revanche, l’appel incident de la ville de Paris doit être rejeté ;

Sur les intérêts :

20. Considérant que la société Moovment a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 35 629,05 euros à compter du 13 novembre 2013, date de réception de sa demande préalable par la ville de Paris ;

Sur les intérêts des intérêts :

21. Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 27 mai 2015 ; qu’à cette date, il était dû au moins une année d’intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l’article 1154 devenu 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur les frais de procédure :

22. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties fondées sur les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


DÉCIDE :

Article 1er : L’indemnité que la ville de Paris a été condamnée à verser à la société Moovment par le jugement n° 1403714 du 27 mars 2015 du tribunal administratif de Paris est portée à 35 629,05 euros. Cette indemnité portera intérêts à taux légal à compter du 13 novembre 2013. Les intérêts échus à la date du 29 mai 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.


Article 2 : Le jugement n° 1403714 du 27 mars 2015 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Moovment et les conclusions incidentes de la ville de Paris sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Moovment et à la ville de Paris.

Délibéré après l’audience du 14 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Nguyên-Duy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 décembre 2017.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,
M. A…

La République mande et ordonne au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 15PA02157

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