CAA de PARIS, 8ème chambre, 11 avril 2022, 21PA04356, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 8e ch., 11 avr. 2022, n° 21PA04356
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 21PA04356
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Melun, 23 juin 2021, N° 1907178 et 1907179
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045550678

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C E a demandé au Tribunal administratif de Melun d’annuler la décision du 26 avril 2019 B laquelle le président du conseil départemental de Seine-et-Marne a prononcé son licenciement pour faute grave ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux et d’enjoindre au conseil départemental de Seine-et-Marne de la réintégrer dans ses fonctions d’assistante familiale à compter de la date à laquelle son contrat a pris fin dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir.

M. G E a demandé au Tribunal administratif de Melun d’annuler la décision du 26 avril 2019 B laquelle le président du conseil départemental de Seine-et-Marne a prononcé son licenciement pour faute grave ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux et d’enjoindre au conseil départemental de Seine-et-Marne de le réintégrer dans ses fonctions d’assistant familial à compter de la date à laquelle son contrat a pris fin dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir.

B un jugement n°s 1907178 et 1907179 du 24 juin 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

I. B une requête enregistrée le 30 juillet 2021, M. G E, représenté B Me Trouvé, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n°s 1907178 et 1907179 du 24 juin 2021 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d’annuler la décision du 26 avril 2019 B laquelle le président du conseil départemental de Seine-et-Marne a prononcé son licenciement pour faute grave ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux et d’enjoindre au conseil départemental de

Seine-et-Marne de le réintégrer dans ses fonctions d’assistant familial à compter de la date à laquelle son contrat a pris fin dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge du conseil départemental de Seine-et-Marne la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision a été prise B une autorité incompétente ;

— la lettre de licenciement est imprécise quant aux faits reprochés et insuffisamment motivée ;

— le licenciement lui été annoncé à l’occasion de l’entretien préalable au licenciement ;

— il ne connaît pas les motifs de son licenciement ;

— les faits et manquements reprochés ne sont pas établis.

B un mémoire en défense enregistré le 7 février 2022, le conseil départemental de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés B le requérant ne sont pas fondés.

II. B une requête enregistrée le 30 juillet 2021, Mme C E, représentée B Me Trouvé, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n°s 1907178 et 1907179 du 24 juin 2021 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d’annuler la décision du 26 avril 2019 B laquelle le président du conseil départemental de Seine-et-Marne a prononcé son licenciement pour faute grave ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux et d’enjoindre au conseil départemental de

Seine-et-Marne de la réintégrer dans ses fonctions d’assistante familiale à compter de la date à laquelle son contrat a pris fin dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge du conseil départemental de Seine-et-Marne la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la décision a été prise B une autorité incompétente ;

— la lettre de licenciement est imprécise quant aux faits reprochés et insuffisamment motivée ;

— le licenciement lui été annoncé à l’occasion de l’entretien préalable au licenciement ;

— elle ne connaît pas les motifs de son licenciement ;

— les faits et manquements reprochés ne sont pas établis.

B un mémoire en défense enregistré le 7 février 2022, le conseil départemental de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés B la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’action sociale et des familles ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Ho Si Fat,

— les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1 M. G E et Mme C E ont conclu en juin 2001 et mars 2007 avec le département de Seine-et-Marne des contrats d’assistants familiaux pour l’accueil de jeunes mineurs. B lettres du 21 février 2019, ils ont été informés que le service départemental de l’accueil familial avait été destinataire d’éléments préoccupants relatifs à la prise en charge des enfants qui étaient confiés à M. E et qu’une procédure de licenciement était envisagée à leur encontre. B deux décisions du 26 avril 2019, notifiées le 27 avril suivant, le président du conseil départemental de Seine-et-Marne a procédé à leur licenciement pour faute grave. Ils ont introduit le 6 mai 2019 des recours gracieux à l’encontre de ces décisions qui ont été rejetés B des décisions du 21 juin 2019. M. et Mme E ont alors demandé au Tribunal administratif de Melun d’annuler ces décisions de licenciement et d’enjoindre au conseil départemental de Seine-et-Marne de les réintégrer dans leurs fonctions. B jugement n°s 1907178 et 1907179 du 24 juin 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. M. et Mme E relèvent appel de ce jugement.

2. Les requêtes n°s 21PA04356 et 21PA04358 présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu, B suite, de les joindre pour y statuer B un seul arrêt.

Sur la légalité des décisions attaquées :

3. En premier lieu, M. et Mme E soutiennent que les décisions de licenciement ont été prises B une autorité incompétente. Toutefois, ainsi que l’ont relevé à juste titre les premiers juges, le président du conseil départemental de Seine-et-Marne a, B un arrêté du

11 août 2017 régulièrement publié, donné délégation de signature à Mme D F, directrice de la direction « Enfance Adolescence Famille » à la direction générale de la solidarité, pour signer notamment les décisions relatives à l’aide sociale à l’enfance, qui comprennent les licenciements des assistants familiaux. B suite, le moyen tiré de l’incompétence du signataire des décisions attaquées doit être écarté.

4. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que les lettres de licenciement qui leur ont été notifiées sont imprécises quant aux faits reprochés et insuffisamment motivées. Toutefois, il résulte de l’instruction qu’elles comportent les considérations de droit et les circonstances de fait, et en particulier les pratiques inadaptées et les faits de maltraitance reprochés à M. E à l’encontre des enfants accueillis et l’abstention de Mme E qui ne pouvait ignorer le comportement de ce dernier, qui en constituent le fondement. B suite, le moyen tiré de l’insuffisance de la motivation des décisions attaquées doit être écarté.

5. En troisième lieu, M. et Mme E soutiennent que les lettres de licenciement ne précisent ni la nature, ni la date des faits reprochés, que les faits reprochés ne sont pas établis et ne sauraient justifier un licenciement pour faute grave, que le conseil départemental se fonde sur des évaluations et des rapports datés de 2008 ou 2013 basés sur des accusations calomnieuses qui ont donné lieu à un classement sans suite et que les décisions de licenciement sont entachées d’erreurs de droit et d’appréciation.

6 Aux termes de l’article L. 421-2 du code de l’action sociale et des familles : « L’assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s’insère dans un dispositif de protection de l’enfance, un dispositif médico-social ou un service d’accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues B les dispositions du présent titre ainsi que B celles du chapitre III du présent livre, après avoir été agréé à cet effet. L’assistant familial constitue, avec l’ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d’accueil » et aux termes de l’article L. 421-3 du même code, l’agrément nécessaire pour exercer la profession d’assistant familial est délivré B le président du conseil départemental où le demandeur réside « si les conditions d’accueil garantissent la sécurité, la santé et l’épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne ».

7 B ailleurs, aux termes de l’article R. 422-20 du même code : « Les sanctions disciplinaires susceptibles d’être appliquées aux assistantes et assistants maternels sont : () 3° Le licenciement » et aux termes de l’article L. 423-10 du même code, rendu applicable aux assistants familiaux employés B des personnes morales de droit public B l’article L. 422-1 du même code : « L’employeur qui envisage, pour un motif réel et sérieux, de licencier un assistant maternel ou un assistant familial qu’il emploie depuis trois mois au moins convoque celui-ci et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail. Au cours de l’entretien, l’employeur est tenu d’indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. L’employeur qui décide de licencier un assistant maternel ou un assistant familial relevant de la présente section doit notifier et motiver sa décision dans les conditions prévues à l’article L. 1232-6 du code du travail ».

8. Il ne résulte pas de l’instruction, et notamment du compte rendu de l’entretien préalable au licenciement de M. E du 13 mars 2019, que les décisions de licenciement auraient été déjà prises le jour de l’entretien préalable, mais que M. E a simplement été informé, à l’issue de cet entretien, qu’un licenciement pour faute grave était envisagé à son encontre compte tenu des manquements constatés. A cet égard, il y a lieu de relever que le courriel qui lui a été adressé le 19 mars 2019 se borne à lui indiquer que la procédure de licenciement est en cours. B suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce que les décisions de licenciement auraient été prises selon une procédure irrégulière.

9. Il résulte des dispositions rappelées aux points 6 et 7 du présent arrêt qu’il incombe au président du conseil départemental de s’assurer que les conditions d’accueil garantissent la sécurité, la santé et l’épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l’agrément si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l’hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l’épanouissement d’un enfant A la part du bénéficiaire de l’agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis B eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis et d’apprécier si ces comportements permettent le maintien du contrat de l’assistant familial ou justifient un licenciement, le cas échéant pour faute grave.

10. En l’espèce, il résulte de l’instruction, et notamment de l’entretien préalable au licenciement de M. E, que ce dernier a reconnu avoir manqué à ses obligations professionnelles en ne communiquant pas au référent Aide sociale à l’enfance chargé du suivi éducatif des membres d’une fratrie confiés à ses soins des informations claires et régulières sur les difficultés et l’évolution des enfants concernés ou leurs besoins et en communiquant avec plusieurs mois de retard des informations importantes sur leurs difficultés relationnelles et leur comportement en milieu scolaire. B ailleurs, M. E a omis volontairement de donner son médicament à un enfant qui lui était confié « pour montrer comment il est vraiment » lorsqu’il ne prend pas son traitement, mettant ainsi en danger la santé et la sécurité de ce dernier. Il résulte en outre de l’instruction que certains enfants avaient pu être accueillis dans des chambres non chauffées, qu’ils avaient fait l’objet de restrictions alimentaires et qu’ils n’avaient accès aux douches que trois jours B semaine, et que M. E a des comportements inadaptés et violents vis-à-vis des enfants consistant à marcher régulièrement sur leurs pieds, à leur mettre des « coups de pied aux fesses » et en guise de « punitions » à les mettre dehors la nuit en pyjama. Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur de droit, ni d’erreur d’appréciation que le président du conseil départemental de Seine-et-Marne a pu considérer que le comportement de M. E ainsi que l’abstention de Mme E d’y mettre fin étaient susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l’épanouissement des enfants placés au domicile des requérants et décider de les licencier pour faute grave, la circonstance que la procédure pénale engagée en 2013 pour des manquements du même type ait fait l’objet d’un classement sans suite étant à cet égard dépourvue d’incidence.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, B le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du conseil départemental de Seine-et-Marne, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que Mme et M. E demandent au titre des frais qu’ils ont exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme et M. E et au conseil départemental de Seine-et-Marne.

Délibéré après l’audience du 21 mars 2022, à laquelle siégeaient :

— M. Le Goff, président de chambre,

— M. Ho Si Fat, président assesseur,

— Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public B mise à disposition au greffe le 11 avril 2022.

Le rapporteur,

F. HO SI FAT Le président,

R. LE GOFFLe greffier,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°s 21PA04356 et 21PA04358

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