CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 30 décembre 2022, 20TL04343, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Toulouse, 2e ch., 30 déc. 2022, n° 20TL04343
Juridiction : Cour administrative d'appel de Toulouse
Numéro : 20TL04343
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Sur renvoi de : Conseil d'État, 10 avril 2022
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000046930324

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A B a demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler l’arrêté du 4 mai 2018 par lequel le préfet du Gard a déclaré d’utilité publique le projet de réalisation d’un complexe sportif et la cessibilité des propriétés ou parties de propriétés nécessaires à sa réalisation, sur la commune de Bouillargues.

Par un jugement n° 1802284 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l’arrêté du 4 mai 2018 du préfet du Gard.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2020 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille sous le n° 20MA04325, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d’appel de Toulouse sous le n° 20TL04325, et un mémoire enregistré le 10 octobre 2022 et non communiqué, la commune de Bouillargues, représentée par ELEOM Avocats, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 22 septembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) de mettre à la charge de Mme B une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le jugement est entaché d’une erreur de fait et d’une erreur d’appréciation : l’autorité environnementale a parfaitement pris en compte les lieux pour déduire que le projet n’avait pas à être soumis à une étude d’impact, en sollicitant le respect de prescriptions tendant à réduire les potentielles incidences sur la faune et la flore, le secteur du projet étant parfaitement connu puisqu’une enquête publique avait été réalisée récemment ;

— à titre subsidiaire, par la voie de l’effet dévolutif de l’appel, les moyens tirés de l’incompétence de l’auteur de l’acte, de l’irrégularité de la procédure en l’absence d’étude d’impact, de l’absence de déclaration de projet en violation des dispositions de l’article L. 122-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et de l’absence d’utilité publique du projet, ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2022, Mme A B, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la commune de Bouillargues la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la commune de Bouillargues ne sont pas fondés, et reprend ses moyens soulevés devant le tribunal administratif de Nîmes.

Par ordonnance du 19 septembre 2022, la clôture d’instruction a été fixée au 11 octobre 2022.

II. Par un recours, enregistré le 25 novembre 2020 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille sous le n° 20MA04343, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d’appel de Toulouse sous le n° 20TL04343, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la cour d’annuler ce jugement du 22 septembre 2020.

Elle soutient que :

— le jugement est entaché d’irrégularité en ce qu’il ne comporte aucune signature, en méconnaissance de l’article R. 741-7 du code de justice administrative ;

— il est entaché d’erreur de droit en ce qu’il s’est prononcé au vu des dispositions de l’article L. 191-1 du code de l’environnement qui sont inapplicables en l’espèce ;

— il est insuffisamment motivé et entaché d’erreur d’appréciation en ce qu’il a considéré que l’absence de réalisation d’une étude d’impact avait privé le public d’une garantie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2022, Mme A B, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut au rejet du recours et demande de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que l’appel est tardif et que les moyens soulevés par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ne sont pas fondés, et reprend ses moyens soulevés devant le tribunal administratif de Nîmes.

Par un mémoire, enregistré le 11 octobre 2022 et non communiqué, la commune de Bouillargues, représentée par ELEOM Avocats, reprend ses conclusions et moyens développés dans sa requête enregistrée sous le n° 2004325.

Par ordonnance du 19 septembre 2022, la clôture d’instruction a été fixée au 11 octobre 2022.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a attribué à la cour administrative d’appel de Toulouse le jugement de la requête de la commune de Bouillargues et du recours du ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

— le code de l’environnement ;

— le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

— et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 4 mai 2018, le préfet du Gard a déclaré d’utilité publique le projet de réalisation du complexe sportif « Les Aiguillons » situé sur le territoire de la commune de Bouillargues, et a autorisé la commune de Bouillargues à acquérir à l’amiable ou, s’il y a lieu, par voie d’expropriation, les propriétés ou parties de propriétés nécessaires à la réalisation de ce projet. La commune de Bouillargues et la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales relèvent appel du jugement du 22 septembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes qui a annulé l’arrêté du 4 mai 2018 du préfet du Gard.

2. La requête de la commune de Bouillargues et le recours de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sont dirigés contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l’article R. 741-7 du code de justice administrative : « Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d’audience ».

4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé par la rapporteure, le président de la formation de jugement ainsi que par le greffier d’audience, conformément aux prescriptions de l’article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l’ampliation du jugement qui a été notifié au ministre de l’intérieur et au ministre de la transition écologique et solidaire ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

5. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés ». Il résulte de l’examen du jugement attaqué qu’il précise les motifs pour lesquels la décision de l’autorité environnementale du 1er mars 2017 de ne pas soumettre le projet à évaluation environnementale est intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 122-1, R. 122-2 et R. 122-3 du code de l’environnement et a dès lors entaché l’arrêté du 4 mai 2018 d’une irrégularité dans la procédure suivie. Par suite, le moyen tiré de l’irrégularité du jugement attaqué en raison de son insuffisance de motivation doit être écarté.

6. En troisième lieu, le moyen tiré de l’erreur de droit qu’ont commise les premiers juges en ce qu’ils ont fait mention à tort des dispositions de l’article L. 191-1 du code de l’environnement qui sont inapplicables au projet contesté se rattache au bien-fondé du jugement et non à sa régularité.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

7. Aux termes de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à l’espèce : « () II.- Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine font l’objet d’une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d’entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l’autorité environnementale ()/ IV.- Lorsqu’un projet relève d’un examen au cas par cas, l’autorité environnementale est saisie par le maître d’ouvrage d’un dossier présentant le projet afin de déterminer si ce dernier doit être soumis à évaluation environnementale () ». Le I de l’article R. 122-2 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que : « Les projets relevant d’une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l’objet d’une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l’article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. () ». La rubrique 39 de ce tableau, relative aux travaux, constructions et opérations d’aménagements, dans sa rédaction alors applicable, soumet, s’agissant des travaux, ouvrages, aménagements ruraux et urbains, à la procédure de l’évaluation environnementale les « Opérations d’aménagement dont le terrain d’assiette est supérieur ou égal à 10 ha, ou dont la surface de plancher au sens de l’article R. 111-22 du code de l’urbanisme ou l’emprise au sol au sens de l’article R. 420-1 du code de l’urbanisme est supérieure ou égale à 40 000 m2. », et à la procédure de l’examen au cas par cas les « Opérations d’aménagement dont le terrain d’assiette est compris entre 5 et 10 ha, ou dont la surface de plancher au sens de l’article R. 111-22 du code de l’urbanisme ou l’emprise au sol au sens de l’article R. 420-1 du code de l’urbanisme est comprise entre 10 000 et 40 000 m2. ». La rubrique 41 a) de ce tableau, relative aux aires de stationnement ouvertes au public, dépôts de véhicules et garages collectifs de caravanes ou de résidences de loisirs, dans sa rédaction alors applicable, soumet à la procédure de l’examen au cas par cas les aires de stationnement ouvertes au public de 50 unités et plus.

8. L’article R. 122-3 du même code dispose, dans sa rédaction applicable à l’espèce : « I.- Pour les projets relevant d’un examen au cas par cas en application de l’article R. 122-2, le maître d’ouvrage décrit les caractéristiques de l’ensemble du projet () ainsi que les incidences notables que son projet est susceptible d’avoir sur l’environnement et la santé humaine. Il décrit également, le cas échéant, les mesures et les caractéristiques du projet destinées à éviter ou réduire les effets négatifs notables de son projet sur l’environnement ou la santé humaine ()/ IV.- L’autorité environnementale () examine, sur la base des informations fournies par le maître d’ouvrage, si le projet doit faire l’objet d’une évaluation environnementale au regard des critères pertinents de l’annexe III de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement./ L’autorité environnementale indique les motifs qui fondent sa décision au regard des critères pertinents de l’annexe III de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, et compte tenu le cas échéant des mesures et caractéristiques du projet présentées par le maître d’ouvrage et destinées à éviter ou réduire les effets négatifs notables de celui-ci sur l’environnement et la santé humaine () ».

9. Il ressort des pièces du dossier que l’opération projetée par la commune de Bouillargues, qui couvre un terrain d’assiette d’un peu moins de 10 hectares en vue de la réalisation d’un complexe sportif multigénérationnel et comprend également un parc de stationnement d’une capacité de 150 places pouvant être étendue à 200 places, est soumise à un examen au cas par cas au regard des dispositions mentionnées aux points 7 et 8. L’autorité environnementale, saisie le 26 janvier 2017 par la commune de Bouillargues et dont le dossier a été déclaré complet le 10 février suivant, a décidé le 1er mars 2017 de ne pas soumettre le projet à étude d’impact. Il ressort toutefois des mentions portées dans cette décision de l’autorité environnementale que celle-ci a considéré que les impacts prévisibles du projet sur l’environnement étaient susceptibles d’être « significatifs », compte-tenu de son emprise globale et de sa situation sur un secteur de friches agricoles potentiellement concerné par les espèces déterminantes de la zone de protection spéciale « Costières Nîmoises », espèces protégées auxquelles la réalisation des travaux est susceptible de porter atteinte. Au regard de ces considérations, l’autorité environnementale ne pouvait pas décider de dispenser cette opération située à 800 mètres d’une zone de protection spéciale et à proximité de la zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique de type 1 « Plaine Manduel et Meynes », d’une évaluation environnementale, en se bornant à préconiser des mesures visant à réduire ces impacts potentiels, consistant en l’adaptation du calendrier des travaux afin d’éviter les périodes de reproduction des espèces protégées, notamment l’outarde canepetière et l’oedicnème criard, et le suivi du chantier par un écologue. Ni la circonstance que la décision de l’autorité environnementale figurait dans le dossier de l’enquête publique, ni celle qu’une précédente enquête publique a été réalisée en juillet 2015 dans le cadre de l’élaboration du plan local d’urbanisme, laquelle exposait d’ailleurs que la zone allait consommer des terres agricoles favorables aux espèces de la directive, ne permettaient de dispenser l’opération projetée d’une évaluation environnementale. Cette absence d’étude d’impact a dès lors privé le public d’une information complète et a pu influer sur le sens de la décision. Elle est ainsi de nature à justifier l’annulation de l’autorisation contestée.

10. Par ailleurs, aux termes de l’article L. 191-1 du code de l’environnement : « Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un plan ou un programme mentionné au 1° de l’article L. 122-5, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration, la modification ou la révision de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le plan ou programme reste applicable./ Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. ». Si les premiers juges ont fait mention à tort de ces dispositions qui sont inapplicables au projet contesté, ils ont cependant estimé qu’en l’espèce, il n’y avait pas lieu de faire usage de l’invitation à régulariser qu’elles prévoient. Par suite, cette mention est sans incidence sur le bien fondé du motif d’annulation retenu et le moyen tiré de l’erreur de droit entachant le jugement doit être écarté comme inopérant.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir, que la commune de Bouillargues et la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l’arrêté du 4 mai 2018 du préfet du Gard.

Sur les frais d’instance :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Bouillargues et de l’Etat le versement de la somme de 750 euros chacun à Mme B en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

13. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que Mme B, qui n’a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de Bouillargues la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E  :

Article 1er : La requête de la commune de Bouillargues et le recours de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sont rejetés.

Article 2 : L’Etat et la commune de Bouillargues verseront à Mme B la somme de 750 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la commune de Bouillargues et à Mme A B.

Copie en sera adressée pour information à la préfète du Gard.

Délibéré après l’audience du 13 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°20TL04325, 20TL04343

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