CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 09PA05313

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 1er juin 2009
Précédents jurisprudentiels : 11 juillet 2008 M. E F, n° 306140
25/06/2004, Société C D et Cie, n° 234687
CE 12/01/2004, M. Z, n° 243558
CE 5/12/2005 Mme Y, n° 278183
TA de Caen du 7 octobre 1980

Texte intégral

N° 09PA05313 M. A X
Audience du 14 mars 2011
Lecture du 28 mars 2011
CONCLUSIONS de Mme Anne SEULIN, Rapporteur public M. B X, né le […], a été blessé le 17 octobre 1975 alors qu’il n’était âgé que de 9 ans par l’explosion d’une mine, dans les environs de Touissit, au Maroc, non loin de la frontière entre le Maroc et l’Algérie. Cette explosion a provoqué l’éclatement du globe occulaire droit et nécessité l’énucléation de cet œil et a blessé l’œil gauche, dont la vue a sensiblement diminué.
Trente ans après, M. X a présenté le 3 novembre 2005 auprès de l’Etat français une demande indemnitaire en réparation du préjudice subi en soutenant que la mine avait été déposée par l’armée française à l’époque du protectorat français au Maroc.
Par une décision du 19 décembre 2005, le ministre de la défense a opposé une décision de refus au motif que lorsque l’accident s’était produit, en 1975, le Maroc et l’Algérie avaient déjà accédé à l’indépendance de sorte que l’indemnisation ne pouvait relever de l’Etat français. M. X a contesté cette décision par une requête enregistrée le 17 février 2006 au TA de Bordeaux, qui l’a transmise au TA de Paris.
Le ministre de la défense a opposé la prescription quadriennale dans son mémoire en défense du 15 avril 2006 puis par une décision distincte du 30 mai suivant. Par un jugement du 2 juin 2009, le tribunal administratif de Paris a accueilli l’exception de prescription quadriennale et rejeté la demande de M. X.
C’est le jugement dont M. X fait aujourd’hui appel.
Nous vous proposerons de confirmer la solution des premiers juges de sorte qu’il ne sera pas nécessaire de se prononcer sur les fins de non recevoir opposées par le ministre de la défense.
1. M. X soutient d’abord que la décision lui opposant la prescription quadriennale ne lui est pas opposable car elle ne lui a jamais été notifiée.
L’article 7 de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 indique que la prescription quadriennale doit être opposée « avant que la juridiction se soit prononcée sur le fond ».
Par une décision de section du 25/06/2004, Société C D et Cie, n°234687, au Recueil, le Conseil d’Etat a rappelé que l’exception de prescription quadriennale pouvait valablement être opposée dans le cadre d’une action en référé et qu’elle ne devait donc pas figurer obligatoirement dans un mémoire produit dans le cadre d’une instance au fond ou dans une décision individuelle expresse adressée au créancier.
Mais en l’espèce, la prescription a été valablement opposée à deux reprises à M. X, avant que la juridiction se soit prononcée sur le fond : elle a été opposée dans le mémoire en défense signé de l’ordonnateur enregistré le 15 avril 2006 au tribunal administratif de Paris et par une décision expresse du 30 mai 2006, qui a valablement été notifiée à M. X comme l’atteste l’accusé de réception joint au dossier.
Le moyen ne pourra donc être accueilli.
Ensuite, vous constaterez que la décision expresse du 30 mai 2006 vise les textes sur lesquels elle se fonde, notamment la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 et le décret n°98-81 du 11 février 1998 et qu’elle énonce les considérations de faits spécifiques à M. X, tenant notamment à la date de son accident et à la date de sa demande indemnitaire préalable, de sorte que le moyen tiré du défaut de motivation ne pourra prospérer.
Enfin, cette décision ayant été prise à la suite d’une demande indemnitaire faite par M. X, l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 n’était pas applicable en vertu des termes mêmes de la loi.
2. Au fond, M. X soutient qu’il n’était âgé que de neuf ans lors de l’accident, qu’il a vécu une situation de handicap durant toute son adolescence, que le simple accès à la majorité ne saurait avoir opéré une soudaine prise de conscience, que son indigence et sa nationalité ont également concouru à l’ignorance de la créance détenue à l’encontre d’un Etat étranger et que l’absence de précédent jurisprudentiel établissant la responsabilité de l’Etat français dans un cas similaire a également scellé l’ignorance légitime du bénéfice d’une quelconque créance.
Aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : « Sont prescrites au profit de l’Etat, des départements et des communes (…) toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis » et aux termes de l’article 3 de la même loi : « La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l’intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l’existence de sa créance (…) ».
Dans un arrêt du 11 juillet 2008 M. E F, n°306140 publié au recueil, le Conseil d’Etat a rappelé que le point de départ de la prescription quadriennale est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l’origine du dommage ou du moins de disposer d’indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l’administration.
S’agissant de dommages corporels survenus du fait d’un accident, la créance est rattachable à l’année du fait dommageable dès lors que le montant de la créance est déterminable dès ce moment.
En l’espèce, M. X est très peu disert sur l’infirmité dont il reste atteint et sur les conséquences de celle-ci, se bornant à évoquer une infirmité irrémédiable. Il ressort de l’instruction que la perte de l’œil droit de M. X a été constatée dès l’année 1975, en conséquence de l’explosion de la mine, tandis que dès cette année également, il a été constaté une diminution de la vue de l’œil gauche. Nous estimons donc que la victime connaissait l’existence et l’étendue de son dommage dès l’année 1975 et que le montant de la créance était déterminable dès cette année.
Par ailleurs, M. X ne peut vous opposer le fait qu’il était mineur au moment des faits car l’article 3 vise expressément le cas où l’action serait engagée par le représentant légal, en l’occurrence les parents de M. X : TA de Caen du 7 octobre 1980 Leguillasse, publié au Recueil Lebon p 546.
Or, s’agissant de l’explosion d’une mine, soit du matériel militaire, les parents de M. X devaient nécessairement savoir que c’était l’Etat qui était responsable, peu important à ce moment là que ce soit l’Etat français ou l’Etat marocain, sans que puisse être opposée ici l’état de pauvreté de la famille compte tenu du caractère très particulier de l’accident.
Le fait également qu’il n’y a pas de précédent jurisprudentiel ne permet pas de faire regarder M. X ou ses représentants légaux comme ayant pu légitimement ignorer l’existence de la créance. Le Conseil d’Etat en a jugé ainsi s’agissant d’un fonctionnaire auquel l’administration refusait un droit sur le fondement d’une interprétation des textes ultérieurement infirmée par une décision juridictionnelle : CE 5/12/2005 Mme Y, n°278183, aux tables.
Nous vous proposerons donc de considérer que le délai de prescription quadriennale a commencé à courir le 1er janvier 1976 et qu’il est venu à expiration le 31 décembre 1979.
Il s’ensuit que M. X ne pouvait, 30 ans après la survenue de l’accident, demander réparation à l’Etat français et que le ministre de la défense a pu, à bon droit, lui opposer la prescription quadriennale pour rejeter sa demande indemnitaire (voir par ex sur les conséquences liées à l’explosion d’une mine en Algérie en 1958 : CE 12/01/2004, M. Z, n°243558).
PCMNC au rejet de la requête de M. X.
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